Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

[Turin] Salut aux révoltés, Vidéo du CIE et transferts

 

17 janvier 2014. Vers 23h, un groupe de solidaires s’est retrouvé devant le CIE de Turin, pour saluer avec slogans et petards les retenus qui avaient incendié deux sections la veille.

21 janvier 2014. Après les révoltes du 16 et du 19 janvier, dont a résulté la destruction de trois sections du centre de Turin, les prisonniers sont contraints à dormir par terre dans la salle à manger, sans lits ni armoires, et à se doucher dans les toilettes des chambres, ces dernières rendues inutilisables par le feu. Cette vidéo a été envoyée par les retenus eux-mêmes, à l’insu des gardes.

22 janvier 2014. Après les incendies qui ont endommagé plusieurs chambres  du CIE de Turin, les rendant de fait inutilisables, les fonctionnaires du bureau de l’immigration ont décidé d’alléger la pression. Ils ont transféré une dizaine de retenus vers d’autres centres, en particulier ceux de Rome et Bari.

traduit de macerie

[Turin] Pierre par pierre – 19 janvier 2014

Pierre par pierre, l’œuvre de démolition du CIE du Turin continue patiemment et systématiquement. Après la révolte de jeudi, qui a rendu inutilisable les chambres des sections jaune et violette, les retenus ont hier soir mis le feu dans deux modules d’habitations de la section rouge, forçant le Service d’Immigration à les fermer également. Les prisonniers des deux chambres ont été déplacés dans la cantine de la section jaune, qui avait été épargnée des destructions de l’autre jour: après une nuit passée à dormir par terre, ils ont reçu les matelas aujourd’hui. Signe évident qu’il resteront dans la cantine, vu que dans tout le centre il ne reste plus de chambre libre. A part la section féminine, pratiquement vide même si elle a été épargnée par les incendies de ces derniers mois, toutes les sections masculines sont lourdement endommagées : la violette est complètement détruite, dans la jaune, il ne reste que la cantine, dans la blanche et la rouge, il ne reste qu’une chambre, et dans la bleue deux. En comptant la quinzaine de retenus qui se trouve dans les cellules d’isolement, il ne reste dans le centre qu’une soixantaine de retenus : moins d’un tiers de ce que la structure pourrait contenir si elle fonctionnait à plein régime.

Écoutez les témoignages de quelques-uns des retenus, recueillis ce matin par Radio Blackout.

Traduit de macerie

[Italie] Turin ne ferme pas. Turin brûle. – 16 janvier 2014

Entre minuit et une heure du matin cette nuit du jeudi 16 janvier, les retenus des sections jaune et violette ont mis le feu à leurs sections, utilisant des matelas, des couvertures et d’autres matériaux. Après s’être assurés que l’incendie avait pris et qu’il suffirait à détruire l’ensemble des sections, les retenus sont sortis dans la cour et y sont restés pour observer les inutiles efforts de la police et des pompiers qui tentaient en vain de limiter les dégâts… Une fois terminé ce qui est toujours un beau spectacle, les retenus ont été installés dans la cantine.

Vers trois heures du matin, la police a fait irruption dans les sections rouge, verte et dans la cantine pour prélever une trentaine d’hommes et de femmes de nationalité nigériane pour les expulser. Ceux qui ont tenté de s’y opposer, même verbalement, ont été traînés brutalement.

Ecoutez le récit d’une des retenus au téléphone avec Radio Blackout (en italien).

Mise à jour 18 heures. Tout aujourd’hui les retenus des deux sections rendues inutilisables par les incendies sont restés parqués dans les salles à manger et on ne sait pas où ils dormiront cette nuit. Il ne sera pas facile pour le personnel de la logistique du bureau de l’immigration de leur trouver une autre cage en Italie, vu que des cages fonctionnelles en Italie, il en reste bien peu. De son côté le retenu qui avant-hier a été frappé après une crise d’épilepsie a encore la bouche cousue.

Mise à jour 20 heures. Une bonne nouvelle : le retenu avec la bouche cousue – qui était dans la section rouge, pas touchée par la révolte – a été libéré. Les sections jaune et violette sont en revanche fermées et les retenus ont été transférés dans la bleue et la rouge qui sont évidemment surpeuplées. Dans la section rouge, par exemple, chaque chambre est pensée pour six personnes mais c’est maintenant à neuf qu’ils doivent dormir… dans sept lits.

Traduit de macerie.

[Israel] Solidarité avec les réfugiés sans-papiers en lutte – 5 janvier 2014

Lutte des réfugiés sans-papiers en Israël :

Ce dimanche 5 janvier, plus de 30.000 réfugiés sans-papiers ont manifesté contre les politiques racistes de l’État israélien et l’enfermement en centres de rétention de centaines d’entre eux. Ils ont déambulé dans le centre de Tel Aviv aux cris de « Nous sommes tous des réfugiés ! oui à la liberté non à la prison« . Servant comme partout de main-d’œuvre à faible coût pour le patronat (car ne possédant pas ce fichu bout de papier), notamment dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie, ils ont décidé de se mettre en grève et d’occuper leurs lieux de travail.

Selon une loi votée le 10 décembre dernier, les migrants sans-papiers peuvent être placés jusqu’à un an en rétention sans procès. Un centre de rétention surnommé Holot a été ouvert en décembre dans le sud d’Israël. Il est ouvert pendant la journée, mais les retenus doivent pointer à trois reprises et y passer la nuit. Destiné à accueillir 3 000 personnes, il peut en période de rafles intenses enfermer près de 11 000 réfugiés.

Mais le 15 décembre dernier, 282 sans-papiers se sont faits la belle du centre de rétention de Holot.

Par ailleurs, l’État d’Israël ne lésine pas sur l’arsenal répressif à ses frontières, en venant d’achever en 2013 la construction d’une clôture électronique le long des 230 km de frontière avec l’Égypte, afin d’empêcher les migrants, venus principalement d’Afrique de l’Est (Érythrée, Éthiopie…) de circuler librement.

Feu aux centres de rétention !

Liberté pour tous et toutes !

Infos reformulées de leur presse, 05/01/2014

Source : le chat noir émeutier

[Italie] Vautours et poulets à Minéo – 20 décembre 2013

 Vautours et poulets à Minéo

Le centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CARA) de Minéo en Sicile est un énorme village de gestion migratoire perdu au milieu de 70000 hectares d’orangers et de citronniers, à 40 km du centre-ville de Catane. Ouvert en mars 2011 lors de l’état d’urgence déclaré par le gouvernement Berlusconi suite aux soulèvements en Afrique du Nord et à l’arrivée massive de migrant-e-s en Italie qui en a résulté, il enferme aujourd’hui 4000 demandeurs d’asile, soit le double de sa capacité, et représente ainsi l’un des plus gros centres d’Europe. Le gouvernement a réquisitionné les 403 appartements de cet ancien lotissement pour familles de militaires américains contre la modique somme de 6 millions d’euros par an versée à la famille Pizzarotti, propriétaire du lieu.

Les Pizzarotti ne sont pas les seuls à s’en mettre plein les fouilles dans l’histoire, vu que le fonctionnement du centre rapporte 50 millions d’euros par an au consortium Calatino Terre di accoglienza (Calatane terre d’asile) qui le gère. Un des membres du consortium n’est autre que l’entreprise Sisifo du groupe Legacoop, qui gérait également le centre de Lampedusa avant le scandale des douches anti-gale. Un vautour bien gras, vu qu’il a également remporté les appels d’offre des centres de Sant’Angelo di Brolo (dans la commune de Messine), d’Elmas (près de Cagliari en Sardaigne) et de Foggia (dans les Pouilles). Les autres heureux bénéficiaires de la galère des demandeurs d’asile de Minéo sont la coopérative Senis Hospes, Cascina Global Service (liée au mouvement catholique Communion et Libération) qui s’occupe de la fourniture des repas, la Croix rouge et le consortium Casa Solidale (proche de l’ancien parti de Berlusconi Peuple de la liberté).

Le 19 décembre les demandeurs d’asile de Minéo sont sortis dans la rue pour la deuxième fois en l’espace d’un mois afin de protester contre la durée des procédures de traitement des demandes d’asile. En effet, même si d’après la loi les demandeurs doivent rester maximum 35 jours dans le centre, la plupart y sont bloqués pendant un voire deux ans sans jamais passer devant la commission sensée examiner leur situation. Commission qui marche au ralenti, avec des entretiens qui durent des heures du fait des nombreuses suspensions de séance pour que monsieur l’expert aille pisser ou boire son café, et des traducteurs qui galèrent en français et en anglais, langues majoritairement parlées par les migrant-e-s. Les entretiens se soldent de plus la plupart du temps par des refus, vu que le seul point abordé est le départ du pays de naissance, alors que presque tout le monde est arrivé à Minéo après avoir dû quitter de force la Libye. Il faut dire que les rapaces de Calatino Terre di accoglienza ont intérêt à ce que les migrant-e-s restent un maximum de temps dans le centre pour maintenir la surpopulation vu qu’ils sont rémunérés au nombre de personnes enfermées. Et d’autant plus que l’ « argent de poche » reçu par les migrant-e-s de la part de l’État se présente sous la forme d’une recharge de 3€50 par jour sur leur carte d’identité interne, utilisable seulement pour acheter les marlboros et cartes téléphoniques du bazar du CARA. La carte d’identité interne est nécessaire aux personnes enfermées pour chaque déplacement, le centre fonctionnant selon un régime semi-fermé où les gens doivent être rentrés la nuit sous peine d’être exclus mais peuvent sortir le jour, si ils ont la chance de choper le seul bus de la journée pour aller à Minéo, la ville la plus proche.

Le 19 décembre ce n’est pas pour chercher un travail inexistant que 200 demandeurs d’asile sont sortis du CARA, mais pour bloquer deux gros axes routiers environnants. En plus de dénoncer leur propre situation, ils réagissaient aux nouvelles reçues du centre de Lampedusa, et à la mort de l’un d’entre eux qui s’était suicidé deux semaines plus tôt. Ils étaient accompagnés d’une centaine de migrant-e-s de Catane externes au centre. En milieu de matinée des affrontements ont éclaté et des pierres ont été lancées contre les anti-émeutes et les journalistes. Les flics ont répondu à coup de gaz lacrymogènes. Les manifestant-e-s ne sont pas rentré-e-s au CARA le soir et ont tenu les barrages routiers jusqu’au lendemain après-midi avant de retourner au centre pour le bloquer à son tour.

Les gestionnaires du CARA se sont lamentés de ces « débordements » dans un communiqué, en précisant que la manifestation était sensée être pacifique, et que pendant que les méchant-e-s caillassaient la police les autres demandeurs d’asile du centre préparaient la crèche de noël de la ville pour bien s’intégrer à la population locale. Mais ceux et celles qui sont descendu-e-s dans la rue ne se leurrent pas sur leurs perspectives d’intégration : servir de pompe à fric, pour le reste ils demeureront des indésirables aux yeux du gouvernement italien.

[Italie] Modène ferme (mais pas Milan) – 29 décembre 2013

La préfecture vient de l’annoncer, le CIE de Modène ne rouvrira pas ses portes. Ouvert en 2002, il a été fermé pour restructuration après les révoltes destructrices de cet été.

À Milan le centre aussi ferme ses portes, mais temporairement, pour restructuration. Inauguré le 8 septembre dernier par des incendies alors qu’il venait d’être restructuré, il ne restait plus que 28 places sur 132 en novembre suite aux révoltes (ici et ). On ne sait pas quand il rouvrira mais ce qui est sûr c’est que la croix-rouge n’en aura plus la gestion. Un comité d’évaluation est en train d’étudier les meilleurs offres parmi les différentes coopératives et associations qui se proposent pour reprendre la gestion (celle qui offre le plus bas prix par retenu).

Reformulé depuis la presse italienne republiée sur macerie

[Italie] Seaux de peinture à Turin, Rassemblement à Rome, révolte à Bari – 25 décembre

Pour l’instant, la protestation au centre de Corso Brunelleschi s’est affaiblie. Entre hier soir et ce matin, les retenus ont recommencé à manger, tandis que nous n’avons pas de nouvelles précises de la nigériane accusée d’avoir mordu un agent puis transférée à l’isolement. Dans une des sections masculines, en revanche, un retenu a mangé des piles pour protester :  il a été conduit aux urgences, ou on lui a administré des comprimés, puis ramené au centre. Dans le même temps, quelqu’un a pensé à rendre visite au siège régional de la croix rouge, via Bologna : tag et seaux de peintures en solidarité avec les retenues tapées par les agents avant-hier – cela pour dire, évidemment que les responsables de l’obscénité des CIE peuvent se trouver toujours et facilement.

À Rome, en revanche, après les bouches cousues et les transferts forcés, pour demain on annonce un rassemblement devant les murs du cie de Ponte Galeria à 17h.

Quant aux protestations et aux révoltes, pendant ce temps le relais est passé à Bari-Palese, ou une belle tentative d’évasion de masse s’est transformée en révolte, durant la quelle un groupe de retenus a d’abord inondée une section puis enflammé matelas et meubles. De ce qu’en dit la préfecture la situation est maintenant tranquille, aussi parce que les forces de l’ordre sont rassemblées en masse à l’extérieur du centre. Il n’y a pas eu d’arrestation même si, de ce que disent les flics, les actions de certains révoltés sont « à l’étude » par les enquêteurs.

source macerie

[Turin] Retenues tabassées à Brunelleschi – 23 décembre 2013

Retenues tabassées à Brunelleschi

Avec pour prétexte l’agression d’une opératrice de la Croix-Rouge et d’un inspecteur de police, les agents de garde du CIE de Turin sont entrés ce matin dans la section pour femmes – appelée section verte – pour frapper les retenues. Pour protester contre la violence de la police, les retenus des sections pour hommes ont refusé le déjeuner et entamé une grève de la faim.

Mise à jour 22h : Quelques nouvelles plus précises, sur les événements de ce matin. Le présumée responsable de la morsure de l’agent est une jeune nigériane, et le tabassage a pris pour cible prioritaire les retenues de cette même nationalité, pendant que les autres prisonnières étaient laissées dans un coin. Malgré cela, la réaction a été compacte et immédiate dans tout le centre : les détenus ont commencé à brûler différents objets en protestation, et tous ensemble ont décidé la grève de la faim, qui a duré toute la journée.

Aux alentours de 19h, la police a de nouveau fait irruption, matraques à la main, dans la section féminine pour prélever la jeune femme et la placer à l’isolement. Quelques minutes plus tard, un groupe de solidaires s’est matérialisé sous les murs du centre, avec fumigènes et pétards, pour apporter leur soutien aux retenus en grève de la faim. Une dizaine de minutes de cris et pétards auxquels les retenus ont répondu bruyamment, recommençant de nouveau à allumer de petits incendies – immédiatement éteint par la police avec les canons à eau. Pour le moment, dedans, tout est tranquille, mais les retenus ont annoncé pour demain leur intention de continuer la grève.

Écoutez en italien une intervention sur Radio Blackout.

Traduit depuis Macerie

[Italie] Bari brûle ! – 5 décembre 2013

Aujourd’hui en fin de matinée, un incendie s’est déclenché au Centre de rétention de Bari Palese. Il semble que l’étincelle qui a fait exploser les protestations ait été la non-libération d’un retenu, qui s’était lourdement tailladé hier soir. Après un bref passage à l’hôpital, il a été raccompagné dans le centre, où ses compagnons de réclusion ont tout de suite commencé à protester. Quand l’incendie s’est déclenché, la police à fait sortir les retenus des chambres, réussissant péniblement à éteindre les flammes. Dans la confusion un retenu a été pris les flics et séparé des autres, probablement pour être incarcéré. Pour le moment, l’étendue des dégâts n’est pas encore claire, mais il semble qu’un pavillon entier soit hors d’usage. En attendant des nouvelles, il vaut la peine de rappeler que le Centre de Bari Palese, géré par la coopératice Connecting People (ceux-là même qui géraient Gradisca jusqu’à sa totale destruction il y a un mois), était déjà fortement endommagé et il restait seulement une centaine de places sur les deux cents prévues.

Traduit de Macerie

 

[Italie] Effondrements – 20 novembre 2013

Il y a deux semaines a été détruit le centre de Gradisca. C’est le septième à fermer en Italie. Cela peut sembler évident mais il est préférable de le préciser avant que quelques politiciens plus ou moins sinistres*  ne pensent à s’attribuer le mérite de ce qu’ils n’ont pas fait : ces centres ont été  formellement  fermés parce qu’un fonctionnaire ministériel en a ordonné l’évacuation, mais factuellement ils ont été détruits par le feu des révoltes des retenus. Sept centres sur treize sont fermés, et on ne peut pas dire que ceux qui restent se portent à merveille. Considérant la vitesse à laquelle ils tombent en morceaux, on pourrait affirmer que la machine à expulser est proche de l’écroulement  En voulant être sincères, si l’on doit parler d’écroulement, il y aurait besoin de dire quelque chose aussi de l’écroulement qui semble avoir touché les divers mouvements qui, ces dernières années, ont soutenu les luttes des retenus. Alors que l’on est dans un des moments les plus forts et les plus incisifs en terme de lutte à l’intérieur, à l’extérieur rien ne bouge. Il serait important de tenter quelques raisonnement propositifs, mais nous laissons ces pensées temporairement de côté. *( jeu de mot avec sinistra (gôche), NdT)

La machine à expulser est clairement en crise, et il n’y a pas besoin d’être spécialiste en philosophie politique pour comprendre que derrière chaque soit-disante crise se cache la possibilité d’une restructuration. Il pourrait sembler qu’au ministère de l’intérieur on se tourne les pouces mais il est quasiment certain qu’ils pensent et préparent quelque chose. Les nouvelles officielles à ce propos sont peu nombreuses, mais nous savons par exemple que les centres de Modène et de Bologne pourraient rouvrir l’année prochaine. En plus, il y a toujours en jeu la construction de deux nouveaux centre à Santa Maria Capua Vetere (Casert) et à Palazzo San Gervasio (Potenza). Ouverts en toute hâte il y a deux ans et demi durant le plan « urgence afrique du nord » (suite aux révolutions arabes, NdT) et restés en fonction seulement quelques mois, ils devaient rouvrir avant la fin de l’année, mais depuis que le gouvernement a lancé les appels d’offre et la collecte de fonds pour la restructuration on n’en a plus entendu parler.

Comme chaque restructuration qui se respecte, celle des CIE n’est pas seulement une question de contrats pour savoir qui construira les murs, les grillages et les barreaux. Chaque dispositif répressif a aussi besoin d’idées et de théories sur lesquelles se baser et se renouveler et sur ce front les choses sont en train de bouger. En mars 2013 a été publiée une proposition de réforme des CIE écrite par Connecting People et la Fondation Xenagos. Fatigués de recevoir de continuelles «  attaques sur plusieurs fronts, les qualifiant notamment de tortionnaires redoutables » Maurino et cie ont mis noir sur blanc leurs idées pour une « réforme copernicienne » de la machine à expulser. Parmi les propositions les plus inquiétantes il y a celle d’obliger les retenus à travailler, une nouvelle qui transformerait les CIE en réels camps de travail, au profit de ceux qui les gèrent. De son côté, après une campagne désormais décennale, la croix rouge est obligée d’abandonner pour l’instant les jeux de mots autour de sa prétendue impartialité et à finalement découvrir la différence entre les concepts d’ « accueil » et d’ « expulsion ». Il y a six mois a aussi été publié un document programmatique sur les CIE, un long travail d’analyse sur la condition des centres rédigé par une commission de bureaucrates du ministère de l’intérieur. Obsédés par la rationalisation de la machine à expulser, jugée coûteuse et inefficace mais surtout mise à rude épreuve par les « épisodes, actuels ou potentiels d’insurrection ou de dégradations graves », les fonctionnaires ont mis au point des propositions. Pour garder sous contrôle une situation leur ayant déjà échappé des mains trop souvent, le ministère étudie « la création d’un corps de professionnels, à qui confier la gestion des activités impliquant un contact direct avec les hôtes du centre ». Des équipes de para-matons privés. Pour le comprendre il suffit de lire comment le ministère s’imagine ce nouveau corps  : « opérateurs spécialisés, préparés à l’aide de formations spécifiques et d’entraînements, organisés avec la contribution de l’administration pénitentiaire, qui seront aux côtés des forces de l’ordre ». Dans le projet des bureaucrates l’intégration de la machine à expulser à l’intérieur du circuit carcéral ne se limiterait pas seulement à l’entraînement de gardiens, mais inclurait également « la création d’une structure mixte (à l’intérieur des prisons), composée par du personnel de l’administration pénitentiaire et de la police d’état » afin d’identifier les détenus sans-papiers. Un projet qui est aussi soutenu, depuis quelques temps, par des partisans de la fermeture des centres. L’une d’entre eux est Serena Pellegrino, écologiste et libérale de gauche qui, dans la foulé des révoltes de Gradisca a demandé des modifications législatives qui permettront « l’identification des très nombreux détenus sans-papiers, durant la période d’incarcération ».

En attendant de savoir ce qui adviendra dans les prochaines semaines à l’intérieur, hors et autour des CIE voyons où en sont les six restés ouverts.

Milan. Restructuré il y a moins de trois mois, après une série de travaux qui auraient dû améliorer les niveaux de sécurité et empêcher les révoltes, le centre est de nouveau pratiquement détruit et il n’y reste que vingt-huit places. Après la dernière révolte et en vue du renouvellement de l’appel d’offre de gestion, la croix rouge a décidé de pleurer misère et de hausser le ton : évidemment la gestion d’un CIE est devenue une affaire toujours moins intéressante en terme d’image et de rentabilité.

Turin. Le centre est à moitié détruit : une section entière est fermée, les cinq autres sont toutes plus ou moins sérieusement endommagées et il ne reste donc dans la structure que 98 places. Les dégradations les plus conséquentes datent de juillet dernier, lorsque a été détruite et incendiée la section blanche, fraîchement pensée et restructurée comme section anti-émeutes. Comme à Milan, à Turin aussi la gestion est depuis longtemps confiée à la croix rouge et l’appel d’offre tombera au printemps prochain.

Rome. On n’a plus de nouvelles du centre de Rome depuis la grande révolte de février dernier, quand le feu détruisit une grande partie du centre et des grilles d’enceinte les rendant pratiquement inutilisables pour plusieurs jours. L’absence de nouvelles est un signe évident que la gestion par la coopérative Auxillium porte ses fruits en réduisant au silence à grand renfort de sédatif les protestations des retenus. Une gestion plébiscitée un peu partout : parmi ceux qui estiment la coopérative nous trouvons beaucoup de fonctionnaires du ministère, même ceux qui sont connus comme fabulateurs de gauche.

Bari. Les dernières protestations significatives remontent à deux ans, mais l’œuvre de destruction du centre par les retenus a sûrement continué sans relâche bien que l’on n’ait pas de nouvelles. Le CIE est à moitié détruit et un groupe d’avocats a lancé une class action pour contraindre le préfet à acter qu’il ne reste que 112 places dans le centre. Depuis six mois la gestion du centre est confiée à Connecting People, les collègues de ceux qui géraient jusqu’à il y a deux semaines, le centre de Gradisca.

Caltanissetta. Après un été bouillant de révoltes et d’évasions, un des trois pavillons du centre a été définitivement fermé en septembre. Il n’y reste donc plus que 70 places. Depuis octobre la gestion a été confiée à la coopérative Auxillium, la même qui gère le centre de Rome. Malgré les compliments récents de l’évêque monseigneur Russotto et d’un groupe de parlementaires grillini (adeptes de Bepe Grillo, mouvement 5 étoiles, NdT) il est suffisamment évident que les nouveaux gestionnaires n’ont pas la situation sous contrôle : il y a eu au moins trois tentatives d’évasion accompagnées d’affrontements avec la police le mois dernier.

Trapani Milo. Immergé dans la campagne trapannaise, éloigné des centres résidentiels, il est renommé pour être le CIE des évasions. Même si la police a tout essayé, allant même jusqu’à couper les lacets de chaussures aux retenus, la moitié des retenus qui passent par là arrivent à s’en échapper. Dans la tentative de mettre fin à cette situation le ministère a récemment débloqué plus de 600 000 euros pour sécuriser le centre et le préfet a révoqué la gestion à la coopérative Oasi, lançant un nouvel appel d’offre. Pourtant, en masse comme en petit groupe, on continue toujours à s’enfuir du centre de Trapani.

 source : macerie