Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

Paris: soirée de soutien aux 4 poursuivis par Emmaüs

Emmaüs préfère la répression à la solidarité

Soirée de soutien aux 4 poursuivis par Emmaüs

Dimanche 4 octobre 2015,

après la manifestation de solidarité avec tous les migrants

à partir de 18h au CICP 21 ter rue Voltaire

(métro Rue de Boulets, ligne 9)

Entrée à prix libre

18h30 : Discussion sur la situation des migrant-es et les luttes en cours à Paris

20h00 : Musique acoustique

et aussi Bar & Restauration toute la soirée

Mardi 11 août 2015, plusieurs migrant-es du centre d’hébergement Emmaüs dans le 14ème arrondissement entament une grève de la faim. Hébergé-es dans ce centre depuis le 28 juillet, jour d’une énième expulsion du campement de lutte de la halle Pajol. Ils/elles revendiquent des meilleures conditions d’hébergement et une accélération de leurs démarches de demande d’asile.

Le lendemain, ils/elles appellent des personnes solidaires rencontrées pendant la lutte pour leur faire constater la situation dans laquelle ils/elles se trouvent. Face au mépris du personnel d’Emmaüs, les migrant-es décident d’occuper le centre pour demander la venue du directeur de l’OFPRA, d’un responsable d’Emmaüs et de la mairie pour entamer une négociation avec eux. Pour toute réponse, ils/elles n’ont obtenu que l’intervention massive de la police. 4 personnes ont alors été arrêtées et placées en GAV. Placées sous contrôle judiciaire, elles passeront en procès pour « séquestration » et « refus de se soumettre aux prélèvements biologiques »  le vendredi  9 octobre 2015 à 9h30 au TGI de Paris.

Appel à soutien lors du procès, le 9 octobre à 9h30 à la 24ème chambre du TGI de Paris

(métro Cité, ligne 4)

Plus d’infos sur cette histoire :

Pour Emmaüs la répression est plus forte que la solidarité

Paris Luttes Info

fly soiree emmaus cicp 4 octobre 15

Brèves des frontières, luttes et solidarité – mi septembre

Bruxelles (Belgique). Une grève de la faim a débuté au centre fermé 127 bis et au centre Caricole, principalement menée par des irakiens, arrêtés à l’Office des étrangers lors du dépôt de leur demande d’asile. Le 20 septembre, un rassemblement solidaire était appelé devant le centre fermé. À l’intérieur, les détenus avaient organisé un rassemblement dans la cour du centre fermé avec des banderoles et des slogans. « Liberté ». Un détenu est monté sur le toit pendant que d’autres résistaient à la pression des flics qui voulait les obliger à rentrer dans les bâtiments et ainsi empêcher le contact entre l’intérieur et l’extérieur. Trois participant-es au rassemblement ont été arrêté-es par les flics et les forces spéciales sont intervenues à l’intérieur du centre. La personne qui est resté plusieurs heures sur le toit a été placée en isolement. Vidéo du rassemblement Dans le centre ville de Bruxelles, plusieurs centaines de personnes sans papiers et migrant-es continuent de camper dans le parc Maximilien. Source : Getting the voice out

127 bis

Bruay-la-Buissière (France). Des militant-es antifasciste ont empêchés la tenue d’un rassemblement contre les réfugié-es dans cette ville du nord le 22 septembre, appelé par un collectif soutenu par le front national et les identitaires. Les fascistes ont du fuir et leur banderole a été mise au feu. Source : Lutte en nord

Toulouse (France). Manifestation contre les murs et pour l’accueil de tou-te-s les migrant-es le 26 septembre. Source : iaata

Paris/Banlieue (France). Le 17 septembre les campements du parvis de la mairie du 18ème et d’Austerlitz ont été expulsés. Comme lors des précédentes expulsions, les migrant-es ont été éparpillés dans des centres d’hébergement d’urgence dans toute la région parisienne. La mairie, l’OFPRA et l’État présentent ces hébergements comme une solution généreuse et humaniste de leur part. En vérité, ces campements dérangent le pouvoir car ils sont des lieux de regroupement, de lutte et d’organisation des migrant-es et des personnes solidaires. Ces propositions d’hébergements ont pour objectif de disperser les migrant-es, de les invisibiliser, de briser les liens et d’individualiser leurs démarches : chacun-e se retrouve isolé face aux administrations et à la répression. jessaint13-09

Gérés par des associations subventionnées par l’État comme Emmaüs, Aurore ou le Groupe SOS, ces centres d’hébergements sont loin d’être des solutions acceptables : en plus de leur durée non pérenne (quelques semaines, ou le temps que les personnes entame des démarches de régularisation), les conditions de vie y sont carcérales (visites interdites, repas imposés, pas de droit de réunion, surveillance des faits et gestes par les travailleurs sociaux, couvre-feux et menace de se faire virer si l’on arrive en retard ou si l’on découche, etc).

Enfin, la préfecture et l’OFPRA, organisme en charge du traitement des demandes d’asile, peuvent avoir accès aux listes des personnes hébergées, avec leur identité et leur situation. C’est un véritable fichage et une aubaine pour la préfecture qui peut ainsi opérer son tri entre « bons réfugiés qui auront peut-être une chance d’avoir l’asile » et « mauvais réfugiés à expulser ». Une personne a qui l’asile sera refusé ou qui aura laissé ses empreintes dans un autre pays européen est ainsi à la disposition de la police qui n’a plus qu’a venir l’arrêter pour effectuer son sale boulot d’expulsion.

Dans plusieurs centres, des actions ont été menées par celles et ceux qui y vivent pour dénoncer ces conditions. Le 4 août, le centre d’hébergement de Joinville-le-Pont (situé dans l’enceinte du centre de rétention de Vincennes !!!) est occupé occupé et les portes sont bloquées. Le 11 août, c’est au tour de ceux et celles du centre Pernety (14ème arrondissement) d’entamer une protestation : grève de la faim puis occupation du hall d’entrée. Emmaüs choisit alors d’appeler la police et 4 personnes venues en solidarité ont été arrêtées et sont poursuivies pour « séquestration » et « refus de se soumettre au prélèvement génétique (ADN) ». Elles passeront en procès le 9 octobre, six travailleurs du foyer Emmaüs ayant porté plainte contre elles.

Après l’expulsion du campement de la mairie du 18ème, plusieurs migrants ont été emmenés au centre d’hébergement d’urgence de Nanterre, situé dans une annexe de l’hôpital psychiatrique. Au vu des conditions, ils ont collectivement refusé de descendre du bus et d’accepter cet hébergement. Les responsables du centre (géré par Aurore) et de la mairie ont alors appelé les flics et trois personnes ont été arrêtées et placées en garde-à-vue, accusée d’être des passeurs !! Ils ont finalement été libérés, sans poursuites.

mairie 18eme 17 septembre

Voici le texte écrit par plusieurs d’entre-eux :

Évacuation des campements parisiens : de la rue à la mise au placard

Nous réfugiés avons fui des situations critiques, nos vies étaient menacées, nous avons migré dans des conditions catastrophiques et risqué nos vies chaque jour. Beaucoup d’entre nous sont morts en traversant le désert et la mer. Le peu qui est arrivé en France espérait une vie digne sur cette terre d’asile et des droits de l’homme comme elle est présentée dans les médias. Mais, l’accueil a été la misère des rues, la clochardisation, la pluie, le froid, et le dénuement.

Après l’évacuation du campement de la mairie du 18e, nous avons été amenés dans un centre d’hébergement d’urgence où tous les engagements des autorités et de l’administration se sont avérés faux. Lors de notre arrivée au CHU de Nanterre, annexe de l’hôpital psychiatrique, la vision était surprenante et terrifiante pour nous, à cause de la laideur, et des nombreux malades dont l’état nous inquiétait. Nous ne sommes pas descendus du bus par crainte. L’administration nous a demandé de choisir 3 d’entre nous pour visiter les dortoirs à l’intérieur du centre et faciliter le dialogue. Les 3 réfugiés ont confirmé que l’endroit n’était pas convenable et non conforme aux promesses des responsables intervenus le matin même avant l’évacuation du campement.

Lorsque nous avons tous refusé d’accepter cet hébergement à cause des conditions indignes, la police est intervenue sur ordre des autorités. Ils ont alors interpellé les 3 personnes désignées pour discuter avec l’administration et faciliter le dialogue en ce qui concerne l’hébergement. L’administration a usé de ruses contre nous et a employé 50 policiers pour nous effrayer et exercer des pressions. Ils ont pris les 3 que nous avions choisis, la police les a emmenés à un endroit inconnu et nous n’avons plus eu de nouvelles d’eux.

Le cauchemar ne s’est pas arrête là, nous sommes restés enfermés durant plusieurs heures dans le bus. Ils ont interdit l’accès aux toilettes, et nous ont affamé, pour nous obliger à accepter cet hébergement. Nous avons été choqué de l’attitude et du comportement inacceptable de l’État français envers les réfugiés.

Au final certain réfugiés ont accepté cet hébergement contraire à la dignité humaine mais sous la contrainte.
Nous autres vu ces mauvaises conditions, avons délaissé ce centre, et préféré l’errance.

Nous ne demandons que le respect de nos droits humains et une vie digne. Nos droits ne sont pas des exigences élevées. Nous ne demandons qu’un logement dans des conditions normales et dignes, et la reconnaissance de notre statut de réfugiés, dans les pays qui prétendent respecter les droits de l’homme.

Des migrants témoins ayant fuit l’hébergement
(traduit de l’arabe)

mairie 18eme bis

Le 23 septembre, environ 150 personnes, migrants et personnes solidaires, ont manifesté du lycée occupé « Maison des réfugiés » à la place de la République. Plusieurs tracts et communiqués ont été lu aux abords des terrasses de café.

230915 paris

L’occupation par plusieurs centaines de migrant-es de l’ancien lycée quarré dans le 19ème arrondissement tient toujours malgré un avis d’expulsion immédiate rendu le 25 septembre par le tribunal administratif de Paris, expulsion demandée par la mairie.

Le 26 septembre, les migrant-es du centre d’hébergement Aurore de la Place de Clichy se mettent à leur tour en grève de la faim et de la soif : ils demandent l’amélioration de leur situation, le droit de résider, la liberté de circulation et dénoncent le mépris et l’attitude raciste de certains travailleurs sociaux du centre. Une centaine de personnes se sont rassemblées devant le centre le 28 septembre.

rass280915aurore

Calais (France). Après les manifestations et blocages d’autoroute de cet été et de début septembre, les migrant-es continuent de s’organiser à Calais pour protester contre le régime des frontières et tenter de rejoindre l’Angleterre. Le 19 septembre, 2000 personnes ont manifesté dans la ville, autour du port, point de passage principal pour l’Angleterre. Cette manifestation a été l’une des plus importante de ces derniers temps, mais pose aussi un certain nombre de questions : alors qu’une partie des migrant-es habitant la jungle ou d’autres campements s’étaient organisé-es ces dernières semaines pour appeler a de nombreuses manifestations, ils n’ont pas été avertis et consultés pour l’organisation de cet événement, appelé par une organisation humanitaire de Londres et prenant une tournure très « publicitaire ». Lire l’article de Calais migrant solidarity à propos de cette manifestation.

Le 22 septembre, profitant d’un embouteillage sur l’autoroute qui mène au port tout près de la jungle, beaucoup de gens ont tenté de s’introduire dans les camions en partance pour la Grande-Bretagne. La police est intervenue en repoussant les gens vers la jungle, faisant usage de nombreux gaz lacrymogènes. Des affrontements ont eu lieu et une partie de la jungle s’est retrouvée totalement sous les gaz et les gens ont été empêchés d’en sortir. Pendant tout ce temps un drone survolait et filmait la zone. Source : Calais migrant solidarity

calais 22 septembre 2015

À Calais, l’État et la mairie mettent tout en œuvre pour réprimer les migrant-es. Gouvernements français et britanniques veulent les contraindre à renoncer à passer en Angleterre : engrillagement du port, barbelés surmontés de lames de rasoir, surveillance vidéo, augmentation du nombre de vigiles dans le port et le tunnel sous la Manche, renforts de police et de CRS dans la ville.
Même si beaucoup de personnes parviennent à passer, à Calais la frontière se dresse comme un mur infranchissable et mortel. Entre le 17 et le 29 septembre, quatre personnes sont décédées dans le tunnel sous la Manche, percutées ou écrasées en essayant de monter dans les navette ferroviaires ou dans des camions. Depuis le début du mois de juin, quinze personnes ont été assassinées par cette frontière. Sources 1  2 et 3

Le 21 septembre, les cinq derniers lieux de vies des migrant-es dans le centre ville de Calais ont été expulsées.

Expulsions : les 5 derniers lieux de vie de migrant-es du centre ville de Calais ont été détruits. L’apartheid est bel est bien vivant à Calais.

Vers 8h ce matin (21 septembre 2015, ndlt), le plus grand des trois campement de la ville, habité par plus de 300 syriens, a été expulsé dans la plus grande tradition calaisienne (il s’agit en fait de deux campements très proches, ndlt). Un important bataillon de la gendarmerie, de la police nationale et de la BAC a réveillé les gens, en leur laissant très peu de temps pour récupérer leurs affaires, et leur a dit de rejoindre la Jungle, située sur l’ancien site d’enfouissement des déchets, à la périphérie de la ville, seul lieu où les migrant-es sont tolérés. Les syriens ont scandé « pas de jungle, aucune jungle » et se sont assis par terre. Ils ont également bloqué un pont. Les flics ont attaqué, les ont pulvérisé au lacrymogène et ils se sont alors déplacés en groupe, dans l’unique direction qu’ils pouvaient prendre, celle de la jungle.

Ils ont été emmenés de force jusqu’à la jungle, suivit de près par un convoi de gendarmes. Un homme accoutré d’un costard et d’une écharpe tricolore semblait mener la danse de ces expulsions toute la journée. Pour la plupart des syriens, c’était la première fois qu’ils venaient au camp et ils ne savaient pas quoi faire.

En arrivant à la jungle, les flics ont portés leur attention vers les dizaines de tentes dressées par les nouveaux arrivants devant l’entrée et ils ont dit aux gens de se déplacer à l’intérieur de la jungle. Une foule de gens s’est alors rassemblée devant les lignes de police. Sans crier garde, les flics ont commencé à repousser les gens et à déchirer les tentes. Nous avons aidé les gens à sauver leurs affaires mais beaucoup de biens personnels ont été perdus dans ce moment de violence policière. Au moins six personnes ont perdu leur passeport, d’autres ont perdu de l’argent, des téléphones avec des numéros importants, d’autres des photos ou des infos sur leurs proches morts ou disparus. Il y a eu des tentatives de négocier pour que certaines personnes soient autorisées à passer de l’autre côté de la ligne de police pour sauver leurs passeports, mais ils ont été confrontés au peu d’esprit des automates en tenue anti-émeute. Les pelleteuses et les employés municipaux sont apparus au-delà des lignes de police, détruisant les tentes et jetant toutes les affaires dans des camions bennes et direction la déchetterie municipale (sans doute le prochain site de la jungle quand celle-ci sera devenue inhabitable). Pendant plusieurs heures suivant cette opération, personne n’a été autorisé à aller où que ce soit en dehors de la jungle.

Face à cette démonstration de force écrasante et ridicule de l’État, les gens ont fait preuve de défi en chantant, criant des slogans et dansant, faisant un bruyant écho. La diversité et le dynamisme de la foule contrastait nettement avec la ligne de fascistes en costume bleu, brandissant flingues, matraques et boucliers.

Nous sommes allés à la décharge peu de temps après pour essayer de récupérer quelques affaires, mais nous n’avons rien trouvé d’autre qu’un tas de déchets dans un gros compacteur d’ordure et ils a été impossible de récupérer quoi que ce soit.

Nous avons appris plus tard que les deux autres campements du centre-ville ont également été expulsés aujourd’hui, ce qui signifie qu’il n’y a plus d’autre campement connu à calais que la jungle. Il est clair que désormais les 20 hectares qui ressemblent de plus en plus à un marais est l’unique lieu de vie des migrants qui sera toléré à Calais.
Ce que le gouvernement méprise le plus ici c’est que les migrant-es montrent leurs visages dans le centre-ville et dans les zones touristiques, voilà pourquoi la jungle existe. Source.

Deux récits des expulsions des syriens du 21 septembre 2015. Source

« Hier la police française est venue à notre petit camp. Nous sommes tous syriens, environ 250 personnes. Ils nous ont sorti de force hors du camp. Nous ne sommes pas partis par choix. Nous avons été emmenés de force en face du port. Ici nous avons protesté. Nous avons crié « Go Syria ! » parce qu’à ce moment nous ne voulions pas être ici. Ils nous ont traité comme des animaux. Ils nous ont aspergé de gaz lacrymogène. Une personne a eu une crise d’asthme et une autre a été frappée. Lorsque nous avons bougé vers la jungle nous avons tout perdu. Tous nos vêtements et nos tentes, la police ne nous a pas laissé récupérer quoi que ce soit. Deux personnes ont perdu leurs passeports. »
Udai, 22 septembre 2015

« Avant, nous vivions dans le centre-ville de Calais. Mais les gens de Calais n’aiment pas ça. La police n’aime pas ça. La police est venue hier matin et ils nous ont emmenés ici, dans la jungle. Ils nous ont aspergés de gaz lacrymogène. On a l’impression que nos yeux sont en feu. Nous sommes venus ici dans la jungle. J’ai le sentiment en ce moment que la Syrie c’est mieux qu’ici. Si je devais choisir, je préférerai la Syrie à la jungle. Il n’y a pas de vie possible ici dans la jungle. Ce n’est pas la vie. »
Ali, 22 septembre 2015

En réponse à ces expulsions, une banderole est accrochée sur le toit du tribunal de Calais : « 21/9/2015 Tous les camps de Calais ville expulsés. Résistez à l’apartheid ».

21 sept 15 expulsions calais 5

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calais tribunal sept 2015

Depuis ces expulsions, les violences et intimidations de la part des flics continuent : coups de pression en tenue anti-émeute, multiplication des contrôles au faciès, notamment près de la gare, etc. D’autre part, plusieurs personnes arrêtées à Calais ces dernières semaines puis enfermées dans des centres de rétention à travers tout le territoire, pour empêcher toute solidarité de se mettre en place, ont été expulsées vers le Soudan.

Mais rappelons-le encore une fois, tous les flics et les barbelés du monde ne viendront jamais à bout de la détermination de celles et ceux qui veulent franchir les frontières de l’Europe.

Le 25 septembre, une nouvelle manifestation a parcouru les rues de la ville. Des collectifs de sans papiers de plusieurs villes européennes sont venus jusqu’à Calais pour exprimer leur solidarité avec celles et ceux qui sont bloqué-es ici.

Vintimille (Italie). Dans cette ville frontalière entre l’Italie et la France, plusieurs dizaines de migrant-es et de personnes solidaires occupaient depuis début juin le bord de mer, au pied du poste frontière. Le 30 septembre au matin, une centaine de flics, accompagnés des services de nettoyage, sont venus pour tenter d’expulser ce campement d’où de nombreuses initiatives sont menées contre les frontières et pour la liberté de circulation. Les occupant-es du Presidio No Border résistent et se sont regroupé-es sur les rochers. Dans le campement, d’autres pratiques que celles des humanitaires et caritatif sont mise en expérience : auto-organisation, échanges, prises de décision collectives, etc. Les migrant-es qui vivent là veulent traverser cette frontière, fermée depuis des mois et gardée par les flics français et italiens, et ont refusé d’aller dans le centre officiel géré par la croix-rouge.
Ils ont récemment écrit ce communiqué : We are not going back

Des battitura sont organisées régulièrement devant le poste frontière, bloquant le flot continu de véhicules entre Menton et Vintimille. Les 12 et 25 septembre, lors des deux dernières actions de blocage du poste frontière, les flics sont intervenus et un face à face tendu a eu lieu, les manifestant-es tentant de reprendre le blocage de la route. Les flics ont alors chargé à coups de lacrymogènes et de matraques. Vidéo

vintimille9septembre

À la frontière Menton-Vintimille la répression à l’encontre des migrant-es et des personnes solidaires s’intensifie : arrestations massives, gardes-à-vues, plaintes, interdictions du territoire pour 10 personnes, détention, etc. Plusieurs procès vont avoir lieu côté français, au tribunal correctionnel de Nice : une personne est convoquée le 30 septembre (pour outrage et violence envers un flic, rébellion, refus d’empreintes palmaires et de prise de photographies) et une autre le 12 octobre (pour outrage et violence envers un flic). Cette montée de la répression vise à briser les luttes et les solidarités qui se construisent sur le Presidio No Border, mais de l’autre côté des Aples on entend toujours crier « We are not going back ! ».
Appel à solidarité pour s’organiser contre la répression à la frontière Menton-Vintimille :

Trapani (Italie). Le 12 septembre, douze personnes ont tenté de s’évader du centre de rétention de Trapani-Milo. Certains ont été bloqués par les flics, mais quatre sont parvenus à disparaître dans la nature. Source

Turin (Italie). Dans l’après-midi du 20 septembre, trois prisonniers du centre de rétention de corso Brunelleschi (CIE) ont réussi à s’évader, escaladant les murs.Malheureusement un d’entre-deux a été rétrouvé par les flics peu de temps après, mais les deux autres courent toujours ! Source

Bari-Palese (Italie). Le 19 septembre, un petit groupe de personnes solidaires est allé saluer les migrants détenus au CIE. Avec un mégaphone et des feux d’artifices, le groupe a réussi à se faire entendre des détenus qui ont répondu par des huées et des cris. Source

Rome (Italie). Le 24 septembre a été une journée de résistance aux expulsions, mais aussi de violence féroce de la part de la police au centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria. Vers six heures du matin, les flics ont fait irruption dans plusieurs dortoirs pour sortir des personnes à expulser. Deux jeunes ont réussi à se libérer et ont grimpé sur des grilles qui séparent les dortoirs de la cour. Ils sont restés suspendus là toute la matinée, jusqu’à l’heure de décollage de l’avion qui devait les expulser vers la Tunisie. Une fois descendus ils ont été transférés à l’isolement. Dans une autre cellule au contraire, voyant que la personnes qu’ils venaient chercher partageait la chambre avec deux détenus connus comme fauteurs de trouble, les flics ont embarqué le premier tout en rouant de coups les deux autres : coup de pied, coup de poing, crachat. Ils ont ensuite été laissés au sol pendant plusieurs heures, sans aucun soin. On peut écouter (en italien) le récit de cette journée, diffusé sur radio Blackout.

Frontière Serbo-hongroise. Le 16 septembre, des affrontements ont éclaté à la frontière entre la Serbie et la Hongrie entre les militaires et flics hongrois et des migrant-es coincés en Serbie. Le long de cette frontière, la Hongrie a récemment fait construire un mur de 175 km de barbelés, surmontés de lames de rasoir, et mobilisé l’armée, pour tenter d’empêcher toute entrée sur son territoire. Mais des milliers de personnes cherchent à franchir cette frontière, pour continuer leur route vers d’autres pays d’Europe. Lors de ces affrontements, le grillage a été forcé et des dizaines de personnes ont pu passer de l’autre côté. Vidéo
Depuis le 21 septembre, le parlement hongrois a autorisé l’armée, qui est déployée tout le long de la frontière, à tirer à balles réelles sur les migrant-es qui tenteraient de passer.

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Opatovac (Croatie). Après le blocage de la frontière hongroise, des milliers de personnes ont tenté de passer par la Croatie pour rejoindre les pays de l’ouest de l’Europe. Là aussi les frontières sont bloquées, gardées par la police et les militaires. Des camps ont été érigés à travers tout le territoire Croate, ou des centaines de personnes sont enfermées derrière des barbelés, et gardés par l’armée, sans savoir ce qu’il va leur arriver. Les gens y sont parqués, répertoriés, triés entre ceux qui auront peut-être la chance de pouvoir poursuivre leur voyage et ceux qui resterons là encore des jours ou seront expulsés vers d’autres pays, plus au sud, où ils auraient laissé leurs empreintes. « C’est une prison » disent-ils.

Centres de rétention, Centres d’accueil, Centres d’enregistrement, peut importe leur nom, ces camps sont des prisons ou s’opère le tri entre ceux que l’Europe veut accueillir et se répartie comme des paquets de déchets et les autres, qui y resterons enfermés, pour être cachés, mis à l’écart, empêchés de poursuivre leur route, en attendant que les gouvernants décident de leur sort.

Mais dans ces prisons pour étrangers, les solidarités existent aussi et donnent de la force collective pour se relever, forcer les barrières, s’évader, poursuivre son chemin. Dans le camp d’Opatovac à la frontière entre la Serbie et la Croatie, des affrontements ont éclaté avec les flics le 22 septembre et plusieurs personnes sont parvenues à s’échapper. D’autres ont occupé des bus exigeant qu’ils les conduisent vers l’ouest.

Londres (Angleterre). Le 18 septembre, un rassemblement s’est tenu devant l’ambassade de Hongrie pour protester contre les violences de la police à la frontière serbo-hongroise. Pas de frontières ! Pas de camps ! Pas d’expulsions ! Source
Le 17 septembre, une rafle de sans papiers avait lieu dans un quartier du sud de Londres. Lors de cette opération, au moins un fourgon de la police de l’immigration a eu son pare-brise fracassé. Source

Bâle (Suisse). Le 18 septembre était appelée une manifestation contre les frontières, les nations et la militarisation de nos vies à Bâle. 400 personnes ont parcouru les rues de la ville, pour se rendre devant le centre de rétention de Bässlergut, où des cris de joie et d’encouragement ont été échangés entre l’intérieur et l’extérieur malgré la présence importante de flics. La manif est ensuite repartie et plusieurs véhicules de la police aux frontières ont été attaqués ainsi que des banques. Source

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Athènes (Grèce). Depuis le 22 septembre, un bâtiment abandonné est occupé par des personnes migrant-es et des personnes solidaires dans le centre-ville d’Athènes. Le 24 septembre, des manifestations en solidarité avec les migrant-es ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, notamment à Thessalonique et Patras. Source

Edirne (Turquie). « Nous ne voulons pas de nourriture, nous ne voulons pas de l’eau, nous ne voulons pas de l’aide humanitaire, nous voulons traverser la frontière par la terre. Nous traverserons ou nous mourrons ici. » Le 11 septembre, des milliers de migrant-es ont convergé vers Edirne, ville frontalière à l’ouest de la Turquie, pour rejoindre la Grèce à pied. À Istanbul, la station de bus a été fermée par la police pour empêcher ce mouvement et des centaines de personnes s’y sont retrouvées bloquées. Le 18 septembre, la majeur partie d’entre-elles ont décidé de faire une marche jusqu’à Edirne. Sur la route, ils/elles ont été bloqué-es par les flics et militaires qui les ont fait monter dans des bus et les ont enfermés dans un stade, au centre-ville d’Edirne, ou plusieurs centaines de personnes sont regroupées. Un groupe de 200 personnes qui a refusé de monter dans les bus est resté plusieurs jours sur l’autoroute, bloquant tout le trafic. Ils et elles réclament d’être emmenés de l’autre-côté de la frontière grecque.
À Edirne, un campement s’est également installé dans un parc en plein centre-ville. Plusieurs manifestations ont été organisées pour demander l’ouverture de la frontière et le passage de toutes les personnes qui le veulent.
Une forte solidarité s’est mise en place, à Istambul, sur l’autoroute ou à Edirne, pour répondre aux questions matérielles (nourriture, eau), indiquer les meilleures routes à emprunter, manifester devant la frontière.

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à suivre…

Quelques liens : tous les articles sur la lutte des migrant-es de La Chapelle sur ce blog // Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity //Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce)

Réflexions sur l’élan d’empathie envers les « réfugié-es » et la solidarité

Nous avons traduit ces deux textes qui reviennent sur l’élan de compassion et d’empathie envers les « réfugié-es » qui traverse actuellement l’Europe. Vague populaire d’émoi collectif devant d’horribles images qui racontent les histoires de ces personnes, mais aussi grands discours hypocrites des gouvernements européens -et ici de la mairie de Paris- sur « l’accueil nécessaire des réfugiés face à la crise migratoire ».

Depuis trois mois qu’une lutte tente d’émerger à Paris autour de la question des frontières, des papiers et du logement, que d’autres rapports que des réflexes humanitaires tentent d’être construits entre migrant-es et personnes solidaires, ces deux textes, bien qu’écrits dans des contextes différents et même si nous n’en partageons pas toutes les analyses, offrent des pistes de réflexions sur les manières d’envisager la solidarité et la lutte contre les frontières.

Merci au blog Hurriya pour ces articles.

« Nous sommes ici parce que vous détruisez nos pays »

Ce texte a été publié mi-août 2015 par L’espace international des femmes à Berlin « un groupe de femmes migrantes et réfugiées en provenance de pays anciennement colonisés », né pendant l’occupation par des réfugiés de l’ancienne école Gehart-Hauptmann en Décembre 2012 à Berlin.

Nous avons vu, dans les médias mainstream, des reportages sur la solidarité croissante des Allemands envers les réfugiés. Articles après articles, les journalistes parlent des structures d’accueil ouvertes dans différentes parties du pays. Des personnes créent des sites internet qui offrent des hébergements temporaire aux réfugiés, d’autres collectent les vêtements et apportent de la nourriture aux réfugiés qui campent en face de Lageso à Berlin (Office d’État pour la santé et les affaires sociales). Les illustrations de ces articles montrent des situations peut-être rencontrées au Liban, qui accueille plus de 1 million de réfugiés, ou en Grèce, un pays qui est confrontée à une grave crise économique, avec l’aimable autorisation de l’Allemagne, et de toute évidence incapable d’offrir quelque chose de plus que la solidarité de ses propres habitants.

La réalité est que l’Allemagne est l’un des plus riches pays européens, qui a les moyens et pourrait s’il le voulait avoir des structures adéquates pour accueillir les réfugiés. L’empathie des habitants est toujours la bienvenue, ainsi que leurs efforts, mais si cela ne dépasse pas le niveau de la charité cela tue tout mouvement politique.

L’appauvrissement des personnes qui deviennent des réfugiés n’est pas nouvelle et les raisons sont à chercher dans l’histoire et ne peuvent être comprises que par ceux qui veulent savoir pourquoi des êtres humains utilisent des moyens désespérés pour venir en Europe. Le colonialisme, l’esclavage et la suprématie de la pensée blanche sont les causes de la situation actuelle. Voilà pourquoi les gens viennent en Europe : ils fuient les pays détruits par les politiques des pays occidentaux.

Nous, en tant que groupe politique, nous regardons la situation actuelle en Allemagne avec suspicion. Nous semblons avoir oublié les revendications des réfugiés qui ont lutté depuis plus de vingt ans dans les rues de ce pays. Plus personne ne cite le slogan « Nous sommes ici parce que vous détruisez nos pays », slogan des plus importantes campagnes de ces dernières années, menées par des groupes politique auto-organisé de migrants et de réfugiés telles que The Voice Refugee Forum et The Caravan for the Rights of Refugees and Migrants. Il n’est également pas fait mention dans les médias de la Refugee Protest March, quand en 2012 un groupe de réfugié a marché 600 km de Munich à Berlin et a occupé jours et nuits l’Oranienplatz, dans le quartier de Kreuzberg, à Berlin, luttant chaque jours pour revendiquer la fermeture de tous les camps (Lager), l’arrêt des expulsions, l’abolition du système de résidence et la libre circulation pour tous.

Aussi on ne trouve presque aucune référence à l’occupation de l’école via Ohlauer – toujours dans le quartier de Kreuzberg – où un groupe de réfugiés se bat toujours pour le droit de rester dans l’établissement où ils ont vécu après son occupation en 2012. Il y a seulement une année ce sont des milliers de berlinoi-ses qui ont soutenu la résistance sur le toit de l’école Ohlauer et il semble maintenant que tout cela n’a jamais eu lieu, et que la nouvelle approche de la vague de solidarité de la part dindividus prêts à aider les réfugiés est de critiquer les manquements de Lageso, responsable du logement des demandeurs d’asile dans les camps (lagers) ! Oui, Lageso doit être critiqué, mais il ne doit pas devenir le protagoniste dans cette histoire. Lageso ne peut pas résoudre le problème, parce que leur solution perpétue un autre problème : l’isolement des réfugiés dans les lagers, situé dans de petits villages au milieu de nulle part, sans accès à des soins de santé, à l’école à des possibilités d’emploi. Tout cela a été dit d’innombrables fois par des groupes de réfugiés auto-organisés.

Nous devons rappeler que faire de Lageso le cœur du problème est une stratégie, et que, si nous ne faisons pas attention, nous verrons bientôt des manifestations pour exiger de Lageso l’ouverture de nouveaux lagers.

N’oublions pas : nous exigeons la fermeture des lagers ! Et non l’inverse. Nous exigeons le droit pour les demandeurs d’asile de choisir où vivre, dans des appartements normaux comme toute autre personne qui ne cherche pas l’asile dans ce pays. Les gens ne viennent pas en ‘Europe de dépendre de la charité des particuliers ou tomber entre les mains de Lageso et de son système de lagers. Nous exigeons la liberté de circulation pour tous et toutes ! Nous croyons qu’en s’engageant politiquement dans la lutte, tout le monde s’engagera aussi dans le mouvement du 21e siècle – comme Angela Davis judicieusement souligné. Le Mouvement des Réfugié-es est le mouvement qui réclame des droits pour tous les êtres humains.

L’Espace internationale des femmes lance un appel à la mobilisation politique. Soutien, aide et charité ne vont pas changer le système, mais ils ont tendance à perpétuer l’idée d’une Europe humanitaire, qui n’existe certainement pas vu le nombre de personnes qui sont mortes en mer en essayant d’arriver ici. Les gens sont en train de fuir des situations catastrophiques créés par les pays occidentaux.
Il est temps de crier à haute voix à nouveau: «Nous sommes ici parce que vous détruisez nos pays».

L’article a été publié originalement en anglais sur le site du collectif : https://iwspace.wordpress.com/2015/08/15/we-are-here-because-you-destroyed-our-countries/

Contre la compassion : sur les ripostes populaires à la « crise des migrants »


Un article sur récente la vague de sympathie envers les réfugiés morts durant leur voyage vers la l’Europe forteresse, et sur pourquoi les groupes de “solidarité” se doivent d’éviter le piège de la charité et de la compassion.
Publié fin août 2015 sur le site internet londonien Rabble

Une bonne partie de la rhétorique pro-migration repose sur la compassion. Les médias libéraux et les groupes de soutien pour les droits des migrants tirent souvent sur la corde de l’émotionnel, dans l’espoir d’engranger plus d’intérêt face au sort des victimes de la migration. Malgré les bonnes intentions, cela n’a que très peu d’effets en dehors de faire culpabiliser, déprimer pour finir par décourager aussi de toute initiative.

S’il est évident que cela remue tout le monde, la compassion cultive le sentiment de pitié et de philanthropie : rendre service aux personnes défavorisées dans le monde. Nous croyons montrer de la générosité aux autres parce que nous ne nous sentons pas concernés par leurs problèmes. Mais nous sommes concernés : et pas seulement parce que la souffrance d’autrui nous touche, mais parce que nos vies sont étroitement liées de pleins de manières différentes par le colonialisme et le système de classe, et aussi parce que faisant partie d’un système de “privilèges” et de “droits” qui excluent les autres, nous devons accepter passivement tous les compromis et sacrifices que le capitalisme nous impose.

Des discours désespérés

La compassion nourrit la passivité politique : faire quelque chose de bien pour des gens se trouvant dans une situation difficile, comme par exemple amener des jouets aux familles se trouvant à Calais. Il ne fait aucun doute que ce genre de geste améliore un peu la dureté du quotidien, mais ce n’est pas de la solidarité, et ça ne change fondamentalement rien à la situation. Avec la compassion et la charité, il n’y a plus besoin de s’engager réellement et d’aller au cœur du problème. Nous sommes simplement encouragés à refiler à ce “problème” tout ce dont nous ne voulons plus matériellement. Cela permet d’ignorer le fait que l’ensemble du système des frontières, des États et du capitalisme est terriblement oppressif, nous marche dessus et nous écrase ; que nous sommes tous reliés par ce désir commun de libération, et que c’est une lutte politique qui doit maintenant être engagée par tout le monde, avec force et détermination.

Cette orientation vers la compassion détermine aussi le vocabulaire que nous utilisons: “victimes” contre “criminels”, “humains” contre “animaux”, “réfugiés” contre “migrants” etc. Ce type de langage pousse les gens à avoir de la peine pour les migrants, et montre qu’ils “méritent” notre soutien. Mais quand on utilise ces termes, nous renforçons inévitablement le discours autour du mérite et toutes les divisions que cela peut engendrer.

Mettre l’accent sur les cas les plus désespérés peut nous émouvoir, mais ça nous éloigne aussi : jamais nous ne pourrons comprendre leur détresse, ou la distance énorme qu’ils parcourent. Par exemple, beaucoup de gens affirment d’emblée que les personnes en détresse à la frontière sont des “réfugiés” et pas des “migrants”- parce que nous sommes tous un peu migrants aussi, mais avec des privilèges et une vie meilleure : s’il y a une lutte, ce n’est donc pas la mienne. Bien sûr, il est important de faire la différence entre les expériences de vie de chacun, mais en faisant des cas “particuliers”, “exceptionnels”, on minimise ce que nous pourrions avoir en commun; comme par exemple le fait que si et quand les migrants arrivent à “destination”, les plus chanceux rejoignent l’armée ou deviennent des esclaves modernes.

Entendre constamment des témoignages terribles – que ce soit à la frontière, en Syrie ou en Afghanistan- nous fait relativiser sur notre propre situation, misérable soit-elle. Sans compter que toutes ces injustices sont le produit d’un système dans lequel nous agissons quotidiennement, à travers nos actions ou notre passivité.

Tout sauf se battre

Nous vivons une époque inédite dans l’Histoire récente, une période où un nombre incalculable de personnes souffrent et meurent aux frontières de l’Europe forteresse, et alors qu’est-ce qu’on fait ? “Faire sortir leurs histoires au grand jour”. Organiser des missions de charité dans la “Jungle” de Calais. Partager et diffuser des photos d’enfants noyés et de corps entassés dans des camions. Pourquoi ? Faut-il toujours attendre que ce soit les autres qui fassent quelque chose ? Nous ne faisons rien d’autre que normaliser la culture de la passivité, et si quelqu’un ose affirmer que c’est une lutte que nous vivons, la réponse la plus politique à donner est de demander au gouvernement de trouver une “solution”.

Il faut arrêter de se leurrer et grandir un peu. Le gouvernement n’en a rien à faire. Il ne trouvera pas de “solution”. À la limite, si c’était nécessaire d’adoucir son image, il pourrait faire quelques concessions (comme par exemple accepter un petit quota de réfugiés syriens). Mais il n’ouvrira jamais les frontières. Il faut qu’on arrête d’attendre de nos parents de substitution -l’État- d’agir pour nous, à notre place. Il ne tient qu’à nous de bouger, et il est plus que temps de s’en rendre compte.

Prendre seulement conscience des souffrances innommables autour nous n’a jamais suffi à y mettre fin. La compassion n’a jamais changé les choses. L’Histoire nous montre que la seule force qui provoquera le changement est la lutte du peuple contre les structures de l’oppression.

La frontière est une lutte, il faut la combattre partout
Pour finir, je demanderai à ceux et celles faisant la charité à Calais, au nom de la “solidarité”: combien se battent contre les frontières ? Parce que les frontières sont partout, y compris là où ils vivent. Ceux qui chaque jour sont emmenés par la police des frontières sont les mêmes qui vivent ces histoires atroces qui en ce moment même attirent tellement de compassion. Ces jeunes Afghans qui ont survécu à leur périple vers l’Europe, qui ont vu leurs proches mourir en chemin, qui sont restés coincés dans la Jungle à Calais et qui ont fini par passer de l’autre côté- c’est ceux-là même qui sont ici (en Angleterre) arrêtés, détenus et déportés par les mesures politique d’immigration.

Les frontières sont partout. Ce sont les rafles dans votre rue, dans les foyers d’accueil comme celui de l’Electric House à Croydon; les frontières sont aussi à la Beckett House (centre de surveillance de l’immigration situé à Londres), dans les centres de rétention comme celui d’Harmondsworth ou encore la prison des familles de Cedars, dans les compagnies multimillionnaires qui gèrent ces lieux (Mitie, G4S), elles sont dans les boîtes privées qui “escortent” les détenus (Serco, WH Tours).

Assez de la compassion, agissons et détruisons ce qui nous détruit.

Version anglaise : http://rabble.org.uk/against-sympathy-on-popular-responses-to-the-migrant-crisis/

Vive les révoltes des migrant-es contre les frontières

fin août – début septembre 2015

Calais (France). Après les tentatives de passage collectif de la frontière et les blocages d’autoroute de cet été, les migrant-es de la jungle continuent de s’organiser et d’occuper la rue pour protester contre la frontière. Tard dans la soirée du 31 août, après la visite du premier ministre à Calais, 200 personnes ont couru sur l’autoroute d’accès au site de l’Eurotunnel et commencé un blocage avant l’arrivée de la police qui a violemment réprimé en inondant la zone de lacrymos.

Le 3 septembre un rassemblement se tient devant l’entrée du Centre Jules Ferry géré par l’association La vie active, juste à côté de la jungle. Les personnes bloquent l’accès au centre de distribution de repas du gouvernement car elles ne veulent plus de l’aide humanitaire et des conditions de vie dans lesquelles elles sont maintenues dans la jungle. Les migrant-es veulent l’ouverture de la frontière.calais 3 sept

Les 4, 5 et 7 septembre des manifestations sont organisées par les gens du camp. Plusieurs centaines de personnes ont manifesté de la jungle jusqu’à la place de la mairie aux cris de « freedom », « hurryia », « no borders, no nations, stop deportation » « no jungle, open the border »… Les migrant-es ont pris les rues de Calais, contre la jungle et la frontière. Et ça n’est pas prêt de s’arrêter.

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Source Calais Migrant Solidarity

De Calais à Londres … manifestation transnationale pour la liberté de circuler

Aujourd’hui samedi 12 septembre 2015 une manifestation a été organisée à Calais par les gens de la jungle. La manifestation a été planifiée pour coïncider avec le rassemblement massif tenu à Londres, et afin de ramener l’attention sur les réfugiés présents à Calais alors que le Royaume-Uni vient de décider d’accepter plus de réfugiés (dans la répartition que sont en train de planifier les pays européens, ndlt). La marche d’aujourd’hui vient s’ajouter aux manifestations presque quotidienne des migrant-es à Calais la dernière semaine.

Au début de l’après-midi, un groupe de trois cent personnes a quitté la jungle et a commencé à marcher en ville. Ils demandaient la fin de leur vie forcée dans la jungle, la liberté de circulation pour tout le monde, et l’ouverture de la frontière vers le Royaume-Uni. La manifestation a réuni des gens de toutes les différentes communautés de migrants dans la ville. Comme le cortège est passé à travers la jungle, avec des gens chantant, dansant, jouant de la musique et appelant les autres à se joindre à eux, cela donnait aussi bien l’impression d’une fête que d’une manifestation.

La maire de Calais, Natacha Bouchart, qui hier a demandé au préfet d’augmenter la présence policière en ville suite aux récentes manifestations, avait fait posé des grilles autour de la mairie, et embauché des gardes de sécurité privé pour se tenir derrière. Pour cette raison, la manifestation, qui les fois précédentes avait rallié le parvis de la mairie, a cette fois été arrêtée par les CRS juste avant d’y arriver. Un face à face a alors commencé entre les manifestants et la police qui ont utilisé des gaz lacrymogènes.

Après cette attaque tout le monde est assis et a commencé à tenir un rassemblement. Les gens ont pris tours de parole au mégaphone et ont chanté et dansé. Pendant ce temps, un groupe de syrien a rejoint la manifestation. Cela a continué pendant environ une heure jusqu’à ce que la police a commence à repousser les gens en arrière, en essayant de les faire partir. Les manifestants ont répondu en se dirigeant rapidement dans les rues du centre de Calais, où ils ont occupé le boulevard Jacquard. La police, qui a tout d’abord essayer de les empêcher d’occuper la rue, a finalement dû battre en retraite et abandonner la principale rue commerçante au groupe pendant deux heures environ. Beaucoup de calaisiens se sont arrêtés pour regarder et écouter ce que les manifestants exigeaient.

Après le rassemblement, les gens sont retournés dans la jungle, en criant sur tout le chemin du retour. Le sentiment dans le groupe était vraiment positif, même s’ils ont été bloqués par la police, ils ont pu se déplacer et occuper et perturber la principale rue commerçante de Calais. Il y a eu beaucoup de réactions positives à la manifestation de la part des calaisien, et tout cela a été très encourageant pour les manifestants à poursuivre leur lutte et les manifestations dans les prochains jours.

From London to Calais… transnational demo for freedom of movement

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Marseille (France). Le 10 septembre, le FNARS (fédération d’association, dont Emmaüs et Aurore) organise une journée d’étude sur la réforme du droit d’asile avec comme invité Cazeneuve, le ministre de l’intérieur. Un rassemblement est organisé devant le lieu de la conférence. (Cazeneuve ferme là et ouvre la frontière)

Saint-Jean-du-Gard (France). En réponse à l’appel de Vintimille (voir plus bas) un rassemblement contre les frontières et en soutien au Presidio no border est appelé le 6 septembre sur la place du marché. (Source)

Lyon (France). Une révolte a éclaté fin août au centre de rétention de Saint-Exupéry près de l’aéroport de Lyon. Dans la nuit un retenu s’est entaillé le bras pour échapper à son expulsion. Pendant que les secours sont sur place et profitant de la confusion générale, d’autres ont entassé des matelas et des draps et y ont mis le feu. La police est repoussée pendant que du mobilier et des vitres sont cassées et que deux personnes montent sur le toit dans l’espoir de s’évader. Des renforts de flics sont arrivés les en empêchant. Trois personnes ont été arrêtées et ont été jugées en comparution immédiate. Deux ont été condamnées à 4 et 6 mois de prison ferme. Mais six chambres de la prison pour étrangers sont inutilisables grâce à l’incendie et ce sont 24 places en moins pour les enfermeurs. Un grain de sable dans les rouages de la machine à expulser. (Source presse)

Paris (France). Suite à l’expulsion du campement de migrant-es du square Jessaint, dans le quartier de La Chapelle, le vendredi 4 août, plusieurs d’entre-eux/elles se sont rendu-es en manifestation devant la mairie du 18ème arrondissement et ont décidé d’y rester jusqu’à ce des solution satisfaisantes leurs soient proposées. Une semaine plus tard le campement est toujours devant la mairie et la solidarité s’organise dans le quartier. Plusieurs rassemblement ont été organisés dans la semaine. Voici leur communiqué.

mairie du 18eme

Mercredi 9 septembre, plusieurs collectifs de sans papiers et associations anti-racistes appelaient à un rassemblement place de la république. Dans le même temps, le parti socialiste organisait un grand meeting sur « l’accueil des réfugiés ». Une manifestation sauvage est donc partie du rassemblement pour tenter de se rendre devant le lieu du meeting afin de dénoncer l’hypocrisie de ceux qui prétendent accueillir à coups d’expulsion et de matraque depuis plus de trois mois. Bloquée, la manifestation est repartie en sens inverse et a parcouru les rues du quartier. Après plusieurs charges de flics, les manifestant-es se sont dispersé-es, sans arrestations. À l’intérieur du meeting, plusieurs banderoles et pancartes ont été déployées en solidarité avec les migrant-es et contre la guerre que leur mène les gouvernements européens.

Le 31 août, plusieurs actions nocturnes ont eu lieu, contre les frontières et les gestionnaires humanitaires : un centre Emmaüs a été recouvert d’un tag « Emmaus collabo », sur celui du PS est apparu l’inscription « à bas toutes les frontières » tandis que ses vitres ainsi que celles d’une banque et un distributeur ont été défoncées. (Source)

Toulouse (France). Le 25 août, la permanence du parti socialiste a été a recouverte des inscriptions « solidarité sans-papiers » et « non aux expulsions ». En juin, c’était de l’huile de vidange qui avait été rependue sur la façade, également taguée d’un « solidarité avec les migrants ». (Source : presse)

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Valence (Espagne). Dans la nuit du dimanche 6 septembre, une révolte a éclaté au centre de rétention de Zapadores. Une quarantaine de prisonniers se sont rebellés contre les flics et leurs ont subtilisé leurs clefs. Un groupe ainsi pu accéder au toit et tenté de s’évader, mais en ont malheureusement été empêchés par d’autres flics à l’extérieur qui ont tiré des lacrymogènes et des flashball. Pendant ce temps, à l’intérieur du matériel a été dégradé et plusieurs feux de matelas allumés. Cinq policiers sont blessés. (Source : presse)

Roszke (Hongrie). Près de la frontière serbe, des centaines de migrant-es sont parvenus à s’enfuir du centre de rétention le samedi 5 septembre malgré une forte présence de la police.

Bicske (Hongrie). La plupart des migrant-es qui avaient accepté de monter dans des trains qui devaient soit disant les emmener en Allemagne ont résisté à leur déportation lorsqu’ils/elles se sont rendu-es compte que ces trains avaient en fait pour destination des centres d’identification et de tri des demandeurs d’asile. La même situation s’est produite en Autriche.

Budapest (Hongrie). Des milliers de migrant-es, bloqué-es depuis des semaines à la gare de Keleti ont entamé le 4 septembre une marche pour rejoindre l’Autriche à pied.

Athènes (Grèce). Au centre de rétention de Amygdaleza des migrants ont entamé une grève de la faim le 4 septembre. Il y a quelques semaine, des matelas avaient été enflammés dans plusieurs sections du centre. Cette prison pour étranger-es est restée ouverte malgré les fausses promesses électorales du gouvernement de syriza. En plus de l’enfermement, les conditions de vie dans le centre sont désastreuses. (Source : Clandestina

Kos (Grèce). Dans la nuit du 3 septembre, des groupes fascistes s’en sont pris à des migrant-es sous les yeux de la police sans qu’elle ne bouge un petit doigt. En réponse, les migrant-es ont commencé une manifestation et ont bloqué plusieurs routes, demandant à quitter l’île pour rejoindre d’autre pays d’Europe. À Kos comme sur d’autres îles grecques, les violences contre les migrant-es sont quotidiennes, de la part des flics et des fascistes, souvent alliés. Certain-es migrant-es sont bloqué-es depuis des semaines, voir des mois, dépendant du bon vouloir des autorités insulaires pour rejoindre le continent. Pendant l’été, 2000 personnes ont été enfermées dans un stade pendant des jours, sans eau, ni nourriture, sous une chaleur étouffante.

Lesbos (Grèce). Un millier de migrant-es se sont regroupés et ont tenté de monter de force sur un navire en partance pour Athènes. La police est intervenue avec des gaz lacrymogènes.

Anarchists welcome migrants in Mitilini, Lesbos (video)

Rome (Italie). Une protestation a commencé à l’intérieur du centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria. Dimanche 30 août, lorsque des repas périmés ont été distribués. Plusieurs policiers sont intervenus mais se sont pris des barquettes de nourriture périmée dans la figure. (Source : hurriya)

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Sur le rassemblement solidaire et les manifestations au CIE de Ponte galeria

Le samedi 5 septembre, une centaine de solidaires se sont retrouvés pendant deux heures sous les murs du CIE de Ponte Galeria. Dans la section des hommes, depuis le début de l’après midi, les retenus du centre avait entamés de vive protestations et ont essayé de résister aux flics afin de rester dans la cour du centre pendant le rassemblement. Les flics sont alors arrivés avec chiens et matraques et ont enfermé tout le monde dans les cellules. En réponse, plusieurs matelas ont été incendiés dans les couloirs. Mais cette tentative d’isolement a été peu utile, puisque la vigueur des cris, des coups dans les portes et du micro ouvert à l’extérieur ont permis pour un temps d’outrepasser les murs de la prison. Des balles de tennis contenant des messages et le numéro de téléphone anti-expulsion et des pétards ont également été lancés par dessus les murs d’enceinte.

Puis le rassemblement s’est dirigé vers la section des femmes. À la demande des détenues, de la nourriture a été livrée à l’intérieur. Cette question de la nourriture, souvent périmée et pourrie, est le motif de nombreuses protestations à l’intérieur du centre. Puis des cris de « liberté, liberté » se sont répondus pendant plus d’une demie-heure de part et d’autre du murs de la prison.

Autour du rassemblement, la présence de la police était très massive, bien plus importante que les fois précédentes, et provocante. Ce rassemblement au CIE de Rome a été le premier après un long mois d’août durant lequel les protestations des migrant-es ont été nombreuses dans les CIEs, et que partout en Europe des gens ont défié les frontières et les flics qui les défendent.

La soi-disant « urgence migratoire », tant évoquée dans les médias, est au contraire une lutte quotidienne de nombreuses personnes, et c’est ainsi qu’il faut la voir. L’Europe est en train de mener une « guerre de frontière » dont la force et les dispositifs mis en place sont sans précédent si l’on considère les cinquante dernières années. Nous devons nous tenir prêt-es, parce que ce qui est en jeu, c’est la vie et la liberté de toutes et tous.

Retournons sous les murs des CIE, avec intelligence et rage, joie et détermination, et toujours plus nombreux/euses.

Jusqu’à ce que les frontières et les prisons soient détruites.

Ennemi-es des frontières (Source : hurriya)

Vintimille (Italie). Migrant-es et solidaires du Presidio permanente No Border de Vintimille appelaient à un week end de solidarité contre les frontières, les 6 et 7 septembre. Le 7, à Vintimille, 200 personnes se sont retrouvées au campement no border et sont allées à quelques mètres de là, bloquer le poste frontière. Dans la région, de nombreuses mesures répressives touchent les personnes solidaires et les migrant-es (arrestations, renvois en Italie, interdictions de territoire, procès, etc.).

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Milan (Italie). Plusieurs centaines de migrant-es, vivant dans un camp de tentes de la Croix-rouge à Milan ont manifesté leur colère le 24 août : « Libérez-nous, nous sommes épuisés et nous voulons des documents ». (source : presse)

Bari (Italie). Samedi 29 août une soixantaine de personnes se sont rassemblés devant le centre de rétention (CIE) Bari Palese pour exprimer leur solidarité aux détenu-es. Dans le centre, les flics ont bouclé les portes des bâtiments et empêché l’accès à la cour, mais des cris ont quand même pu être échangés entre l’intérieur et l’extérieur. (Source : hurriya)

Berlin (Allemagne). Le 10 septembre, des militant-es antifascistes et des migrant-es ont occupé un bâtiment vide dans l’idée d’y créer un refuge d’urgence autonome et autogéré par les migrant-es, où pourrait se développer un processus d’auto-organisation et d’échange entre migrant-es et personnes solidaires. Mais, malheureusement le bâtiment a été expulsé quelques heures plus tard.

Bedford (Angleterre). Le 7 septembre, les femmes détenues au centre de rétention de Yarl’s Wood sont entrée en protestation et ont occupé la cour : « Nous sommes dans la cour, nous protestons. Nous sommes ici depuis plus d’une heure depuis 09h00. Il y a trente d’entre nous. Nous exigeons notre liberté. Nous chantons pour notre liberté. Nous crions. Nous chantons « Liberté, liberté, liberté, nous voulons notre propre liberté »… Nous sommes presque cinquante. Nous chantons et dansons. Nous nous tenons chaud car il fait un peu froid … Nous prévoyons de rester ici jusqu’à 21 heures. Nous ne mangeons pas. Nous ne faisons rien. Nous ne voulons pas de leur nourriture. Nous ne voulons pas de leurs activités. Nous voulons simplement notre liberté. » (Source : detained voices)

Au début du mois de juin, plusieurs dizaines de personnes avaient manifesté leur solidarité avec les détenues devant les murs de ce centre de rétention, géré par l’entreprise Serco. (Source : rabble)

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Gevgelija (Macédoine). Le 22 août, des centaines de migrant-es, bloqués à la frontière greco-macédonienne depuis des jours ont débordé les flics et militaires et franchi les barbelés du poste-frontière. Deux jours avant, le gouvernement avait décrété l’état d’urgence et envoyé l’armée sur place, provocant de violents affrontements.

Vienne (Autriche). En Autriche et plus particulièrement à Vienne, face au blocage des trains entre Budapest et l’Autriche depuis début septembre des centaines de personnes s’organisent pour aller chercher avec leurs véhicules les migrants et migrantes en Hongrie et les conduire directement sur le sol autrichien. Les personnes s’engageant dans cette action de solidarité ont été menacées d’inculpation pour aide à l’immigration illégale et quatre militants autrichiens ont d’ailleurs été interpellés pour cela à Budapest. Mais depuis maintenant deux semaines des convois de voitures solidaires qui font passer la frontière aux gens et les aident à rejoindre Vienne sans rien leur demander en échange continuent de s’organiser.

Rabat (Maroc). Fin août un week-end de rencontre est organisé à Rabat autour des expériences de luttes locales et transnationales contre les frontières. Pendant l’été, plusieurs campements de migrant-es ont été expulsés au Maroc, dans la forêt de Gourougou, à Boukhalef et à la fac de Oujda où des bâtiments inoccupés étaient occupés depuis plusieurs années. En bon gendarme de l’Europe, le gouvernement marocain continue à jouer les gardes frontières en échange d’importants financements. (Source : no borders morocco)

Un été contre les frontières

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Mise en page : brochure page par page ou format cahier

Depuis le début de l’été, des milliers de personnes tentent de rejoindre l’Europe. Parmi celles qui ont réussi, beaucoup sont bloquées et traquées aux quatre coins du continent : en Grèce, en Macédoine, à Calais, à Vintimille…

AUX FRONTIÈRES ASSASSINES DE L’EUROPE…

Dans les médias, les gouvernants européens parlent de « situation explosive » et de « drame humanitaire » en évoquant les nombreuses personnes qui meurent en tentant la traversée de la Méditerranée.

Agiter l’épouvantail de l’invasion et des réseaux criminels de passeurs permet aux États de justifier leurs politiques migratoires meurtrières tout en se parant d’un vernis humanitaire. L’escalade militaire qui se met en place aux frontières de l’Europe se fait au prétexte de neutraliser les passeurs qui seraient responsables des milliers de mort-es en Méditerranée et ailleurs. Mais ces milliers de noyé-es, électrocuté-es, écrasé-es, ont été tué-es par les États européens qui en renforçant toujours plus la surveillance et le blocage des frontières extérieures de l’Europe rendent les routes pour y accéder de plus en plus dangereuses. Depuis 15 ans, plus de 40 000 personnes sont mort-es aux frontières européennes, dont plus de 2300 depuis janvier 2015. Et chaque jour de nouvelles personnes meurent sur le chemin de l’Europe.

Partout, de nouveaux murs s’érigent, les flics et les militaires se déploient pour empêcher les personnes migrant-es d’entrer en Europe :

À l’Est, tandis que la Macédoine décrète l’état d’urgence et envoie l’armée contre les migrant-es, la Hongrie poursuit la construction de son mur de grillages et de barbelés le long des 175 km de frontière commune avec la Serbie. En Bulgarie, l’État envoie les blindés contre les migrant-es.

Des camps d’enfermement s’érigent ici et là. Appelés « centres de tri », « centres d’identification », ces lieux d’enfermement, qui voient le jour dans les pays de l’Union Européenne où arrivent les migrant-es (Italie, Grèce, Bulgarie), vont servir à séparer celles et ceux qui auront le droit de déposer une demande d’asile en Europe et les autres, les migrant-es dits « économiques » pour lesquels des procédures d’expulsion rapides et groupées seront organisées. Tandis que certains ont déjà ouvert en Bulgarie, en Italie ces centres seront opérationnels dès cet automne, dans des bâtiments militaires désaffectés, retapés dans l’urgence pour être opérationnels au plus vite.

En Méditerranée, l’Union européenne lance une opération militaire navale, appelée « Navfor Med ». Aux flics et outils de surveillance électroniques de l’agence de surveillance des frontières Frontex déjà présents en mer, viennent s’ajouter navires et sous marins de guerre, hélicoptères et drones des armées européennes. Conçue sur le modèle de l’opération Atalante qui au nom de la lutte contre les pirates somaliens dans l’océan indien bombarde des embarcations et villages de pêcheurs, « Navfor Med » va voir ses moyens offensifs progressivement augmentés avec comme objectif final la destruction des bateaux de passeurs avant qu’ils ne quittent les côtes libyennes. Décidée au lendemain d’un naufrage qui a fait 800 mort-es au large de la Libye en avril dernier, cette opération présentée comme une guerre contre les passeurs s’inscrit en réalité dans la continuité de celles déjà menées, qui visent à barrer la route aux migrant-es, coûte que coûte, quitte à couler leurs embarcations comme l’ont fait mi-août des gardes-côte grecs au large de la Turquie, quitte à tuer d’avantage de personnes.

À Calais, où quelques milliers de personnes tentent de gagner l’Angleterre par les ferrys et le tunnel sous la Manche, l’État et la mairie s’accordent depuis des années pour réprimer les migrant-es. Mais cette répression s’est encore accentuée ces derniers mois avec les expulsions des différents lieux de vies des migrant-es (squats et jungles) et l’augmentation de la pression policière.

Dans le même temps de nombreux renforts policiers sont arrivés dans la région, et tandis que ceux-ci matraquent, gazent et raflent, la Grande-Bretagne finance des barrières infrarouges et des barbelés qui viennent engrillager le port et l’accès au tunnel sous la Manche.

On assiste à la même situation qu’à Ceuta et Melilla où l’Europe dresse des murs de barbelés et de gadgets électroniques mortifères. On assiste à la même situation qu’en Méditerranée. De plus en plus de migrant-es trouvent la mort en tentant de passer en Angleterre : depuis début juin, 11 migrant-es sont décédé-es, noyé-es, électrocuté-es ou écrasé-es par des camions dans la région de Calais. À Paris, le 29 juillet dernier, un migrant a également été électrocuté alors qu’il tentait de monter sur le toit de l’Eurostar à la Gare du Nord.

Le triptyque « invasion de migrant-es/passeurs/terroristes » sert depuis des années à justifier les politiques migratoires de l’Union européenne, agitant l’épouvantail de l’un pour réprimer l’autre. À les écouter, les réseaux de passeurs semblent être la principale préoccupation des dirigeants, mais à qui profite le renforcement du contrôle des frontières si ce n’est à ces derniers ? Car plus les routes sont longues et dangereuses, plus les prix augmentent et plus les réseaux se renforcent, c’est la loi de l’économie capitaliste. D’ailleurs, dans de nombreux pays, États et réseaux mafieux travaillent main dans la main.

De plus, si des réseaux mafieux existent bel et bien, de nombreuses personnes condamnées pour être des passeurs sont des migrant-es ou des personnes qui ont voulu donner un coup de main, par solidarité, et sans en avoir tiré de bénéfices : celui qui conduit la barque car il y a une expérience de la navigation en mer, celle qui ouvre sa portière à la frontière franco-italienne pour prendre un passager, celui qui à Calais referme les portes du camion derrière ses camarades de route.

L’Europe est en guerre contre les migrant-es : elle est prête à tout pour empêcher celles et ceux qu’elle considère comme des indésirables de rejoindre ses côtes, de traverser son territoire et de s’y installer. Les récentes réformes qui, dans plusieurs pays européens, restreignent le droit d’asile et l’accès à un titre de séjour en témoignent.

À travers les discours guerriers et alarmistes qu’ils emploient, les gouvernants construisent depuis longtemps la figure d’un ennemi extérieur, le migrant, qui représenterai une menace pour l’Europe, et leur permet de justifier le renforcement du pouvoir et du contrôle, partout, pour tou-tes. N’oublions pas que cette gestion des frontières représente également un business juteux et un terrain d’expérimentation pour les marchands d’armes et les fabricants de gadgets électroniques de surveillance.

Mais la détermination de celles et ceux qui veulent fuir la guerre, la répression, la misère, ou tout simplement voyager, sera toujours plus forte que les barbelés et la peur de mourir.

RÉSISTANCE ET SOLIDARITÉ

Des milliers de migrant-es présent-es sur le sol européen luttent chaque jour pour continuer leur voyage et atteindre leur destination en traversant le continent. Partout ils et elles sont confronté-es à la pression policière : aux postes frontières, dans les villes, dans les gares et les ports…

Les frontières sont omniprésentes et elles permettent au pouvoir de séparer, de trier et d’empêcher les migrant-es de circuler librement. Dans la rue, dans les transports, dans les administrations, si l’on n’a pas le bon papier, chaque contrôle d’identité peut aboutir au blocage, à l’enfermement et à l’expulsion.

Qu’elles soient matérielles, avec leurs murs, leurs barbelés et leurs uniformes, ou immatérielles, aux guichets de la préfecture, dans les couloirs du métro, dans les centres d’hébergement, etc., les frontières sont à abattre car elles sont une entrave à la liberté.

Aux quatre coins de l’Europe, migrant-es et personnes solidaires s’organisent pour lutter contre ces barrières : pour passer les frontières entre les pays européens, résister au harcèlement policier, refuser les prises d’empreintes forcées, s’opposer aux attaques de groupes fascistes et casser la logique d’invisibilisation et d’isolement où le pouvoir voudrait enfermer les migrant-es. Partout une forte solidarité s’est mise en place pour contrer la guerre aux migrant-es lancée sur tout le continent avec des revendications simples et claires : des papiers et des logements, la liberté de circulation, l’ouverture des frontières, l’arrêt de la répression des migrant-es et des expulsions, contre l’occupation policière.

À Vintimille, ville frontalière entre l’Italie et la France, si les touristes peuvent traverser tranquillement la frontière, il n’en va pas de même pour tou-te-s. Depuis le mois de juin, un déploiement des forces de police française et italienne tente de bloquer le passage des personnes migrantes qui souhaitent poursuivre leur voyage en pratiquant des contrôles au faciès.

Les barrages routiers et les contrôles à bord des trains, avec souvent la complicité des contrôleurs de la SNCF malgré quelques résistances, sont quotidiens et s’étendent jusqu’à Nice et Marseille. Chaque jour, des dizaines de migrant-es qui réussissent à passer la frontière sont arrêté-es et ramené-es côté italien par la police française. Mais heureusement, beaucoup d’autres parviennent à passer et peuvent ainsi continuer leur voyage.

Côté italien, les mesures prises contre les migrant-es et la liberté de circulation sont multiples : du déploiement policier à l’interdiction de distribuer de la nourriture, tout est fait pour décourager celles et ceux qui veulent passer de l’autre côté des Alpes. Et pour gérer et trier cette population, l’État peut compter sur son plus fidèle collaborateur, la Croix-rouge. À Vintimille, c’est elle qui gère le centre d’accueil des migrant-es situé à côté de la gare, vernis humanitaire à la politique répressive de l’État.

Mais une partie des migrant-es a décidé de ne pas se laisser faire et de refuser de se laisser enfermer dans le centre de la Croix-rouge. Le 11 juin, ils et elles sont plusieurs dizaines, avec quelques personnes solidaires, à installer un campement sur les rochers du bord de mer, au pied du poste frontière principal. Ils et elles entendent par là protester contre le blocage de la frontière et construire un espace d’entraide, de solidarité et de lutte. Malgré les pressions policières, qui menacent d’expulsion et cherchent à empêcher d’autres migrant-es de le rejoindre, le campement, appelé « Presidio Permanente No Borders Ventimiglia » résiste et s’organise. « Dans ce campement, les européens et les migrants ont construit un espace de solidarité, de complicité et de lutte. Ensemble nous cuisinons et nous mangeons, nous rendons concrète la solidarité dont beaucoup parlent, les informations et les conseils se diffusent, nous surveillons l’action des forces de police italiennes et françaises, nous affirmons clairement et ouvertement notre désaccord face à la fermeture des frontières. »

Des actions blocage et des manifestations sont organisées dans la ville ou au poste frontière aux cris de « We are not going back » (Nous ne retournerons pas en arrière), ainsi que des tentatives de passage collectif de la frontière.

Le 10 août dans la nuit, une centaine de migrant-es ont tenté de traverser la frontière en montant dans un train. En gare de Menton, ils/elles ont refusé de descendre du train face à la police. Ils et elles ont alors été traîné-es de force dans les camionnettes qui les ont reconduit-es au poste frontalier français de Ponte San Luigi, où ils et elles ont été enfermé-es dans des containers en attendant que la demande de reconduction sur le territoire italien soit acceptée par les autorités. Plusieurs personnes solidaires ont alors bloqué la route pour empêcher ces expulsions et une vingtaine d’entre eux/elles ont été arrêté-es. Trois français-es passeront plusieurs heures en garde à vue et six italien-nes sont désormais interdit-es de séjour à Vintimille.

Chaque fois que des migrant-es sont arrêté-es par les flics côté français ils/elles sont enfermé-es dans des containers au commissariat de la police aux frontières de Menton en attendant leur expulsion en Italie. Mais la solidarité est toujours là : des personnes solidaires se rassemblent devant le commissariat pour empêcher ces expulsions. Plusieurs d’entre-elles ont également été arrêtées et sont désormais interdites de séjour dans la région.

Une fois cette frontière passée, la traque policière et les galères sont encore là, mais les solidarités et les luttes aussi !

À Paris le 2 juin 2015 c’est un campement de plusieurs centaines de personnes, installées depuis des mois sous le pont du métro aérien de La Chapelle, qui a été expulsé. Alors que la mairie présentait cette opération de police comme humanitaire et proposait des place d’hébergement d’urgence, plusieurs dizaines de migrant-es se sont retrouvé-es à la rue dès le lendemain. Ils et elles se sont alors réunis avec plusieurs personnes solidaires et ont décidé d’occuper pour la nuit une salle associative. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, plusieurs places et lieux ont été occupés, à chaque fois expulsés par la police, sous ordre de la préfecture et de la mairie (Église Saint-Bernard, Square Saint-Bernard – Saïd Bouziri, Gymnase Pajol). Ces derniers ne souhaitent pas voir les migrant-es se regrouper et s’organiser collectivement.

Le 8 juin, des dizaines de flics expulsent le campement de la halle Pajol et arrêtent les migrant-es malgré une forte résistance qui a permis de ralentir leur sale boulot et à plusieurs migrant-es de s’échapper.

Après la matraque policière, la mairie et l’État changent de stratégie : dès qu’un nouveau campement s’organise et que les migrant-es se mobilisent, la mairie, l’OFPRA (office chargé de la gestion des demandeurs d’asile), de travailleurs sociaux d’Emmaüs et d’élu-es viennent leur « vendre » des places en centre d’hébergement d’urgence. C’est la façade humanitaire de cette guerre aux migrant-es menée par les États et une autre forme de violence plus insidieuse que la matraque policière et les barbelés : à Paris comme ailleurs, le pouvoir cherche à se débarrasser de ces migrant-es, à les rendre invisible et à les disperser aux quatre coins de la région parisienne pour éviter qu’ils et elles ne se regroupent et s’organisent collectivement pour obtenir ce qu’ils et elles veulent : des papiers, des logements et la liberté de circuler et de s’installer.

Dans les centres où plusieurs centaines de migrant-es sont hébergé-es pour quelques semaines au fur et à mesure des expulsions, les conditions de vie imposées (horaires stricts, repas imposés, interdiction de visites, pas de titres de transports…) sont mauvaises, les démarches administratives n’avancent pas. Face à cette situation, plusieurs actions d’occupation et de grève de la faim ont été menées par ceux et celles qui y sont logé-es.

Mais, ces centres d’hébergement restent des lieux de contrôle et de tri des demandeurs d’asile pour l’État et les associations qui les gèrent (Emmaüs, Aurore…).

Le 25 juillet, répondant à l’appel de Vintimille à un week-end de résistance contre les frontières, une manifestation a réuni plus de 150 personnes. Sur le chemin du retour au campement Pajol, les manifestant-es ont fait escale à Gare du Nord et devant l’entrée de l’Eurostar, une banderole a été déployée aux cris de « No border, no nation, stop deportation ». Dans la gare, des applaudissements retentissent.

Le 31 juillet, suite à la dixième expulsion à laquelle ont dû faire face les migrant-es et les personnes solidaires, un ancien lycée désaffecté est occupé dans le 19ème arrondissement et transformé en Maison des réfugié-es.

Dans tous ces lieux occupés, et malgré les difficultés posées par cette traque policière et humanitaire, d’autres pratiques tentent d’être mises en place : l’entraide plutôt que la charité, l’auto-organisation plutôt que la gestion humanitaire, la lutte plutôt que la résignation. Une cantine collective pour les repas, des assemblées générales pour prendre les décisions, des manifestations pour rompre avec l’invisibilité dans laquelle le pouvoir voudrait plonger celles et ceux qu’il considère comme indésirables.

D’autres campements ont également été expulsés, dont celui du square Jessaint à La Chapelle. Plusieurs dizaines de migrant-es occupent depuis le parvis de la mairie du 18ème arrondissement.

À Calais, le 2 juin, les derniers lieux de vie des migrant-es du centre ville ont été expulsés : le squat Fort Galloo ouvert en juillet 2014 suite à une manifestation, et le campement (appelé jungle par les migrant-es) du Leader Price. Celles et ceux qui vivaient là se sont donc retrouvé-es obligé-es de rejoindre le bidonville d’État, situé en périphérie de la ville, à côté du Centre d’accueil Jules Ferry, loin des points d’accès à la frontière vers l’Angleterre. Dans cette jungle, seul endroit où les migrant-es sont autorisé-es à dormir, 3000 personnes survivent dans des conditions très difficiles. À Calais, point de passage pour de nombreuses personnes migrantes, celles-ci doivent faire face aux rafles et à la violence policière, mais aussi aux attaques fascistes de plus en plus violentes et habituelles

Mais, comme à Vintimille, à Paris et ailleurs en Europe, migrant-es et personnes solidaires résistent, tissent des liens de solidarité au quotidien, prennent la rue, et les migrant-es s’auto-organisent pour passer en Angleterre, malgré une frontière et une répression de plus en plus meurtrières (11 mort-es entre juin et août 2015).

Durant tout l’été, des tentatives auto-organisées de monter collectivement dans les camions et les navettes de l’euro-tunnel sont violemment réprimées par les flics. Des groupes de centaines de migrant-es passent les barbelés, stoppent les camions et essayent de s’introduire dedans. Les coups de matraque et gaz lacrymogènes pleuvent, et de nombreux/euses migrant-es sont blessé-es ou arrêté-es. Ces tentatives de passage, dont certaines réussissent, vont être utilisées par les autorités pour demander des renforts policiers. Dans les médias, des deux côtés de la Manche, le nombre de personnes qui tentent d’entrer dans le tunnel va être volontairement exagéré.

Une réunion au sommet, entre ministres britanniques et français, se conclue sur de nouveaux accords de coopération pour réprimer les migrant-es : plus de contrôles, plus de barrières, plus de flics, à grands coups de financements anglais.

Dans la jungle, des migrant-es et des personnes solidaires ont organisé des manifestations vers le centre ville et des blocages de l’autoroute d’accès à l’euro-tunnel, permettant à certain-es de monter à l’arrière des camions. Ces actions se multiplient ces dernières semaines, donnant aux migrant-es une force collective. Le lieu de distribution de nourriture du centre Jules Ferry a également été bloqué pour dénoncer contre les conditions de vies imposées dans le bidonville.

CONTRE LES FRONTIÈRES, SOLIDARITÉ ACTIVE AVEC LES MIGRANT-ES !

La distinction opérée par le pouvoir, quelques intellectuels et les médias entre d’un côté les réfugié-es politiques et de l’autre les migrant-es économiques est une énième opération de tri entre « bon réfugié-es que l’on pourrait accueillir » et « mauvais migrant-es économiques qu’il faut expulser ».

Pour nous, il n’existe pas de bonne politique migratoire, car le problème c’est l’existence même des frontières, outil mortifère de contrôle et de gestion des populations pour les États.

Il n’y a pas plus de communauté nationale qu’un ennemi extérieur à combattre. Nos ennemis sont ceux qui pillent en Afrique et en Asie, ceux qui mènent des guerres coloniales et vendent des armes aux plus offrant, ceux qui militarisent le territoire, ceux qui prêchent le racisme et la haine de l’autre, ceux qui décident qu’un bout de papier détermine qui nous sommes et où nous pouvons -ou pas- aller. Nos ennemis sont ceux qui nous exploitent et nous oppressent, ceux qui entravent notre liberté.

Ces derniers mois, les résistances aux frontières ont été nombreuses et fortes. Nous pouvons nous emparer de cette énergie et lui faire prendre de l’ampleur pour la transformer en un mouvement de solidarité et de rébellion contre le système des frontières.

Se solidariser et s’organiser avec les migrant-es, là où ils/elles résistent contre la guerre que leur mènent les États, c’est contribuer à affaiblir les frontières qui se dressent partout sur le chemin de celles/ceux qui n’ont pas les bons papiers pour circuler et s’installer là où ils/elles le veulent.

Cette solidarité est le contraire de la charité. La charité est un rapport de domination, où celui qui donne a le pouvoir et celui qui reçoit est relégué à un rôle de victime qui ne peut que recevoir.

À l’inverse, nous devons nous attacher à construire des rapports de partage et d’égalité, des luttes auto-organisées par celles et ceux qui les font vivre, sans hiérarchie ni paternalisme.

Nous pouvons agir partout autour de nous, partout où se dressent des frontières, et de multiples manières : en portant dans la rue d’autres discours que ceux du pouvoir et des humanitaires avec des tracts, des affiches, des rassemblements et manifestations, etc. ; en contribuant concrètement aux passages des frontières ; en s’échangeant des conseils et des informations pratiques pour récupérer de la nourriture comme pour partir dans une autre ville ; en partageant des connaissances juridiques, des conseils et techniques sur les contrôles et les arrestations  ; en s’organisant dans son quartier pour agir contre les rafles ; etc.

Des papiers d’identité aux centres de rétention, des rafles aux guichets des préfectures, à bas toutes les frontières !

La vie de personne ne doit dépendre de bouts de papiers !

Quelques liens : tous les articles sur la lutte des migrant-es de La Chapelle sur ce blog // Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity // Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce)

barrière melilla 2

Liberté pour Abdul Rahman Haroun, le marcheur sous la manche !

Au début du mois d’août, un homme d’origine soudanaise, Abdul Rahman Haroun, a été arrêté alors qu’il sortait tout juste du tunnel sous la Manche situé côté anglais à Folkstone. Il venait de parcourir les 50 km à pied sous le tunnel, depuis Calais, sans se blesser ni se faire repérer. Les gouvernements français et anglais prétendent contrôler le flux de migrants arrivant aux frontières, dépensant des millions d’euros en barbelés et caméras de surveillance. Ils aiment à croire qu’ils sont entrain de faire de l’Angleterre une forteresse bien gardée, mais Abdul Rahman Haroun leur a prouvé le contraire et Ils comptent bien le lui faire payer.

Parti du Soudan pour chercher refuge en Angleterre, il encourt aujourd’hui jusqu’à deux ans de prison. Il est inculpé, sous un mandat législatif périmé « The Malicious Damages Act of 1861 », d’obstruction à locomotive ou wagon de chemin de fer. Convoqué le 24 août dernier, il a plaidé non coupable, mais a été placé en détention par le juge. Être incarcéré pour ce type de délit est complètement disproportionné et révèle clairement le caractère politique de cette arrestation. Une prochaine audience est prévue en novembre prochain, avant le procès qui lui aura lieu en janvier 2016. Abdul Rahman Haroun est actuellement détenu à Elmley dans le Kent.

Étant poursuivi sous une telle législature (« The Malicious Damage Act » qui a été créée dans le but de poursuivre les dissidents de l’église anglicane au XVIIIème siècle, et a été récemment utilisée pour enfermer des personnes accusées d’action directe), nous affirmons haut et fort que cette affaire est clairement politique et constitue une attaque à la liberté de circulation. Abdul Rahman Haroun sert de bouc émissaire pour intimider ceux et celles qui voudraient suivre son exemple.

Ses actions ont fait de lui une cible, mais il dispose d’une bonne défense. D’après l’article 31 de la convention des réfugiés, ainsi que dans la loi anglaise, il est possible d’entrer « illégalement » sur le territoire anglais si c’est dans le but de demander l’asile. Cependant, comme nous en avons toutes et tous été témoins ces dernières années, le gouvernement se fiche bien des « Droits de l’Homme », et Abdul a besoin de notre soutien et de notre solidarité pour combattre leur justice perverse.

Dans l’état actuel des choses, son renvoi d’audience montre que même s’il est jugé non coupable lors du procès, il aura déjà passé 5 mois en prison. Mais ça ne s’arrête malheureusement pas là. S’il est jugé coupable cela pourrait avoir des conséquences dramatiques quant à sa demande de régularisation en Angleterre. Une double peine récurrente au Royaume-Uni, laissant les personnes ayant purgé leur peine sans aucun droit sur le territoire, ou même directement expulsées (si leur pays d’origine est considéré par l’État comme non dangereux).

L’incarcération d’Abdul et ses poursuites judiciaires montre clairement la volonté de l’État à faire de lui un exemple pour quiconque souhaiterait tenter le même voyage. Une tentative d’intimidation, faire peur, faire douter les gens à Calais sur ce qui les attend de l’autre côté. Montrons-leur que nous n’avons pas peur d’eux avec leurs tribunaux et leurs prisons!

Nous condamnons fermement l’incarcération et la poursuite d’Abdul.

Liberté pour Abdul. Liberté pour toutes celles et ceux détenus par le régime des frontières. On ne peut être libre quand les autres sont enfermés.

Traduction depuis Calais Migrant Solidarity

 

English version

Freedom for channel walker Abdul Rahman Haroun !


At the start of August, Abdul Rahman Haroun, a Sudanese man, was arrested just short of the exit to the Channel Tunnel in Folkstone, UK, having walked 50km through the tunnel from Calais. He successfully crossed the Channel Tunnel on foot, making it to the UK unharmed and undetected. The British and French governments pretend that they can control the flows of people across the border, spending millions of pounds on fences and cameras. They like to believe they can turn the UK into a fortress but Abdul Rahman Haroun has proved them wrong and because of that they intend to make an example out of him.

Having traveled from Sudan all the way to Britain to seek sanctuary, he now faces up to two years in prison. He has been charged under an outdated piece of legislation, the Malicious Damages Act of 1861, ‘for obstructing a railway carriage or engine’. He had a court date on the 24th of August where he plead not guilty but was remanded in custody by the judge. Being placed on remand for such an offence relates to the political nature of his arrest and is totally uncalled for. He has a further hearing in November and following that a trial in January 2016. He is currently being held in HMP Elmley in Kent.

As he is being prosecuted under such an arcane piece of legislature (the Malicious Damages Act has its history in the criminilsation of dissent by the Luddites in the 18th Century and has recently been used to detain protesters involved in direct action), his prosecution is clearly a politically motivated attack on the freedom of movement designed to intimidate those who would follow his example.

His actions have made him a target but he has a good defense. Under Section 31 of the Refugee Convention and within British law, it is accepted that people may enter the UK ‘illegally’ if doing so to claim asylum. However, as we have witnessed in the past few years, the Tories don’t care much for ‘human rights’ and Abdul needs our solidarity and support to fight their malicious form of justice.

As it stands, his remand means that even if he is found not guilty at trial, he will have already spent 5 months in jail. However, it would not stop there, if found guilty it could have serious consequences for his ability to regularise his status in the UK. A dual punishment that often occurs in the UK, where people who have served out the sentence for their ‘crimes’ (which can be offenses related to immigration) are then punished a second time, by being denied Indefinite Leave to Remain or by being immediately deported (if their country of origin is a country the UK considers ‘safe’).

Abdul’s incarceration and prosecution is an attempt to set a clear example to anyone considering the same journey as him. An attempt to put fear and doubt into the heads of people in Calais about what awaits them on the other side of the channel. We must show them that they cannot scare us into submission with their prisons and their courts!

We absolutely condemn the continued incarceration and prosecution of Abdul. Freedom for Abdul. Freedom for all those detained and incarcerated by the border regime. No one is free until we are all free!

 

[Grèce] Déclaration et informations sur la situation des réfugiés et des migrants sur l’île de Kos

Traduit depuis Clandestina 15 août 2015

Il y a longtemps, mais pas suffisamment pour prétendre être oublié, des milliers de personnes, aux visages et aux noms familiers, sont partis de chez eux à la recherche d’un avenir meilleur. Entassés dans des trains, accueillis par des escadrons de policiers hostiles, fichés par les autorités, ils dormaient dans des zones impropres même pour les animaux et travaillaient aux pires besognes. Considérés comme des sous-hommes, vermine et vauriens, ils ont pu être exploités comme travailleurs et dépossédés en tant qu’êtres humains.

À ce jour, ces histoires de réfugiés et migrants n’ont jamais cessé d’exister, puisque les États, les nations et les guerres n’ont pas encore disparu. Elles connaissent même un renouveau sauf que, cette fois, nous sommes de l’autre côté de la mer, attendant l’arrivée de milliers de migrants qui risquent leur vie pour traverser les frontières de l’Europe.

L’Europe est coupable de ce qui se passe dans les régions que ces gens quittent : ses armées disséminées dans le monde entier, de connivence avec les pouvoirs autoritaires de ces régions, usurpent les ressources et les sols depuis des siècles. L’Europe s’occupe maintenant de sa « sécurité » et c’est un prix à payer pour les choix qu’elle a fait.

Comment pourrait-il en être autrement lorsque sa politique, de la Manche aux archipels du Dodécanèse, vise à avilir l’existence humaine jusqu’à ce que les individus atteignent le fond, et à permettre l’exploitation d’une main-d’œuvre qui comble les manques de son économie agonisante.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le gouvernement grec « de gauche » se dégage de toute responsabilité, affichant de l’indifférence au sort des migrants tout en tentant, en vain, de montrer un visage charitable. L’inefficacité du gouvernement, et plus encore le comportement de sa police (la violence, la corruption, la dissimulation d’actes illégaux, etc.), prouve sans l’ombre d’un doute que tout ce qui a été dit précédemment est vrai. Sans oublier que l’armée grecque continue, même en période de difficultés économiques, de se maintenir dans douze pays du monde, en réponse aux besoins stratégiques d’un pays qui n’a jamais digéré ses modestes débuts militaires.

Les discours misanthropes et racistes des autorités locales ne sont pas non plus une surprise. Quand leurs masques tombent, la rhétorique des droits de l’homme disparaît. Les toilettes publiques sont fermées, l’eau est coupée et leurs faux-semblants du début sont remplacés par des discours d’extrême droite, typique des gouvernements européens (« reprendre la ville », « le sang va couler », « ils n’auront même pas l’eau »…). Et des néo-nazis, des voyous gonflés aux hormones et autres invertébrés sont payés par eux pour nettoyer de force les parcs et les rues, menaçant tous ceux qu’ils croisent [1]

Nous ne sommes pas non plus étonnés du fait que les nombreuses histoires d’extorsion faites aux immigrés ont été étouffées à la fois par le gouvernement et par les médias locaux. Les forces locales ont beau pleurer devant les caméras sur le sort qui a frappé ce lieu sacré, elles gagnent d’énormes profits sur le dos des gens désespérés, louant leurs chambres au prix d’un hôtel 5 étoiles (environ 35 euros par nuit pour une chambre avec 4 lits), faisant payer pour recharger les téléphones portables (3 euros par charge), vendant l’eau à 1,5 euro par bouteille, volant les moteurs des bateaux de passeurs. Certains proposent même de transporter les migrants à Kalymnos (île grecque au large du continent) pour la modique somme de 400 euros (en lien avec la police car ils ont les moyens de traiter les dossiers plus rapidement).

Peut être la seule chose un peu surprenante, mais surtout horrible à reconnaître, est l’émergence d’un discours xénophobe et raciste chez la majorité des habitants de l’île de Kos. Ils osent traiter les gens d’« illégaux » et d’« irréguliers » quand leurs grands-parents ont fui, avec très peu d’argent en poche, vers l’Australie, le Canada ou les États-Unis. Ils se plaignent que l’île est petite, affirmant qu’il y a une pénurie de zones d’accueil, quand les hôtels sont remplis de centaines de milliers de touristes [2] et qu’il y a de nombreux espaces délabrés et abandonnés dans le centre ville.

Il faut noter l’absence d’ONG et autres organisations « sensibles » à la question sur l’île, alors qu’ils sont censés être payés pour aider les réfugiés et les migrants. Aussi il est important de raconter les récents événements des 11 et 12 aout, impliquant les flics aidés des fascistes. Ils ont parqué des milliers de migrants dans le stade Antagoras dans des conditions terribles : sans eau, ni ombre, ni nourriture, ni toilettes ; et des escadrons de la mort locaux ont attaqués des migrants [3] .

Nous sommes témoins du vécu de milliers d’êtres humains qui ont eu le malheur d’être nés pas si loin mais du « mauvais coté » et de parler une autre langue. Nous ne les abandonnons pas aux griffes du cannibalisme contemporain. Aucune provocation ne sera laissée sans réponse, et aucune voix exprimant la solidarité et le soutien ne sera réduite au silence par la vulgate anti immigrés.

Les migrants sont des damnés de la terre.

Nous sommes tous des étrangers dans ce monde de patrons.

Initiative en solidarité avec les réfugiés et les migrants

 

P.-S. Ce texte a été distribué à plus de mille exemplaires dans la ville de Kos et diffusé par les médias locaux. La traduction de ce texte a été retravaillée à partir de la version anglaise, les notes ont été ajoutées au texte initial.

 

[1] Le matin du 11 août, alors que des centaines de migrants étaient rassemblés devant le commissariat pour demander le « papier blanc », un laissez-passer leur permettant de quitter l’île, des employés municipaux et des flics en civil ont profité de la désertion momentanées des migrants pour jeter leurs affaires dans des bennes, leurs tentes et leurs campements de fortune, lavant le sol à grands coups de jets d’eau. Ils ont nettoyés la ville pour les touristes, qui encore drogués de la veille tiennent à admirer les ruines antiques aux travers de leur perche à selfies..

[2] Mi-août, la ville de Kos qui déborde de touristes a des airs de fin du monde. Cette cité balnéaire aux mille néons est le reflet d’un monde décadent et pourri où se côtoient à la fois les jeunes européens de l’ouest complètement défoncés sortant de boites de nuit, les familles qui partent faire du « toboggan en piscine » au bord de la mer, les touristes en goguette qui font des virées sur des bateaux de pêches transformés en bateau « pirate ». Ils vont où ? Ils vont en Turquie, à quatre kilomètres de là et ils croisent certainement des bateaux pneumatiques remplis de migrants qui fuient la misère et la guerre, et qui risquent leur peau à venir ici. Entre les yachts de grands richards amarrés au port et les hôtels, des milliers de migrants qui n’attendent que de pouvoir partir, dorment dans des tentes ou sur des cartons. Sur le chemin du marchand de glace, on trouve des dizaines de gilets de sauvetage que les migrants ont laissés après la traversée. Et à la plage, sous les parasols, on trouve des touristes enduits de crème solaire, et sous le cagnard, des hommes, des femmes et des enfants qui tentent de survivre.

[3] Le but de ce transfert était l’enregistrement de tous les migrants par les autorités. La police n’a pas hésité à frapper les gens détenus avec des matraques et vider des extincteurs sur les migrants. Le maire de Kos a même déclaré que « le sang risquait de couler ».

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Dans le stade à Kos où sont parqués sans eau, ni ombre, des milliers de migrants le 11 et 12 aout, la police frappe et vide des extincteurs.

[Calais] La solidarité signifie lutter contre les frontière

Au cours des dernières semaines, des milliers de personnes ont relevé la tête face à la misère causée par les frontières. Emparons-nous de cette énergie et faisons lui prendre de l’ampleur pour se transformer en un mouvement de solidarité et de rébellion contre le système des frontières. Abattons les murs.

Nous croyons en la solidarité, pas en la charité. La charité est une relation inégale. Une personne est le donateur actif, l’autre est un bénéficiaire passif. La charité, à Calais, maintient vivante la division entre Européens, puissant, actif, principalement blanc et avec des passeports, et des Africains et des Asiatiques, sans défense, victimes passives, sans papiers. Il contribue également à consolider les profondes inégalités de ce monde d’États, de frontières, de colonialisme et d’exploitation capitaliste.

La solidarité tend à être une relation d’égalité. Nous nous battons les uns aux côtés des autres. Comme le dit la célèbre phrase « votre libération est liée à la mienne ». Bien sûr les frontières affectent certaines personnes plus que d’autres. Mais elles sont un affront à chacun et chacune d’entre nous, et font partie d’un système malade qui nous attaque tous et toutes.

Un million de couvertures ne résoudrons pas les problèmes de Calais. La violence et la pauvreté existant ici sont le résultat direct de l’existence des frontières. Tant que la France et l’Angleterre continueront à utiliser les fils barbelés, la police, les matraques, les gaz lacrymogènes, les médias de la haine et autres armes, pour arrêter les gens qui essaient de traverser la frontière, il y aura de la souffrance. La seule manière de résoudre ce problème est de se rebeller contre la frontière.

Les actions contre la frontière peuvent prendre de nombreuses formes. Toute personne qui traverse la frontière l’affaiblit. Chaque trou dans les barrières la fragilise. Se défendre l’un l’autre face à la violence de la police contribue à la déstabiliser. Partager des informations et des idées contribue à l’endommager. Contester la propagande raciste des médias et diffuser notre vision de la solidarité et de la rébellion contribue à l’ébranler.

La frontière n’est pas seulement ici, à Calais. Les frontières traversent toute l’Europe et pas seulement dans aux points de passage et d’entrée, mais partout il y a des rafles contre les immigrés, des checkpoints, des centres de détention, des centres d’inscription, des contrôles d’identité sur les chantiers ou dans les maisons, des attaques racistes, etc. Beaucoup de gens nous demandent : que pouvons-nous faire ? Notre réponse est : lutter contre les frontières où que vous soyez. Recherchez où sont les lieux de contrôle de papiers près de chez vous. Passez à l’action. Contribuez à créer une culture de la solidarité, un monde où les frontières ne sont pas acceptables. Un monde où personne n’est attaqué-e ou bloqué-e à cause de sa couleur de peau, du pays où il/elle est né-e, ou du morceau de papier qui est dans sa poche.

Nous encourageons tout individu ou groupe d’agir contre les frontières. Nous sommes également intéressés à prendre part à une coordination avec des personnes en France, en Grande-Bretagne et dans le reste de l’Europe, pour mener des actions et des manifestations contre les frontières. Contactez-nous avec des propositions. Et restez à l’écoute des annonces dans les jours à venir.

Calais Migrant Solidarity – 22 août
2015 

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Solidarity means fighting the border

In the last few weeks, thousands more people are waking up to the misery caused by the borders. Let’s take this energy and grow it into a movement of solidarity and rebellion against the border system. Let’s tear down the walls.

We believe in solidarity not charity. Charity is an unequal relationship. One person is the active giver, the other is a passive beneficiary. Charity in Calais keeps alive the division between powerful, active, mainly white Europeans with passports, and powerless, passive, African and Asian victims without papers. However well meaning, it helps cement the deep inequalities of this world of states, borders, colonialism and capitalist exploitation.

Solidarity strives to be an equal relationship. We fight alongside each other. As the famous quote says, because “your liberation is bound up with mine”. The borders certainly hit some people much harder than others. But they are an affront to all of us, and one part of a sick system that attacks us all.

The problems in Calais will not be covered by a million blankets. The violence and misery here are a direct result of the border. As long as the French and British states keep on using razorwire fences, cops, batons, tear gas, media hatred, and other weapons to try and stop people crossing, there will be suffering. The only way to address this problem is to rise up against the border.

Action against the border can take many forms. Every person who crosses undermines the border. Every hole in the fences undermines the border. Defending each other against police violence helps undermine the border. Sharing information and ideas helps undermine the border. Challenging racist media propaganda, and spreading our own visions of solidarity and rebellion, helps undermine the border.

The border is not just here in Calais. The borders run across Europe, and not just at the crossing points but wherever there are immigration raids, street stops, detention centres, reporting centres, workplace or landlord ID checks, racist attacks, etc. Many people are asking us: what can we do? Our answer is: fight the border wherever you are. Find out where are the border controls and flashpoints near you. Take action. Help create a culture of solidarity, a world where borders are unacceptable. A world where no one is attacked or blocked because of the colour of their skin, the country they happen to have been born in, or what bits of paper they have in their pocket.

We encourage all individuals and groups to take actions against the border in your own ways. We are also interested in being part of coordinating mass actions and demos against the border with people in the UK and France and across Europe. Do contact us with suggestions. And stay tuned for announcements in the next few days.

[Calais] Autoroute bloqué ! – La réponse de la Jungle à la visite de Theresa May à Calais

Aujourd’hui (le 20 août 2015), Theresa May (ministre de l’intérieur du Royaume-Uni) et Bernard Cazeneuve venus en ville. Ils ont dit des mensonges, renversé de l’encre, et fait une promenade. Bien sûr, ils se sont assurés de ne rencontrer personne près de la jungle ou de ne parler à aucune de ces personnes qui seraient directement affectée par leurs décisions malignes. Cependant, les gens ici n’allaient pas laisser passer cette visite sans s’affirmer.

Une manifestation était organisée dans le centre-ville. Calaisiens et des gens de la jungle se sont réunis et ont essayé de se rapprocher de la préfecture et d’exprimer leur dégoût des soi-disantes « solutions » à la « crise » de Calais présentées aujourd’hui . Bien que peu nombreux, ils ont été en mesure d’approcher assez près de la préfecture avant de rencontrer et d’être chargé par les CRS.

Pendant ce temps, des gens de la jungle continuent d’essayer de rejoindre manifestation. Un groupe qui marchait sur la route de la jungle avec une banderole a été arrêté par une camionnette de la gendarmerie mobile. Ils leur ont dit que leur manifestation était illégale et les ont empêchés de continuer. L’heure suivante les personnes de la jungle étaient empêchées d’aller au centre-ville qu’elles veulent rejoindre la manifestation ou pas. Beaucoup de personnes qui demandent l’asile avaient rendez-vous et ont été empêchés d’y aller.
Comme de plus en plus de gens étaient arrêtés et que le groupe grossissait, la décision a été prise à revenir à pied vers la Jungle, en prenant la route à contre-sens, provoquant l’arrêt de la circulation. A la jonction avec l’autoroute, les manifestants ont organisé un sit-in pendant environ une demi-heure. À ce moment, ils ont pris la décision ensemble de descendre sur l’autoroute. Au début, seules quelques personnes ont pris l’autoroute, mais en appelant ceux qui sont restés dans la jungle, leur nombre a commencé à grossir. Ils ont tenu la route pendant près d’une heure, rejoint par ceux qui revenaient de la manifestation au centre-ville. Il y avait environ cent cinquante personnes arrêtant le trafic et criant « nous sommes des êtres humains », « ouvrez la frontière », « Stop à la violence! », « Nous sommes pleins d’espoir ».

Cette action a été en mesure de stopper le flux incessant des marchandises vers le Royaume-Uni, de créer un embouteillage grâce auquel beaucoup de gens ont été en mesure d’essayer de cacher dans des camions a destination du Royaume-Uni, et a donné une voix forte à ceux qui sont coincés ici à Calais. Même si Mays et Cazeneuve ne pouvait pas les entendre, la perturbation qu’ils ont causé s’est certainement fait sentir.

Après environ une heure d’occupation les CRS sont arrivés en force pour essayer de reprendre la route. Les gens criaient et ont été en mesure de résister aux premières charges. Lorsque leurs tactiques d’intimidation ont échoué, et que de plus en plus de gens rejoignaient le blocage, les CRS ont utilisés leurs gaz et matraques. C’est seulement avec ces armes qu’ils ont été capable de repousser les gens hors de la route.

Les gens se sont aidés les uns les autres à se remettre de l’attaque, se sont réorganisés à l’intérieur de la Jungle, et sont retournés à nouveau face aux CRS. Pendant une heure et demie plus d’un centaine de personnes a continué à manifester sur la route d’accès à l’autoroute, menaçant toujours de la reprendre.

Ces actions montrent que tandis que les politiciens essaient de trouver de nouveaux moyens de renforcer la ségrégation, les gens continuent à se battre pour l’ouverture des frontières !

Traduit depuis Calais Migrant Solidarity // Pour voir tous les articles liés à Calais ici

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Motorway blocked! – The Jungle’s answer to Theresa May’s visit to Calais

Today Theresa May and Bernard Cazeneuve came to town. They told some lies, spilled some ink, and took a walk. Of course, they made sure to get no where close the Jungle or speak to any of those people who would be directly effected by their malign decisions. However, people here were not going to let their visit pass without making a statement.

There was a demonstration held in the city center. Local Calaisiens and people from the Jungle got together and tried to get close to the Prefecture and express their disgust with the so-termed “solutions” to the crisis in Calais that were being presented today. Although few, they were able to get quite close to the Prefecture before being met and forced back by CRS.

Meanwhile, people from the Jungle were continuing to try to come and join the demonstration. A group were walking in the road with a banner from the Jungle before being stopped by a van of Gendarmerie Mobile. They were told that they were holding an illegal demonstration and were prevented from continuing. For the next hour there was a stand-off with no one from the Jungle being able to go to the town; whether they intended to join the demonstration there or not. Many people claiming asylum in France had appointments that they were prevented from attending, and one man was ripped from his bicycle as he casually cycled past.

As more and more people were stopped and the group grew, the decision was made to walk back toward the Jungle, taking the road, stopping oncoming traffic. At the junction with the motorway, they held a sit-down protest for around half an hour. At this time they made the decision together to move up the ramp and take the highway. At first only a few took the road, but then as they shouted down to those staying in the Jungle, numbers began to swell. They held the highway for close to an hour and then those who were on their way back from the demonstration in town were able to join. There were about a hundred and fifty people on the bridge above the Jungle stopping traffic. Chants of “We are human beings!, “Open the Border!”, “Stop the violence!” and “We are hopeful!” were being shouted. This action was able to bring the endless flow of goods to the UK to a grinding halt, create a traffic jam through which a lot of people were able to try and hide themselves in UK bound lorries, and gave a strong voice to those stuck here in Calais. Even if May and Cazeneuve could not hear them from whatever hole they’d crawled in, the disruption that they caused was certainly felt.

After about an hour of occupation the CRS arrived in force to try to take back the highway. People shouted at them and were able to resist the initial police charges. When these intimidation tactics failed, and more people joined the fight, the CRS got their CS gas and batons out. Only with these weapons were they able to force people off the highway, bit by bit forcing people off the highway. People helped each other recover from the attack and, reorganising just inside the Jungle, moved back to face the CRS again. For an hour and a half more than one-hundred people continued in a demonstration on the road at the entrance to the highway, always threatening to take it again.

These actions show that while the politicians try to find new way of enforcing segregation, people continue to fight for open borders !

Non à l’expulsion du squat du collectif des Baras

Chronique d’un été d’expulsions du collectif des Baras

Le 20 juin 2015, plusieurs centaines de personnes manifestent contre l’expulsion des différents lieux occupés par le collectif (avenue Wilson à Montreuil, rue Alazard à Bagnolet)

mi juillet 2015, le tribunal de Pantin annonce l’expulsion du squat de la rue René Alazard.

Le 23 juillet 2015, le squat de l’avenue Wilson à Montreuil est expulsé. Dans les semaines suivante, le collectif va ouvrir plusieurs autres bâtiments mais à chaque fois ceux-ci seront expulsés par les flics (à Montreuil le 2 août et aux Lilas le 29 août).

Le squat de la rue René Alazard va sans doute être expulsé lui aussi dans quelques semaines. Mais d’autres ouvertures suivront…

 

Texte du collectif contre les expulsions : 

NON à l’expulsion du squat des Baras !
NON à l’errance des membres du collectif !

Le tribunal vient d’annoncer l’expulsion du squat du collectif Baras et de donner raison à la multinationale Natixis. Sous le coup de cette décision, plus de 200 personnes vont se retrouver à la rue d’ici deux mois …

Nous avons déjà été expulsés, chassés et même pourchassés à plusieurs reprises. À chaque fois les autorités (mairies et état) ne nous ont proposées aucune solution d’hébergement. Après l’expulsion de notre dernier squat en août 2014 (le bâtiment toujours vide et sans projet de la société Emerson), notre collectif a dû se reloger par lui-même en occupant un ancien pôle emploi, inutilisé et lui aussi sans projet, situé à Bagnolet.

La vie n’y est pas de toute tranquillité, elle a été un combat régulier (arrestations aux alentours, placements en rétention, tentatives d’EDF pour couper l’électricité, coupure d’eau par Véolia…). Mais nous sommes évidemment toujours mieux à l’abri dans ce bâtiment que dehors où un fonctionnement s’est mis en place dans le lieu :
installation de cuisine et de douche, organisation de cours de français, de réunions hebdomadaires pour s’organiser et des réunions d’informations juridiques. De plus, de nombreuses personnes solidaires sont venues nous apporter de quoi nous installer dans ce lieu et de quoi nous vêtir ; des associations nous offrent régulièrement de la nourriture et des voisins nous apportent également un soutien très important.

Nous voulons continuer à vivre dans ce bâtiment qui convient bien à nos besoins !

Nous demandons aux autorités de ne pas appliquer la décision, mais surtout qu’elles entament un véritable dialogue avec nous afin que ce lieu – que nous ne quitterons pas – devienne un foyer de travailleurs migrants. Sachant qu’à Bagnolet, il n’y a qu’un seul foyer pour le moment, la ville peut tout à fait solliciter des aides financières auprès de l’état. Il est possible de faire en sorte que notre occupation devienne légale. D’autres mairies l’ont fait. C’est le cas de celle de Montreuil avec le collectif des Sorins en lutte.

Jeter à nouveau à la rue 200 personnes, dans cette période particulière où des centaines d’autres y vivent déjà de façon totalement démunie, que ce soit à La chapelle ou à Austerlitz, mais aussi dans toute l’île de France après les expulsions des camps de Roms, ne ferait qu’ajouter de la misère dans la région.

Tant que nous sommes dans ce lieu nous pouvons vivre dignement !

La France prononce toujours de belles paroles émues quand les migrants arrivent en Italie au péril de leur vie, mais elle les traite et les rejette violemment quand ils arrivent sur son sol. Nous sommes venus jusqu’ici, il y a environ 3 ans, dans les conditions inhumaines et périlleuses que tout le monde connaît désormais. Nous avons dû quitter la Libye par la mer suite aux bombardements et à la guerre. Nous avons risqué nos vies. Pensez-vous que nous avons fait tout ce chemin pour repartir ?

Nous nous battrons jusqu’au bout. Jusqu’à l’obtention d’un toit pérenne pour l’ensemble des membres du collectif et pour la régularisation de tous les sans-papiers !

Nous venons de demander au préfet de la Seine Saint Denis ainsi qu’aux maires de Bagnolet et Montreuil, d’organiser une table ronde afin de trouver ensemble une solution adéquate !

Collectif Baras
72 rue René Alazard
93170 Bagnolet

07.78.32.14.75

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