Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

En Grande-Bretagne les révoltes se propagent dans les centres de rétention.

Mars 2015. Depuis le début du mois, les révoltes se propagent dans plusieurs centres de rétention en Grande-Bretagne : grèves de la faim, occupations de cours de promenade, manifestations.

À l’extérieur des initiatives de solidarités sont menées : manifestations et rassemblements, témoignages de retenus, blocages d’expulsions, etc.

Pour tenter de mettre fin à ce mouvement, les autorités britanniques annoncent des expulsions massives. Plusieurs retenus ont été expulsés vers l’Afghanistan, où à leur arrivée ils ont été emprisonnés et torturés.

En Grande-Bretagne les centres de rétention sont sous gestion privée : ce sont des entreprises privées qui assurent la logistique et font régner l’ordre à coup de matraque. On peut citer Serco, G4S ou encore Mitie.

G4S est une des plus grosse entreprise de service de sécurité privée au monde. Elle a prospéré en profitant des politiques sécuritaires imposées par les États pour poursuivre son développement, notamment en Grande-Bretagne, aux États-Unis et ou encore en Israël. Elle assure la « sécurisation » de nombreuses prisons et centres de rétention dans ces pays et « offre ses services » en de nombreuses autres occasions.

Voici une chronologie incomplète des derniers événements et quelques liens pour aller plus loin (en anglais) :

Le 7 mars, une manifestation s’est tenue devant les deux prisons pour étrangers situées à côté de l’aéroport de Heathrow (Londres) en solidarité avec les migrants : pendant deux heures, un petit groupe de solidaires a fait un peu de bordel devant les lieux d’enfermement en secouant les barrières. À Colnbrook, quelques retenus ont répondu en sortant dans la cour de promenade en criant “Liberté” , “Laissez-nous sortir”À Harmondsworth, les retenus frappaient sur les fenêtres en brandissant des pancartes pour la liberté. Un message des personnes détenues disait : “Nous avons vu ce qui s’est passé aujourd’hui et nous voulons vraiment dire un grand merci pour votre soutien. Nous, les détenus … avons besoin de votre aide et de votre soutien”.

Le lendemain, au centre de rétention d’Harmondsworth, 200 migrants ont protesté et ont annoncé qu’ils commençaient une grève de la faim (les protestations de migrants ont débuté la semaine précédente dans ce centre et régulièrement des manifs bruyantes en solidarité se tiennent devant).

Géré par l’entreprise Mitie, c’est le plus grand centre de rétention de Grande-Bretagne : plus de 600 migrants y sont enfermés. Une vidéo tournée clandestinement et montrant les conditions de détention a été publiée sur internet et reprise par plusieurs médias.

Ce centre de rétention est connu pour les grosses émeutes qui y ont eu lieu en 2004 et 2006 (voir en fin de texte).

Harmondsworth, le 9 mars

Dans le même temps, au centre de rétention pour femmes de Yarl’s Wood, plusieurs retenues ont occupé la cour de promenade et protesté pendant deux nuits d’affilée. À plusieurs reprises ces dernières années des femmes ont dénoncé les violences sexuelles que les gardiens de la prison leur avait infligée.

Le 9 mars, la grève de la faim s’étend aux centres de rétention de Douvres et Dungavel.

Le 10 mars, 50 sans-papiers étaient en grève de la faim à Tinsley House, des manifs ont aussi eu lieu à Brook House (une expulsion a été empêchée vers 18h car des solidaires se sont agrippés au pare-brise des expulseurs et ont bloqué la route en direction de l’aéroport ; 4 personnes ont été arrêtées lors de cette action). (Tinsley House et Brook House sont situés à côté de l’aéroport de Gatwick)

Une grève de la faim a débuté à Moreton Hall (Nottinghamshire).

Dans la matinée des manifs se sont tenues devant les bureaux du ministère de l’intérieur à Victoria, ainsi que devant les prisons pour étrangers de Tinsley House, Brook House, Harmondsworth et Colnbrook.

Le 12 mars, plus de 20 personnes sont encore en grève de la faim au centre de rétention de Colnebrook. Ils sont enfermés dans les batîments du centre et ne peuvent plus accéder à la cour de promenade.

Dimanche 15 mars, la lutte touche désormais huit centres de rétention à travers le Royaume-Uni. Les retenus du centre de rétention de Dungavel en Ecosse (à côté de Glasgow) et de Douvres refusent la nourriture. Les six autres prisons dans lesquelles les migrants luttent sont celles de Yarl’s Wood (Bedfordshire), Harmondsworth et Colnbrook, Tinsley House et Brook House, à Moreton Hall (Nottinghamshire).

Le 16 mars, le gouvernement britannique annonce qu’un avion charter à destination du Pakistan doit partir le lendemain pour expulser des centaines d’immigrés du Royaume-Uni. C’est une manière pour le pouvoir de tenter de faire taire la contestation.

À l’extérieur, des solidaires font sortir la parole des retenus à travers des témoignages qui sont publiés sur le site Detained Voice :

Harmondsworth. Vendredi 13 mars:

« La réponse à la protestation, c’est comme s’ils n’avaient d’oreilles pour entendre, n’ont pas de cœur qui bat. L’eau a été coupée pour toute la journée. Non, ce n’était pas pour des travaux d’entretien parce que si vous voyez ils ont fermé l’ensemble de l’unité. L’aile complète a été fermée pour toute la journée. Parce que si vous voyez, il y a aussi des gens musulmans là-bas qui ont l’habitude de prier cinq fois par jour et ils ne pouvaient pas utiliser les toilettes, et ils ne pouvaient pas utiliser l’eau ou quoi que ce soit pour prier . J’entends qu’ils disent qu’il a été fermée pendant une heure ou pour près de six chambres, mais ce n’était pas fermé pour l’aile entière pas seulement pour six chambres, et ça a été fermée pendant toute la journée. »

« Ils ne se soucient pas de ce que nous faisons à l’intérieur. Nous sommes en train de mourir. A cause des protestation hier, un de mes potes est allé à l’hôpital à cause de cela, parce qu’il est tombé malade. Il a commencé à vomir parce qu’il ne mangeait pas. Il était en grève de la faim, il est tombé malade et a commencé à vomir, et maintenant nous ne savons pas où il est…. »

Plusieurs textes en solidarité ont été rédigés et distribués dans les rues, appelant à la solidarité active :

Comme ces déclarations le montrent clairement, l’approche des autorités pénitentiaire est la force brutale et l’isolement, sachant que quelques-uns entendront les voix qui traversent les murs.
La solidarité active est indispensable.

Les prisonniers demandent à maintes reprises que nous répandions leurs mots et de faire savoir à davantage de gens ce qui se passe à l’intérieur de ces prisons en grande partie oubliées.

Juste un petit groupe ou un individu criant à travers les murs peut aider à stimuler la force de ceux qui sont en grève de la faim. Devant la plupart des centres de rétention britanniques, il est toujours possible de s’approcher des cellules où les gens sont retenus, ainsi nous pouvons communiquer visuellement et avec le son.
Mais le régime des frontières est tout autour de nous. Nous pouvons nous-mêmes attaquer ça où que nous soyons.

Le ministère de l’intérieur britannique a signé et administre des bureaux, des cellules de rétention, et des bases d’où ils lancent des rafles, dans de nombreuses villes.

Une grande partie de leur travail de gestion des centres de détention est sous-traitée par des entreprises privées, dont Mitie, G4S et Serco, qui ont également des bureaux à travers le pays et partout dans le monde.

(en partie repris depuis Le chat noir émeutier et complété par nos soins)

Pour plus d’infos et lire des témoignages (en anglais) :

Rabble

Detained voices 

Anti raids network 

À propos des émeutes de 2004 et 2006 au centre de rétention d’Harmondsworth, voici un extrait du texte Beau comme des centres de rétention qui flambent, paru dans la revue à corps perdu n°1 (décembre 2008)

Harmondsworth prend le relais

Mais les émeutes et incendies n’allaient pas s’arrêter en si bon chemin. Après Yarl’s Wood en février 2002, c’est le centre de rétention de Harmondsworth qui allait faire parler de lui le 19 juillet 2004 puis le 29 novembre 2006.
Situé près de l’aéroport d’Heathrow (à l’ouest de Londres), ce centre de deux fois 550 places a ouvert en 2001 et était géré par l’entreprise privée Uk Detention Services (UKDS), en contrat pour huit ans avec le ministère de l’Intérieur, rebaptisée Kalyx Ltd suite à la première révolte. En mai 2004, éclate une première grève de la faim collective de 220 retenus, protestant contre la longueur des procédures et les violences des gardes. Le 19 juillet vers 20h, un demandeur d’asile kosovar de 31 ans est retrouvé pendu, sa demande venant d’être rejetée et son expulsion programmée pour le lendemain (il y a eu 17 suicides officiels en centre de rétention de 2001 à 2006 et 185 auto-mutilations rien que pour les 10 premiers mois de 2006). La nouvelle se diffuse alors comme une traînée de poudre et un groupe de Jamaïcains refuse de réintégrer les cellules vers 23h. L’affrontement avec les gardiens tourne à leur avantage et ces derniers se retirent. La révolte s’étend alors rapidement et les insurgés commencent à mettre le feu et à détruire la structure. Une petite centaine continuera jusqu’à 9h du matin, lorsqu’ils seront défaits face à la police, aux matons et à leurs groupes spécialisés anti-émeutes (les «tornado teams»). Le camp de Harmondsworth sera en partie fermé suite aux dégâts structurels (22 millions de Livres) et nombre de détenus seront transférés.

Suite à cette révolte, les conditions de détention se rapprocheront encore un peu plus de celles d’une prison de haute sécurité. A titre d’exemple, et en plus des tabassages punitifs, les matons ont institué le rapport disciplinaire, nommé I.P. dans leur jargon, sachant que plus de deux rapports envoyaient directement au mitard (une heure de promenade par jour et isolement total sans affaires personnelles). Les retenus ont raconté comment des I.P. étaient bien entendu totalement arbitraires, comme le fait d’adresser la parole à un garde «de manière maléduquée» ou pour «non-coopération». Cet isolement qui va jusqu’à 45 jours avait été utilisé près de 129 fois à Harmondsworth rien que pour les six premiers mois de 2006. Un second facteur de l’explosion est liée au durcissement des conditions extérieures : en plus d’incarcérer les immigrés en attente de déportation ou en attente de révision de leur refus de permis de séjour, Harmondsworth a vu croître de façon exponentielle au cours des dix mois précédant la seconde révolte la quantité d’immigrés incarcérés suite à un passage en prison. Le ministre de l’Intérieur John Reid avait en effet multiplié les dispositifs pour accélérer l’expulsion de tout étranger ayant commis un délit, y compris lorsqu’ils avaient la citoyenneté britannique depuis des années (soit un permis de résidence). Nombre de fils d’immigrés ayant grandi en Angleterre se sont retrouvés ainsi pris dans les filets de la double-peine.
Si les causes conjoncturelles liées à la révolte n’ont pas filtré, l’enfermement suffit à expliquer que du 28 au 29 novembre 2006, c’est l’ensemble du centre et ses quatre ailes qui ont été cette fois saccagés pendant 18 heures par les 484 retenus : sanitaires, murs, fenêtres, caméras de surveillance. Initiée vers 12h30, la révolte s’est amplifiée à partir de 23h30 lorsque le feu est venu remplir son office ravageur, aidé ensuite par l’inondation générale provoquée par les détecteurs anti-incendie. Se servant de couvertures, certains révoltés ont également composé le texte géant «SOS FREEDOM» (Sos, Liberté) dans la cour, qu’un hélicoptère de la télé Sky News a diffusé, provoquant immédiatement le black-out du coin, décrété «zone d’opération avec interdiction de survol». Enfin, une tentative de tractation a eu lieu pendant les affrontements dans l’aile C du centre : parlant au nom des autres, des retenus acceptaient l’expulsion immédiate des déboutés définitifs («plutôt déportés que prisonniers à temps indéterminé [jusqu’à 3 ans] dans un méandre juridique») en échange de la liberté conditionnelle pour tous les autres. Mais même ce réformisme revendicatif n’a suffi à éviter l’intervention des flics, pas plus qu’il n’a freiné la rage des autres (Jamaïcains, Iraniens, Irakiens, Kenyans, Nigérians,…), achevant la démolition entreprise deux ans auparavant.
Les retenus ont été transférés, et les dégâts se montent à plusieurs millions de Livres.

 

Libération d’A. arrêté et tabassé à Barbès : comptes rendus d’audiences devant le TA et le JLD

Le dimanche 8 mars A. intervenait pour aider un jeune homme qui sous le porche d’un immeuble subissait des violences de la part de policiers du 18e arrondissement. Alors que le jeune homme réussissait grâce à cette intervention à échapper aux coups de ses agresseurs, A. a ensuite subi l’acharnement et les coups des policiers et après plus de 40 heures de garde à vue et un passage par l’hôpital a été envoyé au centre de rétention de Vincennes.

Alertés/es par plusieurs de ses amis, nous avons pris contact avec lui et sommes allés/es le soutenir lors de son passage devant le juge administratif le jeudi 12 mars après-midi puis devant le juge des libertés et de la détention le dimanche 15 mars.

Lors de cette dernière audience il a été libéré car la procédure présentait plusieurs vices de procédure (notamment les flics avaient « oublié » de lui signifier le prolongement de la garde à vue après 24 heures).

(vous pouvez lire son témoignage sur le lien ici)

Pour des infos juridiques et pratiques sur la garde-à-vue, la rétention, les passages devant le juge et comment résister aux expulsions vous pouvez consulter le guide « Sans papiers : S’organiser contre l’expulsion – Que faire en cas d’arrestation ? »

***

Compte rendu de l’audience devant le tribunal administratif jeudi 12 mars :

A., n’était pas seul ce jeudi à être présenté à l’audience présidée par la juge Claudine Hnatkiw. Ils et elle étaient 13 à espérer grâce à cette audience pouvoir sortir du centre de rétention de Vincennes ou de la zone d’attente de Roissy. Les espoirs de ces 13 personnes auront été vains, puisque toutes leurs requêtes sans exception auront été rejetées. Dès le début de l’audience Mme Hnatkiw montre son hostilité aux personnes convoquées et à leurs avocats/es, et on comprend vite que les chances qu’une de leur requête soit entendue sont quasi nulles.

Je vais essayer de faire un compte-rendu de cette audience au cours de laquelle systématiquement la juge coupe la parole aux avocats de la défense, donne la dernière prise de parole aux avocates de la préfecture, pose des questions pièges aux personnes convoquées et leur parle de façon désobligeante et humiliante.

Le sort de chaque personne est réglé de façon rapide, d’ailleurs Mme la juge montre ostensiblement qu’elle s’impatiente dès que les avocats de la défense parlent plus de 3 minutes d’affilée. Le seul qui, à force de pugnacité, tiendra plus de dix minutes pour défendre son client sera maître Machado, l’avocat d’A..

L’audience commence avec une dame congolaise qui est retenue dans la zone d’attente de Roissy et à qui l’admission sur le territoire français a été refusée et sa demande d’asile jugée infondée. Son avocat commence à expliquer la situation au Congo, la juge le coupe sèchement : «On connaît bien la situation au Congo, il y a 13 inscrits ». L’avocat reprend alors sa plaidoirie, mais la juge le coupe de nouveau. En effet, elle a repéré dans la salle une dame qui donnait un petit biberon d’eau à son bébé. Elle ordonne à la dame de sortir. Cette dernière tente de maîtriser son émotion (elle est là car son compagnon est en rétention)et de ranger discrètement ses affaires tout en tenant son bébé, la juge s’énerve car elle ne sort pas assez vite. Le ton de l’audience est donné !

Après avoir expédié la dame congolaise, c’est au tour d’A. qui fait recours contre son placement en rétention et son interdiction de retour sur le territoire français. Il a une obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui date du 20 mars 2014. A. a donc été placé en garde à vue le dimanche 8 mars à Barbès au commissariat de la goutte d’or après avoir aidé un adolescent qui était violemment contrôlé par des policiers.

Maître Machado rappelle que ce commissariat de la goutte d’or est tristement célèbre. Le matin même il en avait d’ailleurs été question à la cour d’appel du juge des libertés et de la détention, un retenu s’y plaignant des violences qu’il y avait subies. Il fait remarquer que dans son dossier il n’a aucune plainte ni déclaration de la part du gardien de la paix Chute. Il est juste spécifié dans le PV d’interpellation que ce policier  aurait été visé par des violences et des menaces de la part d’A.. Ce PV d’interpellation prétend qu’A., après s’être opposé à un contrôle d’identité, se serait jeté sur le policier répondant au nom de Chute et il semblerait à sa lecture que les trois autres policiers seraient restés spectateurs. A. se serait ensuite cogné la tête dans la bataille, le choc entraînant une blessure ayant nécessité des points de suture derrière la tête.

De la seconde blessure et des agrafes sur le front et la tempe, il n’est en revanche point question. maître Machado montre à madame la juge la plainte déposée par A. dès son arrivée au centre de rétention. Celle-ci n’a alors qu’une chose à dire : « Quand l’intéressé va t-il se décider à partir étant donné qu’il a une OQTF ? »

Après un sympathique échange au cours duquel où nous aurons également le droit de la part de madame la représentante du peuple français à un «Préparez vous à partir au lieu de vendre des cigarettes de contrebande », l’avocate de la préfecture, Maître Balut, sort de son chapeau une plainte contre A. de la part du gardien de la paix Chute. Elle n’en avait pas fait état à son contradicteur avant l’audience comme il se doit normalement, pourtant il était là avant le début des audiences. Elle nous dit qu’au départ c’était une autre personne qui était contrôlée mais que du fait de l’attitude d’A. cette personne n’a pu être arrêtée. Elle remet en doute toutes les paroles d’A. concernant les violences qu’il a subies et dont il porte pourtant visiblement les traces.

Concernant les fondements juridiques qui ont permis de placer A. en rétention ou de lui interdire le retour sur le territoire français, elle ne semble pas tout maîtriser. Nous aurons le droit à un « Attendez le dossier est épais, attendez que je m’y retrouve » ou bien encore à un « Moi je m’y perds toujours dans les numéros » ou encore « A chaque fois je me perds dans l’article 511 tiret 1 » Heureusement pour elle la juge l’aide, outrepassant ainsi ses prérogatives. Mais qu’importe, dans cette audience il n’est même plus question de sauver les apparences.

A un moment madame la juge coupe l’avocat pour tancer A. qui pose une question à son traducteur : « Monsieur la discussion ici est dans un seul sens, votre interprète vous traduit, vous vous n’avez rien à dire. » Alors que maître Machado tente de nouveau de plaider, la juge le coupe pour mettre l’affaire en délibéré, visiblement cela n’a que trop duré.

Effectivement, pour les personnes suivantes nous assistons à un triste défilé où chaque affaire durera à peine 5 minutes. 5 minutes pendant lesquelles nous aurons toutefois le droit à un florilège de paroles désagréables destinées à déstabiliser les personnes jugées et leurs avocats.

Ainsi à une avocate défendant un monsieur expliquant qu’il a des difficultés avec l’une des formes de la langue arabe elle fait remarquer « Il dit qu’il ne parle pas arabe, comment fait il là-bas . Il est escorté d’un interprète ? Vous ne me ferez pas croire que vous ne parlez pas arabe. »

Alors que le monsieur explique qu’il comprend l’arabe mais s’exprime mal dans cette langue, elle en profite pour couper court à toute autre tentative d’argumentation de l’avocate en balançant un « De toute façon il vient de dire qu’il parlait moins bien arabe mais il le parle ».

Plusieurs très jeunes soudanais qui ont été arrêtés en même temps à gare du nord subissent ses foudres et sa suspicion. Elle les interroge sur le nombre d’années passées dans tel ou tel endroit au cours de leur parcours migratoire, sur la ville d’où il viennent pour mettre en doute que cela se situe au Darfour, assène des « Les conditions matérielles dans un pays ne sont pas jugées dans cette audience ». A chaque fois, pour ces jeunes Soudanais, comme pour un jeune Erythréen, l’avocate de la préfecture remet en cause le fait que les jeunes prévenus souhaitent demander l’asile et fuient des persécution en invoquant le fait que « cela ne ressort pas des PV d’interpellation ». Un avocat qui tente d’expliquer que les réfugiés craignent de parler de persécutions à des policiers qui viennent de les arrêter, est renvoyé dans ses cordes par la juge.

Systématiquement l’avocate de la préfecture a le dernier mot avant que la juge lance son « Mise en délibéré » en invoquant les 13 dossiers qu’elle a à juger cet après-midi. L’avocate de la préfecture joue sur du velours… « Vous avez devancé ma plaidoirie » dira t-elle à un moment à la juge qui démontre qu’un jeune soudanais ment sans doute car il s’est trompé de quelques mois dans le long périple qu’il a effectué avant d’arriver en France après avoir quitté le Darfour en 2009 (alors qu’il était vu son apparence physique actuelle sans doute un enfant à ce moment là).

Ce qui semble fatiguer Mme la juge c’est ce défilé incessant de gens qui invoquent toujours la même chose…. Par exemple ces Erythréens « Comme on l’entend à chaque fois ces personnes quitteraient leur pays pour fuir le service militaire» soupire-t-elle. L’avocate de la préfecture compatit complice : « Effectivement on nous invoque toujours l’article 3 de la CEDH (cour européenne des droits de l’homme) »

L’avant-dernière personne qui se présente à l’audience est un monsieur qui vient du centre de rétention et qui est seul, sans avocat et sans interprète alors qu’il en aurait visiblement besoin d’un. Personne ne lui demande s’il en veut. Il s’excuse de mal parler français (ce à quoi), Mme la juge lui dit sèchement « Parlez dans le micro s’il vous plaît »

Le monsieur tente d’expliquer qu’il a été arrêté alors qu’il venait en aide à une femme qui était importunée dans la rue. La juge le coupe en lui disant que les raisons de son interpellation n’ont pas à être évoquées ici. Elle lui demande pourquoi il n’est pas parti après l’oqtf qu’il a eu en septembre 2014. Il dit qu’il est en contrôle judiciaire. « De quel délit êtes vous présumé coupable ? » demande la juge s’asseyant au passage sur l’un des fondements du droit français, la présomption d’innocence pour la remplacer par ce qui semble être sa vision du monde : la présomption de culpabilité.

Quand il apparaît au vu des papiers qu’il montre que ce monsieur est sous contrôle judiciaire pour recel d’une bicyclette, l’avocate de la préfecture dira que ce petit délit ne peut justifier de ne pas respecter une décision d’éloignement.

Bref, on l’aura compris, dans cette audience l’étranger et l’étrangère ont toujours tort et sont systématiquement remis en cause et rabaissés. Au moins toutes ces personnes n’auront sans doute pas espéré quoi que ce soit de positif lors du court délibéré au terme duquel tous leurs recours auront été rejetés. On n’aura même pas essayé de leur faire croire qu’elle et ils étaient écouté/es, qu’elle et ils étaient une vraie personne. Pas d’illusion…

En tout cas, espérons qu’à la prochaine loterie judiciaire ils et elle tireront un autre numéro. Pour Ali ce sera dimanche devant le juge des libertés et de la détention du 35 bis à Cité. Nous serons un certain nombre à ne pas oublier que s’il se retrouve là c’est bien sûr parce qu’il n’est pas né au bon endroit et n’a pas les bons papiers, ni le bon statut social, mais aussi parce qu’il s’est opposé à ce que beaucoup d’entre nous dénonçons depuis des années : les contrôles d’identité racistes et la violence de la police.

***

Compte rendu de l’audience devant le juge des libertés et de la détention (JLD) dimanche 15 mars :

Un palais désert comme tous les dimanches et les gendarmes bien avertis a l’entrée qu’il n’y a que le 35 bis, soit la « justice » pour les étrangers qui ne fonctionne ce jour là…

15 personnes doivent passer devant le juge. On commence à l’heure. Le premier retenu est un Russe. Pour chaque dossier Mr le juge va irrémédiablement commencer par les mêmes questions : vous vous appelez machin ? Depuis combien de temps êtes vous en france ? quelle est votre adresse ? Avez vous un passeport (si la réponse est oui – il est où ce passeport ?) êtes vous d’accord pour repartir en, dans le cas présent, en Russie ?

Toutes les audiences vont aller très très vite, mis a part quelques délibérations ou « la salle » (3 personnes dans le public) doit sortir quelques minutes. Pour le retenu russe cela ira donc très vite aussi. Un avocat, on espère commis d’office, bafouille que Mr est venu 2 fois avec des visas. Le juge lui demande « Maître j’ai pas compris vous n’avez pas soulevé de nullité nan ? » Non je m’interrogeais juste »… « Bon je prolonge la rétention, Mr vous avez un vol demain pour la Russie. »

La jeunette qui représente la préfecture n’aura pas eu de travail sur ce dossier…

Personne suivante, un Soudanais, en France depuis une semaine, sans domicile, en route pour Calais, pas d’accord pour retourner au Soudan ! Une avocate, elle ne plaide que sur le fait que Mr vient de déposer une demande d’asile car il est très menacé dans son pays et que donc il doit être libéré. Le juge répond que la demande d’asile empêche juste la présentation de Mr à son consulat mais pas le maintien en rétention. Prolongé !

Des conditions d’interpellation, de la garde à vue, du placement en rétention il n’en sera pas question. Ah ces avocats qui ne savent même pas à quoi « ça sert » un JLD…

Personne suivante, un égyptien, c’est une deuxième prolongation, l’avocat plaide aussi qu’il a fait une demande d’asile. Le juge répond qu’il est pas compétent pour l’asile et rend sa décision de prolongation… Mais Mr veut s’expliquer, apparemment il n’a pas compris qu’il avait été jugé en moins d’une minute et veut donc raconter qu’il est menacé dans son pays. « Je comprend mais je suis pas compétent, de toutes façons je doute que les autorités égyptiennes vous reconnaissent et délivrent un laisser passer Mr, donc y’a toute les chances pour que vous sortiez » Oui bah pas maintenant, Mr va encore passer 20 jours a Vincennes.

Le quatrième dossier c’est A., on réussi à le saluer…Après les formalités d’usage avec Mr le Juge, on rentre dans le vif du sujet direct car son avocat a soulevé déjà par écrit de nombreuses nullités. Le juge lui fait à peine expliquer et demande direct à l’avocate de la pref où est le PV de prolongation de la garde à vue, ben…. y’en a pas ! (d’ailleurs cela ressort dans le témoignage que nous a fait A. depuis Vincennes, personne ne lui avait signifié la prolongation de la garde à vue) .

L’avocate de la pref annonce que nous avons toutes les infos dans le PV de fin de première garde à vue sous entendu pourquoi embarrasser. Le juge lui rétorque qu’il n’est pas d’accord et « sans qu’il soit besoin d’étudier les autres moyens de nullités je ne prolonge pas la rétention ». Première personne libérée donc.

Mr O, un algérien. Sans passeport. Cette fois ci cet élément est important parce que l’avocate qui a un nom de sandwich dit elle même a Mr le juge, et elle ne dira que ça, « j’avoue que dans ce dossier je n’ai pas d’élément pour vous demander une assignation a résidence « … et c’est tout ! Des conditions d’interpellation, de la garde à vue, du placement en rétention il n’en est toujours pas question . Prolongé.

Le déroulement du dossier suivant est assez étrange, le juge nous a un peu surpris là, il a peut être eu une minute d’attaque de culpabilité, peut être après la consternante non plaidoirie de l’avocate. Bref en tout cas c’est toujours mme qui a un nom de sandwich qui est censé le défendre. Mr Coulibaly n’est pas là, il est a l’hôpital (pourquoi? tout le monde s’en fout ! a espérer que cela n’ait rien à voir avec les compétences de Mr le juge…). « ça libère l’interprété ». Il y a un peu confusion sur son identité, la pref a saisi les autorités consulaires du Mali et de la côte d’ivoire. L’avocate dit que Mr a dit qu’il avait une compagne en france et un enfant, qu’il est ivoirien mais qu’on a rien qui confirme ses dires. Le juge demande qu’on change son nom sur son dossier, « Mr dit qu’il s’appelle comme ça il n’y a pas de raison de ne pas le croire » puis il s’énerve que lors de la procédure rien n’a été fait pour savoir quoi que ce soit sur ce Mr, que si ça se trouve un enfant va être séparé de son père » ! Il s’exaspère et dit « je ne suis pas une machine a prolonger la rétention ! » l’avocate de la pref lui dit que c’est du ressort du TA, il répond  » le respect de la liberté individuelle c’est le juge judiciaire, je ne suis pas une machine à prolonger » !!! deuxième libération… l’avocate est perplexe, faut dire elle a rien fait et son client est libéré…

Le suivant est une demande de deuxième prolongation de la rétention, pour un marcocain, personne n’a rien à dire, il est prolongé.

Puis vient le tour d’un autre Soudanais, du Darfour, avec un traducteur en arabe, là après les questions d’usage le juge va l’interroger sur son parcours de migration en signifiant à l’interprète qu’il a le temps de parler ! pourquoi lui mystère… Donc le Darfour, puis Khartoum, puis la Libye et la taule puis il a travaille a Benghazi puis il part pour Tripoli, l’Italie, la Fance, des années quoi…Mr a été contrôlé à gare du nord tôt le matin et l’avocate va plaider que rien ne motivait ce contrôle car Mr n’avait aucun comportement suspect. Sous entendu a part sa tête d’étranger donc… La pref va répondre que le contrôle n’a pas à être motivé dans les places transfrontalières comme les gares et pour répondre a l’argument sur sa tête d’étranger, elle va expliquer que les policiers ont d’abord interrogé le FPR (fichier des personnes recherchées) comme pour n’importe qui, avant d’interroger le fichier national des étrangers… Non non ce n’est pas un contrôle au faciès. Le juge va donner droit à l’avocate, rien ne justifiait le contrôle. Troisième et dernière libération…

Tous les dossiers suivant, les retenus retourneront en rétention, à noter 5 Chinois, dont 3 femmes, défendus par le même avocat, qui a soulevé les mêmes nullités dans les 5. Elles ne seront expliquées qu’ au premier dossier ainsi que pourquoi le juge les rejette, pour les autres retenus tant pis, le juge se contentera de dire « votre avocat a travaillé mais j’ai rejeté ses conclusions ». A tous les retenus le juge a demandé où était le passeport et il était à la maison. Pour une d’entre elles, le juge ira jusqu’à demander le nom de la personne qui l’héberge après avoir demandé l’adresse. Et tout cela est noté.

L’une d’entre elles est d’abord entendue comme victime dans une procédure de contrôle du travail dissimulé, c’est dans ce contexte qu’elle s’est fait arrêter, elle passera en procédure de retenu et attendra son vol pour la Chine. A noter un d’entre eux aussi pour lequel l’avocat a soulevé un moyen supplémentaire : le début de la garde à vue devrait prendre en compte le début de la contrainte (Mr est aux mains de vigiles). Le juge va rejeter…

Voilà trois heures d’audience pour 15 personnes, 3 libérations, si le parquet ne fait pas appel…

Au final, A. a été libéré, le parquet n’ayant pas fait appel.

[Grèce] Les projets du nouveau gouvernement

Tou-te-s les migrant-e-s détenu-e-s depuis plus de 6 mois dans les centres de rétention vont être progressivement libéré-e-s. Illes recevront un papier suspendant l’expulsion pour une période de 6 mois. Pendant cette période illes devront quitter la Grèce par leurs propres moyens. Les migrant-e-s sans papiers qui traversent la frontière ne seront plus arrêté-e-s mais (comme par le passé) illes recevront un papier disant qu’ils ont un mois pour quitter la Grèce. Si illes sont arrêté-e-s après cette période d’un mois, illes recevront également un papier reportant l’expulsion pour 6 mois. Ainsi illes auront un statut incertain, comme c’est le cas depuis de nombreuses années. La plupart des centres de rétention ne seront pas fermés. On se retrouve donc presque dans la même situation qu’il y a 3 ans. Mais pas exactement. Avant la durée maximale de rétention était de trois mois, pas six, il y avait sept centres de rétention de moins, le parti nazi faisait 0,15% et pas 7% et la population de migrant-e-s était bien plus importante – en effet durant les trois dernières années la population totale a diminué, pour la première fois depuis la création de l’Etat grec.
Et la police continue de chasser les vendeurs/euses à la sauvette sans papiers.
On est donc loin de la récente politique d’extrême droit (notamment le pic anti-immigrant de l’été 2012 à l’automne 2013), mais on est également loin de février 2011, quand Syriza supportait la grève de la faim de 300 migrant-e-s pour la régularisation.

Mise à jour : Le gouvernement ne confirme pas que les sans papiers entrant en Grèce ne seront pas arrêté-e-s. Ils disent qu’il s’agit d’une fausse information divulguée par l’opposition.

PS : Ne pas arrêter les sans papiers et leur donner un papier leur donnant un mois pour quitter la Grèce, c’était plus ou moins la pratique commune jusqu’à il y a 3 ans. Les sans papiers arrêté-e-s à la frontière étaient retenu-e-s dans les locaux de la police pendant trois jours pour des examens médicaux puis relâché-e-s avec le même papier. Celles et ceux qui demandaient l’asile étaient gardé-e-s en centre de rétention pour trois mois maximum, comme une forme de punition pour dissuader les gens de demander l’asile. Très peu d’entre elleux obtenait le statut, très peu étaient expulsé-e-s, certain-e-s étaient occasionnellement arrêté-e-s, tou-te-s les sans papiers faisaient face à la répression policière et tou-te-s étaient coincé-e-s en Grèce et contrôlé-e-s par les mafias.

Après l’opération « Zeus l’hospitalier » (« Xenos Zeus »), la pratique du « 1 mois pour quitter la Grèce » a d’une certaine manière changé et une partie de celles et ceux qui entraient en Grèce (mais pas tou-te-s) étaient maintenu-e-s en centre de rétention, en général pour 6 à 18 mois. Mais la majorité des sans papiers qui étaient initialement emprisonné-e-s quand les nouveaux centres de rétention furent créés (il y a deux ans et demi), étaient des personnes arrêté-e-s dans Athènes, et non pas aux frontières, et certain-e-s d’entre elleux vivaient en Grèce depuis plusieurs années.

Mais il s’agissait d’une partie de la politique d’échappatoire que le parti « socialiste » Pasok tout d’abord puis l’aile droite ND suivirent pour détourner l’attention de l’austérité et renforcer l’appareil répressif d’Etat. En réalité c’est en partie grâce à la rhétorique anti-immigrant officielle de l’Etat que les résultats électoraux des nazis ont augmenté de 0,15% à 7% en même que les discours de haine devenaient légitimes.

Après le meurtre de Pavlos Fyssas [rappeur antifa assassiné en septembre 2013] la situation a commencé à changer. L’hystérie anti migrant-e-s était plus réduite. Durant les derniers mois (même avant les élections) les migrants étaient libérés discrètement, le centre de rétention de Komotini fermé en novembre dernier.
Comme nous l’avons écrit plus haut, à cause de la fameuse crise beaucoup de sans papiers ont quitté la Grèce. Pour les même raisons, vraiment très peu de migrant-e-s ont traversé la frontière grecque ces dernières années , surtout des réfugié-e-s de la guerre en Syrie. Dans la même période plus de 200000 albanais-e-s qui avaient vécu là légalement depuis des années sont devenus illégaux/ales, vu que la régularisation en Grèce est liée au cachet de travail. La crise et non plus la répression policière est devenue le problème principal des migrant-e-s. En réalité la violence cachée de la police était extrême contre les migrant-e-s même avant la crise et malheureusement ça ne semble pas s’arrêter avec la victoire de Syriza aux élections.

Les centres de rétentions ont été créés il y a deux ans et demi principalement pour des raisons de propagande liées à l’instabilité sociale (le pic des manifs anti-austérité a été le 12 février 2012 lorsque de nombreux bâtiments furent incendiés à Athènes). Tandis que la situation s’est d’une certaine manière stabilisée ces dernières années, la nécessité pour l’Etat d’une rhétorique anti-immigrant-e est devenue moindre, même sous l’ancien gouvernement d’extrême droite.
Il y a un an les syndicats de police ont demandé au gouvernement de fermer les centres de rétention et de les remplacer par des « plus appropriés » financés par l’UE (200,000,000 euros ont été offerts pour ça!)

 

Traduction approximative depuis clandestina

[Barbès] « les flics m’ont rentré dans l’immeuble, ils m’ont mis une claque et m’ont frappé avec une matraque. Ils m’ont donné plusieurs coups sur la tête. Je perdais beaucoup de sang »

À Barbès la pression des flics est toujours quotidienne. La Mairie et les investisseurs locaux voudraient que ce quartier deviennent le nouveau « lieu branché » de Paris.

La ré-ouverture du cinéma Louxor et la nouvelle brasserie qui va bientôt ouvrir ses portes en sont de bons exemples.

Les chantiers de construction de nouveaux logements en accession à la propriété se multiplient pour accueillir de nouveaux habitants plus riches et plus bobos.

La police quadrille les rues pour tenter de virer celles et ceux qui ne correspondent pas aux projets de ceux qui nous gouvernent : pauvres, biffins, sans papiers , etc.

La violence de la police est quotidienne lors des ces contrôles qui mènent bien souvent, sous n’importe quel prétexte, à une garde-à-vue et pour ceux & celles qui n’ont pas les bons papiers, au centre de rétention.

Dimanche 7 mars 2015 lors d’une énième opération de contrôle les flics du quartier ont arrêté A. après l’avoir tabassé. Il est aujourd’hui enfermé au centre de rétention de Vincennes et raconte comment s’est déroulée son arrestation et la garde-à-vue :

« J’étais à Barbès vers 18h, j’étais au snack. Après manger je suis sorti et j’ai vu trois policiers qui arrêtaient quelqu’un : ils l’ont rentré dans un hall d’immeuble, ils lui ont mis une claque, ils l’ont frappé avec l’électricité (taser) et l’ont gazé. Je me suis arrêté pour aider le gars. Les flics m’ont rentré dans l’immeuble, ils m’ont mis une claque et m’ont frappé avec une matraque. Ils m’ont donné plusieurs coups sur la tête. Je perdais beaucoup de sang. Après on est sorti de l’immeuble et j’ai crié que je devais aller voir le médecin, qu’ils m’avaient frappé, que j’avais mal. Il y a un commerçant qui vend des portables qui est sorti et qui a filmé. Les gens dans la rue étaient choqués, ils ont crié.

Les flics m’ont ramené à pied au commissariat de la Goutte-d’Or parce qu’ils disaient que j’allais salir la voiture.

Au commissariat ils m’ont encore frappé, mis des coups de pieds. J’étais allongé par terre et un policier mettait son pied sur ma tête. Tous les policiers rigolaient sur moi. Ils disaient que j’allais avoir des cicatrices toute ma vie, ils criaient «mort ». Ça a duré 30 minutes.

Il y a un gradé qui est arrivé j’ai demandé d’aller à l’hôpital. Les pompiers sont arrivés, ils étaient choqués de voir ça. Un pompier m’a dit qu’ils allaient m’amener à l’hôpital. Je suis resté avec eux dix minutes au commissariat et ils m’ont mis dans le camion. J’avais perdu beaucoup de sang. Les policiers sont venus avec nous, on était dans le camion mais on a mis du temps a partir.

À l’hôpital j’étais mal, j’ai été soigné. J’ai attendu le médecin, il était choqué. Il m’a mis des agrafes, 8 sur le crane et 7 sur la tempe. Ils m’ont donné un certificat et une ordonnance mais les policiers les ont pris.

Après je suis retourné direct en garde-à-vue. J’avais perdu beaucoup de sang, j’avais très mal. Il était 20h30. J’ai demandé des médicaments mais ils m’ont dit « attend ». J’ai demandé un avocat, un interprète, un médecin, mais rien. Jusqu’à 2h du matin, j’ai attendu pour avoir des médicaments. Là ils m’ont amené a l’hôtel-Dieu, il m’a donné 4 dafalgans.

Là-bas une infirmière était choquée que j’étais en garde-à-vue dans cet état. Après ils m’ont ramené en garde-à-vue.

Le lendemain un policier m’a auditionné. Les policiers ont marqué dans le PV que j’avais frappé les policiers dans le gilet par balle. Mais moi je l’ai pas frappé. Moi j’ai reçu des coups de matraque et ils ont dit que j’étais tombé tout seul pour les cicatrices. Mais comment on tombe deux fois sur la tête ? Ils ont fait que mal me parler. J’ai signé aucun de leurs papiers.

Après je suis retourné dans la cellule. La garde à vue devait finir à 18h30. J’ai tapé dans la porte de la cellule pour dire que ma garde-à-vue elle était finie. Ils ont voulu que je signe une feuille qui disaient que j’avais fini la garde-à-vue mais j’étais pas sorti encore alors j’ai pas signé. Ils m’ont dit qu’ils attendaient le procureur. Je suis resté plusieurs heures comme ça, mais ils m’ont pas dit qu’ils avaient renouvelé la garde-à-vue, personne ne m’a rien dit ou n’a ramené de feuille, jusqu’au lendemain à 11h.

Là un policier m’a dit « tu vas aller a Vincennes » J’étais content car je sortait du commissariat, j’en pouvais plus de rester dans le commissariat.

J’avais rien signé dans le commissariat. Là le policier a ramené les feuilles pour Vincennes alors j’ai signé car c’était un cauchemar le commissariat. Ils m’ont mis dans le camion de la police pour m’emmener a Vincennes.

Le policier qui m’a frappé, il a frappé un mineur avant qui habite à l’hôtel.

Mes affaires sont toujours avec le sang. C’était comme un robinet comment je perdait du sang. Toutes mes affaires sont salies avec du sang, les baskets, mon tee shirt, mon pantalon. Je vais passer devant le juge comme ça.

Là j’ai mangé un peu, j’ai récupéré un peu mais j’ai toujours des douleurs dans le crâne.

J’ai même pas eu un scanner, des fois j’oublie des choses, car j’ai pris des coups de matraque sur la tête et j’ai mal, j’ai eu que du doliprane. J’ai perdu plein de sang et de kilo pendant la garde-à-vue.

J’ai un film dans ma tête, tout repasse dans ma tête, j’arrive pas à dormir. Les policiers m’ont fait beaucoup de mal. »

[Calais] Violences policières bis

Toujours selon le blog Passeurs d’hospitalités, les violences policières semblent s’intensifier ces derniers jours dans la région de Calais :

[…] les autorités ont maintenant recours à la pression, au harcèlement et à la violence pour faire partir les gens, sans doute encore trop nombreux pour procéder de manière confortable à l’évacuation des squats et campements promise pour fin mars – début avril.

Contrôles sur le chemin menant aux distributions de repas au camp Jules Ferry, accompagnés ou non d’arrestations et de violences (constatés et témoignages d’exilés), gazages autour du campement du chemin des Viviers, derrière Leaderprice (constatés par des bénévoles et témoignages d’exilés), contrôles accompagnés ou non violences autour du squat Galou (constatés par des bénévoles et témoignages d’exilés), descentes de police et violences au squat des Égyptiens (constatées par des bénévoles et témoignages d’exilés) : nous constatons ces derniers jours que le harcèlement et la violence se resserrent autour des lieux de vie des exilés.

C’est également le cas au centre-ville, à la gare ou au centre commercial des 4B, ou au fil des rues, de manière à dissuader les exilés de venir en ville.

Parmi les victime de ce harcèlement, les demandeurs d’asile qui sont dissuadés de se rendre aux bureaux des associations qui les accompagnent. Des mineurs que l’Aide Sociale à l’Enfance refuse de prendre en charge. Et de manière générale les exilés qui se sentent coupés de la ville.

En attendant la violence des expulsions et ce qui suivra, une chasse à l’homme visant à éloigner les exilés du regard du public, les autorités déploient la seule chose qu’elles sachent faire face à un problème qu’elles ont elles-mêmes créé : la violence encore.

[Calais] Violences policières

6 mars 2015. Il y a deux nuits, six fourgons de CRS entourent le squat des Égyptiens, où habitent une cinquantaine de personnes, dont une quinzaine de mineurs.

La même nuit, trois fourgons de CRS dans l’impasse des Salines, qui conduit au squat Galou. Des exilés doivent rester une heure et demie alignés contre le mur, sous prétexte de « contrôle d’identité ».

Les contrôles au faciès se multiplient dans les trains en gare, conduisant ou non à des arrestations. S’accompagnant ou non de fouilles, ou de situation surprenantes, comme obliger une personne à enlever ses chaussures et ses chaussettes dans le hall de la gare. Les policiers sont agressifs avec les personnes qui leur demandent pourquoi ils contrôlent certaines catégories de personnes et pas d’autres, ou qui prennent des photos.

Quand à la situation aux approches du port, déjà particulièrement violente, elle empire de manière alarmante, comme le montre ce témoignage d’une bénévole, datant d’hier :

« La police à nouveau enragée ? Visite ce matin au Bois Dubrulle vers 11h… des réfugiés sont de retour de l’autoroute où il y a un ralentissement donc beaucoup de tentatives des réfugiés pour monter dans les camions. La police frappe à tour de bras même sur les adolescents de 12, 13 ans… plaies et bosses, peut-être un bras cassé…

… passeurs d’hospitalités

[Lausanne] Tags contre les vautours de la machine à expulser de l’EVAM

22 février 2015. Cette fin de week-end nous avons recouvert les vitres d’une antenne de l’EVAM (établissement vaudois d’acceuil aux migrants) de slogans tels que “expulseur de migrantEs”, “solidarité avec les immigréEs” et autres messages.
Quelques bombes de peintures, un élan de motivation et hop une attaque de plus contre la machine à expulser et les pourritures de vautours qui gagnent leur pains quotidien en détruisant la vie de centaines de personnes migrantEs.
A lausanne, comme partout ailleurs, ce genre d’attaques contre les rouages de la machine a expulse est fréquent.

Ni nation ni patrie, vive l’anarchie.

Publié sur indymedia suisse romande, repris sur Le chat noir émeutier

Émission Sans Papiers Ni Frontières du 6 mars 2015

Au sommaire :

Taule et centres de rétention : appel à manifester devant la prison de Valencerévoltes et manifestation dans les centres de rétention en Grèce

Invités : discussion autour de la lutte des mineurs isolés à Paris (plus d’infos ici)

Coup de téléphone : Calais, ouverture du centre Jules Ferry, violences policères et expulsions à l’horizon

Et aussi : Agenda (on a oublié ça alors on le poste ici : Forum Interfac sur les violences d’État)

Émission tous les premiers vendredi du mois de 19h à 20h30 (rediffusion le mardi suivant à 8h) sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM en région parisienne et sur internet partout ailleurs

Prochaine émission le 3 avril

[GB] Mouvements dans les centres de rétention

Repris de Getting the voice out

Grande manifestation dans le centre de détention pour immigrés à Harmondsworth

8 mars 2015 – Plus de 200 détenus du centre d’Harmondsworth se préparent à entamer une grève de la faim dès 8 heures demain matin, après une manifestation bruyante dans le centre aujourd’hui.

Ils ont manifesté pour mettre un terme à:

– leur privation de liberté et de droits humains
– l’utilisation de la procédure accélérée pour les détenus
– la partialité et l’incompétence du Home Office dans la gestion des dossiers
– aux déportations illégales sous la contrainte
– aux conditions stressantes et dégradantes qu’ils décrivent comme de la “torture mentale” et qui en conduisent beaucoup à s’automutiler
– aux cellules surpeuplées comparables à “des cages d’animaux”
– au refus de renvoyer ceux qui veulent rentrer dans leur pays d’origine

Des manifestations semblables ont été organisées cette semaine par des femmes du centre de détention pour immigrés de Yarl’s Wood. Ce mouvement de résistance fait suite à la diffusion par Channel 4 cette semaine de séquences de film en caméra cachée tournées dans les centres de Yarl’s Wood et Harmondsworth, et d’un rapport d’enquête parlementaire sur la détention.

Un manifestant a déclaré à propos du traitement du personnel de Harmondsworth: “C’est comme si nous étions des animaux. Ils ne nous donnent ni assistance ni nourriture. Si quelqu’un de l’extérieur venait ici et voyait les conditions, il nous libérerait.” Un autre manifestant a ajouté que la détention les “torture mentalement”.

Les manifestants disent que le personnel les menace d’emprisonnement s’ils n’arrêtent pas de protester.

[Grèce] Manifestations contre les centres de rétention

Le 14 février, 250 personnes ont manifesté jusqu’au commissariat central de Thessalonique et ont lancé des bombes de peinture rouge sur l’entrée. Cinq jours après une manifestation pour la fermeture des centres de rétention s’est déroulée dans les rues de la ville.

ΘΕΣΣΑΛΟΝΙΚΗ ΑΝΤΙΡΑΤΣΙΣΤΙΚΟ ΣΥΛΛΑΛΗΤΗΡΙΟ

Des manifestations contre les centres de rétention se sont également tenues à Patras le 17 février, à Athènes et Ioannina le 19 février et devant le centre de Xanthi le 28 février.

Samedi 21 février, il y a eu des affrontements entre les flics anti-émeute et 250 manifestant-e-s qui tentaient de rentrer dans le centre de rétention d’Amygdalezales retenus s’étaient révoltés le 14 février suite à la mort de deux d’entre eux.

Traduction libre depuis clandestina