Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

Hotspots, barbelés, opération Eunavfor med, … la guerre aux migrant-es s’intensifie. Les luttes et les solidarités doivent se propager et s’amplifier ! & Brèves des frontières #5, luttes et solidarité – mi novembre 2015

Hotspots, barbelés, opération Eunavfor med, … la guerre aux migrant-es s’intensifie.
Les luttes et les solidarités doivent se propager et s’amplifier !

Chaque jour, les États européens annoncent la mise en place de nouvelles mesures répressives contre les migrant-es. Les rencontres entre dirigeants se multiplient, des accords de coopération sont passés, des moyens financiers sont débloqués. L’armée est déployée en Méditerranée et le long des frontières, les murs s’érigent en Hongrie, en Bulgarie, des nouveaux camps d’enfermement ouvrent en Italie, en Grèce, dans les Balkans…

L’Union européenne déclare hypocritement qu’elle fait face avec humanité à la situation de milliers de personnes qui essaient et/ou réussissent à rejoindre l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. En réalité, la situation à laquelle les migrant-es sont confronté-es est celle d’une guerre menée par les États européens.

En Méditerranée, l’opération militaire conjointe Eunavfor med continue. Après une première phase de « reconnaissance » la phase 2, rebaptisée « opération Sophia », permet aux forces militaires d’arraisonner en pleine mer les navires de migrant-es ainsi que de détruire les bateaux sur les côtes libyennes qui pourraient être utilisés par des passeurs. Six bateaux de guerre européens (italiens, français, allemand, britannique et espagnol) et 1300 militaires sont mobilisés pour cette opération qui est comme toujours présentée comme une lutte contre le trafic d’êtres humains et une action humanitaire pour empêcher les naufrages. Mais cette opération s’inscrit dans la continuité de dizaines d’autres, menées depuis des années au large de l’Europe par l’agence de surveillance des frontières Frontex et a en réalité pour but d’empêcher les migrant-es d’atteindre les côtes européennes et d’arrêter et d’enfermer ceux/celles qui y parviennent.
Pendant ce temps, les naufrages continuent. Les conséquences de ces opérations, ce sont les mêmes que depuis des années : des routes de plus en plus dangereuses, donc de plus en plus de mort-es (près de 5 000 personnes ont trouvé la mort en tentant de rejoindre le territoire européen depuis janvier 2014, plus 30 000 depuis vingt ans), et des tarifs de plus en plus cher, car la loi des passeurs est celle de l’économie capitaliste : plus c’est compliqué et risqué, plus c’est cher.
À travers ses politiques répressives, l’Europe enrichie ceux qu’elle prétend combattre et assassine ceux/celle qu’elle prétend sauver.
À terme, une troisième phase de cette opération prévoit des opérations au sol, notamment en Libye.

Dans les Balkans, à l’Est de l’Europe, des murs sont construits, l’armée se déploie le long des frontières pour empêcher les migrant-es de passer et les contenir dans des camps d’enfermement où ils/elles sont trié-es, identifié-es et autorisé-es au compte-goutte à passer ici où là.
Après la Hongrie, qui a érigé deux murs de barbelés à ses frontières avec la Serbie et la Croatie, l’Autriche, la Slovénie et la Macédoine envisagent à leur tour d’en construire. Aux confins de l’Europe, les murs anti-migrant-es se font de plus en plus nombreux et de plus en plus barbares : les pieux et les lames de rasoir sont là pour mutiler quiconque aurait l’audace de tenter le franchissement.
En Slovénie ou en Hongrie, l’armée est déployée le long des frontières et a ordre de tirer. En octobre, un migrant afghan a été tué par balle par les gardes frontière bulgares alors qu’avec un groupe il tentait de passer la frontière à pied.

En se parant d’un vernis humanitaire, l’Union européenne joue la division entre bon et mauvais migrant-es et annonce qu’elle va accueillir 160 000 réfugié-es sur deux ans, dans le cadre du « Programme européen de relocalisation ». Ces « bon réfugié-es » doivent maintenant être répartis entre les 28 pays de l’UE, comme on se réparti des sacs de merde. Mais n’en doutons pas, ceux/celles qui seront choisit seront ceux/celles qui occupaient une situation sociale aisée dans le pays qu’ils ont fui, ceux/celles qui seront « intégrables » et « utiles » pour l’économie capitaliste : diplomates, journalistes, médecins, universitaires, etc.
Le versant de ce « programme de relocalisation », c’est le « plan d’action pour le retour », qui prévoit l’expulsion de 400 000 personnes. Cette politique d’expulsion massive sera confiée à l’agence européenne Frontex qui voit son budget et son champ d’action élargi, avec la création d’une unité spéciale expulsions.

Pour mener à bien cette politique de « gestion des flux migratoires », des « centres d’identification et de tri », appelés hotspots, sont ouverts, pour l’instant à titre expérimental en Italie et en Grèce. Ces prisons pour étrangers, comme il en existe déjà à travers tout le continuent européen et au-delà, sont coorganisés par les agences européennes Frontex (surveillance et blocage des frontières), Europol (coordination des polices européennes), Eurojust (coordination judiciaire européennes) et EASO (coordination de la politique d’asile) et servent de lieux de tri entre les « bon réfugié-es » qui auront le droit à l’asile et les « mauvais migrant-es » qui seront expulsé-es vers leur pays d’origine ou des pays tiers. Toutes les procédures d’identification et de gestion des migrant-es y sont menées : prises d’empreintes, fichage dans les bases de données européennes (EURODAC), enquêtes sur les réseaux de passeurs, expulsions collectives. La photographie et la prise d’empreinte digitale sont fondamentales dans ce système dont l’objectif est de ficher et de trier. Il est prévu que les migrant-es refusant de s’y soumettre fassent l’objet de mesures coercitives.
À travers la mise en place de ces camps l’UE veut contenir les migrant-es aux portes de l’Europe, les empêcher de continuer leur voyage vers d’autres pays et faciliter les expulsions. Des négociations sont en cours, notamment avec la Turquie, afin d’ouvrir des hotspots dans les pays frontaliers, dits « tampons » et externaliser la gestion et l’enfermement des migrant-es.
Depuis des années, les États d’Europe délèguent leur politique répressive aux pays frontaliers afin de bloquer les migrant-es en amont. L’Europe apporte un soutien financier et matériel à de nombreux pays en échange de leur coopération à la gestion des frontières européennes.

À l’opposé, partout en Europe, personnes migrantes et personnes solidaires s’organisent collectivement pour passer les frontières, déjouer les contrôles, trouver des logements et exiger des papiers pour tou-te-s (ou pour personne). Des solidarités concrètes et auto-organisées se mettent en place allant à l’encontre des logiques caritatives et humanitaires, qui sont une énième forme d’oppression et de contrôle. L’humanitaire n’est qu’une autre facette de la répression des migrantes, car il créé un rapport de domination entre la personne qui donne et celle qui reçoit, reléguée à une position subalterne, dépossédée de toute autonomie. Mais personne n’est dupe et ne se laisse aveugler par les discours et les promesses des businessmans de la charité.
Partager un repas, échanger des informations pratiques, écrire et diffuser un journal sur les luttes et les expériences communes, organiser des manifestations, résister aux rafles et aux expulsions, passer les frontières, occuper un bâtiment vide, etc., sont autant de pratiques qui abattent les murs qui nous séparent et tendent vers des rapports d’égalité et d’échange, à l’encontre des logiques paternalistes et racistes dans lesquelles le pouvoir veut nous enfermer.
Aujourd’hui plus que jamais, alors que cette guerre s’intensifie et que dans toute l’Europe, le pouvoir réprime et traque celles et ceux qui lui prouvent chaque jour que sa forteresse n’est pas si bien gardée, nous devons être solidaires des luttes auto-organisées des migrant-es et multiplier réflexions et initiatives contre le contrôle, les frontières et les États.

Novembre 2015

 

Brèves des frontières #5, luttes et solidarité – mi novembre 2015

Paris (France). Le 6 novembre, les juges ont rendu leur verdict et condamné 4 personnes, 3 militant-es et un réfugié traducteur, suite à l’accusation de séquestration portée par Emmaüs après le mouvement de protestation contre les conditions de vie au centre Pernety :

La solidarité avec les migrant-es condamnée !!

4 mois de prison avec sursis et 1600 euros à verser aux parties civiles ainsi que 200 euros d’amende pour refus de prélèvement ADN, voilà le verdict pour les trois personnes qui étaient venues soutenir des migrant-es en grève de la faim dans un centre d’hébergement Emmaüs et le traducteur. La justice veut faire des exemples et dissuader la solidarité avec les migrant-es.
Depuis plusieurs mois, migrant-es et personnes solidaires luttent pour des logements, des papiers et la liberté de circulation. Manifestations, rassemblements, occupation de bâtiments, de rues, de places… s’enchaînent sans faiblir. En dépit de la répression et des pressions policières, des mensonges médiatiques et des fausses promesses de la Mairie destinées à casser le mouvement, rien ne parvient à enrayer la détermination des migrant-es et des personnes solidaires.

Dans les centres d’hébergement aussi, des mouvements de protestation ont lieu. Le 1er en date, le 4 août dernier, a lieu dans le centre d’hébergement Emmaüs situé dans le centre de rétention de Vincennes. Les migrant-es occupent les locaux et obtiennent satisfaction de leurs revendications : amélioration des conditions d’hébergement et suivi des démarches administratives. Quelques jours plus tard, au centre Pernety le 12 août, les migrant-es sont en grève de la faim car aucune promesse faite par la Mairie, l’Ofpra et FTDA, n’est tenue. Pas de suivi administratif, pas droit de visite, suivi médical aléatoire, pas de cours de français, peu de tickets de métro… Ils et elles prennent contact avec trois personnes solidaires qui viennent constater la situation et tentent de rendre public leur mouvement. Un sit-in dans le hall de l’ancien hôtel a lieu ; le personnel Emmaüs appelle la direction et Bruno Morel (directeur d’Emmaüs) décide qu’il s’agit d’ « une séquestration », appelle la police pour embarquer tout le monde. Deux occupations en quelques jours… pas question de laisser passer. Forces gendarmes mobiles déboulent dans l’immeuble, « sécurisent les lieux » et puis embarquent les 4 personnes extérieures à la structure. Embarquer les migrant-es, ça fait mauvais genre. C’est parti pour 65 heures de privation de liberté et de pressions policières. Pendant ce temps-là, alors même que le personnel d’Emmaüs se refusait à écouter les revendications des migrant-es, le suivi administratif se met miraculeusement en place, la qualité de la nourriture s’améliore. La solidarité n’aura pas été vaine !

À mesure que les campements puis le Lycée Jean Quarré sont expulsés, de plus en plus de migrant-es se retrouvent en centres d’hébergement et en découvrent la réalité. Des lieux où les personnes hébergées sont infantilisées, dépossédées de leur vie où les conditions matérielles sont souvent exécrables. Des lieux de relégation pour disperser, isoler et casser toute organisation collective. Pourtant dans ces centres d’hébergement, les mouvements de protestation se multiplient comme à Place de Clichy ou à Champcueil. Et les travailleurs sociaux y jouent parfois aux flics. Ainsi, au formule 1 de Saint-Ouen géré par le groupe SOS, « entreprise sociale », alors qu’un migrant refuse de quitter le centre et menace de se suicider, un travailleur social ne trouve rien de mieux que d’appeler les flics. Le migrant reçoit deux coups de tazer à bout portant et doit être conduit à l’hôpital.

Place de la république les migrant-es luttent pied à pied contre la pression policière depuis près de 15 jours pour maintenir leur campement. La Mairie voudrait bien les voir disparaître mais ils et elles sont déterminé-es à rester visibles et à se faire entendre. Sur cette belle place toute refaite, leur campement est éminemment dérangeant. Un « désordre visuel » a dit la flicaille. Et bien amplifions donc le désordre ! Et soyons solidaires des migrant-es qui restent debout, ces survivants de la guerre que leur livrent la France et l’Europe, ici à Paris, à Calais, en Méditerranée.

Ni la répression et l’intimidation policières ni leurs supplétifs judiciaires n’entameront pas notre détermination ! Source

Le même jour, une 60aine de personnes se sont rassemblées devant la préfecture boulevard Ney, où se fait l’enregistrement des demandes d’asile, contre le système Dublin. Ce règlement prévoit qu’une personnes ne peut déposer sa demande d’asile dans le pays de son choix si elle a été identifiée avant dans un autre pays (prise d’empreinte, enregistrement dans la base de donnée Eurodac). Voici l’appel au rassemblement : Stop au règlement Dublin !

Le soir, un rassemblement était appelé par les migrant-es du campement de la place de la République : « Nous faisons appel à vous pour se rassembler avec nous vendredi soir à 20H00 pour résister avec nous pour mettre les tentes et les bâches et soutenir nos revendications ». 500 personnes ont répondu présentes et des bâches et tentes ont pu être installées sans que les flics ne puissent intervenir.

Depuis le 24 octobre, le campement a été systématiquement détruit ou empêché de s’installer par les flics, dans une opération de harcèlement quotidien. Le soir la police empêchent de tendre des bâches, arrachent les banderoles, et le matin, elle vient réveiller tout le monde à coup de lampe dans la figure et de coups de pieds dans les matelas. Ce harcèlement quotidien vise à détruire les personnes moralement et physiquement pour qu’elles renoncent à rester ensemble, à s’organiser et à revendiquer des papiers et des logements pour tou-te-s.

Déjà, le 2 novembre, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté, migrant-es et solidaires, de la place de la République à celle du Châtelet, dans une ambiance solidaire et déterminée.

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Le 13 novembre, mairie et police sont venus « évacuer » les migrant-es et expulser le campement. Des flics et des travailleurs sociaux ont emmené dans des bus une partie des migrant-es vers des centres d’hébergement dont ils/elles ne connaissaient pas la destination (comme d’habitude), tandis que ceux/celles resté-es sur la place, une cinquantaine de personnes, se sont ensuite fait chassé-es. Les camions de la propreté de la ville ont tout nettoyé, place nette, et encore une opération de dispersion réussie pour les autorités ! Voir le texte Évacuation des migrants de République : bricolage et impasse.

Une nouvelle manifestation etait appelée pour le 15 novembre, mais elle a été interdite suite aux attentats du 13 novembre.

 

Saint-Denis (France). Lundi 9 novembre, plusieurs migrants hébergés dans un foyer Adoma suite à l’expulsion du lycée Jean Quarré devaient être expulsés du centre. Un piquet de solidarité a été organisé le jour même et les 11 personnes qui devaient être expulsées ont finalement pu ré-intégrer le foyer en attendant qu’une autre solution d’hébergement soit trouvé.

Voici le communiqué rédigé par les migrant-es du centre :

« Nous sommes migrants, nous sommes plus que 35 en tout, des maghrébins, des soudanais. Demain nous allons être 11 à la rue comme beaucoup après l’expulsion du lycée Jean Quarré (la préfecture avait annoncé qu’il y a aurait au moins un mois d’hébergement pour tous, c’était le 24 octobre). Nous étions ensemble au lycée Jean Quarré; beaucoup sont demandeurs d’asile. Ce que nous voulons c’est d’être toujours là, rester au foyer et d’avoir la régularisation pour tous. »

 

Triel-sur-Seine (France). Le 7 novembre au matin, 40 fascistes ont investit le toit d’un centre d’hébergement dans la ville de Triel-sur-Seine pendant plusieurs heures. Ce centre a été ouvert après l’expulsion du lycée occupé Jean Quarré en octobre. Déjà, quelques jours auparavant un migrant s’était fait agressé en sortant de la station RER. Rapidement, plusieurs personnes de la ville et des environs se sont rassemblées devant le centre pour exprimer leur solidarité avec les migrant-es.

Mais dans le centre, géré par la Croix-rouge, les problèmes ne sont pas seulement les fascistes. Comme dans beaucoup d’autres, aucun suivit des procédures de demande d’asile n’est mis en place et les conditions de vie y sont dures : éloignement de Paris, manque de soins pour les personnes malades, gestion carcérale par les personnels de la Croix-rouge et les vigiles, avec des cartes pour entrer et sortir, un appel quotidien et des fouilles des chambres, etc. Depuis la veille, une partie des migrant-es avaient entamé une grève de la faim et fait des banderoles qui ont été déployées dans l’après midi. Une négociation s’en est suivit avec le directeur général de la Croix-rouge qui a du infléchir sur un certain nombre de revendications.

Dans les alentours, un réseau de solidarité s’est mis en place et a appelé à un rassemblement/rencontre solidaire devant l’entrée du centre le 11 novembre. Une cinquantaine de personnes étaient présentes.

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Nantes (France). Un squat de migrant-es a été attaqué à coup de cocktails molotov dans la nuit du 7 au 8 novembre. Les 10 et 14 novembre, deux manifestations ont été appelées en pour affirmer la solidarité avec les migrant-es et face aux attaques de l’extrême droite. Source

Nantes 14 novembre 2015

 

Marseille (France). Le 5 novembre, des migrant-es et solidaires ont brièvement occupé la Plateforme Asile des Bouches du Rhône avant de se faire sortir par la police, pour protester contre les conditions de traitement des demandes. Source

Marseille quartier de la plaine 8 novembre 2015

Saint-Jean-du-Gard/Cévennes (France). Appel à la création du collectif Cévennes sans frontières :

Nous sommes quelques individus à nous réunir et nous organiser en soutien avec les exilé.e.s et contre les frontières…

Nous sommes contre les frontières et leur gestion militaire. Des barbelés gardés par l’armée aux camps de tri et d’identification, des déportations aux centres de rétentions, des rafles aux tribunaux, l’Europe mène une guerre contre les exilé.e.s.

Nous sommes contre la distinction opérée entre « réfugiés » et « migrants économiques ». Les États et les associations humanitaires instaurent cette différenciation en établissant un classement arbitraire entre les “bons” migrants à accueillir et les “mauvais” à expulser, ce qui justifie la répression et les déportations. Des papiers pour les uns, les menottes pour les autres ?

Nous sommes solidaires et nous souhaitons nous organiser avec les exilé.e.s, lutter contre les frontières et affirmer ensemble la liberté de circulation et d’installation pour tous. Nous pensons que chacune des actions qui permet à des personnes de passer un contrôle, d’échapper à une rafle ou à une expulsion, de s’installer pour mener une nouvelle vie participe à élargir les brèches des murs qui séparent les peuples. Nous ne voulons pas que notre rôle se limite à des opérations de charité. Nous sommes libres d’accueillir les richesses de ce monde.

Si les Cévennes sont géographiquement éloignées des points de crispation (comme Vintimille, Calais ou Marseille), les frontières se matérialisent partout. Des exilé.e.s sont déporté.e.s et enfermé.e.s dans des centres de rétention comme à Nîmes. Aux alentours d’Alès, des familles expulsées des centres d’hébergement sont accueillies par des personnes solidaires.

Nous avons déjà organisé une manifestation à Saint Jean du Gard, des tables d’infos sur les marchés, des collectes de matériel et des trajets vers Vintimille et Marseille. Nous souhaitons continuer en menant les actions suivantes :

Diffuser les revendications et témoignages des migrants, Tables d’infos sur les marchés, Collectes de matériel, Mise en lien avec d’autres initiatives (Marseille, Vintimille, Nîmes, Alès,…), Soutien des initiatives d’accueil, Organisation de cantines et concerts de soutien, Discussions et réflexions sur l’actualité. Source

 

Toulouse (France). Le 9 novembre un rassemblement était appelé pour dénoncer la situation à Calais et la récente politique de rafle, d’envois forcés et d’enfermement dans des CRA de toute la France, devant le centre de rétention de Cornebarrieu, où de nombreux migrants Calais ont été enfermés ces dernières semaines.

Liberté de circulation et d’installation pour tou.te.s !
De l’air, de l’air, Ouvrez les frontières ! Source

 

Perpignan (France). Après une rafle à Calais le 13 octobre, quatre migrants soudanais ont été enfermés au centre de rétention de Perpignan. Convoqués devant le consul du Soudan afin qu’ils reconnaissent leur identité et signent le laissez passer pour l’expulsion, ils ont refusé à plusieurs reprises de s’y rendre. L’un d’entre eux a été déféré au tribunal le 6 novembre accusé de « soustraction à une mesure d’éloignement ». Ils ont finalement tous les 4 été libérés !

 

Calais (France).

Nouveau camp d’État et déplacement forcé :

À Calais, l’État a prévu la construction d’un camp pour 1500 migrant-es, sur une zone de l’actuelle jungle. Ce camp sera composé de conteneurs aménagés, entourés de barbelés, géré par l’association La Vie Active et on ne sait pas encore quelles seront les modalités de contrôle. C’est l’entreprise bretonne Logistic Solution qui a décroché le marché de l’aménagement des conteneurs « modules d’habitation ». Ceux-ci, au nombre de 125, sont prévus pour 12 personnes. Sachant que les conteneurs de transport on une taille « normée », et que l’entreprise aménage les plus grand formats, ça donne ça : Longueur de 12,04 m x largeur de 2,33 m = 28,0532 m² / 12 personnes = 2,33 m² par personnes. Comme le dit si bien le directeur adjoint de l’entreprise Antoine Houdebine : « On a vraiment pensé ces conteneurs spécialement pour les migrants« .

Mais tout ne roule pas si bien pour les autorités et elles doivent faire face une fois de plus à la résistance. La construction de ce camp nécessite l’expulsion de 400 personnes de la zone où elle est prévue. Mais une bonne partie d’entre-elles résiste et refuse de partir.

Voici le communiqué qu’ils/elles ont rédigé :

– La construction du nouveau camp sera en plein milieu du camp actuel, mais ce n’est pas une véritable solution pour les problèmes des personnes réfugiées.

– La capacité du nouveau camp est de 1500 places, ce qui n’est pas suffisant pour la population réfugiée de Calais.

– La zone choisie par le gouvernement pour la construction n’est pas viable pour un camp.

– Les décisions prises par le gouvernement français nous paraissent peu claires.

– Le gouvernement français force des personnes réfugiées à évacuer la zone choisie pour la construction du nouveau camp.

En conséquence nous – les personnes réfugiées présentes dans cette zone – refusons de nous soumettre à cette irrespectueuse politique d’anti-solidarité. Le jour où le gouvernement nous forcera à partir pour démarrer les travaux, nous protesterons collectivement.

calais banderole resiste expulsion nouveau camp1

Mise à jour sur le déplacement forcé d’une partie de la Jungle

Le plan de construction du nouveau camp fermé de containers dans la Jungle qui devait commencer le 2 novembre a été retardé. L’association La Vie active (qui gérera le camp) et l’État disent que c’est à cause des « problèmes de communication » avec les gens qui vivent actuellement dans la zone de construction et présentent ce retard comme un simple malentendu.

La réalité est loin de ça. Les communautés qui font face à l’expulsion due à la construction de camp ont très bien compris les plans de l’État et savent clairement que leurs maisons seront détruites et que la nature répressive de ce nouveau camp va entraîner de nouvelles difficultés pour eux s’il est construit.

Le nouveau calendrier de construction qui a été communiqué est le suivant : pendant la semaine du 2 au 8 novembre, la Sécurité Civile va construire un camp de remplacement clôturé pour 500 personnes qui va servir provisoirement pour les gens qu’ils veulent virer de la zone de construction. Les tentes du camp de remplacement sont celles utilisées lors des situations d’urgence, type tremblement de terre.

À partir du lundi 9 novembre, La Vie active va commencer à demander à nouveau aux gens de partir volontairement vers les tentes de remplacement. Si les gens ne se déplacent pas d’ici la fin de semaine, les CRS seront appelés pour virer les gens de force -une recette que nous connaissons tous fort bien à Calais. Nous ne connaissons pas la date exacte où la « demande » sera remplacée par les matraques, les gaz lacrymogènes et les bulldozers, ce qui signifie que de la vigilance et du soutien sont nécessaires tout au long de la semaine.

Il existe différentes réponses à ce plan de construction par les communautés à qui il est « demandé » de se déplacer : certains se sentent un manque de puissance pour résister activement à ces plans, d’autres espèrent atteindre l’Angleterre avant la tentative d’expulsion. Mais depuis que ces plans sont devenus explicites, une résistance se développe dans la zone de construction planifiée et il est clair que beaucoup refusent de bouger. Et, pour citer une déclaration publiée récemment par des personnes vivant dans cette zone:

« Nous refusons de nous soumettre à cette irrespectueuse politique d’anti-solidarité. Le jour où le gouvernement nous forcera à partir pour démarrer les travaux, nous protesterons collectivement ».

Calais Migrant Solidarity, 7 novembre 2015

Le 12 novembre, les travaux de construction du camp on commencé avec l’arrivée de bulldozers dans la jungle.

Une expulsion humanitaire

Le 12 novembre au matin, la construction très retardée du « Nouveau Camp » à commencé.

Les travaux devaient commencer le 2 novembre 2015. Les associations ont déclaré que la date avait été retardée en raison de « problèmes de communication » avec les personnes vivant dans la zone. En fait, les gens ont toujours refusé de partir. (voir le texte Mise à jour sur le déplacement forcé dune partie de la Jungle).

Finalement, ce matin les travaux ont commencé. Le premier bulldozer est arrivé aux environs de 8h00. Il a roulé au milieu des tentes et des maisons des gens et a enlevé les poteaux rouges qui servaient de délimitation de la zone de chantier. Il a été rapidement suivit par d’autres véhicules de travaux tout au long de la matinée. Pour le moment, ils se sont limités à l’aplatissement des zones sans maisons et inondées et à la pose de clôtures délimitant la zone du site. Toutefois, il sera impossible pour eux de commencer la construction réelle tant que des personnes vivent encore dans la zone.

Peu de temps après sont arrivés une flopée de volontaires « humanitaires » des associations. Vêtus d’unepléthore de veste fluorescentes de couleurs différentes, ils ont tourné dans la zone d’expulsion, disant aux gens qu’ils devaient quitter leurs maisons et domiciles. Ils ont tenté de convaincre les gens que le nouveau camp serait de loin mieux, et beaucoup ont déclaré que si les gens ne se déplacent pas rapidement, la police viendrait les expulser par la force. Les 50 bénévoles présents étaient des membres des associations Salam et La Vie Active, y compris le président de l’association Salam qui a été vu expliquant avec véhémence à un groupe de réfugié ne parlant pas anglais qu’ils devaient se déplacer. Ils avaient apporté des bracelets orange, qu’ils distribuaient aux gens qui voulaient avoir une place dans le nouveau camp.

Cette apparition soudaine de véhicules de chantier et de bénévoles vêtus de fluo a convaincu certaines personnes de quitter la zone, de prendre leurs tentes et d’aller s’installer ailleurs dans la jungle. Toutefois, la grande majorité des gens a choisi de rester. Ils ont cité plusieurs raisons à ça, à savoir : les difficultés de vivre dans une grande tente avec 50 autres personnes qu’ils ne connaissent pas et sans aucune intimité, leur préférence pour leurs maisons, qu’ils ont construit eux-même, plutôt que quelque chose pour lequel ils n’ont pas pris part à la construction, la préférence de vivre au sein d’une communauté d’amis, et un manque total de confiance dans l’État français. Bon nombre des personnes vivant dans la jungle ne veulent pas du nouveau camp.

Cela ne devrait pas surprendre de voir à quel point certaines associations collaborent avec l’État. Elles ont une longue histoire de collaboration à Calais. Cependant, il est toujours choquant de voir des gens donner bénévolement leur temps pour des organisations qui font le travail de la police. Beaucoup de bénévoles ont fait valoir que la construction du nouveau camp était une étape nécessaire pour améliorer les conditions de vie dans la jungle et pour «amener aux gens l’aide dont ils ont besoin», mais en même temps, beaucoup reconnaissent la nature coercitive de ce qu’ils font, qu’à chacune de leurs demandes, elle soit appuyée par la menace de la violence d’État pour déplacer les personnes. Il y avait un grand sentiment de pessimisme, que rien ne pouvait être fait pour arrêter les inévitables offensives de l’État. Si les gens de la jungle avaient montré le même sentiment de défaitisme, ils seraient parti de la zone le 2 novembre et les travaux auraient déjà commencé !

À la fin de la journée, les bénévoles des associations sont partis et une petite partie de travaux avait eu lieu dans les zones inhabitées. Nous pensons qu’il y aura probablement une expulsion de la zone dans les jours à venir.

Calais Migrant Solidarity, 12 novembre 2015

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Dispersion dans les centres de répit et dans les centres de rétention

La stratégie de dispersion des migrant-es de Calais se poursuit. Le gouvernement et la préfecture se félicite que le nombres de migrant-es présent à Calais ai diminué, à coup d’enfermement en centre de rétention et d’éparpillement dans d’autres centres de tri qui ne disent pas leurs noms. Voir ce texte.

Patrouilles et attaques de police dans la Jungle :

Les CRS tirent des gaz lacrymogènes dans la Jungle

Dans la nuit du 2 novembre, vers 21 heures, des migrant-es ont été violemment attaqué-es par les CRS. Les affrontements ont duré près de 2 heures. Durant toute l’opération, à peu près 20 grenades lacrymogènes ont été tirées. Des migrant-es ont riposté en jetant des pierres sur les flics.

Quelques tirs ont touchés les zones de vie des réfugiés.

Vers 00h45 heures, a bloqué 25 personnes à l’entrée principale de la Jungle. En plus, une dernière bombe de gaz lacrymogène a été tirée. Ensuite, l’affrontement s’est terminé.

Source et vidéo

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La nuit du 8 au 9 novembre, des centaines de migrant-es se sont retrouvé-es sur l’autoroute, à côté de la jungle, bloquant le trafic pour tenter de monter dans les camions en partance pour l’Angleterre. Depuis plusieurs semaines, avec les renforts policiers, la multiplication des contrôles et des outils de surveillance, le passage est très difficile, voir impossible.

La police est intervenue, arrêtant la circulation sur l’autoroute et attaquant en tirant des centaines de grandes lacrymogènes. Des barricades ont été dressées sur l’autoroute et des affrontements ont duré une bonne partie de la nuit, blessant plusieurs policiers. Les gaz, tirés sur l’autoroute mais aussi en direction de la jungle ont blessés un nombre très important de migrant-es.

Le lendemain, de nouveau, des barricades ont été montées sur l’autoroute, à l’aide de mobilier urbain, et des pierres lancées sur les flics qui ont riposté au gaz lacrymogène. L’accès au port a été totalement fermé et des groupes de migrant-es bloquaient encore la circulation sur les routes d’accès à l’autoroute dans la matinée.

Suite à ces deux nuits d’affrontements, la préfecture a annoncé qu’un nombre plus important de policiers seraient présents autour et dans la jungle, ce qui laisse craindre une augmentation des rafles et des violences policières. La maire de Calais à quand à elle demandé l’intervention de l’armée. Plus de 1200 flics sont actuellement présents à Calais.

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Récits des nuits du 8 au 9 et du 9 au 10 novembre, publiés sur le blog Calais Migrant Solidarity :

Une nuit de défiance collective

Dans la nuit du 8 novembre, des personnes vivant dans la jungle ont réussi à bloquer l’autoroute qui longe la jungle. On pouvait entendre plusieurs camions klaxonnant, mais vers 23 heures, la police a totalement arrêté le trafic sur l’autoroute.

Malgré cela, dans la jungle, de grands groupes de personnes ont continué à se déplacer vers l’entrée. Ce mouvement de foule a continué même quand il était manifestement évident qu’il n’y avait plus de trafic vers le Royaume-Uni sur l’autoroute.

À minuit, alors que les gens étaient toujours sur l’autoroute, des groupes s’étaient aussi rassemblés sous le pont de l’autoroute à l’entrée de la jungle, et sur les rampes d’accès et de sortie de l’autoroute. Des cris et des chants comme « No jungle ! » pouvaient être entendus. Un groupe a utilisé des pierres pour battre de rythme sur la rambarde. Plusieurs panneaux de signalisation ont été mis à terre, à commencer par celui indiquant Calais. Les gens ont commencé à allumer des feux, avec des tentes cassées, des vêtements jetés et tout ce qu’ils pouvaient se procurer. Beaucoup de buissons et végétation sur le côté de la route ont été incendiées. Certaines personnes ont démonté les glissières de sécurité de l’autoroute. Tous ces matériaux combustibles ont été rassemblés pour former des barricades. De grands groupes de personnes tentaient de rejoindre l’autoroute, mais ont été maintes fois repoussés par l’utilisation massive de gaz lacrymogènes. Les personnes qui étaient là venaient de nombreux pays et parties de la jungle différentes. Beaucoup de gens ont fait des vidéos avec leurs téléphones.

Un porte parole du syndicat de la police a déclaré que près de 300 grandes lacrymogènes avaient été tirées. Le gaz a d’abord été tiré vers l’entrée de la jungle et sur l’autoroute, mais au fil de la nuit la police a tiré des quantités croissantes de gaz au cœur même de la jungle.

[…]

Video

Calais Migrant Solidarity, 10 novembre 2015 

calais 9 novembre 2015

Une nuit de punition collective par la police !

À nouveau, dans la nuit du 9 novembre, des personnes sans papiers ont bloqué l’autoroute près de la jungle avec des barricades. Cependant, ce ne sont pas que les personnes protestant qui ont été touchées par la répression, mais la police a décidé de punir collectivement une large proportion de la jungle.

Vers minuit on pouvait entendre des cris de protestation sur l’autoroute, tandis que la police lançait des gaz lacrymogènes dans la zone de la jungle la plus proche de l’autoroute, et que l’on pouvait entendre les klaxons des camions.

Les slogans des gens étaient « plus de jungle ! ». Au début, la police a lancé des gaz lacrymogènes pour chasser les gens loin de l’autoroute et les forcer à retourner dans la jungle. Les camions et voitures ont été en mesure de passer toute la nuit, même si la route a été partiellement bloquée par une barricade de fortune.

Beaucoup de manifestants de la jungle ont essayé de sauter dans les camions, mais cela a été vain. Un chauffeur de camion a brandi une arme à feu, la pointant sur les gens qui se trouvaient à côté de sa cabine. Tout au long de la nuit, les camions ont esquivé les barricades mises en travers de la route pour arrêter la circulation. À un moment donné, un groupe de 30 à 40 personnes a été totalement entouré de gaz lacrymogène, avec aucune issue possible, obligés de se recroqueviller au sol en boule.

L’utilisation par la police de gaz CS (lacrymogène) est devenu une pratique ordinaire inquiétante. Les gens de la jungle ont été soumis à un niveau sans précédent de guerre chimique, la même force de dissuasion chimique que celle utilisée en Palestine ou à Ferguson pleut sur le camp quasi quotidiennement. La police à la gâchette facile utilise la tactique de bombarder intensivement la zone autour d’eux, visant tour à tour tous ceux qui se déplacent. Cela veut également dire qu’ils attaquent les zones où n’y a aucune échappatoire, piégeant les réfugiés dans des chemins étroits et les buissons autour du camp. Ce n’est pas fait pour disperser les personnes, mais c’est une forme de punition collective.

En même temps que cette protestation se déroulait près de l’entrée principale de la jungle, une manifestation plus petite a commencé sur une route secondaire qui donne accès à l’arrière du camp. Sur cette route, des panneaux de signalisation ont été mis en travers et incendiés pour former des barricades. En réponse à cette deuxième manifestation, la police a tiré un tas de gaz lacrymogène, auxquels ceux qui manifestaient ont répondu avec des projectiles.

Sans se préoccuper pour les 60 ou 70 familles résidant dans cette zone du camp, la police a tiré gaz et flashball à travers le camp, brûlant une tente, un tas d’ordure, des arbres et des buissons.

Des mères criaient en français qu’il y avait des enfants dans le camp tandis que la police attaquait. Des groupes de famille revenant d’une autre partie de la jungle ont été prises au piège par une colonne de lacrymogène.

Tard dans la nuit, la police a fait des patrouilles pour trouver les migrants qui s’étaient cachés dans les buissons le long de la route. À un moment, un groupe de 20 flics a tiré du gaz en continu pendant 5 minutes jusqu’à ce que la zone soit entièrement recouverte de fumée.

Comme la nuit se poursuivait, l’intensité du gaz a augmenté. Le vent a ramené les vapeurs sur toute la partie ouest du camp. Le message de la police a été clair : si vous protestez, nous vous punirons tous. Il y a également eu de nombreuses blessures causées par les grenades lacrymogènes tombant sur les gens, des brûlures et des blessures.

Les blessures de cet assaut sont difficiles à quantifier, il est facile de compter les nombreux problèmes respiratoires, les irritations des yeux et brûlures de la peau, mais le traumatisme psychologique est difficile à voir. Les personnes fuyant des conflits sont traitées par le meilleur de l’hospitalité française : une nuit de répression chimique sur l’ensemble de la population du camp.

Calais Migrant Solidarity, 10 novembre 2015

calais 9 novembre 2015 2

Entre le 10 et le 11 novembre, pour la troisième nuit consécutive, les flics ont de nouveau attaqué la jungle à la grenade lacrymogène (une centaine utilisée) et des canons à eau ont été déployés à l’entrée du camp. Des migrant-es ont riposté et plusieurs personnes ont été arrêtées puis relâchées. Encore une fois, de nombreuses blessures sont constatées. Source

Dans les médias, les autorités locales et la préfecture multiplient les déclarations et dénoncent la violence et l’implication de « militants no borders » dans les affrontements, militant-es qui organiseraient et pousseraient les migrant-es à ces affrontements. C’est l’éternel épouvantail de « la frange radicale manipulatrice » qui est agité pour justifier le déchaînement de répression des flics et la politique meurtrière mise en place à Calais. De même que pour justifier des opérations de guerres en Méditerranée, le pouvoir agite celui des « réseaux de passeurs ».

Ce discours pue le paternalisme et le racisme. Il y a bien eu, durant ces trois nuits, une défiance collective contre la police et des actions de blocage de l’autoroute pour tenter de monter dans les camions qui font route vers l’Angleterre. Ces actions/ripostes sont autonomes, auto-organisées, spontanées. Les personnes qui y ont participé n’ont pas besoin d’être « aidées » ou « dirigées » par quelconque militant-e européen-ne. Que des personnes se réclamant -ou pas- no borders y ait -ou pas- participé n’intéresse personne mis à part les chantres du pouvoir et de la répression. Depuis des mois, des groupes de migrant-es s’organisent collectivement pour tenter de passer en Angleterre, pour occuper des maisons vides, pour résister aux injonctions de la police et de l’État, pour organiser des manifestations. Toutes ces initiatives doivent être soutenues car elles mettent à mal le système des frontières.

Manifs de fascistes

Après la manifestation du 31 octobre à l’appel du groupe « Calaisiens en colère » qui a rassemblée plusieurs centaines de personnes contre les migrant-es à Calais, une autre manifestation a eu lieu la semaine suivante, le 8 novembre, à l’appel de « Sauvons Calais ». Plus « radicale », elle a rassemblée moins de monde. En face, une contre manifestation a eu lieu, réprimée par la police qui a procédé à des arrestations. Source

Après la manifestation, un groupe de 5 nazis est allé attaquer des migrant-es qui tentaient de rentrer dans le port pour passer en Angleterre.

 

Dans la nuit du 13 au 14 novembre, un incendie a détruit 2500m² de la Jungle, sans faire de mort-e.

La Jungle en feu

Un incendie a éclaté parmi les tentes entassées à environ 00h45 ce matin. La cause de cet incendie serait une bougie. Le feu s’est propagé rapidement à cause du vent et les gens couraient, essayant d’évacuer la zone et d’emmener les gens en sécurité. Il n’y a pas eu de blessures majeures, quelques petites brûlures et des problèmes dû aux inhalations de fumée, mais pas de blessures majeurs ou de décès. Beaucoup de documents, papiers, vêtements et effets personnes ont été détruits. Le feu s’est propagé pendant environ une demi-heure avant que les pompiers n’arrivent. Apparemment, la police sur place, essayait d’éteindre le feu avec un canon à eau. La zone de la jungle concernée était le camp des soudanais près du chemin des Dunes. 60 abris ont été détruits.

Dans une grande partie de la jungle, il n’y a pas de routes ou de points d’eau pour les pompiers et c’est « chanceux » que le feu ai commencé près de la seule route qui mène au centre Jules Ferry. Une partie beaucoup plus grande du camp aurait été détruite par les flammes si le feu avait commencé ailleurs, peut-être toute la jungle […] Source

calais 13 novembre 2015 2

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Le 16 novembre, une petite manifestation a eu lieu, contre les conditions de vie dans la jungle et les violences policières. Elle a été violemment réprimée par la police.

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Lille (France). Plusieurs centaines de personnes, migrant-es et solidaires, ont manifesté dans les rues de Lille le samedi 7 novembre, en solidarité avec les migrant-es, sans papiers et réfugié-es. Le cortège, parti de la Grande Place s’est rendu au square Olieux où depuis des mois des migrant-es, principalement mineurs isolés, ont installé un campement, n’ayant d’autres solutions. Au début de la manifestation, quelques fascistes sont venus provoquer le cortège, criant des slogans hostiles.

 

Saint-Brieuc (France). Le 12 novembre, un millier de lycéen-es sont descendu-es dans les rue contre la menace d’expulsion de neuf de leurs camarades.

 

Akrotiri (Chypre). Révolte dans un camp d’enfermement. Le 31 octobre, après que l’un d’entre-eux/elles ai menacé de se pendre, des migrant-es enfermé-es dans la base militaire britannique d’Akrotiri ont mis le feu à des tentes qui servent de dortoir et ont escaladé les clôtures en scandant « We are people, not animals ». Les militaires britanniques et gardes de sécurité ont réprimé la révolte à coup de matraque.

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Vintimille (Italie). Alors qu’un sommet de l’Union européenne sur l’immigration s’est tenu à Malte, réunissant des dirigeants européens et du continent africain, cet appel à actions sur tout le territoire européen a circulé en plusieurs langues : Vous faites pousser des grillages, nous cultivons des tenailles.

 

Brindisi (Italie). Depuis le rassemblement solidaire devant le CIE le 31 octobre dernier, qui a pris fin avec l’arrestation des personnes solidaires à l’extérieur et une forte protestation à l’intérieur, une grève de la faim continue ce 5 novembre au CIE. Le 4 au matin, la police est entrée dans le centre pour mener une perquisition, mais n’a rien trouvé.

Du CIE de Brindisi, à peine rouvert et dont on ne sait pas grand-chose, un retenu nous dit ça : contrôles dégradants, trou dans les portes des cellules pour passer la nourriture, protestations, et plus encore dans cette interview en italien.

 

Turin (Italie). Au CIE de Turin, plusieurs détenus se sont mis en grève de la faim début novembre. Dans une des zones du centre, les détenus sont en quarantaine car il y a une épidémie de gale. Mais ils refusent les soins pour éviter que d’autre ne soient enfermés dans cette aile du centre une fois l’infection terminée. http://www.autistici.org/macerie/?p=31678

Le 15 novembre, un rassemblement est appelé sous les murs du centre de rétention :

Rassemblement au CIE de Corso Brunelleschi

Au CIE de Corso Brunelleschi, la tension monte à nouveau : des prisonniers sur le toit, des manifestations, des battiture, des grèves de la faim et de la soif.

Il y a plusieurs façons de lutter aux côtés de ceux qui se rebellent : de la perturbation des entreprises qui coopèrent à la gestion et à la réparation des bâtiments, à la diffusion des paroles, des nouvelles et des expériences qui sortent de l’intérieur du centre.

Nous pouvons également soutenir les détenus en portant notre solidarité sous les murs du centre.

Source

Turin rassemblement au CIE 15 novembre 2015

Samedi 14 novembre, les enfermés du centre de rétention (Cie) de Turin situé Corso Brunelleschi, ont à nouveau lancé une révolte qui a détruit une grande partie du centre. L’étincelle a été le refus du parloir à un retenu avec sa femme, même si en réalité l’air était déjà tendu dans le centre depuis des semaines, où se produisaient de fréquentes expulsions violentes. Hier, les retenus se sont donc organisés pour protester contre les conditions d’enfermement et ont mis le feu à des vêtements, mettant hors d’usage la zone rouge et la seule chambre ouverte dans la zone jaune : dans la zone blanche, il ne reste que deux chambres (Source) :

Révolte, incendie et solidarité

Quand, ces dernières semaines, nous disions sentir une vive agitation dans le Centre d’Identification et d’Expulsion (CIE) de Turin, c’est parce qu’on pouvait sentir une tension croissante entre les lignes de ce que nous disaient les prisonniers.

Depuis que le CIE a recommencé à fonctionner à plein régime, environ 90 places, après les restructurations de l’hiver dernier, le train-train de la machine à expulser est devenu encore plus oppressant : la police qui vient réveiller à l’aube des détenus pour les expulser, les déportations de masse, les tabassages à ceux qui tentent de mettre en place des petites formes de protestations individuelles.

C’est la normalité des pratiques de la détention administrative de personnes qui n’ont pas de papiers et il n’y a donc rien d’étonnant, comme il feignent de faire les politiciens humanitaires quand la question des CIE est abordée dans leurs petites controverses de salon. Ce sont les moments lors desquels la figure du reclus assume une aura sacrificielle, construite sur l’image d’une victime d’un système qui ne fonctionne pas correctement, ou pour le mois, qui n’assure pas une juste dignité pendant la période d’enfermement. Un peu de dignité, celle dont parlent ces messieurs, qui pensent qu’elle doit être inscrite dans les murs de là où on ne peut pas sortir.

Mais il arrive que l’image du reclus brimé ne suivent pas le rythme de la réalité d’une rage croissance, alimentée par les petits et grands abus quotidiens, et qui parfois se manifeste par une petite lueur de rébellion, circonscrite à quelques personnes. Parfois, cependant, cette rage émerge avec plus d’enthousiasme et devient une action collective et les centres de détentions sont incendiés. Il suffit d’un prétexte, comme il y a quelques jours : un prisonnier s’est vu refuser un parloir avec son épouse, il s’est coupé les veines. Mais ce qui fait la différence, cette fois comme pendant l’été 2014, c’est que les détenus, dans un climat de solidarité générale, se sont organisés pour montrer que la dignité, il y en a très peu pour ceux qui sont à l’ombre des barreaux.

C’est comme ça que, samedi soir, d’abord dans la section rouge, puis rapidement dans les sections blanche et jaune, des colonnes de fumées sont venues se mêler aux premiers brouillards du mois de novembre. Dans le centre, les flics anti-émeute sont arrivés rapidement, ainsi que le préfet, pour constater les dommages subits et probablement pour essayer de gérer au mieux les conséquences du plus grand échec après la rénovation de l’hiver dernier du centre de rétention turinois. Les retenus ont été regroupés dans la cour et gardé-là en attendant de comprendre comment réorganiser les quelques espaces laissés indemnes. Une autre présence n’a pas manqué de venir, certainement plus proche des intentions des prisonniers, même au-delà des murs : une trentaine de solidaires ont accourus pour faire entendre leur soutien par leurs voix, des pétards et des feux d’artifices.

Dans la nuit, les retenus de la zone rouge, maintenus dans la cour, ont décidé de ne pas rester immobile à subir les décisions des forces de l’ordre et ont défoncé les grilles qui les séparent de la zone jaune pour se réfugier à l’intérieur. Quelle est l’ampleur réelle des dégâts aux installations et quelles vont être les décisions de la police et des gestionnaires de l’entreprise Gespa par rapport aux centre incendié, nous allons chercher à le savoir. Ce qui est certain, c’est que les zones touchées par l’incendie ont été déclarées inutilisables, il semble que le mobilier et le système électrique ont été détruits, et que le fonctionnement du centre est considérablement réduit. Une autre chose est sûre, c’est qu’à la suite de la révolte, un détenu manque à l’appel. La police a bien fait attention à ne pas l’ébruiter, mais les personnes à l’intérieur n’ont pas de doute, dans la confusion quelqu’un a réussi à s’évader.

Dimanche 15 novembre, le rassemblement solidaire prévu depuis quelque jours a eu lieu, renforcé par la nouvelle de l’incendie du centre quelques heures plus tôt. Une cinquantaine de personnes se sont retrouvées corso Brunelleschi et pendant quelques heures, de la musique, des slogans et des interventions ont tenu compagnie aux retenus, qui ont répondu avec autant d’énergie. Aussi, les parents de deux jeunes roumains, enfermés au CIE après l’expulsion des familles rom de l’ancienne caserne de la rue Asti, ont lancé leur salut personnel. Les deux jeunes, bien que citoyens européen, ont été arrêtés et enfermés au CIE en raison de leur prétendue « dangerosité sociale » et ont été présentés ce samedi 16 devant le juge qui a décidé de leur expulsion. Le 17 novembre au matin, un groupe de familles, amis et solidaires a attendu les nouvelles de l’avocat puis ont donné lieu à un bruyant salut avant de partir.

Ce n’est pas la première fois que des personnes avec des papiers en règle mais définies comme « socialement dangereuses » se retrouvent enfermées dans le CIE, ni la première fois que les occupants d’une maison , trouvés sans papiers sur eux le jour de l’expulsion, sont emmenés au CIE puis expulsés. Pour les deux jeunes, après l’accord du juge, le temps est court. Ils ne peuvent pas être maintenus enfermés dans le CIE très longtemps, et si rien ne change, nous nous attendons à une expulsion dans les jours à venir.

Après l’incendie de samedi soir, la nouvelle est tombé de l’arrestation de deux tunisiens qui ont participé à la protestation. Ils sont accusés de destruction, résistance, violences et menaces à fonctionnaire et ont été transférés du CIE à la prison des Vallette. Une fois terminé le rassemblement, les solidaires ont rejoint la prison des Vallette pour un autre salut à tous les détenus, mais surtout à ceux accusés d’avoir essayé de détruire une prison. […]

Pour ajouter quelque chose de plus à ce que nous avons dit, nous vous proposons d’écouter (in italien), l’interview faite hier pendant l’émission « Bello come una prigione che brucia » sur Radio Blackout.

 

Bari (Italie). Le 28 octobre, plusieurs dizaines de migrant-es ont quitté le CARA (centre pour demandeurs d’asile) de Bari pour manifester dans le centre ville pour revendiquer leur droit à l’asile, leur liberté de circulation et contre les conditions dans lesquelles ils sont retenus dans ce centre. 1000 personnes y vivent actuellement, dans des conditions très dures et violentes imposées par la coopérative Auxilium qui le gère. Sept personnes ont été arrêtées. Source

 

Rome (Italie). Un rassemblement solidaire était appelé le 7 novembre devant le centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria à Rome. Voici un compte-rendu :

Sur le rassemblement solidaire au CIE de Ponte Galeria

Le 7 novembre, un groupe de solidaire s’est rassemblée sous les murs du CIE de Ponte Galeria aux portes de Rome pour exprimer sa solidarité avec tou-tes les détenues et ceux/celles qui luttent quotidiennement pour leur liberté.

Malgré Trenitalia qui a essayé, avec l’aide de la police, d’empêcher les camarades de prendre le train en demandant à tou-tes le paiement du billet, à l’aller et au retour, le groupe a réussi à atteindre les murs du centre et à y passer quelques heures, entres discours, musique et beaucoup de bruit.

La réponse à l’intérieur du centre a été forte et belle : face à la section homme, les cris des solidaires ont été rejoint par ceux des détenus tandis que dans la rue nous avons essayé de communiquer avec les automobilistes qui passaient, plus ou moins ignorant-es de ce qui se trouvait derrières ces murs surmontés de barbelés.

Depuis l’intérieur, ils nous disent que le centre est plein à craquer : dans la section homme il y a plus de 100 prisonniers, tandis que chez les femmes elles sont environ 90, uniquement nigérianes. Aussi les épisodes où la nourriture et les boissons sont mélangées avec des psycholeptiques et distribuées par les opérateurs du centre se répètent, pour tenter de détruire toute capacité de résistance et de révolte.

Pendant que nous étions devant le centre, des nouvelles nous sont parvenues d’un groupe de camarades de Brindisi qui avaient organisé un rassemblement semblable devant le CIE et qui ont été arrêté-es une nouvelle fois par la police pour être identifié-es.

Après avoir illuminé le ciel avec quelques feux d’artifice, nous sommes retourné-es en ville.

Quelques ennemi-es des frontières. 

Source

Plus tard dans la soirée, le siège local de la Croix-rouge a été recouvert d’inscriptions en solidarité avec les personnes qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, luttent contre les CIE et les frontières. Le lendemain devait se tenir dans ce local un spectacle avec des réfugié-es du CARA de Casteluovo di Porto, parrainé par la coopérative Auxilium qui depuis des années spécule sur la vie des migrant-es et veut nettoyer son image publique avec ces initiatives culturelles.

« Contre Auxilium et en solidarité avec les personnes arrêtées pour avoir protesté dans le CARA de Bari et ceux/celles qui luttent dans et hors du CIE de Restinco à Brindisi. Contre toutes les cages et toutes les frontières. » Source

Le 16 novembre au matin, un groupe d’ennemi-es des frontières s’est rendu dans un bureau de poste pour distribuer des tracts et rappeler la responsabilité du groupe PosteItaliane dans la machine à expulser. Les fenêtres du bureau de poste ont ensuite été recouvertes d’affiches en solidarité avec celles/ceux qui luttent dans les CIE pour retrouver la liberté et contre le business du groupe PosteItaliane. Source et tract distribué

 

Bologne (Italie). Dans la nuit du 8 novembre, la ligne à grande vitesse Bologne-Milan a été sabotée. Plusieurs câbles électriques ont été incendiés et une inscription laissée au sol : « 8-11, saboter un monde de racistes et de frontières ». Cela a entraîné des retards de plusieurs heures. Source

Bologne 8novembre2015 1

 

Genève (Suisse). Rassemblement du mouvement « No bunkers », en lutte depuis plusieurs mois contre les conditions d’hébergement et les renvois Dublin.

Geneve 12novembre2015 1

 

Bedford (Angleterre). Samedi 7 novembre, plus d’une centaine de personnes ont manifesté sous les murs du centre de rétention de Yarl’s Wood, en solidarité avec les personnes enfermées et contre toutes les prisons pour étranger-es.

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Yarl's Wood demo 7 novembre 2015 4

 

Lesbos (Grèce). Le 31 octobre, une grosse manifestation s’est déroulée dans la ville de Mytilène, à laquelle ont participé beaucoup de migrant-es et des personnes solidaires habitant-es de l’île. Les membres du parti au pouvoir Syriza n’ont pas été accepté-es dans le cortège. Sur cette île grecque, située en mer Égée, plusieurs milliers de migrant-es, survivant-es de la traversée, vivent dans les rues en attente d’une autorisation pour se rendre sur le continent.

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La mer Égée est un cimetière. Les assassins vont payer !

Le 5 novembre, alors que les derniers jours ont été plus meurtriers que jamais dans la mer Egée, le premier ministre Tsipras a escorté Martin Schulz, le président du parlement européen, lors d’une visite sur l’île de Lesbos.

Les anarchistes locaux ont occupé la mairie de la ville et suspendu une banderole disant « The Aegean is full of migrants’ dead bodies. Europeans too are peoples’ murderers ».

Lesbos mairie 5 novembre 2015

Quand Tsipras et Schulz sont arrivés sur l’île, d’autres manifestant-es les attendaient également.

Lesvos protest 5 novembre 2015

Le 7 novembre, des migrant-es ont occupé un immeuble désaffecté sur le port de Mytilène. Le bâtiment était l’ancien « centre des travailleurs » de la ville, qui avait été fermé ces dernières années. Ces derniers jours, des milliers de personnes vivaient dans le port et dans les rues, en attente des navires pour le continent (les travailleurs des navires étaient en grève).
C’est une initiative auto-organisée par les migrants et des groupes locaux sont là pour les soutenir.

Trois jours plus tard, le 10 novembre, le bâtiment a été expulsé par des membres du parti communiste de Grèce (KKE), armés de bâtons, jouant le rôle de la police anti-émeute. L’immeuble était vide depuis plusieurs années, mais le KKE qui contrôle ce « centre des travailleurs » l’utilisait comme débarras.

Vidéo de l’expulsion et du rassemblement solidaire devant le squat.

Source

 

Thessalonique (Grèce). Le 12 novembre, jour de grève générale, une immense banderole a été déployée sur la façade de la maison des syndicats par l’assemblée « No lager » : « Les noyades aux frontières sont des meurtres commis par l’État grec et l’Europe forteresse. Stop à la guerre aux migrants ». Source

Thessalonique banderole 12 novembre 2015

 

Athènes (Grèce). Vendredi 6 novembre, un groupe de 400 personnes a annulé la manifestation appelée par un « comité de quartier » fasciste contre la présence de migrant-es dans le parc Victoria. Beaucoup de migrant-es utilisent ce parc pour faire une escale d’un jour ou deux sur leur chemin pour quitter la Grèce. Les fascistes d’Athènes ont tenté de créer une hystérie anti-migrants parmi les voisins, mais avec peu de succès : seulement 40 personnes ont répondu à l’appel fasciste, tandis que celui anti-fasciste a été rejoint par plus de 400 camarades. Source

 

Ljubljana (Slovénie). Dans la matinée du 13 novembre, une artère principale de la ville de Ljubljana a été bloquée. Des banderoles accrochées disaient : « Liberté de circulation » et « Vos fils (barbelés), nos morts ». Source

Ljubljana 13 novembre 2015

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Varsovie (Pologne). Des centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Varsovie samedi 7 novembre en solidarité avec les migrant-es, contre les frontières et le racisme, derrière la banderole « La solidarité plutôt que le nationalisme ».

 

Berlin (Allemagne). Des affrontements ont éclaté entre des militant-es antifascistes et solidaires des migrant-es, et la police en marge d’une manifestation fasciste anti-réfugié-es.

Dans la nuit du 11 novembre, des véhicules de plusieurs entreprises qui profitent de l’enfermement des migrant-es ont été incendiés : l’entreprise Gegenbauer, qui a fait les gros titres des journaux car ses salariés frappent les réfugiés dans le camp Lageso ; ISS, entreprise de sécurité présente dans les centre de rétention ; Thyssen Krupp, qui vend des armes partout dans le monde, « elle porte la responsabilité de la migration de centaines de milliers de personnes qui se trouvent justement à chaque endroit dans le monde à la recherche d’un nouvel et meilleur espace de vie ». Source

 

Leipzig (Allemagne). Dans la nuit du 10 au 11 novembre, la direction régionale de Leipzig s’est fait détruire ses fenêtres et sa porte d’entrée. « cette attaque spécialement dirigée contre la direction régionale de Leipzig signifie une attaque contre toutes les directions régionales du pays, contre tous les politiques qui veulent nous expliquer qu’il y a beaucoup trop de réfugiés en Allemagne, qu’il est nécessaire de les installer dans des gymnases et des hangars industriels, ainsi que d’avoir recours à l’armée. Cette prétendue crise des réfugiés est une mise en scène. Il est évident qu’on a besoin d’hangars ou de camps si on souhaite ficher, contrôler et trier des gens. » Source

 

Hambourg (Allemagne). Samedi 14 novembre, 9000 personnes, migrant-es et solidaires ont manifesté dans les rues de la ville.

9000 personnes sont descendues dans le rues aujourd’hui, malgré la pluie et le froid, pour se battre pour les droits des réfugié-es.

Aujourd’hui nous avons clairement dit : l’accueil des réfugié-es signifie l’égalité des droits pour tou-te-s. Nous avons montré que nous voulons vivre ensemble, que nous sommes contre l’isolement dans des tentes, des entrepôts et des camps. Nous avons affirmé que nous sommes contre les nouvelles lois sur l’asile, que nous ne croyons pas à la notion de « mauvais-e migrant-e ». Nous étions côte à côte, nous étions fort-es ensemble, avec de nombreux/euses réfugié-es des camps, avec le collectif Romano Jekipe Ano Hamburg, avec Lampedusa in Hamburg et pleins d’autres. Merci à tou-te-s celles et ceux qui ont soutenu notre lutte aujourd’hui.

Dans le contexte de la terreur à Paris, les signes de solidarité et de cohésion sont devenus encore plus importants. Nous sommes en deuil avec les familles des victimes. Nous sommes profondément préocupé-es par pediga & co qui lancent déjà de nouvelles campagnes de haine. Ne les laissons pas instrumentaliser la terreur pour leur racisme ! C’est seulement ensemble, avec les personnes qui viennent d’autres pays, que nous serons en mesure de surmonter la violence. Continuons jusqu’à ce que toutes les personnes dans cette ville soient vraiment égales. Source

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Vienne et Linz (Autriche). Appel à des manifestations internationales contre les frontières le 14 novembre.

Laissez les frontières ouvertes ! Non aux barrières, aux murs et à la forteresse Europe !

Une vague sans précédent de solidarité avec les réfugiés a déferlé sur l’Europe et proclame haut et fort « bienvenu aux réfugiés, ouvrez les frontières ».

Des milliers de réfugiés et de solidaires ont forcé les gouvernements de l’Europe a ouvrir ses frontières. Maintenant ils veulent revenir en arrière avec des clôtures, des postes frontières, et des barrières imposées par l’armée et la police – et pas seulement sur les frontières extérieurs, mais au sein de l’UE.

La Grande-Bretagne et la France harcèlent les réfugiés à Calais. La Bavière menace de fermer ses frontières avec l’Autriche. L’Autriche envisage d’ériger une clôture de barbelés à la frontière avec la Slovénie. Le premier ministre slovène a demandé une aide militaire européenne pour fermer sa frontière avec la Croatie. La Hongrie et la Macédoine utilisent la violence brutale contre les réfugiés aux frontières avec la Serbie et la Grèce. Le gouvernement grec maintient la frontière avec la Turquie fermée obligeant des milliers de réfugiés à faire la traversée meurtrière par la mer Égée.

Après avoir fui leurs pays, les demandeurs d’asile subissent à nouveau des conditions épouvantables aux frontières. Des milliers sont déjà morts en Méditerranée. Et l’hiver arrive. La situation exige une réponse immédiate et internationaliste : pas de fils barbelés et de violence contre les réfugiés. Partout, des gens viennent en aide aux réfugiés et résistent à l’ordre du jour inhumain des gouvernements.

Ouvrez les frontières immédiatement ! Non aux barrières, aux murs et à l’Europe forteresse.

Abri instantané pour tout le monde et traitement humain de réfugiés !

Arrêt de toutes les expulsions ! Personne n’est illégal !

Démission de tous les ministres responsables !

Source

À Vienne, 3500 personnes ont participé à la manifestation, migrant-es et solidaires.

 

Zagreb (Croatie). L’initiative « Welcome » et le réseau antifasciste de Zagreb ont organisé le 14 novembre une marche de solidarité avec les réfugié-es bloqué-es aux frontières du pays. Source

 

Christmas Island (Australie). Le 9 novembre une émeute a éclaté dans le centre de rétention, situé sur cette île au large de l’Australie, au lendemain de la mort d’un retenu qui avait tenté de s’évader. On ne sait pas pour le moment comment est décédée cette personne. L’émeute a commencé par une manifestation dans le centre d’un groupe de détenus, puis face à la répression de cette manifestation des barrières et des baraquements du centre ont été détruits et les gardes de sécurité du centre ont été attaqués, obligés de quitter les bâtiments. En Australie, les migrant-es arrêté-es en pleine mer sont soit refoulé-es vers le large soit enfermé-es dans des centres de rétention situés dans des îles du Pacifique, loin du continent (Chrismas Island, Nauru, Manus, etc.).

 

à suivre …

Tous les articles publiés sur la Lutte des migrant-es de La Chapelle

Tous les articles publiés sur Calais

Quelques liens : Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity//Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce) // Assemblée No Lager Thessalonique //  Assemblée No Lager (Grèce) // No border Serbia //

Paris: soirée de soutien aux 4 poursuivis par Emmaüs

Emmaüs préfère la répression à la solidarité

Soirée de soutien aux 4 poursuivis par Emmaüs

Dimanche 4 octobre 2015,

après la manifestation de solidarité avec tous les migrants

à partir de 18h au CICP 21 ter rue Voltaire

(métro Rue de Boulets, ligne 9)

Entrée à prix libre

18h30 : Discussion sur la situation des migrant-es et les luttes en cours à Paris

20h00 : Musique acoustique

et aussi Bar & Restauration toute la soirée

Mardi 11 août 2015, plusieurs migrant-es du centre d’hébergement Emmaüs dans le 14ème arrondissement entament une grève de la faim. Hébergé-es dans ce centre depuis le 28 juillet, jour d’une énième expulsion du campement de lutte de la halle Pajol. Ils/elles revendiquent des meilleures conditions d’hébergement et une accélération de leurs démarches de demande d’asile.

Le lendemain, ils/elles appellent des personnes solidaires rencontrées pendant la lutte pour leur faire constater la situation dans laquelle ils/elles se trouvent. Face au mépris du personnel d’Emmaüs, les migrant-es décident d’occuper le centre pour demander la venue du directeur de l’OFPRA, d’un responsable d’Emmaüs et de la mairie pour entamer une négociation avec eux. Pour toute réponse, ils/elles n’ont obtenu que l’intervention massive de la police. 4 personnes ont alors été arrêtées et placées en GAV. Placées sous contrôle judiciaire, elles passeront en procès pour « séquestration » et « refus de se soumettre aux prélèvements biologiques »  le vendredi  9 octobre 2015 à 9h30 au TGI de Paris.

Appel à soutien lors du procès, le 9 octobre à 9h30 à la 24ème chambre du TGI de Paris

(métro Cité, ligne 4)

Plus d’infos sur cette histoire :

Pour Emmaüs la répression est plus forte que la solidarité

Paris Luttes Info

fly soiree emmaus cicp 4 octobre 15

Réflexions sur l’élan d’empathie envers les « réfugié-es » et la solidarité

Nous avons traduit ces deux textes qui reviennent sur l’élan de compassion et d’empathie envers les « réfugié-es » qui traverse actuellement l’Europe. Vague populaire d’émoi collectif devant d’horribles images qui racontent les histoires de ces personnes, mais aussi grands discours hypocrites des gouvernements européens -et ici de la mairie de Paris- sur « l’accueil nécessaire des réfugiés face à la crise migratoire ».

Depuis trois mois qu’une lutte tente d’émerger à Paris autour de la question des frontières, des papiers et du logement, que d’autres rapports que des réflexes humanitaires tentent d’être construits entre migrant-es et personnes solidaires, ces deux textes, bien qu’écrits dans des contextes différents et même si nous n’en partageons pas toutes les analyses, offrent des pistes de réflexions sur les manières d’envisager la solidarité et la lutte contre les frontières.

Merci au blog Hurriya pour ces articles.

« Nous sommes ici parce que vous détruisez nos pays »

Ce texte a été publié mi-août 2015 par L’espace international des femmes à Berlin « un groupe de femmes migrantes et réfugiées en provenance de pays anciennement colonisés », né pendant l’occupation par des réfugiés de l’ancienne école Gehart-Hauptmann en Décembre 2012 à Berlin.

Nous avons vu, dans les médias mainstream, des reportages sur la solidarité croissante des Allemands envers les réfugiés. Articles après articles, les journalistes parlent des structures d’accueil ouvertes dans différentes parties du pays. Des personnes créent des sites internet qui offrent des hébergements temporaire aux réfugiés, d’autres collectent les vêtements et apportent de la nourriture aux réfugiés qui campent en face de Lageso à Berlin (Office d’État pour la santé et les affaires sociales). Les illustrations de ces articles montrent des situations peut-être rencontrées au Liban, qui accueille plus de 1 million de réfugiés, ou en Grèce, un pays qui est confrontée à une grave crise économique, avec l’aimable autorisation de l’Allemagne, et de toute évidence incapable d’offrir quelque chose de plus que la solidarité de ses propres habitants.

La réalité est que l’Allemagne est l’un des plus riches pays européens, qui a les moyens et pourrait s’il le voulait avoir des structures adéquates pour accueillir les réfugiés. L’empathie des habitants est toujours la bienvenue, ainsi que leurs efforts, mais si cela ne dépasse pas le niveau de la charité cela tue tout mouvement politique.

L’appauvrissement des personnes qui deviennent des réfugiés n’est pas nouvelle et les raisons sont à chercher dans l’histoire et ne peuvent être comprises que par ceux qui veulent savoir pourquoi des êtres humains utilisent des moyens désespérés pour venir en Europe. Le colonialisme, l’esclavage et la suprématie de la pensée blanche sont les causes de la situation actuelle. Voilà pourquoi les gens viennent en Europe : ils fuient les pays détruits par les politiques des pays occidentaux.

Nous, en tant que groupe politique, nous regardons la situation actuelle en Allemagne avec suspicion. Nous semblons avoir oublié les revendications des réfugiés qui ont lutté depuis plus de vingt ans dans les rues de ce pays. Plus personne ne cite le slogan « Nous sommes ici parce que vous détruisez nos pays », slogan des plus importantes campagnes de ces dernières années, menées par des groupes politique auto-organisé de migrants et de réfugiés telles que The Voice Refugee Forum et The Caravan for the Rights of Refugees and Migrants. Il n’est également pas fait mention dans les médias de la Refugee Protest March, quand en 2012 un groupe de réfugié a marché 600 km de Munich à Berlin et a occupé jours et nuits l’Oranienplatz, dans le quartier de Kreuzberg, à Berlin, luttant chaque jours pour revendiquer la fermeture de tous les camps (Lager), l’arrêt des expulsions, l’abolition du système de résidence et la libre circulation pour tous.

Aussi on ne trouve presque aucune référence à l’occupation de l’école via Ohlauer – toujours dans le quartier de Kreuzberg – où un groupe de réfugiés se bat toujours pour le droit de rester dans l’établissement où ils ont vécu après son occupation en 2012. Il y a seulement une année ce sont des milliers de berlinoi-ses qui ont soutenu la résistance sur le toit de l’école Ohlauer et il semble maintenant que tout cela n’a jamais eu lieu, et que la nouvelle approche de la vague de solidarité de la part dindividus prêts à aider les réfugiés est de critiquer les manquements de Lageso, responsable du logement des demandeurs d’asile dans les camps (lagers) ! Oui, Lageso doit être critiqué, mais il ne doit pas devenir le protagoniste dans cette histoire. Lageso ne peut pas résoudre le problème, parce que leur solution perpétue un autre problème : l’isolement des réfugiés dans les lagers, situé dans de petits villages au milieu de nulle part, sans accès à des soins de santé, à l’école à des possibilités d’emploi. Tout cela a été dit d’innombrables fois par des groupes de réfugiés auto-organisés.

Nous devons rappeler que faire de Lageso le cœur du problème est une stratégie, et que, si nous ne faisons pas attention, nous verrons bientôt des manifestations pour exiger de Lageso l’ouverture de nouveaux lagers.

N’oublions pas : nous exigeons la fermeture des lagers ! Et non l’inverse. Nous exigeons le droit pour les demandeurs d’asile de choisir où vivre, dans des appartements normaux comme toute autre personne qui ne cherche pas l’asile dans ce pays. Les gens ne viennent pas en ‘Europe de dépendre de la charité des particuliers ou tomber entre les mains de Lageso et de son système de lagers. Nous exigeons la liberté de circulation pour tous et toutes ! Nous croyons qu’en s’engageant politiquement dans la lutte, tout le monde s’engagera aussi dans le mouvement du 21e siècle – comme Angela Davis judicieusement souligné. Le Mouvement des Réfugié-es est le mouvement qui réclame des droits pour tous les êtres humains.

L’Espace internationale des femmes lance un appel à la mobilisation politique. Soutien, aide et charité ne vont pas changer le système, mais ils ont tendance à perpétuer l’idée d’une Europe humanitaire, qui n’existe certainement pas vu le nombre de personnes qui sont mortes en mer en essayant d’arriver ici. Les gens sont en train de fuir des situations catastrophiques créés par les pays occidentaux.
Il est temps de crier à haute voix à nouveau: «Nous sommes ici parce que vous détruisez nos pays».

L’article a été publié originalement en anglais sur le site du collectif : https://iwspace.wordpress.com/2015/08/15/we-are-here-because-you-destroyed-our-countries/

Contre la compassion : sur les ripostes populaires à la « crise des migrants »


Un article sur récente la vague de sympathie envers les réfugiés morts durant leur voyage vers la l’Europe forteresse, et sur pourquoi les groupes de “solidarité” se doivent d’éviter le piège de la charité et de la compassion.
Publié fin août 2015 sur le site internet londonien Rabble

Une bonne partie de la rhétorique pro-migration repose sur la compassion. Les médias libéraux et les groupes de soutien pour les droits des migrants tirent souvent sur la corde de l’émotionnel, dans l’espoir d’engranger plus d’intérêt face au sort des victimes de la migration. Malgré les bonnes intentions, cela n’a que très peu d’effets en dehors de faire culpabiliser, déprimer pour finir par décourager aussi de toute initiative.

S’il est évident que cela remue tout le monde, la compassion cultive le sentiment de pitié et de philanthropie : rendre service aux personnes défavorisées dans le monde. Nous croyons montrer de la générosité aux autres parce que nous ne nous sentons pas concernés par leurs problèmes. Mais nous sommes concernés : et pas seulement parce que la souffrance d’autrui nous touche, mais parce que nos vies sont étroitement liées de pleins de manières différentes par le colonialisme et le système de classe, et aussi parce que faisant partie d’un système de “privilèges” et de “droits” qui excluent les autres, nous devons accepter passivement tous les compromis et sacrifices que le capitalisme nous impose.

Des discours désespérés

La compassion nourrit la passivité politique : faire quelque chose de bien pour des gens se trouvant dans une situation difficile, comme par exemple amener des jouets aux familles se trouvant à Calais. Il ne fait aucun doute que ce genre de geste améliore un peu la dureté du quotidien, mais ce n’est pas de la solidarité, et ça ne change fondamentalement rien à la situation. Avec la compassion et la charité, il n’y a plus besoin de s’engager réellement et d’aller au cœur du problème. Nous sommes simplement encouragés à refiler à ce “problème” tout ce dont nous ne voulons plus matériellement. Cela permet d’ignorer le fait que l’ensemble du système des frontières, des États et du capitalisme est terriblement oppressif, nous marche dessus et nous écrase ; que nous sommes tous reliés par ce désir commun de libération, et que c’est une lutte politique qui doit maintenant être engagée par tout le monde, avec force et détermination.

Cette orientation vers la compassion détermine aussi le vocabulaire que nous utilisons: “victimes” contre “criminels”, “humains” contre “animaux”, “réfugiés” contre “migrants” etc. Ce type de langage pousse les gens à avoir de la peine pour les migrants, et montre qu’ils “méritent” notre soutien. Mais quand on utilise ces termes, nous renforçons inévitablement le discours autour du mérite et toutes les divisions que cela peut engendrer.

Mettre l’accent sur les cas les plus désespérés peut nous émouvoir, mais ça nous éloigne aussi : jamais nous ne pourrons comprendre leur détresse, ou la distance énorme qu’ils parcourent. Par exemple, beaucoup de gens affirment d’emblée que les personnes en détresse à la frontière sont des “réfugiés” et pas des “migrants”- parce que nous sommes tous un peu migrants aussi, mais avec des privilèges et une vie meilleure : s’il y a une lutte, ce n’est donc pas la mienne. Bien sûr, il est important de faire la différence entre les expériences de vie de chacun, mais en faisant des cas “particuliers”, “exceptionnels”, on minimise ce que nous pourrions avoir en commun; comme par exemple le fait que si et quand les migrants arrivent à “destination”, les plus chanceux rejoignent l’armée ou deviennent des esclaves modernes.

Entendre constamment des témoignages terribles – que ce soit à la frontière, en Syrie ou en Afghanistan- nous fait relativiser sur notre propre situation, misérable soit-elle. Sans compter que toutes ces injustices sont le produit d’un système dans lequel nous agissons quotidiennement, à travers nos actions ou notre passivité.

Tout sauf se battre

Nous vivons une époque inédite dans l’Histoire récente, une période où un nombre incalculable de personnes souffrent et meurent aux frontières de l’Europe forteresse, et alors qu’est-ce qu’on fait ? “Faire sortir leurs histoires au grand jour”. Organiser des missions de charité dans la “Jungle” de Calais. Partager et diffuser des photos d’enfants noyés et de corps entassés dans des camions. Pourquoi ? Faut-il toujours attendre que ce soit les autres qui fassent quelque chose ? Nous ne faisons rien d’autre que normaliser la culture de la passivité, et si quelqu’un ose affirmer que c’est une lutte que nous vivons, la réponse la plus politique à donner est de demander au gouvernement de trouver une “solution”.

Il faut arrêter de se leurrer et grandir un peu. Le gouvernement n’en a rien à faire. Il ne trouvera pas de “solution”. À la limite, si c’était nécessaire d’adoucir son image, il pourrait faire quelques concessions (comme par exemple accepter un petit quota de réfugiés syriens). Mais il n’ouvrira jamais les frontières. Il faut qu’on arrête d’attendre de nos parents de substitution -l’État- d’agir pour nous, à notre place. Il ne tient qu’à nous de bouger, et il est plus que temps de s’en rendre compte.

Prendre seulement conscience des souffrances innommables autour nous n’a jamais suffi à y mettre fin. La compassion n’a jamais changé les choses. L’Histoire nous montre que la seule force qui provoquera le changement est la lutte du peuple contre les structures de l’oppression.

La frontière est une lutte, il faut la combattre partout
Pour finir, je demanderai à ceux et celles faisant la charité à Calais, au nom de la “solidarité”: combien se battent contre les frontières ? Parce que les frontières sont partout, y compris là où ils vivent. Ceux qui chaque jour sont emmenés par la police des frontières sont les mêmes qui vivent ces histoires atroces qui en ce moment même attirent tellement de compassion. Ces jeunes Afghans qui ont survécu à leur périple vers l’Europe, qui ont vu leurs proches mourir en chemin, qui sont restés coincés dans la Jungle à Calais et qui ont fini par passer de l’autre côté- c’est ceux-là même qui sont ici (en Angleterre) arrêtés, détenus et déportés par les mesures politique d’immigration.

Les frontières sont partout. Ce sont les rafles dans votre rue, dans les foyers d’accueil comme celui de l’Electric House à Croydon; les frontières sont aussi à la Beckett House (centre de surveillance de l’immigration situé à Londres), dans les centres de rétention comme celui d’Harmondsworth ou encore la prison des familles de Cedars, dans les compagnies multimillionnaires qui gèrent ces lieux (Mitie, G4S), elles sont dans les boîtes privées qui “escortent” les détenus (Serco, WH Tours).

Assez de la compassion, agissons et détruisons ce qui nous détruit.

Version anglaise : http://rabble.org.uk/against-sympathy-on-popular-responses-to-the-migrant-crisis/

Un été contre les frontières

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Mise en page : brochure page par page ou format cahier

Depuis le début de l’été, des milliers de personnes tentent de rejoindre l’Europe. Parmi celles qui ont réussi, beaucoup sont bloquées et traquées aux quatre coins du continent : en Grèce, en Macédoine, à Calais, à Vintimille…

AUX FRONTIÈRES ASSASSINES DE L’EUROPE…

Dans les médias, les gouvernants européens parlent de « situation explosive » et de « drame humanitaire » en évoquant les nombreuses personnes qui meurent en tentant la traversée de la Méditerranée.

Agiter l’épouvantail de l’invasion et des réseaux criminels de passeurs permet aux États de justifier leurs politiques migratoires meurtrières tout en se parant d’un vernis humanitaire. L’escalade militaire qui se met en place aux frontières de l’Europe se fait au prétexte de neutraliser les passeurs qui seraient responsables des milliers de mort-es en Méditerranée et ailleurs. Mais ces milliers de noyé-es, électrocuté-es, écrasé-es, ont été tué-es par les États européens qui en renforçant toujours plus la surveillance et le blocage des frontières extérieures de l’Europe rendent les routes pour y accéder de plus en plus dangereuses. Depuis 15 ans, plus de 40 000 personnes sont mort-es aux frontières européennes, dont plus de 2300 depuis janvier 2015. Et chaque jour de nouvelles personnes meurent sur le chemin de l’Europe.

Partout, de nouveaux murs s’érigent, les flics et les militaires se déploient pour empêcher les personnes migrant-es d’entrer en Europe :

À l’Est, tandis que la Macédoine décrète l’état d’urgence et envoie l’armée contre les migrant-es, la Hongrie poursuit la construction de son mur de grillages et de barbelés le long des 175 km de frontière commune avec la Serbie. En Bulgarie, l’État envoie les blindés contre les migrant-es.

Des camps d’enfermement s’érigent ici et là. Appelés « centres de tri », « centres d’identification », ces lieux d’enfermement, qui voient le jour dans les pays de l’Union Européenne où arrivent les migrant-es (Italie, Grèce, Bulgarie), vont servir à séparer celles et ceux qui auront le droit de déposer une demande d’asile en Europe et les autres, les migrant-es dits « économiques » pour lesquels des procédures d’expulsion rapides et groupées seront organisées. Tandis que certains ont déjà ouvert en Bulgarie, en Italie ces centres seront opérationnels dès cet automne, dans des bâtiments militaires désaffectés, retapés dans l’urgence pour être opérationnels au plus vite.

En Méditerranée, l’Union européenne lance une opération militaire navale, appelée « Navfor Med ». Aux flics et outils de surveillance électroniques de l’agence de surveillance des frontières Frontex déjà présents en mer, viennent s’ajouter navires et sous marins de guerre, hélicoptères et drones des armées européennes. Conçue sur le modèle de l’opération Atalante qui au nom de la lutte contre les pirates somaliens dans l’océan indien bombarde des embarcations et villages de pêcheurs, « Navfor Med » va voir ses moyens offensifs progressivement augmentés avec comme objectif final la destruction des bateaux de passeurs avant qu’ils ne quittent les côtes libyennes. Décidée au lendemain d’un naufrage qui a fait 800 mort-es au large de la Libye en avril dernier, cette opération présentée comme une guerre contre les passeurs s’inscrit en réalité dans la continuité de celles déjà menées, qui visent à barrer la route aux migrant-es, coûte que coûte, quitte à couler leurs embarcations comme l’ont fait mi-août des gardes-côte grecs au large de la Turquie, quitte à tuer d’avantage de personnes.

À Calais, où quelques milliers de personnes tentent de gagner l’Angleterre par les ferrys et le tunnel sous la Manche, l’État et la mairie s’accordent depuis des années pour réprimer les migrant-es. Mais cette répression s’est encore accentuée ces derniers mois avec les expulsions des différents lieux de vies des migrant-es (squats et jungles) et l’augmentation de la pression policière.

Dans le même temps de nombreux renforts policiers sont arrivés dans la région, et tandis que ceux-ci matraquent, gazent et raflent, la Grande-Bretagne finance des barrières infrarouges et des barbelés qui viennent engrillager le port et l’accès au tunnel sous la Manche.

On assiste à la même situation qu’à Ceuta et Melilla où l’Europe dresse des murs de barbelés et de gadgets électroniques mortifères. On assiste à la même situation qu’en Méditerranée. De plus en plus de migrant-es trouvent la mort en tentant de passer en Angleterre : depuis début juin, 11 migrant-es sont décédé-es, noyé-es, électrocuté-es ou écrasé-es par des camions dans la région de Calais. À Paris, le 29 juillet dernier, un migrant a également été électrocuté alors qu’il tentait de monter sur le toit de l’Eurostar à la Gare du Nord.

Le triptyque « invasion de migrant-es/passeurs/terroristes » sert depuis des années à justifier les politiques migratoires de l’Union européenne, agitant l’épouvantail de l’un pour réprimer l’autre. À les écouter, les réseaux de passeurs semblent être la principale préoccupation des dirigeants, mais à qui profite le renforcement du contrôle des frontières si ce n’est à ces derniers ? Car plus les routes sont longues et dangereuses, plus les prix augmentent et plus les réseaux se renforcent, c’est la loi de l’économie capitaliste. D’ailleurs, dans de nombreux pays, États et réseaux mafieux travaillent main dans la main.

De plus, si des réseaux mafieux existent bel et bien, de nombreuses personnes condamnées pour être des passeurs sont des migrant-es ou des personnes qui ont voulu donner un coup de main, par solidarité, et sans en avoir tiré de bénéfices : celui qui conduit la barque car il y a une expérience de la navigation en mer, celle qui ouvre sa portière à la frontière franco-italienne pour prendre un passager, celui qui à Calais referme les portes du camion derrière ses camarades de route.

L’Europe est en guerre contre les migrant-es : elle est prête à tout pour empêcher celles et ceux qu’elle considère comme des indésirables de rejoindre ses côtes, de traverser son territoire et de s’y installer. Les récentes réformes qui, dans plusieurs pays européens, restreignent le droit d’asile et l’accès à un titre de séjour en témoignent.

À travers les discours guerriers et alarmistes qu’ils emploient, les gouvernants construisent depuis longtemps la figure d’un ennemi extérieur, le migrant, qui représenterai une menace pour l’Europe, et leur permet de justifier le renforcement du pouvoir et du contrôle, partout, pour tou-tes. N’oublions pas que cette gestion des frontières représente également un business juteux et un terrain d’expérimentation pour les marchands d’armes et les fabricants de gadgets électroniques de surveillance.

Mais la détermination de celles et ceux qui veulent fuir la guerre, la répression, la misère, ou tout simplement voyager, sera toujours plus forte que les barbelés et la peur de mourir.

RÉSISTANCE ET SOLIDARITÉ

Des milliers de migrant-es présent-es sur le sol européen luttent chaque jour pour continuer leur voyage et atteindre leur destination en traversant le continent. Partout ils et elles sont confronté-es à la pression policière : aux postes frontières, dans les villes, dans les gares et les ports…

Les frontières sont omniprésentes et elles permettent au pouvoir de séparer, de trier et d’empêcher les migrant-es de circuler librement. Dans la rue, dans les transports, dans les administrations, si l’on n’a pas le bon papier, chaque contrôle d’identité peut aboutir au blocage, à l’enfermement et à l’expulsion.

Qu’elles soient matérielles, avec leurs murs, leurs barbelés et leurs uniformes, ou immatérielles, aux guichets de la préfecture, dans les couloirs du métro, dans les centres d’hébergement, etc., les frontières sont à abattre car elles sont une entrave à la liberté.

Aux quatre coins de l’Europe, migrant-es et personnes solidaires s’organisent pour lutter contre ces barrières : pour passer les frontières entre les pays européens, résister au harcèlement policier, refuser les prises d’empreintes forcées, s’opposer aux attaques de groupes fascistes et casser la logique d’invisibilisation et d’isolement où le pouvoir voudrait enfermer les migrant-es. Partout une forte solidarité s’est mise en place pour contrer la guerre aux migrant-es lancée sur tout le continent avec des revendications simples et claires : des papiers et des logements, la liberté de circulation, l’ouverture des frontières, l’arrêt de la répression des migrant-es et des expulsions, contre l’occupation policière.

À Vintimille, ville frontalière entre l’Italie et la France, si les touristes peuvent traverser tranquillement la frontière, il n’en va pas de même pour tou-te-s. Depuis le mois de juin, un déploiement des forces de police française et italienne tente de bloquer le passage des personnes migrantes qui souhaitent poursuivre leur voyage en pratiquant des contrôles au faciès.

Les barrages routiers et les contrôles à bord des trains, avec souvent la complicité des contrôleurs de la SNCF malgré quelques résistances, sont quotidiens et s’étendent jusqu’à Nice et Marseille. Chaque jour, des dizaines de migrant-es qui réussissent à passer la frontière sont arrêté-es et ramené-es côté italien par la police française. Mais heureusement, beaucoup d’autres parviennent à passer et peuvent ainsi continuer leur voyage.

Côté italien, les mesures prises contre les migrant-es et la liberté de circulation sont multiples : du déploiement policier à l’interdiction de distribuer de la nourriture, tout est fait pour décourager celles et ceux qui veulent passer de l’autre côté des Alpes. Et pour gérer et trier cette population, l’État peut compter sur son plus fidèle collaborateur, la Croix-rouge. À Vintimille, c’est elle qui gère le centre d’accueil des migrant-es situé à côté de la gare, vernis humanitaire à la politique répressive de l’État.

Mais une partie des migrant-es a décidé de ne pas se laisser faire et de refuser de se laisser enfermer dans le centre de la Croix-rouge. Le 11 juin, ils et elles sont plusieurs dizaines, avec quelques personnes solidaires, à installer un campement sur les rochers du bord de mer, au pied du poste frontière principal. Ils et elles entendent par là protester contre le blocage de la frontière et construire un espace d’entraide, de solidarité et de lutte. Malgré les pressions policières, qui menacent d’expulsion et cherchent à empêcher d’autres migrant-es de le rejoindre, le campement, appelé « Presidio Permanente No Borders Ventimiglia » résiste et s’organise. « Dans ce campement, les européens et les migrants ont construit un espace de solidarité, de complicité et de lutte. Ensemble nous cuisinons et nous mangeons, nous rendons concrète la solidarité dont beaucoup parlent, les informations et les conseils se diffusent, nous surveillons l’action des forces de police italiennes et françaises, nous affirmons clairement et ouvertement notre désaccord face à la fermeture des frontières. »

Des actions blocage et des manifestations sont organisées dans la ville ou au poste frontière aux cris de « We are not going back » (Nous ne retournerons pas en arrière), ainsi que des tentatives de passage collectif de la frontière.

Le 10 août dans la nuit, une centaine de migrant-es ont tenté de traverser la frontière en montant dans un train. En gare de Menton, ils/elles ont refusé de descendre du train face à la police. Ils et elles ont alors été traîné-es de force dans les camionnettes qui les ont reconduit-es au poste frontalier français de Ponte San Luigi, où ils et elles ont été enfermé-es dans des containers en attendant que la demande de reconduction sur le territoire italien soit acceptée par les autorités. Plusieurs personnes solidaires ont alors bloqué la route pour empêcher ces expulsions et une vingtaine d’entre eux/elles ont été arrêté-es. Trois français-es passeront plusieurs heures en garde à vue et six italien-nes sont désormais interdit-es de séjour à Vintimille.

Chaque fois que des migrant-es sont arrêté-es par les flics côté français ils/elles sont enfermé-es dans des containers au commissariat de la police aux frontières de Menton en attendant leur expulsion en Italie. Mais la solidarité est toujours là : des personnes solidaires se rassemblent devant le commissariat pour empêcher ces expulsions. Plusieurs d’entre-elles ont également été arrêtées et sont désormais interdites de séjour dans la région.

Une fois cette frontière passée, la traque policière et les galères sont encore là, mais les solidarités et les luttes aussi !

À Paris le 2 juin 2015 c’est un campement de plusieurs centaines de personnes, installées depuis des mois sous le pont du métro aérien de La Chapelle, qui a été expulsé. Alors que la mairie présentait cette opération de police comme humanitaire et proposait des place d’hébergement d’urgence, plusieurs dizaines de migrant-es se sont retrouvé-es à la rue dès le lendemain. Ils et elles se sont alors réunis avec plusieurs personnes solidaires et ont décidé d’occuper pour la nuit une salle associative. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, plusieurs places et lieux ont été occupés, à chaque fois expulsés par la police, sous ordre de la préfecture et de la mairie (Église Saint-Bernard, Square Saint-Bernard – Saïd Bouziri, Gymnase Pajol). Ces derniers ne souhaitent pas voir les migrant-es se regrouper et s’organiser collectivement.

Le 8 juin, des dizaines de flics expulsent le campement de la halle Pajol et arrêtent les migrant-es malgré une forte résistance qui a permis de ralentir leur sale boulot et à plusieurs migrant-es de s’échapper.

Après la matraque policière, la mairie et l’État changent de stratégie : dès qu’un nouveau campement s’organise et que les migrant-es se mobilisent, la mairie, l’OFPRA (office chargé de la gestion des demandeurs d’asile), de travailleurs sociaux d’Emmaüs et d’élu-es viennent leur « vendre » des places en centre d’hébergement d’urgence. C’est la façade humanitaire de cette guerre aux migrant-es menée par les États et une autre forme de violence plus insidieuse que la matraque policière et les barbelés : à Paris comme ailleurs, le pouvoir cherche à se débarrasser de ces migrant-es, à les rendre invisible et à les disperser aux quatre coins de la région parisienne pour éviter qu’ils et elles ne se regroupent et s’organisent collectivement pour obtenir ce qu’ils et elles veulent : des papiers, des logements et la liberté de circuler et de s’installer.

Dans les centres où plusieurs centaines de migrant-es sont hébergé-es pour quelques semaines au fur et à mesure des expulsions, les conditions de vie imposées (horaires stricts, repas imposés, interdiction de visites, pas de titres de transports…) sont mauvaises, les démarches administratives n’avancent pas. Face à cette situation, plusieurs actions d’occupation et de grève de la faim ont été menées par ceux et celles qui y sont logé-es.

Mais, ces centres d’hébergement restent des lieux de contrôle et de tri des demandeurs d’asile pour l’État et les associations qui les gèrent (Emmaüs, Aurore…).

Le 25 juillet, répondant à l’appel de Vintimille à un week-end de résistance contre les frontières, une manifestation a réuni plus de 150 personnes. Sur le chemin du retour au campement Pajol, les manifestant-es ont fait escale à Gare du Nord et devant l’entrée de l’Eurostar, une banderole a été déployée aux cris de « No border, no nation, stop deportation ». Dans la gare, des applaudissements retentissent.

Le 31 juillet, suite à la dixième expulsion à laquelle ont dû faire face les migrant-es et les personnes solidaires, un ancien lycée désaffecté est occupé dans le 19ème arrondissement et transformé en Maison des réfugié-es.

Dans tous ces lieux occupés, et malgré les difficultés posées par cette traque policière et humanitaire, d’autres pratiques tentent d’être mises en place : l’entraide plutôt que la charité, l’auto-organisation plutôt que la gestion humanitaire, la lutte plutôt que la résignation. Une cantine collective pour les repas, des assemblées générales pour prendre les décisions, des manifestations pour rompre avec l’invisibilité dans laquelle le pouvoir voudrait plonger celles et ceux qu’il considère comme indésirables.

D’autres campements ont également été expulsés, dont celui du square Jessaint à La Chapelle. Plusieurs dizaines de migrant-es occupent depuis le parvis de la mairie du 18ème arrondissement.

À Calais, le 2 juin, les derniers lieux de vie des migrant-es du centre ville ont été expulsés : le squat Fort Galloo ouvert en juillet 2014 suite à une manifestation, et le campement (appelé jungle par les migrant-es) du Leader Price. Celles et ceux qui vivaient là se sont donc retrouvé-es obligé-es de rejoindre le bidonville d’État, situé en périphérie de la ville, à côté du Centre d’accueil Jules Ferry, loin des points d’accès à la frontière vers l’Angleterre. Dans cette jungle, seul endroit où les migrant-es sont autorisé-es à dormir, 3000 personnes survivent dans des conditions très difficiles. À Calais, point de passage pour de nombreuses personnes migrantes, celles-ci doivent faire face aux rafles et à la violence policière, mais aussi aux attaques fascistes de plus en plus violentes et habituelles

Mais, comme à Vintimille, à Paris et ailleurs en Europe, migrant-es et personnes solidaires résistent, tissent des liens de solidarité au quotidien, prennent la rue, et les migrant-es s’auto-organisent pour passer en Angleterre, malgré une frontière et une répression de plus en plus meurtrières (11 mort-es entre juin et août 2015).

Durant tout l’été, des tentatives auto-organisées de monter collectivement dans les camions et les navettes de l’euro-tunnel sont violemment réprimées par les flics. Des groupes de centaines de migrant-es passent les barbelés, stoppent les camions et essayent de s’introduire dedans. Les coups de matraque et gaz lacrymogènes pleuvent, et de nombreux/euses migrant-es sont blessé-es ou arrêté-es. Ces tentatives de passage, dont certaines réussissent, vont être utilisées par les autorités pour demander des renforts policiers. Dans les médias, des deux côtés de la Manche, le nombre de personnes qui tentent d’entrer dans le tunnel va être volontairement exagéré.

Une réunion au sommet, entre ministres britanniques et français, se conclue sur de nouveaux accords de coopération pour réprimer les migrant-es : plus de contrôles, plus de barrières, plus de flics, à grands coups de financements anglais.

Dans la jungle, des migrant-es et des personnes solidaires ont organisé des manifestations vers le centre ville et des blocages de l’autoroute d’accès à l’euro-tunnel, permettant à certain-es de monter à l’arrière des camions. Ces actions se multiplient ces dernières semaines, donnant aux migrant-es une force collective. Le lieu de distribution de nourriture du centre Jules Ferry a également été bloqué pour dénoncer contre les conditions de vies imposées dans le bidonville.

CONTRE LES FRONTIÈRES, SOLIDARITÉ ACTIVE AVEC LES MIGRANT-ES !

La distinction opérée par le pouvoir, quelques intellectuels et les médias entre d’un côté les réfugié-es politiques et de l’autre les migrant-es économiques est une énième opération de tri entre « bon réfugié-es que l’on pourrait accueillir » et « mauvais migrant-es économiques qu’il faut expulser ».

Pour nous, il n’existe pas de bonne politique migratoire, car le problème c’est l’existence même des frontières, outil mortifère de contrôle et de gestion des populations pour les États.

Il n’y a pas plus de communauté nationale qu’un ennemi extérieur à combattre. Nos ennemis sont ceux qui pillent en Afrique et en Asie, ceux qui mènent des guerres coloniales et vendent des armes aux plus offrant, ceux qui militarisent le territoire, ceux qui prêchent le racisme et la haine de l’autre, ceux qui décident qu’un bout de papier détermine qui nous sommes et où nous pouvons -ou pas- aller. Nos ennemis sont ceux qui nous exploitent et nous oppressent, ceux qui entravent notre liberté.

Ces derniers mois, les résistances aux frontières ont été nombreuses et fortes. Nous pouvons nous emparer de cette énergie et lui faire prendre de l’ampleur pour la transformer en un mouvement de solidarité et de rébellion contre le système des frontières.

Se solidariser et s’organiser avec les migrant-es, là où ils/elles résistent contre la guerre que leur mènent les États, c’est contribuer à affaiblir les frontières qui se dressent partout sur le chemin de celles/ceux qui n’ont pas les bons papiers pour circuler et s’installer là où ils/elles le veulent.

Cette solidarité est le contraire de la charité. La charité est un rapport de domination, où celui qui donne a le pouvoir et celui qui reçoit est relégué à un rôle de victime qui ne peut que recevoir.

À l’inverse, nous devons nous attacher à construire des rapports de partage et d’égalité, des luttes auto-organisées par celles et ceux qui les font vivre, sans hiérarchie ni paternalisme.

Nous pouvons agir partout autour de nous, partout où se dressent des frontières, et de multiples manières : en portant dans la rue d’autres discours que ceux du pouvoir et des humanitaires avec des tracts, des affiches, des rassemblements et manifestations, etc. ; en contribuant concrètement aux passages des frontières ; en s’échangeant des conseils et des informations pratiques pour récupérer de la nourriture comme pour partir dans une autre ville ; en partageant des connaissances juridiques, des conseils et techniques sur les contrôles et les arrestations  ; en s’organisant dans son quartier pour agir contre les rafles ; etc.

Des papiers d’identité aux centres de rétention, des rafles aux guichets des préfectures, à bas toutes les frontières !

La vie de personne ne doit dépendre de bouts de papiers !

Quelques liens : tous les articles sur la lutte des migrant-es de La Chapelle sur ce blog // Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity // Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce)

barrière melilla 2

Liberté pour Abdul Rahman Haroun, le marcheur sous la manche !

Au début du mois d’août, un homme d’origine soudanaise, Abdul Rahman Haroun, a été arrêté alors qu’il sortait tout juste du tunnel sous la Manche situé côté anglais à Folkstone. Il venait de parcourir les 50 km à pied sous le tunnel, depuis Calais, sans se blesser ni se faire repérer. Les gouvernements français et anglais prétendent contrôler le flux de migrants arrivant aux frontières, dépensant des millions d’euros en barbelés et caméras de surveillance. Ils aiment à croire qu’ils sont entrain de faire de l’Angleterre une forteresse bien gardée, mais Abdul Rahman Haroun leur a prouvé le contraire et Ils comptent bien le lui faire payer.

Parti du Soudan pour chercher refuge en Angleterre, il encourt aujourd’hui jusqu’à deux ans de prison. Il est inculpé, sous un mandat législatif périmé « The Malicious Damages Act of 1861 », d’obstruction à locomotive ou wagon de chemin de fer. Convoqué le 24 août dernier, il a plaidé non coupable, mais a été placé en détention par le juge. Être incarcéré pour ce type de délit est complètement disproportionné et révèle clairement le caractère politique de cette arrestation. Une prochaine audience est prévue en novembre prochain, avant le procès qui lui aura lieu en janvier 2016. Abdul Rahman Haroun est actuellement détenu à Elmley dans le Kent.

Étant poursuivi sous une telle législature (« The Malicious Damage Act » qui a été créée dans le but de poursuivre les dissidents de l’église anglicane au XVIIIème siècle, et a été récemment utilisée pour enfermer des personnes accusées d’action directe), nous affirmons haut et fort que cette affaire est clairement politique et constitue une attaque à la liberté de circulation. Abdul Rahman Haroun sert de bouc émissaire pour intimider ceux et celles qui voudraient suivre son exemple.

Ses actions ont fait de lui une cible, mais il dispose d’une bonne défense. D’après l’article 31 de la convention des réfugiés, ainsi que dans la loi anglaise, il est possible d’entrer « illégalement » sur le territoire anglais si c’est dans le but de demander l’asile. Cependant, comme nous en avons toutes et tous été témoins ces dernières années, le gouvernement se fiche bien des « Droits de l’Homme », et Abdul a besoin de notre soutien et de notre solidarité pour combattre leur justice perverse.

Dans l’état actuel des choses, son renvoi d’audience montre que même s’il est jugé non coupable lors du procès, il aura déjà passé 5 mois en prison. Mais ça ne s’arrête malheureusement pas là. S’il est jugé coupable cela pourrait avoir des conséquences dramatiques quant à sa demande de régularisation en Angleterre. Une double peine récurrente au Royaume-Uni, laissant les personnes ayant purgé leur peine sans aucun droit sur le territoire, ou même directement expulsées (si leur pays d’origine est considéré par l’État comme non dangereux).

L’incarcération d’Abdul et ses poursuites judiciaires montre clairement la volonté de l’État à faire de lui un exemple pour quiconque souhaiterait tenter le même voyage. Une tentative d’intimidation, faire peur, faire douter les gens à Calais sur ce qui les attend de l’autre côté. Montrons-leur que nous n’avons pas peur d’eux avec leurs tribunaux et leurs prisons!

Nous condamnons fermement l’incarcération et la poursuite d’Abdul.

Liberté pour Abdul. Liberté pour toutes celles et ceux détenus par le régime des frontières. On ne peut être libre quand les autres sont enfermés.

Traduction depuis Calais Migrant Solidarity

 

English version

Freedom for channel walker Abdul Rahman Haroun !


At the start of August, Abdul Rahman Haroun, a Sudanese man, was arrested just short of the exit to the Channel Tunnel in Folkstone, UK, having walked 50km through the tunnel from Calais. He successfully crossed the Channel Tunnel on foot, making it to the UK unharmed and undetected. The British and French governments pretend that they can control the flows of people across the border, spending millions of pounds on fences and cameras. They like to believe they can turn the UK into a fortress but Abdul Rahman Haroun has proved them wrong and because of that they intend to make an example out of him.

Having traveled from Sudan all the way to Britain to seek sanctuary, he now faces up to two years in prison. He has been charged under an outdated piece of legislation, the Malicious Damages Act of 1861, ‘for obstructing a railway carriage or engine’. He had a court date on the 24th of August where he plead not guilty but was remanded in custody by the judge. Being placed on remand for such an offence relates to the political nature of his arrest and is totally uncalled for. He has a further hearing in November and following that a trial in January 2016. He is currently being held in HMP Elmley in Kent.

As he is being prosecuted under such an arcane piece of legislature (the Malicious Damages Act has its history in the criminilsation of dissent by the Luddites in the 18th Century and has recently been used to detain protesters involved in direct action), his prosecution is clearly a politically motivated attack on the freedom of movement designed to intimidate those who would follow his example.

His actions have made him a target but he has a good defense. Under Section 31 of the Refugee Convention and within British law, it is accepted that people may enter the UK ‘illegally’ if doing so to claim asylum. However, as we have witnessed in the past few years, the Tories don’t care much for ‘human rights’ and Abdul needs our solidarity and support to fight their malicious form of justice.

As it stands, his remand means that even if he is found not guilty at trial, he will have already spent 5 months in jail. However, it would not stop there, if found guilty it could have serious consequences for his ability to regularise his status in the UK. A dual punishment that often occurs in the UK, where people who have served out the sentence for their ‘crimes’ (which can be offenses related to immigration) are then punished a second time, by being denied Indefinite Leave to Remain or by being immediately deported (if their country of origin is a country the UK considers ‘safe’).

Abdul’s incarceration and prosecution is an attempt to set a clear example to anyone considering the same journey as him. An attempt to put fear and doubt into the heads of people in Calais about what awaits them on the other side of the channel. We must show them that they cannot scare us into submission with their prisons and their courts!

We absolutely condemn the continued incarceration and prosecution of Abdul. Freedom for Abdul. Freedom for all those detained and incarcerated by the border regime. No one is free until we are all free!

 

[Grèce] Déclaration et informations sur la situation des réfugiés et des migrants sur l’île de Kos

Traduit depuis Clandestina 15 août 2015

Il y a longtemps, mais pas suffisamment pour prétendre être oublié, des milliers de personnes, aux visages et aux noms familiers, sont partis de chez eux à la recherche d’un avenir meilleur. Entassés dans des trains, accueillis par des escadrons de policiers hostiles, fichés par les autorités, ils dormaient dans des zones impropres même pour les animaux et travaillaient aux pires besognes. Considérés comme des sous-hommes, vermine et vauriens, ils ont pu être exploités comme travailleurs et dépossédés en tant qu’êtres humains.

À ce jour, ces histoires de réfugiés et migrants n’ont jamais cessé d’exister, puisque les États, les nations et les guerres n’ont pas encore disparu. Elles connaissent même un renouveau sauf que, cette fois, nous sommes de l’autre côté de la mer, attendant l’arrivée de milliers de migrants qui risquent leur vie pour traverser les frontières de l’Europe.

L’Europe est coupable de ce qui se passe dans les régions que ces gens quittent : ses armées disséminées dans le monde entier, de connivence avec les pouvoirs autoritaires de ces régions, usurpent les ressources et les sols depuis des siècles. L’Europe s’occupe maintenant de sa « sécurité » et c’est un prix à payer pour les choix qu’elle a fait.

Comment pourrait-il en être autrement lorsque sa politique, de la Manche aux archipels du Dodécanèse, vise à avilir l’existence humaine jusqu’à ce que les individus atteignent le fond, et à permettre l’exploitation d’une main-d’œuvre qui comble les manques de son économie agonisante.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le gouvernement grec « de gauche » se dégage de toute responsabilité, affichant de l’indifférence au sort des migrants tout en tentant, en vain, de montrer un visage charitable. L’inefficacité du gouvernement, et plus encore le comportement de sa police (la violence, la corruption, la dissimulation d’actes illégaux, etc.), prouve sans l’ombre d’un doute que tout ce qui a été dit précédemment est vrai. Sans oublier que l’armée grecque continue, même en période de difficultés économiques, de se maintenir dans douze pays du monde, en réponse aux besoins stratégiques d’un pays qui n’a jamais digéré ses modestes débuts militaires.

Les discours misanthropes et racistes des autorités locales ne sont pas non plus une surprise. Quand leurs masques tombent, la rhétorique des droits de l’homme disparaît. Les toilettes publiques sont fermées, l’eau est coupée et leurs faux-semblants du début sont remplacés par des discours d’extrême droite, typique des gouvernements européens (« reprendre la ville », « le sang va couler », « ils n’auront même pas l’eau »…). Et des néo-nazis, des voyous gonflés aux hormones et autres invertébrés sont payés par eux pour nettoyer de force les parcs et les rues, menaçant tous ceux qu’ils croisent [1]

Nous ne sommes pas non plus étonnés du fait que les nombreuses histoires d’extorsion faites aux immigrés ont été étouffées à la fois par le gouvernement et par les médias locaux. Les forces locales ont beau pleurer devant les caméras sur le sort qui a frappé ce lieu sacré, elles gagnent d’énormes profits sur le dos des gens désespérés, louant leurs chambres au prix d’un hôtel 5 étoiles (environ 35 euros par nuit pour une chambre avec 4 lits), faisant payer pour recharger les téléphones portables (3 euros par charge), vendant l’eau à 1,5 euro par bouteille, volant les moteurs des bateaux de passeurs. Certains proposent même de transporter les migrants à Kalymnos (île grecque au large du continent) pour la modique somme de 400 euros (en lien avec la police car ils ont les moyens de traiter les dossiers plus rapidement).

Peut être la seule chose un peu surprenante, mais surtout horrible à reconnaître, est l’émergence d’un discours xénophobe et raciste chez la majorité des habitants de l’île de Kos. Ils osent traiter les gens d’« illégaux » et d’« irréguliers » quand leurs grands-parents ont fui, avec très peu d’argent en poche, vers l’Australie, le Canada ou les États-Unis. Ils se plaignent que l’île est petite, affirmant qu’il y a une pénurie de zones d’accueil, quand les hôtels sont remplis de centaines de milliers de touristes [2] et qu’il y a de nombreux espaces délabrés et abandonnés dans le centre ville.

Il faut noter l’absence d’ONG et autres organisations « sensibles » à la question sur l’île, alors qu’ils sont censés être payés pour aider les réfugiés et les migrants. Aussi il est important de raconter les récents événements des 11 et 12 aout, impliquant les flics aidés des fascistes. Ils ont parqué des milliers de migrants dans le stade Antagoras dans des conditions terribles : sans eau, ni ombre, ni nourriture, ni toilettes ; et des escadrons de la mort locaux ont attaqués des migrants [3] .

Nous sommes témoins du vécu de milliers d’êtres humains qui ont eu le malheur d’être nés pas si loin mais du « mauvais coté » et de parler une autre langue. Nous ne les abandonnons pas aux griffes du cannibalisme contemporain. Aucune provocation ne sera laissée sans réponse, et aucune voix exprimant la solidarité et le soutien ne sera réduite au silence par la vulgate anti immigrés.

Les migrants sont des damnés de la terre.

Nous sommes tous des étrangers dans ce monde de patrons.

Initiative en solidarité avec les réfugiés et les migrants

 

P.-S. Ce texte a été distribué à plus de mille exemplaires dans la ville de Kos et diffusé par les médias locaux. La traduction de ce texte a été retravaillée à partir de la version anglaise, les notes ont été ajoutées au texte initial.

 

[1] Le matin du 11 août, alors que des centaines de migrants étaient rassemblés devant le commissariat pour demander le « papier blanc », un laissez-passer leur permettant de quitter l’île, des employés municipaux et des flics en civil ont profité de la désertion momentanées des migrants pour jeter leurs affaires dans des bennes, leurs tentes et leurs campements de fortune, lavant le sol à grands coups de jets d’eau. Ils ont nettoyés la ville pour les touristes, qui encore drogués de la veille tiennent à admirer les ruines antiques aux travers de leur perche à selfies..

[2] Mi-août, la ville de Kos qui déborde de touristes a des airs de fin du monde. Cette cité balnéaire aux mille néons est le reflet d’un monde décadent et pourri où se côtoient à la fois les jeunes européens de l’ouest complètement défoncés sortant de boites de nuit, les familles qui partent faire du « toboggan en piscine » au bord de la mer, les touristes en goguette qui font des virées sur des bateaux de pêches transformés en bateau « pirate ». Ils vont où ? Ils vont en Turquie, à quatre kilomètres de là et ils croisent certainement des bateaux pneumatiques remplis de migrants qui fuient la misère et la guerre, et qui risquent leur peau à venir ici. Entre les yachts de grands richards amarrés au port et les hôtels, des milliers de migrants qui n’attendent que de pouvoir partir, dorment dans des tentes ou sur des cartons. Sur le chemin du marchand de glace, on trouve des dizaines de gilets de sauvetage que les migrants ont laissés après la traversée. Et à la plage, sous les parasols, on trouve des touristes enduits de crème solaire, et sous le cagnard, des hommes, des femmes et des enfants qui tentent de survivre.

[3] Le but de ce transfert était l’enregistrement de tous les migrants par les autorités. La police n’a pas hésité à frapper les gens détenus avec des matraques et vider des extincteurs sur les migrants. Le maire de Kos a même déclaré que « le sang risquait de couler ».

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Dans le stade à Kos où sont parqués sans eau, ni ombre, des milliers de migrants le 11 et 12 aout, la police frappe et vide des extincteurs.

[Calais] La solidarité signifie lutter contre les frontière

Au cours des dernières semaines, des milliers de personnes ont relevé la tête face à la misère causée par les frontières. Emparons-nous de cette énergie et faisons lui prendre de l’ampleur pour se transformer en un mouvement de solidarité et de rébellion contre le système des frontières. Abattons les murs.

Nous croyons en la solidarité, pas en la charité. La charité est une relation inégale. Une personne est le donateur actif, l’autre est un bénéficiaire passif. La charité, à Calais, maintient vivante la division entre Européens, puissant, actif, principalement blanc et avec des passeports, et des Africains et des Asiatiques, sans défense, victimes passives, sans papiers. Il contribue également à consolider les profondes inégalités de ce monde d’États, de frontières, de colonialisme et d’exploitation capitaliste.

La solidarité tend à être une relation d’égalité. Nous nous battons les uns aux côtés des autres. Comme le dit la célèbre phrase « votre libération est liée à la mienne ». Bien sûr les frontières affectent certaines personnes plus que d’autres. Mais elles sont un affront à chacun et chacune d’entre nous, et font partie d’un système malade qui nous attaque tous et toutes.

Un million de couvertures ne résoudrons pas les problèmes de Calais. La violence et la pauvreté existant ici sont le résultat direct de l’existence des frontières. Tant que la France et l’Angleterre continueront à utiliser les fils barbelés, la police, les matraques, les gaz lacrymogènes, les médias de la haine et autres armes, pour arrêter les gens qui essaient de traverser la frontière, il y aura de la souffrance. La seule manière de résoudre ce problème est de se rebeller contre la frontière.

Les actions contre la frontière peuvent prendre de nombreuses formes. Toute personne qui traverse la frontière l’affaiblit. Chaque trou dans les barrières la fragilise. Se défendre l’un l’autre face à la violence de la police contribue à la déstabiliser. Partager des informations et des idées contribue à l’endommager. Contester la propagande raciste des médias et diffuser notre vision de la solidarité et de la rébellion contribue à l’ébranler.

La frontière n’est pas seulement ici, à Calais. Les frontières traversent toute l’Europe et pas seulement dans aux points de passage et d’entrée, mais partout il y a des rafles contre les immigrés, des checkpoints, des centres de détention, des centres d’inscription, des contrôles d’identité sur les chantiers ou dans les maisons, des attaques racistes, etc. Beaucoup de gens nous demandent : que pouvons-nous faire ? Notre réponse est : lutter contre les frontières où que vous soyez. Recherchez où sont les lieux de contrôle de papiers près de chez vous. Passez à l’action. Contribuez à créer une culture de la solidarité, un monde où les frontières ne sont pas acceptables. Un monde où personne n’est attaqué-e ou bloqué-e à cause de sa couleur de peau, du pays où il/elle est né-e, ou du morceau de papier qui est dans sa poche.

Nous encourageons tout individu ou groupe d’agir contre les frontières. Nous sommes également intéressés à prendre part à une coordination avec des personnes en France, en Grande-Bretagne et dans le reste de l’Europe, pour mener des actions et des manifestations contre les frontières. Contactez-nous avec des propositions. Et restez à l’écoute des annonces dans les jours à venir.

Calais Migrant Solidarity – 22 août
2015 

Pour voir tous les articles liés à Calais ici

 

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Solidarity means fighting the border

In the last few weeks, thousands more people are waking up to the misery caused by the borders. Let’s take this energy and grow it into a movement of solidarity and rebellion against the border system. Let’s tear down the walls.

We believe in solidarity not charity. Charity is an unequal relationship. One person is the active giver, the other is a passive beneficiary. Charity in Calais keeps alive the division between powerful, active, mainly white Europeans with passports, and powerless, passive, African and Asian victims without papers. However well meaning, it helps cement the deep inequalities of this world of states, borders, colonialism and capitalist exploitation.

Solidarity strives to be an equal relationship. We fight alongside each other. As the famous quote says, because “your liberation is bound up with mine”. The borders certainly hit some people much harder than others. But they are an affront to all of us, and one part of a sick system that attacks us all.

The problems in Calais will not be covered by a million blankets. The violence and misery here are a direct result of the border. As long as the French and British states keep on using razorwire fences, cops, batons, tear gas, media hatred, and other weapons to try and stop people crossing, there will be suffering. The only way to address this problem is to rise up against the border.

Action against the border can take many forms. Every person who crosses undermines the border. Every hole in the fences undermines the border. Defending each other against police violence helps undermine the border. Sharing information and ideas helps undermine the border. Challenging racist media propaganda, and spreading our own visions of solidarity and rebellion, helps undermine the border.

The border is not just here in Calais. The borders run across Europe, and not just at the crossing points but wherever there are immigration raids, street stops, detention centres, reporting centres, workplace or landlord ID checks, racist attacks, etc. Many people are asking us: what can we do? Our answer is: fight the border wherever you are. Find out where are the border controls and flashpoints near you. Take action. Help create a culture of solidarity, a world where borders are unacceptable. A world where no one is attacked or blocked because of the colour of their skin, the country they happen to have been born in, or what bits of paper they have in their pocket.

We encourage all individuals and groups to take actions against the border in your own ways. We are also interested in being part of coordinating mass actions and demos against the border with people in the UK and France and across Europe. Do contact us with suggestions. And stay tuned for announcements in the next few days.

[Calais] Autoroute bloqué ! – La réponse de la Jungle à la visite de Theresa May à Calais

Aujourd’hui (le 20 août 2015), Theresa May (ministre de l’intérieur du Royaume-Uni) et Bernard Cazeneuve venus en ville. Ils ont dit des mensonges, renversé de l’encre, et fait une promenade. Bien sûr, ils se sont assurés de ne rencontrer personne près de la jungle ou de ne parler à aucune de ces personnes qui seraient directement affectée par leurs décisions malignes. Cependant, les gens ici n’allaient pas laisser passer cette visite sans s’affirmer.

Une manifestation était organisée dans le centre-ville. Calaisiens et des gens de la jungle se sont réunis et ont essayé de se rapprocher de la préfecture et d’exprimer leur dégoût des soi-disantes « solutions » à la « crise » de Calais présentées aujourd’hui . Bien que peu nombreux, ils ont été en mesure d’approcher assez près de la préfecture avant de rencontrer et d’être chargé par les CRS.

Pendant ce temps, des gens de la jungle continuent d’essayer de rejoindre manifestation. Un groupe qui marchait sur la route de la jungle avec une banderole a été arrêté par une camionnette de la gendarmerie mobile. Ils leur ont dit que leur manifestation était illégale et les ont empêchés de continuer. L’heure suivante les personnes de la jungle étaient empêchées d’aller au centre-ville qu’elles veulent rejoindre la manifestation ou pas. Beaucoup de personnes qui demandent l’asile avaient rendez-vous et ont été empêchés d’y aller.
Comme de plus en plus de gens étaient arrêtés et que le groupe grossissait, la décision a été prise à revenir à pied vers la Jungle, en prenant la route à contre-sens, provoquant l’arrêt de la circulation. A la jonction avec l’autoroute, les manifestants ont organisé un sit-in pendant environ une demi-heure. À ce moment, ils ont pris la décision ensemble de descendre sur l’autoroute. Au début, seules quelques personnes ont pris l’autoroute, mais en appelant ceux qui sont restés dans la jungle, leur nombre a commencé à grossir. Ils ont tenu la route pendant près d’une heure, rejoint par ceux qui revenaient de la manifestation au centre-ville. Il y avait environ cent cinquante personnes arrêtant le trafic et criant « nous sommes des êtres humains », « ouvrez la frontière », « Stop à la violence! », « Nous sommes pleins d’espoir ».

Cette action a été en mesure de stopper le flux incessant des marchandises vers le Royaume-Uni, de créer un embouteillage grâce auquel beaucoup de gens ont été en mesure d’essayer de cacher dans des camions a destination du Royaume-Uni, et a donné une voix forte à ceux qui sont coincés ici à Calais. Même si Mays et Cazeneuve ne pouvait pas les entendre, la perturbation qu’ils ont causé s’est certainement fait sentir.

Après environ une heure d’occupation les CRS sont arrivés en force pour essayer de reprendre la route. Les gens criaient et ont été en mesure de résister aux premières charges. Lorsque leurs tactiques d’intimidation ont échoué, et que de plus en plus de gens rejoignaient le blocage, les CRS ont utilisés leurs gaz et matraques. C’est seulement avec ces armes qu’ils ont été capable de repousser les gens hors de la route.

Les gens se sont aidés les uns les autres à se remettre de l’attaque, se sont réorganisés à l’intérieur de la Jungle, et sont retournés à nouveau face aux CRS. Pendant une heure et demie plus d’un centaine de personnes a continué à manifester sur la route d’accès à l’autoroute, menaçant toujours de la reprendre.

Ces actions montrent que tandis que les politiciens essaient de trouver de nouveaux moyens de renforcer la ségrégation, les gens continuent à se battre pour l’ouverture des frontières !

Traduit depuis Calais Migrant Solidarity // Pour voir tous les articles liés à Calais ici

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Motorway blocked! – The Jungle’s answer to Theresa May’s visit to Calais

Today Theresa May and Bernard Cazeneuve came to town. They told some lies, spilled some ink, and took a walk. Of course, they made sure to get no where close the Jungle or speak to any of those people who would be directly effected by their malign decisions. However, people here were not going to let their visit pass without making a statement.

There was a demonstration held in the city center. Local Calaisiens and people from the Jungle got together and tried to get close to the Prefecture and express their disgust with the so-termed “solutions” to the crisis in Calais that were being presented today. Although few, they were able to get quite close to the Prefecture before being met and forced back by CRS.

Meanwhile, people from the Jungle were continuing to try to come and join the demonstration. A group were walking in the road with a banner from the Jungle before being stopped by a van of Gendarmerie Mobile. They were told that they were holding an illegal demonstration and were prevented from continuing. For the next hour there was a stand-off with no one from the Jungle being able to go to the town; whether they intended to join the demonstration there or not. Many people claiming asylum in France had appointments that they were prevented from attending, and one man was ripped from his bicycle as he casually cycled past.

As more and more people were stopped and the group grew, the decision was made to walk back toward the Jungle, taking the road, stopping oncoming traffic. At the junction with the motorway, they held a sit-down protest for around half an hour. At this time they made the decision together to move up the ramp and take the highway. At first only a few took the road, but then as they shouted down to those staying in the Jungle, numbers began to swell. They held the highway for close to an hour and then those who were on their way back from the demonstration in town were able to join. There were about a hundred and fifty people on the bridge above the Jungle stopping traffic. Chants of “We are human beings!, “Open the Border!”, “Stop the violence!” and “We are hopeful!” were being shouted. This action was able to bring the endless flow of goods to the UK to a grinding halt, create a traffic jam through which a lot of people were able to try and hide themselves in UK bound lorries, and gave a strong voice to those stuck here in Calais. Even if May and Cazeneuve could not hear them from whatever hole they’d crawled in, the disruption that they caused was certainly felt.

After about an hour of occupation the CRS arrived in force to try to take back the highway. People shouted at them and were able to resist the initial police charges. When these intimidation tactics failed, and more people joined the fight, the CRS got their CS gas and batons out. Only with these weapons were they able to force people off the highway, bit by bit forcing people off the highway. People helped each other recover from the attack and, reorganising just inside the Jungle, moved back to face the CRS again. For an hour and a half more than one-hundred people continued in a demonstration on the road at the entrance to the highway, always threatening to take it again.

These actions show that while the politicians try to find new way of enforcing segregation, people continue to fight for open borders !

Non à l’expulsion du squat du collectif des Baras

Chronique d’un été d’expulsions du collectif des Baras

Le 20 juin 2015, plusieurs centaines de personnes manifestent contre l’expulsion des différents lieux occupés par le collectif (avenue Wilson à Montreuil, rue Alazard à Bagnolet)

mi juillet 2015, le tribunal de Pantin annonce l’expulsion du squat de la rue René Alazard.

Le 23 juillet 2015, le squat de l’avenue Wilson à Montreuil est expulsé. Dans les semaines suivante, le collectif va ouvrir plusieurs autres bâtiments mais à chaque fois ceux-ci seront expulsés par les flics (à Montreuil le 2 août et aux Lilas le 29 août).

Le squat de la rue René Alazard va sans doute être expulsé lui aussi dans quelques semaines. Mais d’autres ouvertures suivront…

 

Texte du collectif contre les expulsions : 

NON à l’expulsion du squat des Baras !
NON à l’errance des membres du collectif !

Le tribunal vient d’annoncer l’expulsion du squat du collectif Baras et de donner raison à la multinationale Natixis. Sous le coup de cette décision, plus de 200 personnes vont se retrouver à la rue d’ici deux mois …

Nous avons déjà été expulsés, chassés et même pourchassés à plusieurs reprises. À chaque fois les autorités (mairies et état) ne nous ont proposées aucune solution d’hébergement. Après l’expulsion de notre dernier squat en août 2014 (le bâtiment toujours vide et sans projet de la société Emerson), notre collectif a dû se reloger par lui-même en occupant un ancien pôle emploi, inutilisé et lui aussi sans projet, situé à Bagnolet.

La vie n’y est pas de toute tranquillité, elle a été un combat régulier (arrestations aux alentours, placements en rétention, tentatives d’EDF pour couper l’électricité, coupure d’eau par Véolia…). Mais nous sommes évidemment toujours mieux à l’abri dans ce bâtiment que dehors où un fonctionnement s’est mis en place dans le lieu :
installation de cuisine et de douche, organisation de cours de français, de réunions hebdomadaires pour s’organiser et des réunions d’informations juridiques. De plus, de nombreuses personnes solidaires sont venues nous apporter de quoi nous installer dans ce lieu et de quoi nous vêtir ; des associations nous offrent régulièrement de la nourriture et des voisins nous apportent également un soutien très important.

Nous voulons continuer à vivre dans ce bâtiment qui convient bien à nos besoins !

Nous demandons aux autorités de ne pas appliquer la décision, mais surtout qu’elles entament un véritable dialogue avec nous afin que ce lieu – que nous ne quitterons pas – devienne un foyer de travailleurs migrants. Sachant qu’à Bagnolet, il n’y a qu’un seul foyer pour le moment, la ville peut tout à fait solliciter des aides financières auprès de l’état. Il est possible de faire en sorte que notre occupation devienne légale. D’autres mairies l’ont fait. C’est le cas de celle de Montreuil avec le collectif des Sorins en lutte.

Jeter à nouveau à la rue 200 personnes, dans cette période particulière où des centaines d’autres y vivent déjà de façon totalement démunie, que ce soit à La chapelle ou à Austerlitz, mais aussi dans toute l’île de France après les expulsions des camps de Roms, ne ferait qu’ajouter de la misère dans la région.

Tant que nous sommes dans ce lieu nous pouvons vivre dignement !

La France prononce toujours de belles paroles émues quand les migrants arrivent en Italie au péril de leur vie, mais elle les traite et les rejette violemment quand ils arrivent sur son sol. Nous sommes venus jusqu’ici, il y a environ 3 ans, dans les conditions inhumaines et périlleuses que tout le monde connaît désormais. Nous avons dû quitter la Libye par la mer suite aux bombardements et à la guerre. Nous avons risqué nos vies. Pensez-vous que nous avons fait tout ce chemin pour repartir ?

Nous nous battrons jusqu’au bout. Jusqu’à l’obtention d’un toit pérenne pour l’ensemble des membres du collectif et pour la régularisation de tous les sans-papiers !

Nous venons de demander au préfet de la Seine Saint Denis ainsi qu’aux maires de Bagnolet et Montreuil, d’organiser une table ronde afin de trouver ensemble une solution adéquate !

Collectif Baras
72 rue René Alazard
93170 Bagnolet

07.78.32.14.75

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Chronologie de la lutte en cours des migrant-es de La Chapelle à Paris, par quelques personnes solidaires

À plusieurs endroits d’Europe, migrant-es et personnes solidaires s’organisent pour résister aux politiques migratoires meurtrières des États et de l’Union européenne et à la pression policière.

En région parisienne, des campements de migrant-es se sont installés en plusieurs places, là où ils/elles pouvaient, là où on les laissait plus ou moins tranquilles. À La Chapelle, 400 personnes, principalement venues du Soudan, d’Érythrée, du Tchad, de Libye et de Tunisie, vivaient sous le pont du métro aérien, certain-es depuis des mois, d’autres quelques jours en attendant de gagner d’autres régions d’Europe. Plusieurs fois expulsé, ce campement avait réussi à se reconstituer à chaque fois.

Fin mai 2015, la mairie de Paris et la préfecture annoncent aux médias qu’une nouvelle expulsion est en cours de préparation, en cause des « risques d’épidémie et d’insalubrité », et que des solutions vont être apportées à chaque personne qui y vit. En réalité, à l’approche de l’été, ce campement fait tache dans ce quartier en pleine rénovation urbaine. Cela fait des années que politiciens et promoteurs cherchent à embourgeoiser la zone, à grands coups de pelleteuse et de matraque.

Pour préparer cette expulsion, plusieurs associations (Emmaüs, France Terre D’Asile…) sont envoyées sur place pour recenser et trier les personnes présentes, tandis que le 30 mai un huissier affiche l’arrêté d’expulsion laissant 48 heures pour quitter les lieux.

Lundi 1er juin, une centaine de personnes se retrouvent sur le campement pour exprimer leur solidarité et s’organiser avec les migrant-es face à l’expulsion imminente. Des banderoles sont accrochées et une chaîne d’alerte téléphonique est mise en place.

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Mardi 2 juin, à 5h45 du matin, des centaines de flics, accompagnés des journalistes, investissent le campement pour déloger les migrant-es. Les personnes solidaires sont écartées et arrivent des membres de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA, institution chargée des demandes d’asile), d’associations (Emmaüs, FTDA…) et de la mairie de Paris. Leur objectif est de faire paraître cette expulsion comme « humanitaire » : les migrant-es sont retrié-es, re-compté-es et prié-es de monter dans des bus, direction des centres d’hébergement d’urgence, des hôtels en lointaine banlieue ou des CADA (Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile).

L’opération de dispersion et d’invisibilisation commence : à défaut de pouvoir s’en débarrasser, le pouvoir cherche à effacer ces indésirables des rues de la capitale. Une partie des bus étaient affrétés par la compagnie Savac, spécialisée dans le transport scolaire, mais aussi dans la collaboration avec l’État pour les opérations de ce genre. À Calais, cette compagnie a plusieurs fois prêtée sa flottille lors d’expulsions de jungle ou de squats.

Durant toute la matinée, une centaine de personnes solidaires s’est rassemblée aux abords du campement pour protester contre cette opération médiatico-humanitaire. Une banderole est accrochée : « l’épidémie c’est le capitalisme, ses flics, ses guerres, ses frontières. Solidarité aux migrants ».

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Dans l’après-midi, une cinquantaine de migrant-es sont toujours à La Chapelle : certain-es n’ont pas eu de place dans les bus, d’autres si, mais ont été déposé-es quelques mètres plus loin en pleine rue. Ils/elles décident de partir en manifestation à la mairie du 18ème arrondissement. Une place leur est proposée pour la nuit, dans un centre d’hébergement d’urgence. Pendant ce temps, les services de la propreté de la mairie finissent de nettoyer la place, détruisant tentes, matelas et affaires personnelles. Un grillage est élevé pour empêcher toute réinstallation.

(Au milieu de l’indifférence générale tract distribué le matin de l’expulsion)

(L’épidémie c’est… le capitalisme, ses flics, ses guerres, ses frontières affiche/tract collée/distribué dans le quartier de La Chapelle le 2 juin au soir)

(Opération humanitaire ou rafle « de gauche » ? texte publié sur Paris luttes infos)

 

Mercredi 3 juin. Des dizaines de personnes sont déjà de retour à La Chapelle, mises à la porte des hébergements. D’autres sont venues pour la journée, ce quartier étant devenu un lieu de sociabilité et de rencontre pour des centaines de migrant-es à Paris.

Des personnes solidaires présentes sur place proposent de se retrouver pour discuter et une salle associative située à côté de l’église Saint Bernard, toujours dans le quartier de La Chapelle, est investie pour la nuit.

Le lendemain à 7h les migrant-es sont à nouveau à la rue. Le soir même, la tentative d’occupation de l’église Saint Bernard échoue. Repoussé-es violemment par les flics sur le parvis de l’église, les migrant-es se réunissent, rédigent un premier communiqué et fabriquent une banderole (des logements pour tous). Ils passeront la nuit dans un square face à l’église. L’église Saint Bernard est un lieu historique de la lutte des sans papiers à paris : occupée pendant deux mois à l’été 1996, elle sera expulsée violemment par les flics le 23 août 1996.

8-juin

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Vendredi 5 juin, en début d’après midi, les flics arrivent pour expulser le square. Les migrant-es refusent de quitter le square et sont encerclé-es par les flics et dirigé-es vers le métro. Les slogans fusent « freedom », « solidarité avec les réfugié-es » et de nombreuses personnes arrivent en soutien. La police encercle toujours et tente de faire monter de force un groupe de migrant-es dans les rames du métro. Ceux-ci résistent fortement et le signal d’alarme est judicieusement tiré, ce qui permet à tout le monde de ressortir et de rejoindre le rassemblement en cours au carrefour de La Chapelle. Un migrant est arrêté et sera libéré quelques heures plus tard. Repoussée par la police, une manifestation remonte la rue Marx Dormoy. La halle Pajol et son gymnase sont à deux pas, migrant-es et personnes solidaires tentent de s’y introduire. La police bloque la moitié de la manifestation à l’extérieur et évacue les personnes qui ont réussi à y entrer. Deux personnes sont blessées et les migrant-es passeront finalement la nuit devant le gymnase, sur l’esplanade de la halle Pajol.

Samedi 6 juin, ils/elles sont repoussé-es quelques mètres plus loin sur l’esplanade. Dans l’après-midi, une cinquantaine de migrant-es participent à la manifestation antifasciste en hommage à Clément Méric et y prennent la parole pour parler de leur situation et appeler à la solidarité.

Le soir et le dimanche suivant, répit policier, la répression prend son week end. Comme devant l’église Saint Bernard de nombreux/ses voisin-es viennent apporter leur soutien et la vie s’organise sur le campement, tentant de construire des pratiques d’auto-organisation à l’encontre de celles de certaines associations humanitaires qui lui préfèrent la discipline et le rang (on pense entre autres à l’association de maraude Entraide citoyenne qui distribue de la nourriture aux personnes sans abris et aux migrant-es à Paris et qui a affirmé, parfois de façon virulente en arrachant les banderoles, qu’elle ne souhaitait pas voir d’autres pratiques que les siennes, nous rappelant bien que rapport humanitaire et rapport de solidarité et de lutte ne sont pas compatibles). Plusieurs crapules politiciennes, élu-es et militant-es Front de Gauche, Parti communiste et Europe Écologie Les Verts ont également pointé leur nez, et on le verra par la suite, fait leur tambouille politique sur le dos de la lutte et des migrant-es.

Plusieurs groupes de migrant-es rédigent des communiqués et formulent des revendications : des papiers, des logements et la dignité.

Lundi 8 juin, la traque policière reprend. Alors qu’une assemblée vient de se terminer sur le campement de la halle Pajol, la police arrive pour expulser la centaine de migrant-es présent-es sur place. Plusieurs cars d’embarquement sont là et les migrant-es sont encerclé-es par les flics. De nombreuses personnes accourent sur les lieux et la résistance des migrant-es et des personnes solidaires ralentit considérablement le travail des flics et permet a plusieurs migrant-es de s’échapper de la nasse. Les flics gazent et matraquent et 17 personnes sont blessées. 80 migrant-es sont emmené-es au commissariat de l’Évangile. Certain-es sont libéré-es dans la soirée, d’autres parviennent à s’échapper du commissariat, mais 30 d’entre eux seront enfermés dans les centres de rétention du Mesnil-Amelot et de Vincennes. Ils ressortiront tous dans les jours suivants, avec des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).

Le soir même, l’errance continue et après une tentative de ré-installation Halle Pajol à nouveau la solidarité se met en place : plusieurs voisin-es accueilleront des migrant-es chez eux, un groupe trouvera refuge dans le gymnase de l’ENS ouvert par des étudiant-es pour la nuit et la majorité est accueillie au Bois Dormoy, un jardin partagé situé à deux pas du métro La Chapelle et de la Halle Pajol.

Mardi 9 juin, une dizaine de partis politiques et d’associations de gauche appellent à un rassemblement Halle Pajol pour protester contre l’expulsion et demander des solutions pour les migrant-es. Après quelques « grands discours » inutiles, la proposition est faite de partir en manifestation sauvage jusqu’au métro La Chapelle. Un cortège de plusieurs centaines de personnes s’élance alors aux cris de « solidarité avec les réfugié-es », « de l’air, de l’air, ouvrez les frontières », etc.

Petit à petit les migrant-es qui avaient été hébergé-es pour quelques jours après l’expulsion du 2 juin se retrouvent à la rue et rejoignent le Bois Dormoy, tandis que d’autres arrivent d’Italie où ils/elles ont réussi à passer la frontière, échappant aux contrôles des polices française et italienne.

Dans ce nouveau lieu, les pratiques d’auto-organisation, d’assemblée et de lutte sont mises à mal par la volonté de gestion autoritaire des militant-es et élu-es des partis de gauche, équipés de gants en latex pour tartiner des sandwichs au Kiri et trier les vêtements apportés par des voisin-es.

Pendant ce temps, le président de l’association du Bois Dormoy décide unilatéralement que les migrant-es doivent quitter les lieux le jeudi 11 juin à 17h. Il faut donc trouver une solution et plusieurs réunions parviennent à se tenir pour décider de la suite. Deux idées émergent : occuper un bâtiment pour tenter d’en faire une maison collective ou réinstaller un campement dans la rue. C’est aux migrant-es de décider et la décision est prise d’envahir un immeuble vide non loin de là.

Jeudi 11 juin un rassemblement est donc appelé pour compter sur le maximum de soutien possible et une manifestation se prépare à se diriger vers ce lieu. Mais c’est sans compter sur le travail de sape organisé par les professionnels de la politique, qui ne veulent pas de cette solution et sont prêts à tout pour ne pas respecter une décision collective prise par les migrant-es. Ils ont une nouvelle fois montré le vrai visage de la « gauche » municipale : en effet, des militant-es et élu-es du Parti communiste & co ont tenté de faire dévier la manifestation pour empêcher l’occupation. Finalement, après 10 jours d’errance, 300 personnes, migrant-es et personnes solidaires, trouvent refuge dans l’ancienne caserne de Château-Landon, propriété de la mairie de Paris. À l’extérieur les flics arrivent très vite pour bloquer l’entrée à de nouvelles personnes et un rassemblement dynamique s’organise au pied de l’édifice, regroupant plusieurs centaines de personnes.

À l’intérieur de la caserne l’idée d’en faire un lieu pérenne d’occupation est rapidement évincée par des négociations pour obtenir des places d’hébergement supplémentaires et par la pression policière. Plusieurs représentants de la mairie arrivent sur place et leurs alliés du Front de Gauche et du Parti communiste font l’intermédiaire avec les migrant-es. Vers 23 heures un accord est trouvé et 110 places d’hébergement sont proposées aux migrant-es présent-es à l’intérieur de la caserne. Les lieux sont donc évacués tandis qu’un groupe d’une soixantaine de migrant-es, resté à l’extérieur ou arrivé plus tard se retrouve à nouveau sur le carreau. Une manifestation part vers le jardin d’Éole dans le 19ème arrondissement et un nouveau campement s’installe devant le théâtre du Grand Parquet, rue d’Aubervilliers.

Le lendemain matin, nouvelle intimidation policière, mais le campement reste sur place. Dès lors la vie collective se met en place sur le campement (cantine collective, assemblées, permanences juridiques, point accueil, cours de français, etc.). Mais, malgré la disparition des associations et des partis de « gauche » municipale qui géraient la distribution des repas ou les question sanitaires avec charité et paternalisme, la mise en place de pratiques d’auto-organisation, tendant vers la réappropriation de leur propre vie par les migrant-es reste difficile, capturée par certains soutiens. De même, la dynamique de lutte, avec ses manifestations et autres propositions, semble s’affaiblir dès lors que la pression policière se relâche. Lors des différentes assemblées ces questions vont être abordées, pour rompre peu à peu avec la logique de la charité dans l’organisation du campement.

Mardi 16 juin, plusieurs milliers de personnes manifestent en solidarité avec les migrant-es de La Chapelle à République. Cette manifestation est appelée encore une fois par les partis de gauche et s’est décidée sans aucune discussion avec les migrant-es. La participation -ou non- à cette manifestation des personnes, migrant-es et soutiens présents sur le campement du jardin d’Éole est discutée et il est décidé de s’y rendre en cortège depuis Éole et d’en prendre la tête. Au retour une manifestation sauvage aura lieu entre la Gare du Nord et le jardin d’Éole.

Vendredi 19 juin, nouvelle expulsion, mais cette fois-ci la mairie semble avoir dissimulé la matraque derrière la carotte humanitaire. Dans la matinée, le directeur de l’OFPRA, accompagné de membres d’Emmaüs, de la mairie, d’élu-es et de membres du Parti communiste, du Front de gauche et des Verts a débarqué sur le campement pour poser un ultimatum. Il propose des places d’hébergement, que les migrant-es doivent accepter, sans quoi ils seront arrêté-es. En effet, de nombreux cars de CRS sont postés aux alentours, prêts à intervenir, et derrière eux les services de propreté de la mairie de Paris sont prêts à faire place nette. Aucune discussion n’est possible et une majorité des migrant-es montent dans les bus qui vont les emmener vers ces hébergements, dont ils/elles ne sauront qu’à l’arrivée où ils sont situés.

Présentés comme la vraie réponse aux demandes des migrants (des logements et des papiers pour tou-tes) ils ne sont que des cache-misère proposés par les businessman de l’humanitaire : les associations Aurore, la Mie de pain, Emmaüs, etc. Un de ces foyers d’hébergement est situé dans l’enceinte du centre de rétention de Vincennes ! D’une prison à l’autre il n’y a qu’un pas. Car ces lieux, qui permettent à la mairie d’éloigner les migrant-es et d’empêcher toute organisation collective, sont de véritables prisons où la vie des personnes qui y sont hébergées est totalement capturée par l’institution et les travailleurs sociaux des associations qui prennent en charge tout le quotidien et dépossède leurs « clients » d’une quelconque autonomie. (Dans la plupart de ces centres, il y a des horaires pour se lever, pour se coucher, il n’est plus possible de rentrer après une certaine heure, les douches sont minutées, les repas imposés à horaire fixe et confectionnés par d’autres que ceux/celles qui les mangent, les démarches administratives sont prises en charge par des salariés de l’association, etc.). Si une partie des centres est située dans Paris, d’autres se trouvent en très lointaine banlieue.

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Dans l’après-midi, une dizaine de migrant-es (ceux/celles qui n’ont pas eu de place, n’ont pas voulu monter dans les bus, n’étaient pas sur place au bon moment ou qui sont revenu-es des centres d’hébergement dégoûté-es) et personnes solidaires se regroupent et tentent de prendre un gymnase. Tout de suite des dizaines de flics accourent pour expulser le bâtiment, le pouvoir faisant bien comprendre qu’il ne saurait tolérer une nouvelle occupation. Les migrant-es n’ont qu’à disparaître. Quelques-uns vont se rendre à la distribution de repas organisée à l’occasion du ramadan au jardin d’Éole. Mais la police bloque l’accès à toute personne n’ayant pas de papiers d’identité à montrer. Suite à l’intervention des organisateurs/trices, les migrant-es seront finalement autorisé-es à manger, mais assis par terre ! Rendez-vous est donné le lendemain, pour cette nuit il n’y aura pas de lieu pour se regrouper, les flics étant postés en surveillance partout. Certain-es dormiront chez des soutiens, d’autres dans une mosquée du quartier, d’autres à la rue.

(Paris, Calais, Vintimille, contre la chasse aux migrant-es, solidarité !)

(Pendant que les élu-es se félicitent)

(Migrant-e-s : La rage)

Samedi 20 juin, dans le cadre de la journée mondiale des réfugiés, des manifestations sont organisées notamment à Paris, Calais ou Vintimille, et des actions ont lieu en Allemagne et en Suisse contre les frontières et l’agence européenne de contrôle des frontières Frontex. À Paris, une manifestation appelée par des associations part de la rotonde Stalingrad vers la place de la République. Les migrant-es de La Chapelle et des personnes solidaires en prennent la tête avec un cortège dynamique pour rappeler leur détermination à rester uni-es, à revendiquer des logements et des papiers et que la solidarité ne faiblit pas.

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Le soir un nouveau campement s’installe à la Halle Pajol. Il durera jusqu’à son expulsion définitive le 29 juillet. Une organisation collective se remet en place, avec des assemblées, une cantine collective, des permanences juridiques, des cours de français, etc. Comme à Éole, les mêmes travers se posent : tendance à re-créer des hiérarchies, comportements paternalistes, difficultés à enclencher un processus de lutte offensif face aux institutions et à l’État. Mais l’auto-organisation du campement et de la lutte et l’autonomie des migrant-es se reconstruit peu à peu.

Le campement grossit avec des nouvelles personnes arrivées d’Italie tandis que ceux/celles précédemment hébergé-es continuent de passer quotidiennement, transmettant la courte histoire de cette lutte.

D’autres campements sont toujours installés dans Paris (Austerlitz, square du Jessain à La Chapelle), en banlieue (Saint-Ouen) ainsi que dans d’autres villes (Bordeaux, Tours…).

Jeudi 2 juillet, un mois après l’expulsion du campement sous le métro aérien de La Chapelle, une manifestation est appelée par les migrant-es. Interdite elle sera bloquée au bout de la rue par des dizaines de flics cherchant à empêcher tout mouvement. Après avoir été expulsé-es de lieu en lieu, les migrant-es sont maintenant assigné-es à résidence à la Halle Pajol.

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Dans le quartier, des affiches recouvrent les murs, appelant à la solidarité, contre les frontières, les centres de rétention et la police. Régulièrement des tracts sont distribués aux passants au métro La Chapelle.

Mardi 7 juillet, une manifestation part de la Halle Pajol et parcourt le quartier de lieux occupés en lieux expulsés. Derrière la banderole « des papiers, des logements et la dignité pour toutes et tous » le cortège passera devant le jardin d’Éole, la caserne Château-Landon, le métro La Chapelle, le square du Jessain, le Bois Dormoy et finira Halle Pajol, sous les applaudissements des habitant-es du quartier, solidaires pour beaucoup.

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Jeudi 9 juillet, alors qu’une troisième manifestation est appelée, une nouvelle opération d’évacuation est organisée. On prend les mêmes et on recommence : OFPRA, Emmaüs, mairie, élus et militants. Cette fois les flics seront discrets et le campement ne sera pas expulsé. De nouveau des places d’hébergement sont proposées et les bus sont là, mais le directeur de l’OFPRA, Pascal Brice, refusera de s’engager par écrit pour répondre aux demandes des migrant-es concernant le suivi de leur demande d’asile, la durée de l’hébergement et les conditions de vie (nourriture, transports, etc.). Tandis que OFPRA et mairie assurent la promotion de leurs hébergements (« mise à l’abri comme ils appellent ça), les militant-es Front de gauche et Parti communiste accompagnent les migrant-es vers les bus où les accueillent les salariés et bénévoles d’Emmaüs. Tout est bien rôdé, c’est qu’ils commencent à avoir l’habitude. Mais certain-es migrant-es refusent de monter dans les bus tandis que d’autres, à peine arrivés dans un centre d’hébergement boulevard Ney, repartent en manifestation vers Pajol après que l’on leur a expliqué qu’il ne s’agissait d’un hébergement que pour une nuit. Encore une fois, les migrant-es se retrouvent dispersé-es, certain-es en très lointaine banlieue ; encore une fois cette nouvelle opération intervient au moment où les manifestations s’enchaînent, comme une volonté de casser leur capacité d’organisation collective.

Qu’à cela ne tienne, l’appel à manifester est maintenu. Cette fois c’est République – Barbès et un départ collectif est organisé de la Halle Pajol où sont resté-es une cinquantaine de migrant-es. « On ne nous muselle pas avec une nuit d’hôtel » annonce la banderole et une manifestation dynamique et bruyante de plusieurs centaines de personnes remonte le boulevard Magenta puis, passant outre le parcours déposé emprunte le boulevard Barbès et la rue Ordener jusqu’à la Halle Pajol. Mais certain-es migrant-es n’ont pas pu rejoindre la manifestation car ils/elles se sont retrouvé-es enfermé-es dans les centres d’hébergement.

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Mardi 14 juillet, un « bal des réfugié-es » est organisé sur le campement. Concerts, bouffe et musique jusque tard dans la nuit. Pendant la soirée, quelques flics viendront mettre un coup de pression.

Jeudi 16 juillet, quatrième manifestation de la place de la République à la Halle Pajol.

Une permanence juridique continue de se tenir deux fois par semaine, mise en place par des militant-es et des juristes membres d’associations et de groupes de soutien aux migrant-es. Elle a lieu dans les locaux de l’ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France), association présente depuis des années dans les luttes aux côtés des travailleurs immigrés et des sans papiers. Tout le monde peut s’y rendre pour avoir des conseils pour les démarches administratives (demande d’asile, aide médicale, etc.) et des aides juridiques.

Vendredi 17 juillet, une fête est organisée sur le campement à l’occasion de l’Aïd. La police maintient la pression pour empêcher qu’une sono ne diffuse de la musique, mais celle-ci résonnera quand même.

Dans le quartier les commerçants s’organisent pour dénoncer la nuisance que provoque le campement sur leurs affaires et interpellent la mairie pour qu’elle réagisse. Dans ce quartier fraîchement rénové et en cours d’embourgeoisement, la plupart de ces commerçant sont le bras financier de la mairie et des promoteurs dans la guerre qu’ils mènent aux pauvres. Que ce soient les migrant-es ou les pauvres, la mairie cherche par tous les moyens à faire disparaître ces indésirables, au plus loin de la capitale et de ces quartiers en pleine transformation, nouveaux pôles attractifs pour jeunes propriétaires, entrepreneurs et touristes.

(Des réfugiés de La Chapelle aux harragas de Barbès, solidarité avec tous les sans papiers !)

Jeudi 23 juillet, plusieurs personnes solidaires se rendent avec des migrant-es devant les locaux de France Terre d’Asile (FTDA) rue Doudeauville pour demander à ce que les procédures de domiciliation soient accélérées (actuellement cette association donne des délais de deux mois pour obtenir une domiciliation). Arrivé-es sur place des travailleur/ses de FTDA les prennent violemment à partie et appellent la police. Plus tard on apprendra que deux salariés de FTDA ont porté plainte, soutenus par le directeur. Cette association est financée par l’État pour accomplir son sale boulot de tri et de gestion des demandeurs d’asile. Rappelons que c’est cette même association qui est chargée de déterminer si les mineurs isolés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance sont réellement mineurs ou alors considérés comme fraudeurs. Les conditions d’accueil des demandeurs d’asile à leur permanence ne semble pas non plus les déranger : sous la pluie ou la canicule, les personnes doivent faire des heures de queue tout en se faisant aboyer dessus par les vigiles de l’association, appelés « médiateurs ». Dans le cadre de la nouvelle réforme du droit d’asile, le rôle de collaboration de FTDA avec l’Office Français Pour les Réfugiés et Apatrides se trouve renforcé. C’est désormais FTDA qui s’occupera de remplir le pré-formulaire de demande d’asile à place de la préfecture. Avec ce pré-formulaire l’État cherche à savoir par quels pays est passé la personne qui entame des démarches d’asile, pour tenter de se débarrasser d’elle en la renvoyant dans un autre pays par lequel elle serait passée avant d’arriver en France (règlement de Dublin III).

Vendredi 24 et Samedi 25 juillet. Répondant à l’appel à un « week-end d’échanges et de résistance contre les frontières » du campement No border de Vintimille, une soirée projections et débats est organisé le 24 au soir sur l’esplanade de la Halle Pajol, et une manifestation est appelée pour le 25.

Plus de 150 personnes ont répondu à l’appel à manifester de la place de la Bastille à celle de la République. Sur le chemin du retour au campement Pajol, les manifestant-es ont fait escale à Gare du Nord. Devant l’entrée de l’Eurostar, une banderole a été déployée aux cris de « No border, no nation, stop deportation ». Des applaudissements ont alors retenti dans la gare.

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Mercredi 29 juillet, 10ème expulsion/évacuation pour les migrant-es. Cette fois le campement est définitivement expulsé. Un rassemblement est appelé dans la soirée au métro La Chapelle.

Dans l’après-midi, un migrant est électrocuté à Gare du Nord en tentant de monter sur l’Eurostar, train qui assure les liaisons entre la France et l’Angleterre via le tunnel sous la Manche. Il est actuellement à l’hôpital, entre la vie et la mort. Depuis début juin, 11 migrant-es sont mort-es à Calais en tentant de passer en Angleterre, la sale guerre menée aux migrant-es fait des ravages.

Jeudi 30 juillet, quelques migrant-es qui avaient passé la nuit au jardin d’Éole sont à leur tour évacués. La police prend place pour empêcher toute réinstallation tandis qu’à la Halle Pajol un manège est installé en lieu et place du campement. Tout le quartier de la Chapelle est bouclé par les flics.

Les migrant-es et des soutiens trouvent refuge dans des locaux associatifs appartenant à la mairie de Paris. Des migrant-es afghan-es rejoignent la lutte.

Vendredi 31 juillet, l’ancien lycée désaffecté G. Budé est occupé près de la place des Fêtes. Cette occupation permet aux migrant-es d’avoir un toit pour s’organiser, et elle est très vite rejointe par d’autres. Même si l’occupation n’est pas menacée -pour le moment- d’expulsion, la pression policière se fait sentir dans le quartier et les flics organisent régulièrement des opérations de contrôle au métro (rafles).

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Mardi 4 août, les migrant-es du centre d’hébergement de Joinville-le-Pont commencent une occupation contre les conditions dans lesquelles ils vivent. Les portes sont cadenassées pour empêcher les travailleurs sociaux d’Emmaüs de pénétrer dans les locaux et des banderoles sont affichées : « Please solve our problems » et « Nous voulons que le gouvernement prenne conscience de notre situation ». Plusieurs personnes du «collectif de La Chapelle en lutte » sont également présentes pour les soutenir. Quelques heures plus tard, ils obtiendront un engagement écrit sur leurs demandes.

Mardi 11 août, C’est au tour de ceux et celles du centre Pernety dans le 14ème arrondissement (foyer géré également par Emmaüs) d’entamer une protestation. Une grève de la faim commence, et face au mépris du personnel d’Emmaüs, ils/elles décident le lendemain d’occuper le hall d’entrée. Par peur d’une hémorragie, Emmaüs choisi cette fois d’appeler la police et quatre personnes venues en soutien sont arrêtées et placées en garde à vue. Accusées de séquestration par le personnel du centre, elles passeront en procès le 9 octobre et sont sous contrôle judiciaire. Mais cette action a payé aussi puisque les revendications des migrant-es ont été satisfaites dans les jours suivants.

Samedi 15 août, une manifestation est organisée, du lycée occupé à la place de la République, en solidarité avec le migrant-es, mais aussi pour demander la libération et l’arrêt des poursuites à l’encontre des quatre personnes poursuivies pour l’occupation du centre Pernety.

Samedi 22 aoûtà l’occasion de la manifestation de commémoration de l’expulsion de 300 sans papiers de l’église Saint-Bernard le 23 août 1996, des occupant-es du lycée Budé se sont joint aux collectifs de sans papiers dans le cortège qui a parcouru les rues du 18ème arrondissement. La manifestation est notamment passée par le métro La Chapelle et l’esplanade de la Halle Pajol, en signe de soutien à la lutte des migrant-es en cours.

Pour retrouver toutes les publications sur la lutte des migrant-es de La Chapelle : Lutte des migrant-es de La Chapelle et sur Paris Luttes Infos : refugie-es-de-la-chapelle