Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

[Turin] Menaces et promesses

23 avril 2014. Après une période de calme apparent, un mois après les grands incendies, la tension monte de nouveau dans le CIE de Turin. Dans les dernières semaines les fonctionnaires de police et la croix rouge avaient réussi à maintenir calmes le peu de retenus restants avec les méthodes habituelles de la prefecture : menaces d’arrestations pour ceux qui seraient prêts à se rebeller ; promesses improbables d’une libération imminante pour tous, vu que le dernier appel d’offre pour la gestion du centre de Corso Brunelleschi n’a rien donné. Mais hier après midi la situation leur a, un instant, echappé des mains. De retour d’une visite médicale, un retenu de la section bleue découvre que la direction du centre a décidé de ne pas le ramener en section avec les autres : les portes de l’hopital s’ouvrent pour lui, sorte d’antichambre de l’isolement. Immediatemment ses compagnons de section commencent a protester ne le voyant pas revenir, pensant qu’il a pu être expulsé. Les esprits s’échauffent quand un fonctionnaire de la prefecture repond mal aux retenus de la section bleue qui demandaient des explictions : dans toute la section commence un gros bordel, cris et bruits. Pendant ce temps, le retenu, après un bras de fer avec ledirecteur décide de se taper la tête contre les murs provocant une blessure visible. Pour éviter plus de bordel, la police accepte de le soigner et de le renvoyer en section, où tous les retenus, une quinzaine en tout, ont décidé de commencer une grève de la faim.

Mise à jour 16 heures. La grève de la faim continue, les retenus ont refusé les plats aussi bien au petit déjeuner qu’au déjeuner.

Mise à jour 20 heures. Une vingtaine de solidaires se retrouve devant les murs du centre pour un rapide salut : 10 minutes de chants, bruits et pétards pour rappeler au retenus en lutte qu’ils ne sont pas seuls

traduit de macerie

[Trapani Milo] Quand la police frappe, la Croix Rouge arrive

31 mars 2014. Encore des tensions au CIE de Trapani Milo. Comme ils l’ont déjà fait il y a peu, les retenus ont escaladé la première rangée de grillage pour exiger des produits de première nécessité qui ne sont plus disponibles depuis que la coopérative Oasis, qui gérait le centre, est partie. S’en suit un affrontement avec la police durant lequel un flic en tenue anti-émeute assène un coup de boule à un retenu, lui cassant le nez. L’affrontement s’arrête lorsque le directeur des matons du centre se ramène et promet de « faire un rapport sur ce qui s’est passé » et que pour ce qui est de la gestion du centre « demain arrive la Croix-Rouge ». Ce n’est pas un poisson d’avril mais un mandat direct du préfet Falco, confirmé par quelques journaux locaux.

Traduit de Macerie

[Rovereto] Trente neuf réfugiés s’évadent du centre d' »accueil »

Ils étaient arrivés samedi 21 mars, érythréens et somaliens. Mais au centre d' »accueil » de Marco (Rovereto), installé durant l’opération « urgence afrique du nord », il ne sont même pas restés deux jours. Des quarante présents au départ, il n’en restait lundi qu’un seul à l’interieur de la structure. Evidemment à l' »accueil » organisé par les militaires alpins et par la Croix Rouge, ils ont preferé l’évasion vers la liberté. Bon voyage.

 

traduit de informa-azione

[Turin] Les spécialistes

22 mars 2014. Comme l’enseignait le vieux Eichman, le bon fonctionnement d’une déportation est aussi une question de logistique : faire correspondre les déplacements des troupes d’escorte, la disponibilité de la juste masse des prisonniers et des moyens de déplacement adéquats, avec le fonctionnement des infrastructures générales de transport; sans oublier les cartes à timbrer, l’encre pour les timbres et les fonctionnaires compétents. Donc en quelques jours les spécialistes aux ordres de l’impérissable vice-prefet Rosanna Lavezzaro se sont beaucoup impliqués pour faire participer le CIE de Corso Brunelleschi à une énorme déportation de nigérians organisé au niveau européen. Un seul vol charter qui part d’une quelconque capitale du Nord et qui tourne parmi les pays de l’union pour embarquer des passagers forcés : la dernière étape, habituellement, est Rome, où convergent les prisonniers des CIE italiens, direction Lagos.

Tout semblait prêt mais dimanche survient l’obstacle : après une semaine d’incendies, un des modules où sont emprisonnés certains des futurs déportés est donné au feu. Cette fois, il y a une caméra qui capture la scène tant bien que mal, le matériel pour effectuer quelques arrestations existe donc… mais que se passe-t-il? les arrêter voudrait dire leur faire perdre leur avion qui est prévus depuis des jours et bien organisé,  et le consul avait même finalement mis son cachet… les hommes de la Lavezzaro auront eu quelques doute, il rumineront quelques heure en compilant les procès verbaux et en effectuant les reconnaissances, mais au final, ils prendront la décision que tous s’attendent de la part de flic et emmènent six  nigérians à la Vallette ( prison de Turin, ndt)

Le hasard, cependant, joue un tour aux spécialistes, lors de l’audience de validation, le juge se rend compte que trop de temps s’est écoulé entre le feu et l’arrestation: manque le flagrant délit, et les six sont libérés. « Mais comment ça , ils nous autorisent à mettre des caméras et quand ils sont filmés ils ne les emprisonnent pas ? » semble s’être exclamé fort un des flics au terme de l’audience. Pour remédier à leur déconfiture, nos petits Eichman réussissent, au dernier moment et après un rapide passage à la préfecture, à rattraper le temps perdu et à embarquer quatre des six dans un vol pour Rome, surchargé et rempli des autres nigérians qui étaient restés à Corso Brunelleschi. Des arrêtés de lundi, trois seulement sont retournés aux CIE : Deux des nigériens, qui avaient fait une demande d’asile et qui ne peuvent donc pas être déportés pour l’instant, et un Tunisien – qui a été arrété pour un autre incendie pour lequel le juge a validé l’arrestation mais relâché immédiatement. Tous les trois devront comparaître demain en face du juge de paix qui validera de nouveau leur incarcération au CIE. Plus personne n’est à la Vallette, donc.

Dans le CIE semi-détruit, donc, il ne reste aujourd’hui qu’une trentaine de personnes : les femmes qui occupent l’unique section encore entière, représentant la moitié des détenus, tandis que les hommes sont installé entre une chambre de la bleue et la salle a manger de la violette. Cependant, pour revenir aux procédures des spécialistes des déportations, nous devons souligner que, même si personne ne sait qui la semaine passée a été un candidat pour gérer le Centre, la préfecture a annoncé que, contrairement à la coutume, ce sera un comité formé pour évaluer les offres, composé en sus de ses propres agents, de policiers. Donc, pour choisir de confier la gestion du Centre de la Croix-Rouge militaire ou à un nouveau venu il y aura aussi … Rosanna Lavezzaro, qui a des compétences reconnues en matière de fonctionnement des centres. Nous vous signalons également les noms des hommes du préfet qui composent la commission, pour laisser une trace à la postérité: Joseph Zarcone, directeur du groupe II, Valeria Sabatino, vice-préfet, et officier Donatella Giunti, fonctionnaire employé au procès-verbal.

traduit de macerie

[Paris] La Croix-Rouge expulse…

… qu’ils ne dorment pas en paix!

La Croix-Roug participe activement à l’enfermement et à l’expulsion des sans-papiers.

Au petit matin du 18 mars, ls vitres du local de la C.R., rue Elisa Lemonnier (12 ardt.) ont reçu plusieurs coups et maintenant ils sont recouverts de jolies étoiles…

Un petit clin d’oeil aux deux retenus condamnés pour la révolte du 14 février au CRA de Vincennes, et aussi aux 5 compagnon.ne.s arreté.e.s pour avoir exprimé leur solidarité avec ls revoltés.

Liberté!

Source : indymedia Nantes

[Turin] Un rassemblement et un nouvel incendie


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15 mars 2014. Recouverte de tags et complètement encerclée par les CRS, GM, flics en civil et même vigiles urbains : voilà à quoi ressemblait, cet après-midi, le siège régional de la croix rouge piemontaise pendant le rassemblement en soliarité avec la lutte des prisonniers de corso Brunelleschi.

On put y voir, deux heures durant, cinquante ennemis des expulsions, plusieurs banderoles, du boucan, des prises de parole au micro et une belle serie de témoignages enregistrés depuis l’intérieur illustrant ce que font vraiment les croixrougiens dans les Centres. Au bout d’une heure, une bonne nouvelle vint réchauffer le coeur des personnes présentes : un coup de téléphone de corso Brunelleschi annonce en direct qu’après les incendies de dimanche dernier deux autres cellules d’isolement viennent d’être données au feu.

Vers 20h un groupe de solidaires se retrouve devant le CIE de corso Brunelleschi pour saluer avec slogans, petards et feux d’artifice le dernier incendie. De l’intérieur, les retenus racontent que les flics ont pris un mec de l’isolement pour l’emmener on ne sait où.

Mise à jour: 16 mars. En début d’apres-midi les retenus de la section rouge bouttent le feu à la dernière chambre qui restait utilisable. Et alors qu’on n’a toujours pas de nouvelles du mec qui, hier, s’est fait emmener par la police, les retenus en isolement ont commencé à invectiver les croix-rougiens et à casser du mobilier parce que ça faisait trop longtemps qu’ils n’étaient pas sortis de leurs cellules. Dans la soirée, c’est la dernière chambre utilisable de la section violette qui est partie en fumée. Vers 23h, les perspectives pour la nuit semblent être les suivantes: les prisonniers de la section rouge dormiront sur des matelas dans la cour, ceux de la violette, quant à eux, dans la salle à manger endommagée mais sans matelas.

« Avec la Croix Rouge l’Etat enferme et expulse les immigrés en sauvant les apparences »

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« des déserts de la Lybie aux prisons d’Italie LA DEMOCRATIE TUE »

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« pas de paix pour qui gère les CIE »

traduit de macerie

[Turin] Incendies, interrogatoires et rendez-vous.

11 mars 2014. Après les avoir laissé dehors toute la nuit, les policiers et les croix-rougiens en charge au CIE de Turin ont amassé au hasard des détenus des sections incendiées hier soir dans de petits espaces encore utilisables du centre: si la section jaune est complètement fermée, dans la blanche il reste en fait la cantine, comme dans les sections violette, rouge et bleue, une chambre reste utilisable dans ces deux dernières sections. Beaucoup de ceux qui étaient dans les cellules d’isolement données au feu ont, en revanche, été  déplacés pour tenir compagnie aux prisonniers des cellules encore intègres.

La police a profité de ces déplacements pour prendre un à un les prisonniers des sections brûlées et les interroger sur les faits d’hier soir et sur les contacts qu’ils ont avec l’extérieur. Le but étant, évidemment, de les intimider et de les faire renoncer à quelque proposition de lutte que ce soit; au reste, il y a encore quelques bidules à envoyer au feu pour qu’il ne reste plus rien de corso Brunelleschi, et ce serait un beau coup porté à la préfecture et au bureau de l’immigration turinois. D’un interrogatoire à l’autre, un retenu n’est pas encore revenu auprès de ses co-détenus, et on sait pas bien où il a échoué: nous vous donnerons des nouvelles dès que nous saurons quelque chose de sûr.

Même si le Centre de Turin est à deux doigts de la fermeture de fait, ce sont ces prochains jours que se décidera, dans les bureaux de la préfecture, qui se verra attribuer la gestion du centre pour les trois prochaines années. Nous ignorons, pour l’instant, qui se portera candidat pour ce rôle infâme mise à part l’habituelle Croix Rouge. Mais justement parce que nous savons que les humanitaires en goguette chercheront par tous les moyens de se faire confier ce marché juteux vieux de plus de dix ans, nous vous donnons un rendez-vous : Soyez disponibles samedi prochain, 15 mars, à partir de 16h pour un beau rassemblement juste en face du siège régional de la Croix Rouge.

Venez nombreux et bruyants. Et si vous voulez vous rappeler quel a été le rôle des croix-rougiens dans la longue histoire de la détention administrative en Italie, regardez cette vieille vidéo (en italien).

traduit de macerie

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[Italie] Alba Adriatica, contre les CIE et la croix rouge, en solidarité avec Andrea, Sabbo et Gabriele

3 mars 2014. Les journaux locaux rapportent la nouvelle que la présentation du calendrier 2014 de la Croix Rouge à Alba Adriatica a été perturbée dans la nuit par des inconnus. En fait, après les nombreux tags laissés il y a quelques jours sur les murs de la ville contre les forces de l’ordre et en solidarité avec les anarchistes frappés par la répression, la nuit du 2 mars trois moyens de transports de la Croix Rouge (une ambulance et deux fourgons) ont été tagués : « complices des lagers, feu aux CIE, solidarité avec Andrea, Sabbo et Gabriele« .

Repris de Informa Azione

[Italie] Oui, Feu aux CIE

Il y a quelques années, une petite partie du mouvement – varié et contradictoire – qui se battait contre ce que l’on appelait alors « Centre de permanence temporaire » proposa un slogan : « feu aux CPT« . À ce moment là, et les compagnons de l’époque s’en rappelleront, même dans les milieux plus radicaux nous utilisions un plus générique « fermeture des centres » ou « fermeture des lager« . Était-ce une question de détail, ou, pire encore un témoignage supplémentaire de ce langage plein d’emphase, fatiguant et dogmatique qui tant de fois prend racine dans les environnement de lutte ? Il nous semble que non, ce d’autant plus avec du recul.

Il était alors question de souligner que la fermeture des centres pour sans-papiers ne devrait pas s’obtenir par la demande – faite avec plus ou moins  de vigueur, peu importe -à ceux qui les avaient ouverts de revenir sur leurs pas : mais par une lutte essentiellement « destructrice ». Une lutte qui aurait pu voir lutter ensemble les prisonniers et les solidaires de dehors- et quand bien même pas toujours au même moment et quasiment toujours séparés par un mur. Vu que l’on « ferme » même par décret nous voulions éviter cette équivoque, et les expressions comme « feu à » ou « détruisons » faisaient notre affaire.

Telle presque toutes les luttes de type « destructeur », la lutte contre les CPT aurait évidemment du être informative et dénonciatrice à certains moments, elle aurait du produire de la documentation, des contacts, et tenter de s’associer à d’autres parties de l’immense ville des exclus. Mais au centre de l’attention et des efforts devait rester le moment destructeur. Non en vertu de recettes abstraites et toujours valables, mais parce qu’il était déjà possible de penser que les structures comme les CPT pouvaient être fermées, réellement et dans des temps non bibliques, avec la force des luttes qui se seraient déroulées à l’intérieur ou autour. On pensait notamment qu’appuyer sur la pédale de la destruction ne soit pas seulement juste d’un point de vue éthique (ce qui n’est pas peu), mais puisse même être efficace. Ces deux aspects ne vont pas toujours ensemble : même si les murs des prisons s’effritent, par exemple, il n’est pas possible de penser à la fermeture des prisons sinon avec pour moyen une révolution sociale. De plus il est beaucoup plus difficile de s’échapper ou d’organiser une émeute dans les prisons et donc si d’un coté il n’y a toujours pas de sens à demander la « fermeture des prisons » à ceux qui les ont construites, de l’autre il est assez normal que des luttes de détenus se déclinent principalement dans un sens revendicatif autour des conditions de vie à l’intérieur,  tandis que pour les sans-papiers le moment revendicatif, s’il existe, est davantage une bonne opportunité à saisir pour tenter de s’évader tout comme pour faire des émeutes.

Cette attention portée sur le moment destructeur était importante aussi parce qu’un bon morceau du mouvement qui se battait, alors, à  l’extérieur contre les centres posait la question à l’envers, attendant des « réponses » là d’où elles ne viendraient jamais. Rappelez vous quand Vendola, le néo-gouverneur des pouilles  disait « nous étions 30000, aujourd’hui nous sommes 13 Régions » à sa conférence citoyenne anti-CPT, liant pieds et mains au mouvement contre les centres (dans ce cas les  30000 personnes qui  défilaient à Turin en novembre 2002). Aujourd’hui cela peut sembler inouï mais à cette époque il y avait ceux qui avaient espoir en Mercedes Bresso ou, quelques temps après, en Paolo Ferrero – qui est entré dans  le gouvernement Prodi affirmant vouloir fermer les CPT et qui achèvera sa carrière de ministre doublant la capacité de Corso Brunelleschi. Peu, même de bonne foi, survivront à cette intoxication institutionnelle et l’essentiel du mouvement n’y échappera pas non plus, finissant en état d’hibernation durant toute la période peu propice des gouvernements plus ou moins amis. Juste pour ne pas rien apprendre du passé, maintenant il en y a qui font de l’œil à Kyenge (ministre pour l’Intégration du gouvernement Letta depuis 2013, ndt), même si elle a déjà déclaré qu’elle ne peut rien faire pour une loi pour la fermeture des CIE. (Le fait que sur un thème comme celui des centres, que désormais quasiment tous définissent lager, on joue à se montrer mutuellement du doigt à propos des compétences singulières des ministres est une chose obscène qui en dit long sur notre Cécile (Kyenge, sic, ndt). Mais ceci est une autre histoire).

(ndt :« je n’ai pas changé d’idée. Mes opinions sont connues (Kyenge s’est battue depuis longtemps pour la fermeture des CIE et pour une nouvelle loi sur l’immigration, ndlr) et mon parcours politique et militant aussi. Comme ministre j’ai cependant une marge d’action limitée et à l’intérieur de ces limites je peux agir et j’agis. Parmi ceux qui me demandent de forcer ces limites certains sont de bonne foi, mais ils ne connaissent pas les compétences de mon ministère et confondent Intégration avec Immigration. Les autres non, ils ne sont pas de bonne foi. » Propos de Cécile Kyenge rapportés par la presse)

la GTT (transports publics) complice des expulsions. Chaque jour dans les tram de la villes, les contrôleurs te filent une amende car tu n’as pas ton billet. Si tu es clandestin l’amende c’est pas assez : l’hospitalité d’un lager nommé centre de permanence temporaire, la prison, l’expulsion t’attendent. « Pour ne pas être complice fais un croche pied au controleur. » Solidarité avec les immigrés en lutte. Feu aux CPT

Si nous revenons à notre époque nous voyons bien à quel point ce slogan était adéquat ; il ne se passe pas une semaine sans que les centres en Italie ne soient ébranlés en grande partie grâce aux capacités destructrices des retenus qui ont fait sortir les « feux des révoltes » des métaphores un poil banales de nos tracts. Les CIE, dans leur complexité, sont ingouvernables, et c’est justement cette ingouvernabilité manifeste qui déclenche cette petite guerre intestine entre gouvernements, gestionnaires et appareils de propagande à laquelle nous avons assisté le mois dernier juste après la publication de la fameuse vidéo de Lampedusa. Dans l’histoire infâme des centres pour sans-papiers tous ont quelque chose à cacher, tous ont intérêt à décharger sur le voisin la responsabilité du désastre et tous cherchent, en revanche, à se  garantir leur part du futur gâteau (s’il y a, dans un futur proche, un gâteau à se répartir). Même Mauro Maurino, le grand chef d’un des groupes de coopératives d’affaires qui a le plus investit dans les CIE (connecting people, ndt) qui depuis des années a caché systématiquement les violences des policiers à Gradisca, qui a tant fait, proposé et élaboré pour que le système survive de quelque manière, qualifie  à présent partout et ouvertement les CIE « d’institutions carcérales » et parle « d’un echec de l’Etat »; et la Croix Rouge -retranchée depuis des années derrière une « impartialité » qui à l’intérieur des centres ne veut dire rien d’autre que complicité active avec les tortionnaires- feint aujourd’hui de se mobiliser face aux expulsions et désire de futurs « centres d’accueil ». Les journalistes plongés, quant à eux, dans le bordel du mois dernier se sont mis à décrire les conditions de vie dans les CIE ; et ce n’est pas qu’en décembre les conditions furent pires qu’avant, ou qu’avant on n’en savait rien, ni que les sources faisant autorité ou la documentation faisaient défaut. Seulement avant, la consigne était de rester muet, ou de mystifier ouvertement, ou de minimiser : et les journalistes, quelques rarissimes exceptions mises à part, sont de nature diligente et obséquieuse.

Mais l’histoire qui donne une meilleure idée de la façon dont les révoltes des retenus ont mis en crise tous ceux qui gravitent autour des CIE,  est la fameuse affaire de Sœur Lidia, dont on a tant parlé en ville. Mais comment se fait-il qu’une sœur qui depuis des années entre et sort du centre et qui en est toujours sortie muette, maintenant sort et invoque la fermeture du centre ? Elle recommandait la patience et la soumission et elle les recommande toujours ; les révoltes ne lui plaisaient pas, et lui plaisent encore moins maintenant, comme nous ne lui plaisons pas, nous qui sommes toujours là dehors à ajouter notre petit poids solidaire à la lutte de ceux à l’intérieur. Mais elle, elle a vu avec ses propres yeux et en direct ce que nous avons toujours seulement entendu raconter, au téléphone ou par des gens qui sortaient. Nous l’avons raconté aux quatre vents, elle, elle ne l’a jamais fait avant l’autre jour.  » j’ai déjà dénoncé, j’ai fait mon devoir »- a-t-elle répondu dans sa fameuse interview le mois passé quand le journaliste lui demandait si elle avait déjà assisté à des épisodes « graves » comme celui de la vidéo de Lampedusa. Qu’est ce que cela veut dire « j’ai déjà dénoncé » ? On ne parle pas de plaintes pénales, parce qu’en aurait découlé des procès et cela ce serait su, et même pas de dénonciation à « l’opinion publique ». « faire son devoir« , pour quelqu’un comme elle ne peut vouloir dire rien d’autre que signaler les épisodes les plus déplaisants aux hautes sphères (le chef du bureau de l’immigration, le préfet ou peut-être l’évêque, nous ne pouvons pas savoir) de manière à générer quelques réprimandes envers les flics et les soldats sans faire trop de boucan ; laver le linge sale en famille, comme on dit. Le même style, du reste, que celui avec lequel l’église a prétendu gérer durant des années le « scandale » des prêtres violeurs de mômes : dans le silence absolu pour ne pas perturber le bon fonctionnement de l’institution.

Qu’est ce qui a changé depuis ? Pourquoi même quelqu’un comme soeur Lidia se met maintenant à parler ? Ce qui a changé c’est que désormais il est clair pour tous que les révoltes des retenus ont ouvert des failles que l’État, ni maintenant ni jamais, ne réussi à réparer, et quand le bateau prend l’eau, les rats -qu’ils soient sœurs, gris fonctionnaires, humanitaires ou affairistes rampants du social-  quittent le navire.

Feu aux Cie, donc. Ce slogan qui a déjà fait l’objet d’une affaire judiciaire (en italien, ndt) par l’immanquable Paladino (procureur à Turin, ndt) il y a quelques années, est considéré aujourd’hui par certains comme la cause première de la décadence rapide de corso Brunelleschi et avec lui de tous les centres italiens. Dans une interview récente, le secrétaire du Syndicat Autonome de la Police, Massimo Montebove, a déclaré que « les  activistes de la mouvance anarchiste développent une propagande efficace avec le but d’inciter les hôtes à détruire les centres, sans attendre de réformes par une loi discutée depuis des années. Le  slogan « feu aux CIE », devient, voire est une réalité ». Trop aimable ! S’il suffisait de slogans bien pensés et de propagande pour faire se rebeller les gens, la révolution sociale serait belle et bien en marche, et les problèmes éliminés à coups de marketing ; de plus, ce n’est pas le but des anarchistes que de dire aux gens ce qu’ils doivent faire et quand, surtout quand ces gens sont enfermés dans des cages et encerclés d’hommes armés. Ce qui transforme nos slogans en réalité c’est en premier lieu l’énorme sentiment d’injustice provoqué par une détention que tous ressentent comme incompréhensible avant même d’être injuste, et ensuite les conditions de vie dans les centres et la conscience qu’il suffit d’escalader un mur pour être libre. Tellement que beaucoup des centres donnés systématiquement aux flammes ces dernières années, demeurent éloignés de la propagande de qui que ce soit.

Feu aux CIE. Liberté pour tous les harragas! Bruler les frontieres et qui les contrôlent

Attention. Même si depuis des années nous insistons pour écrire sur les murs notre « feu aux CIE », nous savons très bien que le jour où  finalement les CIE fermeront n’adviendra pas lorsque la dernière chambre du dernier CIE encore en fonctionnement fermera, brûlée par le feu de la dernière révolte, contraignant le gouvernement à admettre sa défaite. Ce serait beau, certainement, et clair surtou . Beaucoup plus prosaïquement les révoltes, les évasions, les dégâts ou même -nous  l’espérons-  la force pratique et la détermination du mouvement dehors contraindront le gouvernement à fermer les dernières structures encore sur pieds ; et surtout, ce futur Gouvernement-qui-fermera-les-cie ne le fera pas en admettant en bloc sa défaite assumant les responsabilités du passé : quelqu’un dira « moi j’y suis pour rien », d’autres « c’est ceux qui étaient là avant qui se sont trompés » ou « je le disais depuis des années qu’il fallait changer », d’autres encore parmi les ministres se garderont le mérite de la « fermeture des lager ». Sans parler de ce qui pourrait se dérouler au Parlement ou dans les journaux, avec des avis éclairés pour ou contre la fermeture des centres -comme si le gouvernement eut pu faire un choix et n’eut pas été mis, concrètement, au pied du mur de l’ingouvernabilité des centres. Il y aura sûrement des personnes qui se feront duper par ces saynètes, mais pour nous il restera clair que c’est le feu des révoltes -et pas dans le sens métaphorique- qui a lancé la déflagration. En conséquence nous ne nous laissons pas impressionner par les personnages plus ou moins présentables qui, ayant senti le vent tourner depuis leurs palais, se sont choisi un coté ou l’autre pour s’attribuer les mérites du changement qui arrive et transforme les conquêtes futures, si il y en a, en de gracieuses concessions. Et ce qu’il s’agisse de Grimaldi et des siens qui demain présenteront une motion anti-CIE au conseil de la ville à Turin, où de Luigi Nieri, le vice-maire de la capitale, ou encore de Khalik Chaouki, le député protagoniste du can-can médiatique du mois dernier. (il est allé dormir à Lampedusa, ndt)

Mais, émeute après émeute, incendie après incendie, la barque obscène des centres pour sans-papiers prend-elle vraiment l’eau ? Cette fois est-ce la bonne ? Probablement oui. Mais le risque qu’il y a, immédiat et caché au coin de la rue, est que, plutôt que s’en créent d’autres, (où le temps d’enfermement serait plus court, où les gestionnaires trop salis seraient évincés et où l’on éviterait le CIE à ceux qui pourraient finir en CARA – centres de demandeurs d’asile, ndt)  les CIE soient troqués, grâce à une transformation substancielle de ce qu’il en reste, contre de véritables petites prisons. Après les CPT et les CIE, simplement une nouvelle forme et un nouveau nom dans l’histoire infâme de la détention administrative en Italie, se développant de pair avec les dispositifs de contrôle eux-mêmes délégués aux gouvernements de l’autre rive de la méditerranée. C’est ce qu’il nous a semblé comprendre non seulement dans les déclarations de Noël de Letta (président du conseil italien, ndt), mais aussi de ce que nous savons des projets de restructuration de Trapani-Milo et des raisonnements faits à haute voix ces dernières semaines par les institutions gestionnaires, qui espèrent encore avoir leur part du gâteau futur ; et aussi de l’ambiguïté volontaire de toutes les parties qui se sont exprimées sur le sujet ce mois-ci, et qui ont continuellement confondu la fermeture des CIE, leur dépassement, et la révision complète du « système d’accueil ». Confusion intéressée vu que le problème est la détention administrative, et la détention administrative est ou n’est pas, ne peut être dépassée et n’a rien à voir avec aucune forme « d’accueil ».  Si l’on retient de devoir fermer les CIE parce que la détention administrative est le problème, l’alternative aux CIE est simplement… la  liberté, et tout discours plus détaillé doit nous paraître suspect.

En  somme, de toute leur histoire les centres n’ont probablement jamais été aussi proches de la fermeture qu’aujourd’hui. Mais il y a le risque que de leurs cendres naisse quelque chose de très similaire et nullement meilleur. Ce qui adviendra dépendra avant tout de la force que sauront maintenir dans les mois qui viennent ces luttes destructrices qui, sans attendre rien de personne, ont déterminé la crise des CIE et mis dans la confusion le monde d’affairistes gluants qui tournent autour d’eux. Encore une fois, alors, c’est l’occasion de dire: « feu aux CIE ».

Publié sur macerie le 26 janvier 2014, traduit par nos soins

[Turin] Croix-Rouge. Résignation. Ou pas ?

4 février 2014. Vers 19h la Croix Rouge donne sa première leçon de premier secours à son siège de Moncalieri. Tandis que les quelques participants sont encore à la caisse pour payer leur admission, une quinzaine d’ennemis des frontières et de l’exploitation se retrouve sur place. Durant quelques minutes ils expliquent aux clients ignorants le rôle moins connu des personnages qu’ils sont là à écouter. On parle de la gestion des CIE, de la complicité avec les privations et les mauvais traitements envers les retenus, des matraquages, des tabassages et des clefs des cellules, que la croix rouge a souvent et volontiers dans la poche. Peu de mots, mais plutôt durs… Le fait d’avoir couvert l’inspecteur de police qui a tenté de violer Joy, dans le CIE de Milan, la mort d’Hassan en 2008 pour manque de soin. Dans les premiers rangs certains regards se font tristes et impuissants, tandis que beaucoup sont surpris et en fin de compte, il n’y aucune réaction de colère. La résignation et l’habitude du pire ne laissent personne indemne. Ou quasi, peut-être que dans quelques têtes et quelques cœurs, le dégoût pour ceux qui s’engraissent sur un camp de concentration peut encore créer des brèches.

traduit de macerie