Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

Brèves des frontières #3, luttes et solidarité – début octobre 2015

Vintimille (Italie). Le 30 septembre 2015 à l’aube des dizaines de flics sont venus expulser le Presidio No Border. Depuis la vielle au soir, migrant-es et solidaires s’étaient replié-es sur les rochers du bord de mer pour retarder au maximum l’expulsion. Pendant que les pelleteuses et les bulldozers détruisent le campement, les flics resserrent l’étau autour des rochers. Cette situation va perdurer toute la journée alors qu’une vingtaine de migrant-es ont déjà été arrêtés, emmenés à Gènes puis transférés de force au plus loin de la frontière franco-italienne, dans un centre pour demandeurs d’asile à Bari (dans le sud de l’Italie). Alors qu’ils/elles se battaient pour refuser leur identification à Vintimille pour pouvoir demander l’asile dans un autre pays européen, enfermé-es dans ce centre ils/elles ont été obligé-es de donner leur identité ainsi que leurs empreintes et photos.

Délogé-es à leur tour en fin de journée les migrant-es réfugié-es sur les rochers n’ont d’autre choix que d’accepter d’être conduit-es au centre de la Croix-Rouge tout en obtenant l’assurance de ne pas être identifié-es, tandis que les solidaires sont emmenés au commissariat ; ils/elles recevront une plainte pour « occupation illégale de terrain public ».

Le centre de la Croix-Rouge, situé juste à côté de la gare de Vintimille, est un lieu de contrôle et de tri des migrant-es. La Croix-Rouge italienne est un partenaire privilégié de l’État dans son sale boulot de gestion, d’enfermement et d’expulsion des migrant-es et sans papiers (notamment dans les gestion des centres de rétention et des camps pour demandeurs d’asile).

En fuyant ce centre, ceux/celles qui avaient choisi de se regrouper sur le presidio refusaient ainsi les logiques d’enfermement et humanitaire, leurs préférant celles de la solidarité, de l’auto-organisation et de la lutte qui constituaient les principes de base du campement situé au pied du poste frontière entre Vintimille et Menton.

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Traduction du communiqué du Presidio No Border sur cette journée du 30 septembre :

Ils arrachent et ils jettent les tentes, les vêtements, la nourriture, les brochures d’information, les livres, le matériel pour les cours en anglais, français, guitares, les ballons, les meubles, les douches et les toilettes.

La violence dévastatrice de ces bulldozers détruit le travail de mois d’auto-organisation, qui a mobilisé la solidarité de beaucoup de gens, qui a vu cet espace être traversé par une multitude de personnes, dont des migrants, des activistes de toute l’Europe, des gens qui se sont joints pour apporter des pâtes, du lait, de l’eau.

« Nous avons dégagé le presidio, pas les migrants », a déclaré le maire de Vintimille, Loculano. Ce que détruisent ces bulldozers, en fait – sous les yeux attentifs et terrifiés en même temps de la police – est avant tout un chemin d’autogestion, de lutte, qui a eu lieu principalement par l’urgence de vivre ensemble.

Les migrants et les solidaires vivaient ensemble, mangeaient ensemble, dormaient dans le même endroit, géraient ensemble la cuisine, le nettoyage du terrain, la sécurité pour empêcher aux passeurs de rentrer, et ensemble ils se confrontaient dans des réunions horizontales (en arabe, italien, anglais français) pour s’organiser contre la violence des frontières et la répression continue que rencontrent ceux qui essaient de les traverser.

À Vintimille, il n’y avait pas de place pour la pitié, la rhétorique de la charité chrétienne. À Vintimille il y avait les corps, les regards, l’effort constant de se connaître, de se raconter au-delà des barrières linguistiques. À Vintimille il y avait l’immédiateté des relations, du vivre ensemble, de construire, il y avait la frustration d’avoir en face une barrière qui constamment ramenait la menace d’expulsion, qui reproduisait constamment le visage brutal de l’Europe. Mais il y avait aussi une énergie vitale qui sortait de « coups » devant la frontière, dans l’improvisation de la musique et de la danse du Soudan, dans la conviction de ne pas être seuls, de lutter avec les autres, à Vintimille il y avait le désir irrésistible de liberté.

Voilà ce que les bulldozers et leurs dirigeants voulaient effacer. Ils ont peur de la liberté, de ce que le Presidio No Border est en train de construire, en s’opposant au business minable qui a été créé autour de l’« accueil », en dénoncent les pratiques violentes de la police aux frontières dans le scénario de la multiplication des frontières.

Vintimille, Calais, Lampedusa : plaies ouvertes au cœur de l’Europe, où des vies sont suspendues sur le rêve d’une terre d’asile, des espaces de transit où la violence du voyage, les mauvais traitements infligés par la police et les trafiquants, se joignent à la violence de la frontière. La violence des zones de transit dans lesquelles les migrants deviennent des pions à répartir entre les différents États dans le scénario de l’ambiguïté législative, dans une Europe qui professe la liberté de mouvement pendant que Schengen est réduit à un énième dispositif qui renforce les hiérarchies entre qui est citoyen intérieur de la « forteresse Europe » et qui ne l’est pas et pour ça reste piégé dans les dispositions de Dublin II, qui lie la demande d’asile au premier pays d’arrivée.

La patrie de la liberté et des droits répond avec la fermeture et des expulsions des voisins qui, fuyant des dictatures et de la violence, héritage d’un passé que l’Europe prétend avoir oublié. La migration, comme un fait social total, nous oblige à repenser l’ensemble du système économique et les bases sur lesquelles l’Europe est construite, en l’appelant à répondre des conséquences de l’exploitation coloniale. Effort qu’aucun État européen ne semble être prêt à faire.

Voici donc que fermer, barrer, expulser semblent devenir les seuls slogans ; pour ne pas mentionner l’ouverture de nouveaux hotspots, de fait des lager légalisés. Mais les parcours No Border savent très bien que le contrôle n’est pas la seule stratégie mise en œuvre dans la gestion de la migration : ce qu’ils dénoncent, en plus de la fermeture des frontières, est le drainage classiste et racial des flux, par lequel les États essayent d’avoir la main-d’œuvre la plus qualifiée, créant parfois une véritable « entreprise d’accueil » dans lequel les réfugiés deviennent des opportunités de profit pour les coopératives, parfois en exploitant leur illégalité, comme cela arrive avec la loi Bossi-Fini en Italie, qui lie le contrat de travail au permis de séjour, en laissant les demandeurs dans l’incertitude administrative qui ne peut que pousser au travail illégal.

Légaliser l’exploitation sans régularisation des migrants est bien adapté à un système qui fait de l’inégalité son pilier. Ceux qui font appel à la loi tant vantée sont en fait les premiers partenaires dans la production de l’illégalité et la clandestinité.

Et voila que la réponse immédiate contre ceux qui mettent en évidence la misère de ces ambiguïtés et essayent chaque jour de construire des parcours de lutte alternatifs est la répression et la criminalisation des migrants et des militants. La répression devient l’effort pathétique de minimiser et de dépolitiser le message du parcours No Border.

Sur la frontière franco-italienne, en seulement un mois, deux militants ont été arrêtés, 8 autres ont été refoulés avec un mandat, tandis que les passeurs sont autorisés à mener leurs négociations en face de la gare de Vintimille ou à entrer dans le domaine de la Croix-Rouge. Nous nous demandons si la même énergie utilisée pour réprimer les activistes No Border et les migrants sont également utilisés pour lutter contre l’embauche illégale dans la campagne, pour lutter contre l’exploitation des travailleurs migrants, rendu encore plus facile par les lois ambiguës construites sur le racisme institutionnel.

Alors que la police réprime ceux qui luttent pour l’élimination des frontières et contre la force d’un système capitaliste, l’Europe continue à demander, comme en Grèce, comme au Mali, comme au Sénégal et dans de nombreux États post-coloniaux, le « courage de réformes douloureuses », qui ne sont en fait que des mesures meurtrières au nom d’une dette extérieure négociée à leur insu, tout en fermant en même temps les portes à ceux qui fuient la pauvreté dans ces pays. Voilà que la rhétorique de l’hospitalité cède la place à l’érection de murs et au déploiement de mesures répressives.

Ils ont détruit un lieu, une maison, un refuge pour beaucoup. Ils ont détruit un Présidio, mais pas un parcours, parce que Ventimiglia n’est pas juste un endroit. Vintimille est une idée de résistance qui repose sur un réseau établi au cours de ces trois mois, et qu’aucun bulldozer et aucune expulsion ne pourront jamais dégager.

Vintimille est partout et la solidarité est notre arme.

Source Presidio No borders 20miglia

Récit video de cette journée

Le soir même et les jours suivants, la solidarité avec les expulsé-es de Vintimille s’est exprimée dans toute l’Italie : rassemblements, manifestations, occupations de gare, attaques contre les bureaux du partido democratico au pouvoir… Mais également à Paris, Lyon, etc.

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Ce même 30 septembre se tenait au tribunal de Nice le procès d’un solidaire, arrêté au mois d’août lors d’un rassemblement devant les locaux de la police aux frontières de Menton suite à une énième rafle à bord d’un train traversant la frontière. Il a été condamné pour outrage et violence à 6 mois de prison avec sursis, 150 heures de travail d’intérêt général et à verser près de 2.000 euros en dommages et intérêts à trois flics. Source

Le 15 octobre se tiendra un autre procès pour les mêmes motifs contre un autre solidaire.

Le 4 octobre, une manifestation internationale a été appelée à Vintimille contre la répression policière et l’expulsion du presidio. Plusieurs centaines de personnes ont répondu présentes, mais les migrant-es du centre de la Croix-rouge qui voulaient rejoindre le cortège ont été bloqués par les flics qui empêchaient toute sortie du centre et menaçaient celles et ceux qui tentaient de rejoindre le cortège de leur prendre leurs empreintes. Les manifestant-es sont donc resté-es face au bâtiment de la Croix-rouge apportant leur solidarité à celles et ceux qui étaient enfermé-es à l’intérieur.

Plus tard dans la soirée, alors qu’une assemblée se tenait à la fin de la manifestation, la police a chargé poursuivant, dans une véritable chasse à l’homme, des petits groupes dans les rues de la ville. Deux personnes ont été blessées et hospitalisée et une autre a été arrêtée et s’est vue notifier une interdiction du territoire de Vintimille.

Turin (Italie). En Italie aussi les protestations dans les centres d’hébergement des demandeurs d’asile sont nombreuses. Le 5 octobre les demandeurs d’asile hébergés dans le centre d’accueil San Donato de Via Aquila, géré par la coopérative Isola di Ariel, ont balancé dans la rue tous les repas fournis par la structure car ils étaient immangeables. En plus de la mauvaise qualité de la nourriture, il semble que la structure ne possède pas suffisamment de lits pour tout le monde. Source 

Toujours à Turin, le 4 octobre un rassemblement solidaire s’est tenu sous les murs du centre de rétention (CIE) de corso Brunelleschi.

Voici l’appel au rassemblement (source) :

Depuis leur naissance, les centres d’identification et d’expulsion (CIE) ont été le théâtre de révoltes, de destructions et d’insubordinations. Parmi ceux-ci, celui de Turin, a été détruit en bonne partie par les incendies causés par les retenus, de sorte que, au début de l’année, il avait une capacité de seulement 20 places contre les 210 prévues.

Avec le début des travaux (de restructuration) la gestion du CIE est passée des mains de la Croix Rouge à celles des organismes GEPSA et Acuarinto. La gestion du centre change, mais les conditions inhumaines d’enfermement restent les mêmes, de sorte que les détenus ont eu la surprise de trouver ces derniers jours dans la nourriture servie… des asticots.

Depuis l’extérieur, nous ne pouvons que soutenir les luttes des prisonniers qui continuent de dénoncer le traitement qu’ils subissent et de chercher des moyens de regagner la liberté : récemment nous avons eu la nouvelle de l’évasion de deux jeunes.

Les soutenir signifie, entre autres choses, identifier et frapper les responsables de leur enfermement et ne pas manquer l’occasion de porter notre solidarité à l’extérieur des murs du CIE.

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Rome (Italie). Le 10 septembre, dans la continuité des précédents, un nouveau rassemblement était appelé devant le CIE de Ponte Galeria. Voici l’appel au rassemblement et un compte-rendu.

Rassemblement au centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria, samedi 10 octobre. (source)

Ils/elles sont appelé-es réfugié-es, clandestin-es, migrant-es… Ils/elles sont les objets de calculs politiques et économiques, des chiffres à placer çà et là, dans les différents pays européens.

Des objets à jeter en première page pour raconter une histoire émouvante et surtout des objets sur lesquels spéculer, politiquement pour s’attirer un peu de consensus, ou économiquement parce que pour certains les flux migratoires représentent une grande source de profits.

Pour nous, ce sont des personnes, avec des vies, des histoires, des corps. Des personnes qui, pour diverses raisons, que nous n’avons pas à contrôler, ont décidé d’entreprendre un voyage. Parfois par choix, souvent parce que contraintes.

Ces derniers jours, nous avons vu les forces de l’ordre, commandées par le gouvernement, expulser le campement autogéré à la frontière franco-italienne a Vintimille. L’expulsion a également entraîné le transfert forcé de 20 personnes dans le CARA de Bari, camps d’internement ethnique pour ceux/celles qui demandent l’asile en Italie. […]

En Italie, les centres de détention administrative, dans lesquels les gens sont battus, sont nombreux, avec différents sigles et règlements. Pour nous ce sont tout simplement des prisons. Le CIE de Ponte Galeria est l’une d’entre-elles. Un lieu où chaque jours sont enfermé-es des femmes et des hommes, où ils/elles sont passé-es à tabac et déporté-es.

Dans le dernier mois, nous en avons vu beaucoup, individuels et collectifs, comme nous avons entendu les récits de ceux/celles qui, luttant pour leur existence et leur dignité, ont été tabassé-es et humilié-es par les gardes et opérateurs travaillant au sein de ces centres avec une passivité inhumaine.

Mais le CIE de Ponte Galeria, comme d’autres, est aussi un lieu où naît la complicité et la solidarité, à l’intérieur comme à l’extérieur, là où on lutte, là où on résiste.

C’est pour ces personnes et pour les relations créées au fil du temps que nous continuons d’aller sous les murs du CIE, avec régularité et détermination. Et nous continuerons à la faire aussi longtemps que ces lieux ne seront pas détruits.

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Sur le rassemblement solidaire devant le CIE de Ponte Galeria.

Samedi 10 octobre, un groupe d’une trentaine de solidaires s’est donné rendez-vous à la station Ostiense pour rejoindre ensemble de CIE et apporter leur solidarité et leur soutien aux enfermé-es. Comme souvent dans ce genre de situation, déjà à l’intérieur du train, ils ont tenté de bloquer notre arrivée au CIE : le contrôleur, avec l’aide de la police, a tenté de mettre des amendes aux solidaires, de les faire descendre du train et de les contrôler. La communication avec les autres passagers du train à propos de la situation dans les CIE et de la lutte contre les expulsions a fait en sorte que le contrôleur s’est senti moins puissant, et même si le groupe a décidé de descendre du train et de prendre le suivant, aucun contrôle n’a été effectué.

Une fois arrivé sous les murs du CIE, où d’autres solidaires attendaient le groupe du train, des balles de tennis ont été lancées par dessus, contenant des messages de solidarité et le numéro du téléphone contre les expulsions. C’est grâce à ce téléphone que solidaires et enfermé-es réussissent à être en contact et que les épisodes de lutte et de résistance des prisonnier-es et que les tentatives de répression par la police ou les responsables du centre sont racontés à l’extérieur.

Et c’est pas ce biais qu’est arrivée la nouvelle que les gardes ont enfermé les prisonnières du CIE dans leurs cellules pour les empêcher d’entendre les messages de solidarité provenant du rassemblement et de récupérer les balles de tennis lancées dans la cours. Mais, les détenues ont forcé les portes pour pouvoir les récupérer.

Le rassemblement s’est ensuite dirigé vers la section masculine, rapidement suivit par la police anti-émeute et la Digos (police politique). Là, la réponse de l’intérieur à été très forte : battage, chants et cris s’entrelaçaient avec les interventions et les cris des solidaires.

Avant de partir, le rassemblement s’est approché a nouveau de la section des femmes où a eu lieu une énième mise en scène des forces de l’ordre. Cette fois ce sont des militaires qui avec une jeep ont tenté de mettre la pression aux solidaires en fonçant sur le rassemblement. Les personnes rassemblées n’ont pour autant pas bougé et on riposté à cette provocation en tapant sur le capot et les vitres. L’arrivée des anti-emeutes et de la digos a mis fin à la provocation des militaires, rappelant à l’ordre les braves soldats qui ont désobéit.

Cet épisode a poussé les solidaires a rester plus longtemps sous les murs du centre, motivé-es également par l’arrivée d’une nouvelle de l’intérieur : un détenu, arrivé à la fin de sa période d’emprisonnement, risquait d’être expulsé immédiatement. Au final, le gars a été libéré avec une ordonnance d’expulsion et les solidaires ont pu le saluer.

Ce rassemblement était particulièrement important car il avait lieu après plusieurs jours de manifestations collectives et individuelles à l’intérieur du centre : un jeune est resté perché à un poteau pendant deux jours pour résister à l’expulsion. Pour empêcher les manifestations et tenter d’étouffer la solidarité que les autres détenus exprimaient, les flics ont distribué des coups, brisant les dents et les bras de certains.

Feu aux CIE

Quelques ennemi-es des frontières

Source

Lampedusa (Italie). Le 4 octobre au matin, 150 migrant-es détenu-es dans le camp hotspot de Lampedusa ont manifesté contre leur détention. Cette manifestation n’est pas la première et les migrant-es enfermé-es dans cette prison européenne demandent leur transfert sur le continent sans être identifié-es (empreintes, identité et photo) et leur liberté. “We don’t want Lampedusa!”, “We don’t want prison!”. (video) Le 7 octobre c’était aux cris de « freedom », « no finger prints » et « al jazeera contact us » qu’une nouvelle manifestation s’improvisait sur l’île.

Depuis le 21 septembre, ce centre dit « d’accueil » (CPSA) a été transformé en hotspot. Le nom change mais la fonction reste la même : trier les migrant-es qui arrivent à Lampedusa puis les transférer vers d’autres camps en fonction de leur situation. Ce centre est géré par l’association catholique Misericordia qui a fait de l’enfermement des migrant-es et sans papiers une de ses principale source de revenus. Outre les opérateurs de la Misericordia sont présent dans le centre des flics italiens, des flics de la police scientifique, des agents du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale des migrations (OIM) et de l’agence Frontex. Depuis plusieurs années que ce centre existe et que des migrant-es s’y retrouve enfermé-es après leur arrivée sur l’île italienne, il a été a plusieurs reprise totalement détruit par les révoltes qui y ont éclatées.

Les camps d’enfermement appelés hotspots (terme qui induit implicitement que l’on est dans une situation d’urgence) sont un nouvel outil mis en place par l’Union européenne à ses frontières extérieures pour mener sa politique répressive de « gestion des flux migratoires ». Coorganisés par les agences européennes Frontex (surveillance et blocage des frontières), Europol (coordination des polices européennes), Eurojust (coordination judiciaire européennes) et EASO (coordination de la politique d’asile), ils vont servir de lieux de tri entre les « bon réfugié-es » qui auront le droit à l’asile et les « mauvais migrant-es » qui seront expulsé-es vers leur pays d’origine ou des pays tiers. Toutes les procédures d’identification et de gestion des migrant-es vont y être menées : prises d’empreintes, fichage dans les bases de données européennes (EURODAC), enquêtes sur les réseaux de passeurs, expulsions collectives. La photographie et la prise d’empreinte digitale sont fondamentales dans ce système dont l’objectif est de ficher et de trier. Il est prévu que les migrant-es refusant de s’y soumettre fassent l’objet de mesures coercitives. L’application de ces mesures est encore en discussion au niveau européen et actuellement consiste à promettre un transfert rapide à celles et ceux qui acceptent l’identification et à maintenir dans les camps les personnes s’y refusant.

À travers la mise en place de ces camps l’UE veut contenir les migrant-es aux portes de l’Europe, les empêcher de continuer leur voyage vers d’autres pays et faciliter les expulsions.

C’est également à partir de ces camps que va s’effectuer la répartition de l’accueil des réfugié-es entre les différents pays européens, ainsi que les expulsions de masse prévues par l’Union européenne. À terme, l’UE voudrait ouvrir des hotspots dans les pays frontaliers, dits « tampons », comme la Libye ou la Turquie.

Pour l’instant des camps de ce type ont été ouverts en Italie (Lampedusa, Porto Empedocle, Pozzallo, Trapani) pour une capacité de 6000 places et d’autres sont prévus en Grèce.

En parallèle, pour faciliter le travail de division, amorcé dans toute l’UE, entre réfugié-es et migrant-es économiques, le gouvernement italien ré-ouvre le CIE de Restinco à Brindisi, fermé depuis quelques temps grâce aux nombreuses révoltes qui y avait éclatées. La remise en service du CIE, dont la gestion a été confiée à la coopérative Auxilium, a été inaugurée avec l’enfermement de quinze migrant-es transférés de Lampedusa.

Le 10 octobre, les manifestations continuent dans les rues de la ville, au cris des slogans réclamant la liberté et contre l’obligation de donner ses empreintes digitales.

Sur la journée du 4 octobre, on peut écouter ce témoignage audio, en italien et un article sur le blog Macerie.

Trapani (Italie). Fin septembre, une évasion massive a eu lieu au CIE de Trapani-Milo. Une centaine de personnes auraient réussi à s’évader, laissant le centre quasi vide avec seulement une quinzaine de retenus.

Paris & banlieue (France). Depuis le 26 septembre, les migrant-es du centre d’hébergement Aurore de la Place de Clichy menaient une grève de la faim revendiquant l’amélioration de leur situation, le droit de résider, la liberté de circulation et dénonçant le mépris et l’attitude raciste de certains travailleurs sociaux du centre. Plus d’infos sur Paris luttes info.

Après une premier rassemblement d’une centaine de personnes devant le centre le 28 septembre, un second se tient le 1er octobre. Les grévistes de la faim annoncent qu’ils ont obtenu satisfaction sur un bon nombre de leurs revendications et qu’ils ont décidé d’arrêter leur mouvement.

Les expulsions de campements continuent puisque le 2 octobre, un campement de migrant-es syriens à été expulsé à la Porte de Saint-Ouen. Quelques jours auparavant, le 28 septembre, 200 lycéen-es de Saint-Ouen ont bloqué leur lycée en solidarité avec les migrant-es. Des poubelles ont été brûlées et des voitures retournées. Le groupe s’est ensuite rendu en métro dans la commune voisine pour débrayer d’autres lycées mais ils en ont été empêchés par les flics qui ont arrêtés 7 d’entre-eux.

Toujours dans les lycées, le 6 septembre le lycée Claude Monet dans le 13ème arrondissement a lui aussi été bloqué. Une barricade a été érigée devant la porte d’entrée par les lycéen-es qui réclament l’accueil des migrant-es mineur-es dans les écoles.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté de la place de la Bastille à la place de la République le 4 octobre en solidarité avec les migrant-es et pour la liberté de circulation. Les migrant-es du lycée occupé et des centres d’hébergements ont pris la tête du cortège derrière les banderoles : « liberté, freedom », « solidarité avec les réfugiés », « asile, papiers, logement », « les frontières tuent – liberté de circulation – solidarité entre exploités » et d’une banderole en solidarité avec les expulsés de Vintimille.

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Le 9 octobre s’est tenu le procès de quatre personnes accusées de « séquestration » suite à un mouvement de grève de la faim et de blocage dans un centre d’hébergement (LIEN VOIR ICI). Six salariés d’Emmaüs (puis cinq puisque l’un a retiré sa plainte au début du procès), soutenus par leur entreprise, se sont portés partie civile. Le verdict sera rendu le 6 novembre, la procureur a demandé plusieurs mois de prison avec sursis et des dommages et intérêts, tandis que les avocats des inculpés ont plaidé pour la relaxe. Plusieurs rassemblements en solidarité se sont tenus, un devant le siège d’Emmaüs le 7 octobre, rassemblant une centaine de personnes, et un second le jour de l’audience, devant le tribunal.

Calais (France) / Frontière Angleterre :

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, un nouvel assaut collectif et auto-organisé de la frontière à eu lieu à Calais. Plusieurs centaines de migrant-es ont ouvert une brèche de 30 mètres dans les barbelés qui entourent la zone d’accès au tunnel sous la Manche pour tenter de pénétrer à l’intérieur et ainsi espérer atteindre l’Angleterre. Ces actions collectives sont menées régulièrement contre cette frontière mortifère où 19 personnes ont été tuées, écrasées percutées, noyées ou électrocutées depuis début juin 2015Les dernières mesures de « sécurisation » de l’accès au port et à l’eurotunnel, décidées conjointement par la France et la Grande Bretagne, comme le renforcement des barrières barbelées (surmontées de lames de rasoir), les gadgets électroniques de surveillance, l’embauche de vigiles et l’envoi à Calais de nombreux flics, ne viendront jamais à bout de la détermination de celles et ceux qui veulent passer les frontières et n’ont pas les bons papiers, comme le montre cette nuit du 2 octobre.

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Les 7 et 13 octobre de nouveau des groupes sont entrés sur la rocade portuaire pour provoquer des ralentissements et tenter de monter dans les camions. Les flics sont intervenus et se sont reçu des caillasses. (voir plus bas l’article « Encore des tirs de gaz lacrymogènes dans la jungle »)

De nombreuses personnes passent cette frontière chaque semaine et donne du courage à leurs camarades qui attendent leur heure à Calais. Ce 2 octobre, certain-es ont réussi à parcourir 16 kilomètres dans le tunnel sur les 50 totaux avant d’être arrêté-es par les flics. Mais deux d’entre-eux sont parvenus jusqu’à la sortie. À leur arrivée ils ont été arrêtés par les flics anglais et placé en détention. Nous n’avons pas encore plus de nouvelles. C’est la seconde fois que des personnes parviennent à traverser à pied le tunnel sous la Manche : il y a deux mois, le 4 août, Adbul Rahman Haroun a lui aussi prouvé que la forteresse de l’euro-tunnel n’est pas si bien gardée et à réussi à traverser l’entièreté du tunnel à pied, déjouant tout les systèmes de sécurité existant. Arrêté à la sortie, il est incarcéré et inculpé « d’obstruction au chemin de fer ». Il passera en procès le 7 novembre, l’occasion de lui exprimer notre solidarité. (voir plus bas le texte « Deux marcheurs sous la Manche emprisonnés en plus, le patron d’Eurotunnel jubile »)

À Calais, il n’y a pas qu’autour du port que la répression contre les migrant-es sévi. Depuis l’expulsion des derniers lieux de vie des migrant-es du centre ville le 21 septembre dernier, l’apartheid est bel et bien roi sur la ville : tout le monde est prié de rester enfermé dans le bidonville d’État, appelé new jungle par les migrant-es qui y vivent, loin du centre-ville. Les patrouilles de flics à l’intérieur de la new jungle annoncées récemment par le ministre de l’intérieur auront pour but d’y veiller. Le pouvoir n’a sans doute pas apprécié les dernières manifestations de plusieurs centaines de migrant-es vers le centre-ville, les blocages d’autoroute de cet été et les quasi-quotidiens départ nocturnes pour prendre d’assaut le tunnel et les camions qui partent chargés de marchandises vers l’Angleterre. (Sur les patrouilles de police et l’avenir de la jungle, voir plus bas la traduction « Que prévoient-ils pour la jungle de Calais ? »).

Les violences de plus en plus nombreuses et organisées de la part de groupes fascistes participent également à cet enfermement dans le bidonville et à la politique d’apartheid mise en place par la mairie et l’État. Plusieurs migrant-es racontent avoir été enlevés, tabassés et laissés à l’abandon par des groupes circulant en voiture dans les alentours de Calais.

Avec la mise en place des patrouilles de flics ont peut également craindre une augmentation des rafles de sans papiers aux abords du bidonville. Actuellement, la France et l’Europe mettent sur pied une politique d’expulsion massive de celles et ceux qu’elles considèrent comme indésirables dans leur logique de tri entre « bon réfugié et mauvais migrant ». Récemment, plusieurs personnes arrêtées à Calais ont été expulsées vers l’Afghanistan et le Soudan. Des solidarités ont été difficiles à mettre en place au-delà de l’aspect juridique puisque après leurs arrestations elles ont été éparpillés dans les centres de rétention à travers tout le territoire.

Mais à Calais, et ce depuis des années, les migrant-es sont debout et déterminé-es.

Voici le récit de cette nuit du 2 octobre par Calais Migrant Solidarity :

La prise d’assaut du tunnel la nuit dernière

Hier soir (2 octobre 2015), après minuit plus de 200 personnes sans papiers ont franchi les barrières de barbelés aux lames de rasoir vicieuses et ont envahi le tunnel sous la Manche, en essayant de se rendre à l’Angleterre. Selon les autorités, certains ont parcouru 16 km (10 miles) en avant d’être arrêtés. Peut-être aussi que certains, à l’insu des autorités, ont réussi à traverser.

Le tunnel a été fermé toute la nuit, ce qui a eu comme conséquence la déviation du trafic du fret vers le port, provoquant un énorme embouteillage, ce qui a permis a d’autres de monter à l’intérieur des camions. À environ 8h30 ce matin (3 octobre), il y a eu un autre embouteillage car des personnes sans papiers ont érigé des barricades à travers la quatre voies au-dessus de la jungle, arrêtant les camions pour monter à l’intérieur. Étrangement, seulement deux camionnettes de gendarmes étaient présentes, conduisant frénétiquement dans les deux sens, gazant les gens et essayant de les écraser, mais impuissant à les arrêter.

Malheureusement, ces actions audacieuses ont eu un lourd prix. Plus de 100 personnes ont été arrêtées dans le tunnel la nuit dernière et 7 ont été blessées par les flics, certaines très sérieusement. Ce soir (3 octobre), plus de 20 personnes étaient toujours détenues. Nous ne savons pas encore si elles seront libérées, envoyées dans des centres de rétention en vue d’être expulsées, ou inculpés pour des infractions pénales. Dans chacun de ces deux derniers cas, nous devrons leur apporter notre solidarité active.

Voilà ce qui se passe dans le monde réel. Pendant ce temps, dans un monde imaginaire, les syndicats de police ont une fois de plus fait des déclarations, reprises avec empressement par la presse des deux côtés de la Manche, accusant les « anarchistes » d’avoir « coordonné » l’offensive sur le tunnel. Nous pouvons dire la chose suivante à ce sujet :

Les actions collectives de la nuit dernière et ce matin, comme d’autres offensives au cours des dernières semaines, ont été auto-organisés par des personnes sans papiers. Les gens de l’Afrique et l’Asie n’ont pas besoins des anarchistes européens pour les inciter ou les organiser. Ce sont des gens qui ont mené des révolutions, vécu des guerres, entrepris un voyage périlleux, et tout cela signifie faire preuve non seulement de courage, d’initiative et de résistance individuel, mais aussi de solidarité collective et d’auto-organisation. La ligne « anarchiste britannique » des flics et des journalistes est insultant et profondément raciste. Nous les « No Borders », les anarchistes et les autres, sommes fiers d’exprimer notre solidarité avec nos amis sans papiers. Mais ces actions sont les leurs, ils n’ont pas besoin de nous pour les mener ou pour leur montrer comment se battre.

Voir également notre déclaration antérieure sur des allégations semblables il y a quelques semaines.

P.S. Toutes les personnes arrêtées ont été relâchées sans poursuites.

Source

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Le 5 septembre, 10 migrants ont été arrêtés dans les eaux du port de Calais alors qu’ils s’apprêtaient à tenter la traversée à la nage.

Deux marcheurs sous la Manche emprisonnés en plus, le patron d’Eurotunnel jubile

Deux hommes iraniens ont été arrêtés à Folkestone samedi 3 octobre après avoir réussi à marcher les long des 50 km du tunnel sous la Manche. Ils sont emprisonnés et inculpés sous la même juridiction du XIXème siècle utilisée contre Abdul Rahman Haroun qui a lui aussi traversé le tunnel à pied il y a un mois et est depuis détenu en attente de son procès.

Samedi également, pendant que ces hommes étaient traqués, le patron de l’Eurotunnel Jacques Gounon faisait un discours, rapporté dans la presse française, célébrant l’emprisonnement d’Abdul Haroun et se plaignant de des récentes difficultés qu’il rencontre dans son travail. Le président de la société et directeur général, qui reçoit un salaire annuel d’un million d’euros, a déclaré : « Un seul clandestin a fini son voyage, à Folkestone, où il sera emprisonné 2 ans ». (NB : Abdul Haroun n’a pas encore été jugé, et encore moins condamné, et Gounon fait la supposition qu’il sera condamné de la peine maximale).

Il a continué à appeler au renforcement de la militarisation de la zone. « Soyons clairs : l’autre nuit, nous étions très loin du pauvre malheureux qui cherche refuge en Angleterre et qui a droit à une approche humanitaire. Nous étions face à de véritables commandos, bien encadrés, qui ne s’en prennent pas qu’à nous : ils ont aussi massivement attaqué le Port et caillassé les camions sur la rocade d’accès au Port. Leur but : faire de la politique et déstabiliser les pouvoirs publics. »

Au moins 11 personnes ont été tuées à l’intérieur ou près de l’Eurotunnel depuis juin. Le décès le plus récent remonte au 30 septembre, un érythréen de 20 ans. Beaucoup d’autres ont été blessés par les clôtures surmontées de lames de rasoir, la police, les gardes de sécurité privée et les chiens. Maintenant, trois personnes risquent jusqu’à deux ans de prison.

Gounon et le reste de la direction d’Eurotunnel n’ont rien déclaré a propos des morts ou montré une once de compassion ou de compréhension. Pour eux, ceux qui risquent leurs vies aux barrières ne sont pas des personnes. Ils sont de « dangereux commandos ». Ou même pas, juste des « incidents » reportés sur le compte twitter de l’Eurotunnel, avec des excuses aux passagers pour la gêne occasionnée.

Le samedi 24 octobre à 18 heures, il y aura une manifestation contre Eurotunnel et son alliée la société Eurostar, à la gare de St Pancras à Londres.

Nous appelons les groupes dans d’autres villes à organiser également des manifestations contre Eurotunnel, en même temps ou autrement.

Calais Migrant Solidarity, 7 octobre 2015

affiche londres rass 241015 bis

Que prévoient-ils pour la jungle de Calais ?

La jungle de Calais n’est encore là que pour quelques mois. Alors quoi ?

Retour le 31 août ; le premier ministre français Valls visite Calais et annonce son nouveau plan. Pour la première fois depuis la fermeture du camp de Sangatte en 2003, sous la pression du gouvernement britannique après un blitz médiatique, il y aura à nouveau un camp de réfugié officiel à Calais, prévu pour 1500 personnes. Deux organisations se disputaient le marché : la Croix-rouge qui dirigeait le camp de Sangatte, et La vie active qui dirige l’actuel centre d’accueil de jour Jules Ferry.

La presse locale vient de publier les dernières nouvelles : La vie active est la gagnante. Ils construiront le nouveau camp de 125 containers. Ce sera à 200 mètres du centre de jour Jules Ferry, le long du « Chemin des Dunes ». Ce n’est pas à 100 % clair, mais cela semble signifier qu’il sera construit sur le site actuellement occupé par la jungle. Les premiers containers sont supposés être installés en décembre, si bien que le camp n’a plus que quelques semaines ou quelques mois d’existence.

Il y a à priori plus de 4000 personnes vivant actuellement dans la jungle. Et le nombre continue de croître. Il est clair que 1500 places ne seront pas suffisantes. L’actuelle rumeur, non confirmée, est que les places ne seront offertes qu’à ceux qui acceptent de demander l’asile en France et arrêtent de tenter de passer en Angleterre. Mais que va-t-il arriver aux milliers d’autres personnes ?

Si le plan était les expulsions de masse, il semble avoir déjà échoué : tous ceux arrêtés récemment et menacés d’expulsion au Soudan ont été libérés car cela entrait en contradiction avec des jugements de la Cours européennes des droits de l’Homme. Une partie de la jungle sera autorisée à rester à côté du camp officiel ? Ou allons-nous revenir à la situation précédente, avec les attaques constantes, les harcèlements, les expulsions, ou les gens sont constamment chassés d’un squat ou d’un camp de fortune à l’autre ?

Une autre grande question est : comment les autorités vont « persuader » les personnes vivant actuellement dans la jungle de partir pour qu’ils puissent construire leur nouveau camp officiel ? Ce sera loin d’être la première expulsion de masse dans l’histoire récente de Calais. Mais elle pourrait être sur une toute autre échelle et d’une toute autre intensité que ce que l’on a connu précédemment.

Peut-être que le premier pas dans le plan d’expulsion a déjà été franchit. La semaine dernière, pour la première fois, les flics ont commencé à patrouiller dans la jungle. Depuis, ils entrent à peu près tous les jours, par groupes de 10 à 20, fortement armés.Au début, ils sont venus officiellement pour escorter les bureaucrates de l’Office de l’immigration (OFFI) qui donnent des informations sur les demandes d’asile. Plus récemment ils sont venus seul, avec pas moins de trois incursions mardi (6 octobre). Leur but semble être de fouiner, de faire sentir leur présence et de commencer à se préparer pour des opérations plus importantes.

Calais Migrant Solidarity, 7 octobre 2015

calais flics dans la jungle

Encore des tirs de gaz lacrymogènes dans la jungle

Hier (7 octobre), en début de soirée, comme il y avait un embouteillage sur l’autoroute, des gaz lacrymogènes ont été tirés dans la jungle.

Pour empêcher les gens de monter dans les camions, des policiers en tenue anti-émeute se sont postés sur la bretelle d’accès de l’autoroute. Tout autour, il y avait une foule de gens cherchant à traverser l’autoroute et à se rendre au Royaume-Uni.

L’atmosphère a changé lorsque les premières salves de lacrymogènes ont été tirées et que la foule s’est dispersée. Les gens se sont rassemblés de nouveau et ont résisté en lançant des pierres. Beaucoup de mineurs étaient présents. Alors que la foule grandissait une seconde salve de lacrymogène a été lancée par les flics, la foule s’est encore dispersée et s’est ensuite de nouveau regroupée. Ça a continué comme ça pendant plus d’une heure.

À un moment donné il y avait de la musique et les gens dansaient au fur et à mesure que la foule grossissait et que plus de gaz lacrymogène était tiré. Au mois 8 ou 9 salves de lacrymogènes ont été lancées, chaque fois plus loin dans la jungle. Les tirs ont été délibérément orientés en direction des maisons, vers la zone érythréenne. […]

Cela montre une nouvelle fois les violences policières fréquentes et graves, mais aussi, que ceux qui n’ont pas de papiers sont ceux qui défient vraiment le régime européen des frontières.

Calais Migrant Solidarity, 8 octobre 2015

7octobre2015

Marseille (France). Une centaine de personnes a manifesté sous la pluie le samedi 3 octobre avec banderoles et slogans contre les frontières, mais aussi en solidarité avec le Presidio No Border, expulsé quelques jours plus tôt par les flics de l’autre côté de la frontière italienne à Vintimille.

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Voici l’appel à la manifestation :

De l’exil à la liberté

Ces derniers mois, en Europe, tout près d’ici à Vintimille, entre la France et l’Italie, les frontières se ferment aux migrants, tandis que le nombre de exilés ne cesse d’augmenter. Malgré les nombreuses arrestations, les reconduites aux frontières, les contrôles au faciès et le racisme, des migrants passent à travers les mailles du filet au péril de leur vie et transitent par Marseille.

Notre solidarité est urgente et précieuse ! Par des actions concrètes, migrants, marseillais et italiens parviennent à affaiblir le blocage dans une volonté commune d’ouverture des frontières et de liberté de circulation. Nous refusons la distinction entre migrants politiques et économiques et pointons du doigt la responsabilité des États de l’UE dans la dégradation des conditions de vie dans les pays que fuient les migrants.

Le Collectif Soutien Migrants Treize s’est mis en place pour s’organiser au quotidien en collaboration avec les migrants. La construction d’un vivre ensemble, ici, est la seule solution face à une Europe qui se referme sur elle-même.

Ouverture des frontières

Liberté de circulation

Solidarité internationale

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Genève (Suisse). Le mouvement des migrant-es et solidaires contre le parcage des migrant-es dans des bunkers continue en Suisse. Le 10 octobre était organisé à Genève une manifestation « Stop bunkers, stop Dublin, stop renvois » qui a réunie plus de 500 personnes. Voir plus d’infos ici.

Frontière Ceuta et Melilla (Espagne / Maroc). Depuis des années, les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc sont un point de passage important pour les migrant-es qui veulent rejoindre l’Europe. Depuis des années, la guerre aux migrant-es y fait rage.

Plusieurs lignes de grillages et de barbelés, surmontées de lames de rasoir, ont été élevées et les polices espagnoles et marocaines travaillent main dans la main pour empêcher les migrant-es de passer, parfois en ouvrant le feu. Les accords de coopération entre l’Union européenne et l’Espagne d’une part et le Maroc d’autre part, font de lui le gendarme de l’Europe dans la région.

Les flics marocains mènes régulièrement des opérations aux abords des enclaves, incendient les campements des migrant-es, raflent dans les quartiers où vivent les migrant-es des villes alentours, expulsent les migrant-es en plein désert à la frontière algérienne, etc.

Que ce soit à la frontière ou dans les quartiers, de nombreux/ses migrant-es sont mort-es, tué-es par les flics et les gardes frontières.

Mais, depuis des années, les migrant-es continuent de s’organiser pour prendre d’assaut les murs de barbelés qui s’érigent face à eux/elles.

Le 3 octobre, un assaut de la frontière a eu lieu à Ceuta, côté mer par 200 personnes. 87 d’entre-eux ont réussis à grimper les grillages et à atteindre Ceuta à la nage. La répression a été féroce et 13 migrant-es ont été blessé-es par la police et amené-es à l’hôpital.

Six jours plus tard, après une nouvelle tentative de passage, deux hommes ont été mortellement tabassés par la marine marocaine à côté de Ceuta après leur interpellation. Une vingtaine d’autre, tabassés également, passent 12 heures enfermés dans des fourgonnettes des flics avant d’être transférés à la gendarmerie.

Suite à ces nouvelles tentatives de passages, la police marocaine a effectué des arrestations massives dans les forêts autour de Ceuta et de Boukhalef ainsi qu’à Nador et Tanger. Les tentes ont été brûlées, plusieurs personnes tabassées et certain-es ont été déporté-es en bus vers le sud du pays. Apparemment des habitant-es de la zone auraient également pris part à ces violences.

Source

Tous les articles publiés sur la Lutte des migrant-es de La Chapelle

Tous les articles publiés sur Calais

Tous les articles publiés sur Vintimille

Quelques liens : Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity//Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce)

Brèves des frontières, luttes et solidarité – mi septembre

Bruxelles (Belgique). Une grève de la faim a débuté au centre fermé 127 bis et au centre Caricole, principalement menée par des irakiens, arrêtés à l’Office des étrangers lors du dépôt de leur demande d’asile. Le 20 septembre, un rassemblement solidaire était appelé devant le centre fermé. À l’intérieur, les détenus avaient organisé un rassemblement dans la cour du centre fermé avec des banderoles et des slogans. « Liberté ». Un détenu est monté sur le toit pendant que d’autres résistaient à la pression des flics qui voulait les obliger à rentrer dans les bâtiments et ainsi empêcher le contact entre l’intérieur et l’extérieur. Trois participant-es au rassemblement ont été arrêté-es par les flics et les forces spéciales sont intervenues à l’intérieur du centre. La personne qui est resté plusieurs heures sur le toit a été placée en isolement. Vidéo du rassemblement Dans le centre ville de Bruxelles, plusieurs centaines de personnes sans papiers et migrant-es continuent de camper dans le parc Maximilien. Source : Getting the voice out

127 bis

Bruay-la-Buissière (France). Des militant-es antifasciste ont empêchés la tenue d’un rassemblement contre les réfugié-es dans cette ville du nord le 22 septembre, appelé par un collectif soutenu par le front national et les identitaires. Les fascistes ont du fuir et leur banderole a été mise au feu. Source : Lutte en nord

Toulouse (France). Manifestation contre les murs et pour l’accueil de tou-te-s les migrant-es le 26 septembre. Source : iaata

Paris/Banlieue (France). Le 17 septembre les campements du parvis de la mairie du 18ème et d’Austerlitz ont été expulsés. Comme lors des précédentes expulsions, les migrant-es ont été éparpillés dans des centres d’hébergement d’urgence dans toute la région parisienne. La mairie, l’OFPRA et l’État présentent ces hébergements comme une solution généreuse et humaniste de leur part. En vérité, ces campements dérangent le pouvoir car ils sont des lieux de regroupement, de lutte et d’organisation des migrant-es et des personnes solidaires. Ces propositions d’hébergements ont pour objectif de disperser les migrant-es, de les invisibiliser, de briser les liens et d’individualiser leurs démarches : chacun-e se retrouve isolé face aux administrations et à la répression. jessaint13-09

Gérés par des associations subventionnées par l’État comme Emmaüs, Aurore ou le Groupe SOS, ces centres d’hébergements sont loin d’être des solutions acceptables : en plus de leur durée non pérenne (quelques semaines, ou le temps que les personnes entame des démarches de régularisation), les conditions de vie y sont carcérales (visites interdites, repas imposés, pas de droit de réunion, surveillance des faits et gestes par les travailleurs sociaux, couvre-feux et menace de se faire virer si l’on arrive en retard ou si l’on découche, etc).

Enfin, la préfecture et l’OFPRA, organisme en charge du traitement des demandes d’asile, peuvent avoir accès aux listes des personnes hébergées, avec leur identité et leur situation. C’est un véritable fichage et une aubaine pour la préfecture qui peut ainsi opérer son tri entre « bons réfugiés qui auront peut-être une chance d’avoir l’asile » et « mauvais réfugiés à expulser ». Une personne a qui l’asile sera refusé ou qui aura laissé ses empreintes dans un autre pays européen est ainsi à la disposition de la police qui n’a plus qu’a venir l’arrêter pour effectuer son sale boulot d’expulsion.

Dans plusieurs centres, des actions ont été menées par celles et ceux qui y vivent pour dénoncer ces conditions. Le 4 août, le centre d’hébergement de Joinville-le-Pont (situé dans l’enceinte du centre de rétention de Vincennes !!!) est occupé occupé et les portes sont bloquées. Le 11 août, c’est au tour de ceux et celles du centre Pernety (14ème arrondissement) d’entamer une protestation : grève de la faim puis occupation du hall d’entrée. Emmaüs choisit alors d’appeler la police et 4 personnes venues en solidarité ont été arrêtées et sont poursuivies pour « séquestration » et « refus de se soumettre au prélèvement génétique (ADN) ». Elles passeront en procès le 9 octobre, six travailleurs du foyer Emmaüs ayant porté plainte contre elles.

Après l’expulsion du campement de la mairie du 18ème, plusieurs migrants ont été emmenés au centre d’hébergement d’urgence de Nanterre, situé dans une annexe de l’hôpital psychiatrique. Au vu des conditions, ils ont collectivement refusé de descendre du bus et d’accepter cet hébergement. Les responsables du centre (géré par Aurore) et de la mairie ont alors appelé les flics et trois personnes ont été arrêtées et placées en garde-à-vue, accusée d’être des passeurs !! Ils ont finalement été libérés, sans poursuites.

mairie 18eme 17 septembre

Voici le texte écrit par plusieurs d’entre-eux :

Évacuation des campements parisiens : de la rue à la mise au placard

Nous réfugiés avons fui des situations critiques, nos vies étaient menacées, nous avons migré dans des conditions catastrophiques et risqué nos vies chaque jour. Beaucoup d’entre nous sont morts en traversant le désert et la mer. Le peu qui est arrivé en France espérait une vie digne sur cette terre d’asile et des droits de l’homme comme elle est présentée dans les médias. Mais, l’accueil a été la misère des rues, la clochardisation, la pluie, le froid, et le dénuement.

Après l’évacuation du campement de la mairie du 18e, nous avons été amenés dans un centre d’hébergement d’urgence où tous les engagements des autorités et de l’administration se sont avérés faux. Lors de notre arrivée au CHU de Nanterre, annexe de l’hôpital psychiatrique, la vision était surprenante et terrifiante pour nous, à cause de la laideur, et des nombreux malades dont l’état nous inquiétait. Nous ne sommes pas descendus du bus par crainte. L’administration nous a demandé de choisir 3 d’entre nous pour visiter les dortoirs à l’intérieur du centre et faciliter le dialogue. Les 3 réfugiés ont confirmé que l’endroit n’était pas convenable et non conforme aux promesses des responsables intervenus le matin même avant l’évacuation du campement.

Lorsque nous avons tous refusé d’accepter cet hébergement à cause des conditions indignes, la police est intervenue sur ordre des autorités. Ils ont alors interpellé les 3 personnes désignées pour discuter avec l’administration et faciliter le dialogue en ce qui concerne l’hébergement. L’administration a usé de ruses contre nous et a employé 50 policiers pour nous effrayer et exercer des pressions. Ils ont pris les 3 que nous avions choisis, la police les a emmenés à un endroit inconnu et nous n’avons plus eu de nouvelles d’eux.

Le cauchemar ne s’est pas arrête là, nous sommes restés enfermés durant plusieurs heures dans le bus. Ils ont interdit l’accès aux toilettes, et nous ont affamé, pour nous obliger à accepter cet hébergement. Nous avons été choqué de l’attitude et du comportement inacceptable de l’État français envers les réfugiés.

Au final certain réfugiés ont accepté cet hébergement contraire à la dignité humaine mais sous la contrainte.
Nous autres vu ces mauvaises conditions, avons délaissé ce centre, et préféré l’errance.

Nous ne demandons que le respect de nos droits humains et une vie digne. Nos droits ne sont pas des exigences élevées. Nous ne demandons qu’un logement dans des conditions normales et dignes, et la reconnaissance de notre statut de réfugiés, dans les pays qui prétendent respecter les droits de l’homme.

Des migrants témoins ayant fuit l’hébergement
(traduit de l’arabe)

mairie 18eme bis

Le 23 septembre, environ 150 personnes, migrants et personnes solidaires, ont manifesté du lycée occupé « Maison des réfugiés » à la place de la République. Plusieurs tracts et communiqués ont été lu aux abords des terrasses de café.

230915 paris

L’occupation par plusieurs centaines de migrant-es de l’ancien lycée quarré dans le 19ème arrondissement tient toujours malgré un avis d’expulsion immédiate rendu le 25 septembre par le tribunal administratif de Paris, expulsion demandée par la mairie.

Le 26 septembre, les migrant-es du centre d’hébergement Aurore de la Place de Clichy se mettent à leur tour en grève de la faim et de la soif : ils demandent l’amélioration de leur situation, le droit de résider, la liberté de circulation et dénoncent le mépris et l’attitude raciste de certains travailleurs sociaux du centre. Une centaine de personnes se sont rassemblées devant le centre le 28 septembre.

rass280915aurore

Calais (France). Après les manifestations et blocages d’autoroute de cet été et de début septembre, les migrant-es continuent de s’organiser à Calais pour protester contre le régime des frontières et tenter de rejoindre l’Angleterre. Le 19 septembre, 2000 personnes ont manifesté dans la ville, autour du port, point de passage principal pour l’Angleterre. Cette manifestation a été l’une des plus importante de ces derniers temps, mais pose aussi un certain nombre de questions : alors qu’une partie des migrant-es habitant la jungle ou d’autres campements s’étaient organisé-es ces dernières semaines pour appeler a de nombreuses manifestations, ils n’ont pas été avertis et consultés pour l’organisation de cet événement, appelé par une organisation humanitaire de Londres et prenant une tournure très « publicitaire ». Lire l’article de Calais migrant solidarity à propos de cette manifestation.

Le 22 septembre, profitant d’un embouteillage sur l’autoroute qui mène au port tout près de la jungle, beaucoup de gens ont tenté de s’introduire dans les camions en partance pour la Grande-Bretagne. La police est intervenue en repoussant les gens vers la jungle, faisant usage de nombreux gaz lacrymogènes. Des affrontements ont eu lieu et une partie de la jungle s’est retrouvée totalement sous les gaz et les gens ont été empêchés d’en sortir. Pendant tout ce temps un drone survolait et filmait la zone. Source : Calais migrant solidarity

calais 22 septembre 2015

À Calais, l’État et la mairie mettent tout en œuvre pour réprimer les migrant-es. Gouvernements français et britanniques veulent les contraindre à renoncer à passer en Angleterre : engrillagement du port, barbelés surmontés de lames de rasoir, surveillance vidéo, augmentation du nombre de vigiles dans le port et le tunnel sous la Manche, renforts de police et de CRS dans la ville.
Même si beaucoup de personnes parviennent à passer, à Calais la frontière se dresse comme un mur infranchissable et mortel. Entre le 17 et le 29 septembre, quatre personnes sont décédées dans le tunnel sous la Manche, percutées ou écrasées en essayant de monter dans les navette ferroviaires ou dans des camions. Depuis le début du mois de juin, quinze personnes ont été assassinées par cette frontière. Sources 1  2 et 3

Le 21 septembre, les cinq derniers lieux de vies des migrant-es dans le centre ville de Calais ont été expulsées.

Expulsions : les 5 derniers lieux de vie de migrant-es du centre ville de Calais ont été détruits. L’apartheid est bel est bien vivant à Calais.

Vers 8h ce matin (21 septembre 2015, ndlt), le plus grand des trois campement de la ville, habité par plus de 300 syriens, a été expulsé dans la plus grande tradition calaisienne (il s’agit en fait de deux campements très proches, ndlt). Un important bataillon de la gendarmerie, de la police nationale et de la BAC a réveillé les gens, en leur laissant très peu de temps pour récupérer leurs affaires, et leur a dit de rejoindre la Jungle, située sur l’ancien site d’enfouissement des déchets, à la périphérie de la ville, seul lieu où les migrant-es sont tolérés. Les syriens ont scandé « pas de jungle, aucune jungle » et se sont assis par terre. Ils ont également bloqué un pont. Les flics ont attaqué, les ont pulvérisé au lacrymogène et ils se sont alors déplacés en groupe, dans l’unique direction qu’ils pouvaient prendre, celle de la jungle.

Ils ont été emmenés de force jusqu’à la jungle, suivit de près par un convoi de gendarmes. Un homme accoutré d’un costard et d’une écharpe tricolore semblait mener la danse de ces expulsions toute la journée. Pour la plupart des syriens, c’était la première fois qu’ils venaient au camp et ils ne savaient pas quoi faire.

En arrivant à la jungle, les flics ont portés leur attention vers les dizaines de tentes dressées par les nouveaux arrivants devant l’entrée et ils ont dit aux gens de se déplacer à l’intérieur de la jungle. Une foule de gens s’est alors rassemblée devant les lignes de police. Sans crier garde, les flics ont commencé à repousser les gens et à déchirer les tentes. Nous avons aidé les gens à sauver leurs affaires mais beaucoup de biens personnels ont été perdus dans ce moment de violence policière. Au moins six personnes ont perdu leur passeport, d’autres ont perdu de l’argent, des téléphones avec des numéros importants, d’autres des photos ou des infos sur leurs proches morts ou disparus. Il y a eu des tentatives de négocier pour que certaines personnes soient autorisées à passer de l’autre côté de la ligne de police pour sauver leurs passeports, mais ils ont été confrontés au peu d’esprit des automates en tenue anti-émeute. Les pelleteuses et les employés municipaux sont apparus au-delà des lignes de police, détruisant les tentes et jetant toutes les affaires dans des camions bennes et direction la déchetterie municipale (sans doute le prochain site de la jungle quand celle-ci sera devenue inhabitable). Pendant plusieurs heures suivant cette opération, personne n’a été autorisé à aller où que ce soit en dehors de la jungle.

Face à cette démonstration de force écrasante et ridicule de l’État, les gens ont fait preuve de défi en chantant, criant des slogans et dansant, faisant un bruyant écho. La diversité et le dynamisme de la foule contrastait nettement avec la ligne de fascistes en costume bleu, brandissant flingues, matraques et boucliers.

Nous sommes allés à la décharge peu de temps après pour essayer de récupérer quelques affaires, mais nous n’avons rien trouvé d’autre qu’un tas de déchets dans un gros compacteur d’ordure et ils a été impossible de récupérer quoi que ce soit.

Nous avons appris plus tard que les deux autres campements du centre-ville ont également été expulsés aujourd’hui, ce qui signifie qu’il n’y a plus d’autre campement connu à calais que la jungle. Il est clair que désormais les 20 hectares qui ressemblent de plus en plus à un marais est l’unique lieu de vie des migrants qui sera toléré à Calais.
Ce que le gouvernement méprise le plus ici c’est que les migrant-es montrent leurs visages dans le centre-ville et dans les zones touristiques, voilà pourquoi la jungle existe. Source.

Deux récits des expulsions des syriens du 21 septembre 2015. Source

« Hier la police française est venue à notre petit camp. Nous sommes tous syriens, environ 250 personnes. Ils nous ont sorti de force hors du camp. Nous ne sommes pas partis par choix. Nous avons été emmenés de force en face du port. Ici nous avons protesté. Nous avons crié « Go Syria ! » parce qu’à ce moment nous ne voulions pas être ici. Ils nous ont traité comme des animaux. Ils nous ont aspergé de gaz lacrymogène. Une personne a eu une crise d’asthme et une autre a été frappée. Lorsque nous avons bougé vers la jungle nous avons tout perdu. Tous nos vêtements et nos tentes, la police ne nous a pas laissé récupérer quoi que ce soit. Deux personnes ont perdu leurs passeports. »
Udai, 22 septembre 2015

« Avant, nous vivions dans le centre-ville de Calais. Mais les gens de Calais n’aiment pas ça. La police n’aime pas ça. La police est venue hier matin et ils nous ont emmenés ici, dans la jungle. Ils nous ont aspergés de gaz lacrymogène. On a l’impression que nos yeux sont en feu. Nous sommes venus ici dans la jungle. J’ai le sentiment en ce moment que la Syrie c’est mieux qu’ici. Si je devais choisir, je préférerai la Syrie à la jungle. Il n’y a pas de vie possible ici dans la jungle. Ce n’est pas la vie. »
Ali, 22 septembre 2015

En réponse à ces expulsions, une banderole est accrochée sur le toit du tribunal de Calais : « 21/9/2015 Tous les camps de Calais ville expulsés. Résistez à l’apartheid ».

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Depuis ces expulsions, les violences et intimidations de la part des flics continuent : coups de pression en tenue anti-émeute, multiplication des contrôles au faciès, notamment près de la gare, etc. D’autre part, plusieurs personnes arrêtées à Calais ces dernières semaines puis enfermées dans des centres de rétention à travers tout le territoire, pour empêcher toute solidarité de se mettre en place, ont été expulsées vers le Soudan.

Mais rappelons-le encore une fois, tous les flics et les barbelés du monde ne viendront jamais à bout de la détermination de celles et ceux qui veulent franchir les frontières de l’Europe.

Le 25 septembre, une nouvelle manifestation a parcouru les rues de la ville. Des collectifs de sans papiers de plusieurs villes européennes sont venus jusqu’à Calais pour exprimer leur solidarité avec celles et ceux qui sont bloqué-es ici.

Vintimille (Italie). Dans cette ville frontalière entre l’Italie et la France, plusieurs dizaines de migrant-es et de personnes solidaires occupaient depuis début juin le bord de mer, au pied du poste frontière. Le 30 septembre au matin, une centaine de flics, accompagnés des services de nettoyage, sont venus pour tenter d’expulser ce campement d’où de nombreuses initiatives sont menées contre les frontières et pour la liberté de circulation. Les occupant-es du Presidio No Border résistent et se sont regroupé-es sur les rochers. Dans le campement, d’autres pratiques que celles des humanitaires et caritatif sont mise en expérience : auto-organisation, échanges, prises de décision collectives, etc. Les migrant-es qui vivent là veulent traverser cette frontière, fermée depuis des mois et gardée par les flics français et italiens, et ont refusé d’aller dans le centre officiel géré par la croix-rouge.
Ils ont récemment écrit ce communiqué : We are not going back

Des battitura sont organisées régulièrement devant le poste frontière, bloquant le flot continu de véhicules entre Menton et Vintimille. Les 12 et 25 septembre, lors des deux dernières actions de blocage du poste frontière, les flics sont intervenus et un face à face tendu a eu lieu, les manifestant-es tentant de reprendre le blocage de la route. Les flics ont alors chargé à coups de lacrymogènes et de matraques. Vidéo

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À la frontière Menton-Vintimille la répression à l’encontre des migrant-es et des personnes solidaires s’intensifie : arrestations massives, gardes-à-vues, plaintes, interdictions du territoire pour 10 personnes, détention, etc. Plusieurs procès vont avoir lieu côté français, au tribunal correctionnel de Nice : une personne est convoquée le 30 septembre (pour outrage et violence envers un flic, rébellion, refus d’empreintes palmaires et de prise de photographies) et une autre le 12 octobre (pour outrage et violence envers un flic). Cette montée de la répression vise à briser les luttes et les solidarités qui se construisent sur le Presidio No Border, mais de l’autre côté des Aples on entend toujours crier « We are not going back ! ».
Appel à solidarité pour s’organiser contre la répression à la frontière Menton-Vintimille :

Trapani (Italie). Le 12 septembre, douze personnes ont tenté de s’évader du centre de rétention de Trapani-Milo. Certains ont été bloqués par les flics, mais quatre sont parvenus à disparaître dans la nature. Source

Turin (Italie). Dans l’après-midi du 20 septembre, trois prisonniers du centre de rétention de corso Brunelleschi (CIE) ont réussi à s’évader, escaladant les murs.Malheureusement un d’entre-deux a été rétrouvé par les flics peu de temps après, mais les deux autres courent toujours ! Source

Bari-Palese (Italie). Le 19 septembre, un petit groupe de personnes solidaires est allé saluer les migrants détenus au CIE. Avec un mégaphone et des feux d’artifices, le groupe a réussi à se faire entendre des détenus qui ont répondu par des huées et des cris. Source

Rome (Italie). Le 24 septembre a été une journée de résistance aux expulsions, mais aussi de violence féroce de la part de la police au centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria. Vers six heures du matin, les flics ont fait irruption dans plusieurs dortoirs pour sortir des personnes à expulser. Deux jeunes ont réussi à se libérer et ont grimpé sur des grilles qui séparent les dortoirs de la cour. Ils sont restés suspendus là toute la matinée, jusqu’à l’heure de décollage de l’avion qui devait les expulser vers la Tunisie. Une fois descendus ils ont été transférés à l’isolement. Dans une autre cellule au contraire, voyant que la personnes qu’ils venaient chercher partageait la chambre avec deux détenus connus comme fauteurs de trouble, les flics ont embarqué le premier tout en rouant de coups les deux autres : coup de pied, coup de poing, crachat. Ils ont ensuite été laissés au sol pendant plusieurs heures, sans aucun soin. On peut écouter (en italien) le récit de cette journée, diffusé sur radio Blackout.

Frontière Serbo-hongroise. Le 16 septembre, des affrontements ont éclaté à la frontière entre la Serbie et la Hongrie entre les militaires et flics hongrois et des migrant-es coincés en Serbie. Le long de cette frontière, la Hongrie a récemment fait construire un mur de 175 km de barbelés, surmontés de lames de rasoir, et mobilisé l’armée, pour tenter d’empêcher toute entrée sur son territoire. Mais des milliers de personnes cherchent à franchir cette frontière, pour continuer leur route vers d’autres pays d’Europe. Lors de ces affrontements, le grillage a été forcé et des dizaines de personnes ont pu passer de l’autre côté. Vidéo
Depuis le 21 septembre, le parlement hongrois a autorisé l’armée, qui est déployée tout le long de la frontière, à tirer à balles réelles sur les migrant-es qui tenteraient de passer.

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Opatovac (Croatie). Après le blocage de la frontière hongroise, des milliers de personnes ont tenté de passer par la Croatie pour rejoindre les pays de l’ouest de l’Europe. Là aussi les frontières sont bloquées, gardées par la police et les militaires. Des camps ont été érigés à travers tout le territoire Croate, ou des centaines de personnes sont enfermées derrière des barbelés, et gardés par l’armée, sans savoir ce qu’il va leur arriver. Les gens y sont parqués, répertoriés, triés entre ceux qui auront peut-être la chance de pouvoir poursuivre leur voyage et ceux qui resterons là encore des jours ou seront expulsés vers d’autres pays, plus au sud, où ils auraient laissé leurs empreintes. « C’est une prison » disent-ils.

Centres de rétention, Centres d’accueil, Centres d’enregistrement, peut importe leur nom, ces camps sont des prisons ou s’opère le tri entre ceux que l’Europe veut accueillir et se répartie comme des paquets de déchets et les autres, qui y resterons enfermés, pour être cachés, mis à l’écart, empêchés de poursuivre leur route, en attendant que les gouvernants décident de leur sort.

Mais dans ces prisons pour étrangers, les solidarités existent aussi et donnent de la force collective pour se relever, forcer les barrières, s’évader, poursuivre son chemin. Dans le camp d’Opatovac à la frontière entre la Serbie et la Croatie, des affrontements ont éclaté avec les flics le 22 septembre et plusieurs personnes sont parvenues à s’échapper. D’autres ont occupé des bus exigeant qu’ils les conduisent vers l’ouest.

Londres (Angleterre). Le 18 septembre, un rassemblement s’est tenu devant l’ambassade de Hongrie pour protester contre les violences de la police à la frontière serbo-hongroise. Pas de frontières ! Pas de camps ! Pas d’expulsions ! Source
Le 17 septembre, une rafle de sans papiers avait lieu dans un quartier du sud de Londres. Lors de cette opération, au moins un fourgon de la police de l’immigration a eu son pare-brise fracassé. Source

Bâle (Suisse). Le 18 septembre était appelée une manifestation contre les frontières, les nations et la militarisation de nos vies à Bâle. 400 personnes ont parcouru les rues de la ville, pour se rendre devant le centre de rétention de Bässlergut, où des cris de joie et d’encouragement ont été échangés entre l’intérieur et l’extérieur malgré la présence importante de flics. La manif est ensuite repartie et plusieurs véhicules de la police aux frontières ont été attaqués ainsi que des banques. Source

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Athènes (Grèce). Depuis le 22 septembre, un bâtiment abandonné est occupé par des personnes migrant-es et des personnes solidaires dans le centre-ville d’Athènes. Le 24 septembre, des manifestations en solidarité avec les migrant-es ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, notamment à Thessalonique et Patras. Source

Edirne (Turquie). « Nous ne voulons pas de nourriture, nous ne voulons pas de l’eau, nous ne voulons pas de l’aide humanitaire, nous voulons traverser la frontière par la terre. Nous traverserons ou nous mourrons ici. » Le 11 septembre, des milliers de migrant-es ont convergé vers Edirne, ville frontalière à l’ouest de la Turquie, pour rejoindre la Grèce à pied. À Istanbul, la station de bus a été fermée par la police pour empêcher ce mouvement et des centaines de personnes s’y sont retrouvées bloquées. Le 18 septembre, la majeur partie d’entre-elles ont décidé de faire une marche jusqu’à Edirne. Sur la route, ils/elles ont été bloqué-es par les flics et militaires qui les ont fait monter dans des bus et les ont enfermés dans un stade, au centre-ville d’Edirne, ou plusieurs centaines de personnes sont regroupées. Un groupe de 200 personnes qui a refusé de monter dans les bus est resté plusieurs jours sur l’autoroute, bloquant tout le trafic. Ils et elles réclament d’être emmenés de l’autre-côté de la frontière grecque.
À Edirne, un campement s’est également installé dans un parc en plein centre-ville. Plusieurs manifestations ont été organisées pour demander l’ouverture de la frontière et le passage de toutes les personnes qui le veulent.
Une forte solidarité s’est mise en place, à Istambul, sur l’autoroute ou à Edirne, pour répondre aux questions matérielles (nourriture, eau), indiquer les meilleures routes à emprunter, manifester devant la frontière.

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à suivre…

Quelques liens : tous les articles sur la lutte des migrant-es de La Chapelle sur ce blog // Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity //Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce)

[Italie] Durée de rétention et changements de gestionnaires

5 décembre 2012

Durée de rétention et changements de gestionnaires

Le 25 novembre la loi qui fixe à trois mois le temps maximum de rétention est entrée en application. Il n’était pas explicitement indiqué quel sort subiraient ceux qui à cette date seraient en rétention depuis plus de 90 jours. Après une semaine, voici quelques chiffres : au Cie de Bari, sur 79 retenus, 12 sont sortis ; le pourcentage est plus élevé à Rome et à Turin : à Ponte Galeria sur 59, 22 sont sortis, et 13 sur 28 à Corso Brunelleschi. Cependant les flics ne sont pas restés les mains dans les poches et la population des centres a rapidement réaugmenté, bien qu’elle reste inférieure à quand ils fonctionnaient « à plein régime ». A Turin il y a actuellement 30 retenus ; dans les jours suivants il y a eu plusieurs expulsions immédiatement compensées par de nouvelles arrivées. 
L’histoire d’un mec marocain est significative. Enfermé pendant 4 ans à la prison d’Ivrea, il est amené au Cie de Turin où il reste pendant plus de 4 mois. Libéré en même temps que plein d’autres le 25 novembre, il rentre à Milan où sa famille l’attend, libre mais avec une feuille d’expulsion (« foglio di via« ) qui lui somme de quitter l’Italie dans la semaine. Quelques jours plus tard il est contrôlé juste devant son domicile. Ne pouvant nier qu’il habite là et étant privé de papiers, il est amené au commissariat. C’est toujours la même rengaine : de gré ou de force il doit quitter l’Italie. N’ayant pas abandonné le pays, toujours avant l’échéance légale, la police vient le visiter de nouveau et le remets à Corso Brunelleschi.
A Rome, où les retenus sont environ 80, il y a du nouveau, comme on l’apprend sur certains blogs et journaux. L’appel d’offre lancé il  y a plus d’un an par la préfecture de Rome a été remporté, comme à Turin et à Milan, par le groupement temporaire d’entreprises formé par Gepsa et l’Association culturelle Acuarinto, qui succèdera à Auxilium à partir du 15 décembre et demandera 28,8 euros pour chaque retenu, contre les presque 41 euros par tête du gestionnaire précédent. Au delà de la coupe prévue dans le budget (au lieu de garantir une permanence médicale 24h sur 24 il y aura une infirmerie, l’assistance psychologique sera réduite, les retenus recevront 2,5 euros par jour au lieu de 3,5, des économies seront faites sur la restauration et le ménage) qu’ont agité les principaux syndicats, préoccupés par le sort des 67 honnêtes travailleurs de la structure, la Gepsa, grâce à ses 20 ans d’expérience dans les institutions pénitentiaires transalpines est plutôt experte pour diminuer les coûts des structures qu’elle gère.
Par exemple, comme il est ressorti d’une inspection effectuée en septembre au Cara (Centre d’accueil des demandeurs d’asile, NdT) romain de Castelnuovo di Porto géré depuis fin 2011 par Gepsa et Acuarinto, le nombre d’assiettes servies est inférieur au nombre de demandeurs d’asile, il n’y a pas de correspondance entre le nombres d’heures de nettoyage requis dans l’appel d’offre et celui qui résulte du calcul des heures effectivement travaillées du personnel, l’ambulance prévue n’a également jamais été achetée. 
Le Cie de Trapani-Milo a aussi un nouveau gestionnaire. En octobre la Badia Grande est revenue après deux ans d’absence. Cette société coopérative proche de la diocèse trapanaise avait déjà fait fonctionner le Cie de juillet 2011 à août 2012, et, à lire son CV, est mouillé à à peu près tous les niveaux du secteur de l’enfermement des migrants. En cherchant dans les archives des sites internet il est facile de retrouver les nombreuses plaintes, déposées y compris par la communauté européenne, pour sa gestion du Cara de Salinagrande qui devait fermer en septembre, de même que l’accusation infamante contre celui qui était le référent principal des structures gérées par les diocèses, Don Librizzi. Le prêtre, qui dirige la Caritas de Trapani, profitait de son rôle de membre de la commission territoriale pour la délivrance des statuts de réfugiés politiques afin d’extorquer des prestations sexuelles aux demandeurs d’asile.
Traduit de Macerie

[Italie] Évasions en série

Le 21 septembre 2014, au CIE de Ponte Galeria (Roma), un groupe de 4 retenus a tenté l’évasion. Un a été blessé en tombantOn peut écouter le témoignage de l’un d’entre-eux ici.

20 septembre 2014, CIE de Trapani. Dans la nuit, 4 personnes se sont évadées du CIE. Parmi eux un jeune s’est violemment cogné la tête et a été transporté à l’hôpital. Depuis personne ne sait où il est.

19 septembre 2014, CIE de Caltanissetta. Tentative d’évasion de trente personne empêchée par les opérateurs de la coopérative Auxilium qui ont prévenu la police anti-émeute.

15 septembre 2014, CIE de Trapani. Cette fois c’est un retenu seul qui, profitant encore une fois du sous effectif des flics, s’est évadé.

12 septembre 2014, CIE de Trapani. 4 retenus ont profité de l’absence de flics pour se faire la belle.

Sources : Hurriya et Macerie

[Italie] Rénovations dans les CIE

4 juillet 2014. 2013 a été une année caractérisée par de nombreuses révoltes et protestations à l’intérieur des CIE de toute l’Italie qui ont menacé et impacté la machine à expulser. Faisons une brève chronologie : en mars et novembre ont été fermés, formellement par le ministère de l’intérieur, les centres de Bologne et de Modène, et en août c’est au tour de celui de Crotone ; tandis qu’à la fin de l’année le feu mis par les retenus a fait fermer les portes des CIE de Milan et de Gradisca di Isonzo. Sans compter les nombreuses chambres et bâtiments détruits, totalement ou en partie, dans les quelques centres, cinq, qui fonctionnent toujours.

Les politiciens de tout bord, pour satisfaire l’opinion publique, ont fait de nombreuses déclarations lors desquelles ils soutenaient l’illégitimité des CIE et dénonçaient les abus qui se perpétuent en leur sein. C’était tous en cœur qu’ils appelaient à la fermeture définitive des centres.

Comme nous avions déjà eu l’occasion de l’analyser, une crise du dispositif répressif est suivit d’une restructuration, il en est donc ainsi.

Les centres ne vont pas fermer, ils vont rouvrir et ce sera pire qu’avant selon toute vraisemblance. D’une part, nous avons les nouvelles qui nous arrivent de ceux encore ouvert, où, après une période où il semblait qu’il n’y avait pas de sous ou de volonté de restructurer les parties détruites par les incendies, maintenant les travaux ont commencé. À Turin par exemple, après des mois passés avec seulement deux ou trois parties encore ouvertes sur les six, des travaux de rénovation ont commencé pour restaurer entièrement le centre. D’autre part, les CIE qui ont été fermés ont déjà presque tous été reconstruits. Bologne il y a déjà quelques mois, Milan et Gradisca plus récemment. Avec des nouveautés inquiétantes.

À Milan, le centre sera géré par une société française, Gespa, assistée de la coopérative sicilienne Acuarinto. Bien que la coopérative s’occupera de la gestion des retenus, la Gespa, forte de son expérience en France (la société gère certaines sections des prisons françaises), aura la tâche d’assurer la sécurité à l’intérieur du centre. Cela signifie en termes pratiques que se formera une escouade de para-geôliers, comme nous le verrons dans les prochains mois et comme le verrons surtout les « hôtes » de cette structure, pour le moment fermée et vide, mais, avec l’achèvement des travaux, sans doute en phase de réouverture.

Il y a quelques jours un quotidien local a donné la nouvelle que des travaux de rénovation ont également commencé au CIE de Gradisca di Isonzo. Malgré les paroles prononcées il y a quelques mois par Alfano (ministre de l’intérieur), le centre pourrait rouvrir ses portes d’ici l’année prochaine. Connecting People, qui gérait le centre avant sa fermeture et qui gère toujours celui de Bari, pourrait bien reprendre le contrôle de la structure et le revenu qui en découle. Même si quelques voix donnent comme probables aussi l’arrivée de Gepsa.

Maintenant que le ministre de l’intérieur a déclaré que la fermeture des centres était impensable, il pense à la façon dont il pourrait en changer la gestion pour éviter les révoltes et les évasions, suivant les indications données dans un rapport fait il y a quelques temps qui préconise un entrepreneur unique pour gérer les centres de tout le pays. On se demande qui, de la Croix-rouge qui gère les centres de Turin et Trapani et gérait celui de Milan, de la coopérative Auxilium qui gère ceux de Rome et de Caltanissetta et du consortium Connecting People aura l’occasion de remporter cette offre millionnaire.

Traduit approximativement de Macerie

[Trapani] évasion et répression

27 juin 2014. Dans la soirée seize détenus du CIE de Trapani, profitant de l’ouverture du portail durant les opérations de livraison, se sont échappés de leur section. Après une course-poursuite et quelques bousculades avec la croix rouge et les policiers, cinq ont réussi à rejoindre les grillages et à les escalader.

Peu de temps après l’un des évadés, qui se cachait dans la zone adjacente au CIE, a été identifié et arrêté par la police. Lui et trois autres des ses compagnons d’échappée, arrêtés eux dans le centre, ont été retenus toute la nuit au commisariat puis jugés le lendemain matin pour blessures à agent et dégradations (apparemment une des portes de la structure). Le procès a finalement été reporté.

traduit de macerie

[Trapani Milo] Quand la police frappe, la Croix Rouge arrive

31 mars 2014. Encore des tensions au CIE de Trapani Milo. Comme ils l’ont déjà fait il y a peu, les retenus ont escaladé la première rangée de grillage pour exiger des produits de première nécessité qui ne sont plus disponibles depuis que la coopérative Oasis, qui gérait le centre, est partie. S’en suit un affrontement avec la police durant lequel un flic en tenue anti-émeute assène un coup de boule à un retenu, lui cassant le nez. L’affrontement s’arrête lorsque le directeur des matons du centre se ramène et promet de « faire un rapport sur ce qui s’est passé » et que pour ce qui est de la gestion du centre « demain arrive la Croix-Rouge ». Ce n’est pas un poisson d’avril mais un mandat direct du préfet Falco, confirmé par quelques journaux locaux.

Traduit de Macerie

[Bari – Trapani] Protestations

20 mars 2014. Le CIE de Bari Palese revient sur le devant de la scène. Malgré les annonces de décembre dernier, le CIE continue à fonctionner. Aujourd’hui les retenu ont finalement compris pourquoi la bouffe est à ce point dégueulasse : les ouvriers de Connecting People ( coopérative gérant le CIE, ndt) ne regardent pas les dates de péremption si bien qu’au déjeuné de la ricotta périmée depuis quatre jours à été servie. La nourriture a été jetée et ça a donné lieu à une protestation vivace, avec les portes de sécurité claquées bruyamment, des dégradations et l’intervention de la police et de la brigade marine San Marco. La nourriture qui a été apporté dans la soirée, ensuite, a été simplement retiré de l’emballage avant d’arriver dans les sections, ce qui rend impossible aux détenus d’en contrôler la fraîcheur : évidemment les détenus n’ont plus confiance, ils ont donc refusé de nouveau de manger en masse. Les autres plaintes sont les habituelles qui arrivent de Bari et de tous les centres italiens en général : peu de douche en fonction (une pour vingt-huit prisonniers, dans la section que nous avons contacté), pas de possibilité de faire le ménage, les soins de santé pire que précaire.

De leur côté les retenus de Trapani Milo ont de nouveau escaladé les clôtures. Alors qu’ils étaient rentrés après que certains fonctionnaires leur avaient promis qu’aujourd’hui arriverait un « camion » plein de produits de premières nécessité ( papier toilette, sacs poubelles, produits ménagers) qui manquent dans le centre depuis plus d’une semaine : ils sont resortis aujourd’hui, lançant les poubelles qui se sont accumulés ces derniers jours, parce que le « camion  » est arrivé et les retenus ont découvert que c’était un gros foutage de gueule : 10 rouleaux de papier toilette pour quarante personnes, quelques bouteille de shampoing. Après avoir reçu encore quelque promesses, les retenus sont re-rentrés, mais ils sont prêts à reprendre la protestation dès demain

traduit de macerie

 

[Italie] Tentatives d’évasions des CIE de Trapani et de Rome

26 février 2014. Quatre jours après l’évasion de la semaine passée, dans la nuit entre mardi 25 et mercredi 26 février, une trentaine de retenus ont tenté une nouvelle fois l’évasion du CIE de Trapani. Malheureusement la police, présente en force, a réussi à tous les bloquer.

Et à propos de tentative d’évasion, huit retenus ont essayer de s’évader du CIE de Rome dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 février, a une semaine de distance d’une précédente tentative qui avait mal finie. Profitant d’un vieux trou dans le mur, souvenir d’une évasion passée, les fugitifs ont réussi à atteindre la limite du centre, mais l’alarme s’est déclenchée, faisant accourir la police. Après avoir passé trois jours à l’isolement, aujourd’hui les huit ont été remis dans les sections avec les autres retenus.

Traduit depuis macerie.

[Italie] Trapani-Milo ferme aussi? – 16 janvier 2014

« Il faut savoir que durant les travaux, programmés pour février, la structure va fermer pour des raisons de sécurité« . C’est avec ces mots que Leopoldo Falco, préfet de Trapani, a annoncé la fermeture prochaine du CIE de Trapani Milo. C’est un site d’information local qui diffuse la nouvelle, reprenant les mots du préfet avec quelques jours de retard. Ces déclarations datent en fait de la fin de la semaine dernière, et ont été lâchées en marge d’un séminaire sur l’immigration organisé par le comité régional sicilien de la Croix Rouge. Son  excellence le préfet a fait l’honneur de sa présence à une flopée de « croixrougiens », prêtres, syndicats, docteurs et juristes, tous assis autour d’une table pour discuter aimablement de la gestion du problème des sans-papiers.

Revenons-en à la fermeture pour restructuration, il n’y a pour l’instant aucune date officielle pour le commencement des travaux. Mais il est clair qu’ils dureront quelques mois, vu que l’on parle de travaux imposants pour lesquels ont déjà été dépensés 600 000 euros. Pour l’instant il n’y a pas de précisions, on parle généralement de rehausser les murs et les clôtures et de déplacer les disjoncteurs électriques actuellement à portée de main des retenus qui les ont souvent sabotés pour créer un peu de chaos et faciliter les évasions. Ces travaux serviront donc à améliorer la sécurité dans le centre, à éviter de nouvelles révoltes et évasions, pour faire en sorte que le centre de Trapani Milo « ne soit plus le théâtre de guerrillas quotidiennes avec affrontements au corps à corps » comme le dit le préfet lui-même.

Paroles assurément claires, qui devraient faire douter ceux, nombreux, qui ont vu d’un bon œil la décision d’un juge de Bari d’imposer à la préfecture locale « des travaux de restauration urgents pour garantir les conditions minimales des droits de l’homme » dans le centre de Bari Palese. Comme vous le savez, tout ceci avait commencé par des avocats qui demandaient à un magistrat de fermer le centre pour préjudice aux droits de l’homme. Aujourd’hui le magistrat, en vertu de sa propre idée des droits de l’homme, leur a donné raison donnant l’ordre péremptoire de… agrandir les toilettes, rajouter des salles communes et mettre des rideaux aux fenêtres. Et comme les préfets ont une idée bien à eux des droits de l’homme, nous sommes sûrs qu’ils ne manqueront pas de proposer des murs plus hauts, des barreaux plus solides, des caméras, des canons à eau et des cellules d’isolement lorsqu’il s’agira pour eux de s’impliquer dans la restructuration du centre.

Enfin, pour revenir au centre de Trapani, le renoncement du consortium de coopératives Glicine à gérer le centre est à signaler. Il avaient gagné l’appel d’offre au rabais du mois dernier, et il y renonce aujourd’hui mystérieusement. Jusqu’à la prochaine fermeture pour travaux de restructuration et dans l’attente d’un énième gestionnaire, ce sera l’infâme Coopérative Oasi qui en aura la charge.

 traduit de macerie