Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

Brèves des frontières #3, luttes et solidarité – début octobre 2015

Vintimille (Italie). Le 30 septembre 2015 à l’aube des dizaines de flics sont venus expulser le Presidio No Border. Depuis la vielle au soir, migrant-es et solidaires s’étaient replié-es sur les rochers du bord de mer pour retarder au maximum l’expulsion. Pendant que les pelleteuses et les bulldozers détruisent le campement, les flics resserrent l’étau autour des rochers. Cette situation va perdurer toute la journée alors qu’une vingtaine de migrant-es ont déjà été arrêtés, emmenés à Gènes puis transférés de force au plus loin de la frontière franco-italienne, dans un centre pour demandeurs d’asile à Bari (dans le sud de l’Italie). Alors qu’ils/elles se battaient pour refuser leur identification à Vintimille pour pouvoir demander l’asile dans un autre pays européen, enfermé-es dans ce centre ils/elles ont été obligé-es de donner leur identité ainsi que leurs empreintes et photos.

Délogé-es à leur tour en fin de journée les migrant-es réfugié-es sur les rochers n’ont d’autre choix que d’accepter d’être conduit-es au centre de la Croix-Rouge tout en obtenant l’assurance de ne pas être identifié-es, tandis que les solidaires sont emmenés au commissariat ; ils/elles recevront une plainte pour « occupation illégale de terrain public ».

Le centre de la Croix-Rouge, situé juste à côté de la gare de Vintimille, est un lieu de contrôle et de tri des migrant-es. La Croix-Rouge italienne est un partenaire privilégié de l’État dans son sale boulot de gestion, d’enfermement et d’expulsion des migrant-es et sans papiers (notamment dans les gestion des centres de rétention et des camps pour demandeurs d’asile).

En fuyant ce centre, ceux/celles qui avaient choisi de se regrouper sur le presidio refusaient ainsi les logiques d’enfermement et humanitaire, leurs préférant celles de la solidarité, de l’auto-organisation et de la lutte qui constituaient les principes de base du campement situé au pied du poste frontière entre Vintimille et Menton.

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Traduction du communiqué du Presidio No Border sur cette journée du 30 septembre :

Ils arrachent et ils jettent les tentes, les vêtements, la nourriture, les brochures d’information, les livres, le matériel pour les cours en anglais, français, guitares, les ballons, les meubles, les douches et les toilettes.

La violence dévastatrice de ces bulldozers détruit le travail de mois d’auto-organisation, qui a mobilisé la solidarité de beaucoup de gens, qui a vu cet espace être traversé par une multitude de personnes, dont des migrants, des activistes de toute l’Europe, des gens qui se sont joints pour apporter des pâtes, du lait, de l’eau.

« Nous avons dégagé le presidio, pas les migrants », a déclaré le maire de Vintimille, Loculano. Ce que détruisent ces bulldozers, en fait – sous les yeux attentifs et terrifiés en même temps de la police – est avant tout un chemin d’autogestion, de lutte, qui a eu lieu principalement par l’urgence de vivre ensemble.

Les migrants et les solidaires vivaient ensemble, mangeaient ensemble, dormaient dans le même endroit, géraient ensemble la cuisine, le nettoyage du terrain, la sécurité pour empêcher aux passeurs de rentrer, et ensemble ils se confrontaient dans des réunions horizontales (en arabe, italien, anglais français) pour s’organiser contre la violence des frontières et la répression continue que rencontrent ceux qui essaient de les traverser.

À Vintimille, il n’y avait pas de place pour la pitié, la rhétorique de la charité chrétienne. À Vintimille il y avait les corps, les regards, l’effort constant de se connaître, de se raconter au-delà des barrières linguistiques. À Vintimille il y avait l’immédiateté des relations, du vivre ensemble, de construire, il y avait la frustration d’avoir en face une barrière qui constamment ramenait la menace d’expulsion, qui reproduisait constamment le visage brutal de l’Europe. Mais il y avait aussi une énergie vitale qui sortait de « coups » devant la frontière, dans l’improvisation de la musique et de la danse du Soudan, dans la conviction de ne pas être seuls, de lutter avec les autres, à Vintimille il y avait le désir irrésistible de liberté.

Voilà ce que les bulldozers et leurs dirigeants voulaient effacer. Ils ont peur de la liberté, de ce que le Presidio No Border est en train de construire, en s’opposant au business minable qui a été créé autour de l’« accueil », en dénoncent les pratiques violentes de la police aux frontières dans le scénario de la multiplication des frontières.

Vintimille, Calais, Lampedusa : plaies ouvertes au cœur de l’Europe, où des vies sont suspendues sur le rêve d’une terre d’asile, des espaces de transit où la violence du voyage, les mauvais traitements infligés par la police et les trafiquants, se joignent à la violence de la frontière. La violence des zones de transit dans lesquelles les migrants deviennent des pions à répartir entre les différents États dans le scénario de l’ambiguïté législative, dans une Europe qui professe la liberté de mouvement pendant que Schengen est réduit à un énième dispositif qui renforce les hiérarchies entre qui est citoyen intérieur de la « forteresse Europe » et qui ne l’est pas et pour ça reste piégé dans les dispositions de Dublin II, qui lie la demande d’asile au premier pays d’arrivée.

La patrie de la liberté et des droits répond avec la fermeture et des expulsions des voisins qui, fuyant des dictatures et de la violence, héritage d’un passé que l’Europe prétend avoir oublié. La migration, comme un fait social total, nous oblige à repenser l’ensemble du système économique et les bases sur lesquelles l’Europe est construite, en l’appelant à répondre des conséquences de l’exploitation coloniale. Effort qu’aucun État européen ne semble être prêt à faire.

Voici donc que fermer, barrer, expulser semblent devenir les seuls slogans ; pour ne pas mentionner l’ouverture de nouveaux hotspots, de fait des lager légalisés. Mais les parcours No Border savent très bien que le contrôle n’est pas la seule stratégie mise en œuvre dans la gestion de la migration : ce qu’ils dénoncent, en plus de la fermeture des frontières, est le drainage classiste et racial des flux, par lequel les États essayent d’avoir la main-d’œuvre la plus qualifiée, créant parfois une véritable « entreprise d’accueil » dans lequel les réfugiés deviennent des opportunités de profit pour les coopératives, parfois en exploitant leur illégalité, comme cela arrive avec la loi Bossi-Fini en Italie, qui lie le contrat de travail au permis de séjour, en laissant les demandeurs dans l’incertitude administrative qui ne peut que pousser au travail illégal.

Légaliser l’exploitation sans régularisation des migrants est bien adapté à un système qui fait de l’inégalité son pilier. Ceux qui font appel à la loi tant vantée sont en fait les premiers partenaires dans la production de l’illégalité et la clandestinité.

Et voila que la réponse immédiate contre ceux qui mettent en évidence la misère de ces ambiguïtés et essayent chaque jour de construire des parcours de lutte alternatifs est la répression et la criminalisation des migrants et des militants. La répression devient l’effort pathétique de minimiser et de dépolitiser le message du parcours No Border.

Sur la frontière franco-italienne, en seulement un mois, deux militants ont été arrêtés, 8 autres ont été refoulés avec un mandat, tandis que les passeurs sont autorisés à mener leurs négociations en face de la gare de Vintimille ou à entrer dans le domaine de la Croix-Rouge. Nous nous demandons si la même énergie utilisée pour réprimer les activistes No Border et les migrants sont également utilisés pour lutter contre l’embauche illégale dans la campagne, pour lutter contre l’exploitation des travailleurs migrants, rendu encore plus facile par les lois ambiguës construites sur le racisme institutionnel.

Alors que la police réprime ceux qui luttent pour l’élimination des frontières et contre la force d’un système capitaliste, l’Europe continue à demander, comme en Grèce, comme au Mali, comme au Sénégal et dans de nombreux États post-coloniaux, le « courage de réformes douloureuses », qui ne sont en fait que des mesures meurtrières au nom d’une dette extérieure négociée à leur insu, tout en fermant en même temps les portes à ceux qui fuient la pauvreté dans ces pays. Voilà que la rhétorique de l’hospitalité cède la place à l’érection de murs et au déploiement de mesures répressives.

Ils ont détruit un lieu, une maison, un refuge pour beaucoup. Ils ont détruit un Présidio, mais pas un parcours, parce que Ventimiglia n’est pas juste un endroit. Vintimille est une idée de résistance qui repose sur un réseau établi au cours de ces trois mois, et qu’aucun bulldozer et aucune expulsion ne pourront jamais dégager.

Vintimille est partout et la solidarité est notre arme.

Source Presidio No borders 20miglia

Récit video de cette journée

Le soir même et les jours suivants, la solidarité avec les expulsé-es de Vintimille s’est exprimée dans toute l’Italie : rassemblements, manifestations, occupations de gare, attaques contre les bureaux du partido democratico au pouvoir… Mais également à Paris, Lyon, etc.

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Ce même 30 septembre se tenait au tribunal de Nice le procès d’un solidaire, arrêté au mois d’août lors d’un rassemblement devant les locaux de la police aux frontières de Menton suite à une énième rafle à bord d’un train traversant la frontière. Il a été condamné pour outrage et violence à 6 mois de prison avec sursis, 150 heures de travail d’intérêt général et à verser près de 2.000 euros en dommages et intérêts à trois flics. Source

Le 15 octobre se tiendra un autre procès pour les mêmes motifs contre un autre solidaire.

Le 4 octobre, une manifestation internationale a été appelée à Vintimille contre la répression policière et l’expulsion du presidio. Plusieurs centaines de personnes ont répondu présentes, mais les migrant-es du centre de la Croix-rouge qui voulaient rejoindre le cortège ont été bloqués par les flics qui empêchaient toute sortie du centre et menaçaient celles et ceux qui tentaient de rejoindre le cortège de leur prendre leurs empreintes. Les manifestant-es sont donc resté-es face au bâtiment de la Croix-rouge apportant leur solidarité à celles et ceux qui étaient enfermé-es à l’intérieur.

Plus tard dans la soirée, alors qu’une assemblée se tenait à la fin de la manifestation, la police a chargé poursuivant, dans une véritable chasse à l’homme, des petits groupes dans les rues de la ville. Deux personnes ont été blessées et hospitalisée et une autre a été arrêtée et s’est vue notifier une interdiction du territoire de Vintimille.

Turin (Italie). En Italie aussi les protestations dans les centres d’hébergement des demandeurs d’asile sont nombreuses. Le 5 octobre les demandeurs d’asile hébergés dans le centre d’accueil San Donato de Via Aquila, géré par la coopérative Isola di Ariel, ont balancé dans la rue tous les repas fournis par la structure car ils étaient immangeables. En plus de la mauvaise qualité de la nourriture, il semble que la structure ne possède pas suffisamment de lits pour tout le monde. Source 

Toujours à Turin, le 4 octobre un rassemblement solidaire s’est tenu sous les murs du centre de rétention (CIE) de corso Brunelleschi.

Voici l’appel au rassemblement (source) :

Depuis leur naissance, les centres d’identification et d’expulsion (CIE) ont été le théâtre de révoltes, de destructions et d’insubordinations. Parmi ceux-ci, celui de Turin, a été détruit en bonne partie par les incendies causés par les retenus, de sorte que, au début de l’année, il avait une capacité de seulement 20 places contre les 210 prévues.

Avec le début des travaux (de restructuration) la gestion du CIE est passée des mains de la Croix Rouge à celles des organismes GEPSA et Acuarinto. La gestion du centre change, mais les conditions inhumaines d’enfermement restent les mêmes, de sorte que les détenus ont eu la surprise de trouver ces derniers jours dans la nourriture servie… des asticots.

Depuis l’extérieur, nous ne pouvons que soutenir les luttes des prisonniers qui continuent de dénoncer le traitement qu’ils subissent et de chercher des moyens de regagner la liberté : récemment nous avons eu la nouvelle de l’évasion de deux jeunes.

Les soutenir signifie, entre autres choses, identifier et frapper les responsables de leur enfermement et ne pas manquer l’occasion de porter notre solidarité à l’extérieur des murs du CIE.

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Rome (Italie). Le 10 septembre, dans la continuité des précédents, un nouveau rassemblement était appelé devant le CIE de Ponte Galeria. Voici l’appel au rassemblement et un compte-rendu.

Rassemblement au centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria, samedi 10 octobre. (source)

Ils/elles sont appelé-es réfugié-es, clandestin-es, migrant-es… Ils/elles sont les objets de calculs politiques et économiques, des chiffres à placer çà et là, dans les différents pays européens.

Des objets à jeter en première page pour raconter une histoire émouvante et surtout des objets sur lesquels spéculer, politiquement pour s’attirer un peu de consensus, ou économiquement parce que pour certains les flux migratoires représentent une grande source de profits.

Pour nous, ce sont des personnes, avec des vies, des histoires, des corps. Des personnes qui, pour diverses raisons, que nous n’avons pas à contrôler, ont décidé d’entreprendre un voyage. Parfois par choix, souvent parce que contraintes.

Ces derniers jours, nous avons vu les forces de l’ordre, commandées par le gouvernement, expulser le campement autogéré à la frontière franco-italienne a Vintimille. L’expulsion a également entraîné le transfert forcé de 20 personnes dans le CARA de Bari, camps d’internement ethnique pour ceux/celles qui demandent l’asile en Italie. […]

En Italie, les centres de détention administrative, dans lesquels les gens sont battus, sont nombreux, avec différents sigles et règlements. Pour nous ce sont tout simplement des prisons. Le CIE de Ponte Galeria est l’une d’entre-elles. Un lieu où chaque jours sont enfermé-es des femmes et des hommes, où ils/elles sont passé-es à tabac et déporté-es.

Dans le dernier mois, nous en avons vu beaucoup, individuels et collectifs, comme nous avons entendu les récits de ceux/celles qui, luttant pour leur existence et leur dignité, ont été tabassé-es et humilié-es par les gardes et opérateurs travaillant au sein de ces centres avec une passivité inhumaine.

Mais le CIE de Ponte Galeria, comme d’autres, est aussi un lieu où naît la complicité et la solidarité, à l’intérieur comme à l’extérieur, là où on lutte, là où on résiste.

C’est pour ces personnes et pour les relations créées au fil du temps que nous continuons d’aller sous les murs du CIE, avec régularité et détermination. Et nous continuerons à la faire aussi longtemps que ces lieux ne seront pas détruits.

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Sur le rassemblement solidaire devant le CIE de Ponte Galeria.

Samedi 10 octobre, un groupe d’une trentaine de solidaires s’est donné rendez-vous à la station Ostiense pour rejoindre ensemble de CIE et apporter leur solidarité et leur soutien aux enfermé-es. Comme souvent dans ce genre de situation, déjà à l’intérieur du train, ils ont tenté de bloquer notre arrivée au CIE : le contrôleur, avec l’aide de la police, a tenté de mettre des amendes aux solidaires, de les faire descendre du train et de les contrôler. La communication avec les autres passagers du train à propos de la situation dans les CIE et de la lutte contre les expulsions a fait en sorte que le contrôleur s’est senti moins puissant, et même si le groupe a décidé de descendre du train et de prendre le suivant, aucun contrôle n’a été effectué.

Une fois arrivé sous les murs du CIE, où d’autres solidaires attendaient le groupe du train, des balles de tennis ont été lancées par dessus, contenant des messages de solidarité et le numéro du téléphone contre les expulsions. C’est grâce à ce téléphone que solidaires et enfermé-es réussissent à être en contact et que les épisodes de lutte et de résistance des prisonnier-es et que les tentatives de répression par la police ou les responsables du centre sont racontés à l’extérieur.

Et c’est pas ce biais qu’est arrivée la nouvelle que les gardes ont enfermé les prisonnières du CIE dans leurs cellules pour les empêcher d’entendre les messages de solidarité provenant du rassemblement et de récupérer les balles de tennis lancées dans la cours. Mais, les détenues ont forcé les portes pour pouvoir les récupérer.

Le rassemblement s’est ensuite dirigé vers la section masculine, rapidement suivit par la police anti-émeute et la Digos (police politique). Là, la réponse de l’intérieur à été très forte : battage, chants et cris s’entrelaçaient avec les interventions et les cris des solidaires.

Avant de partir, le rassemblement s’est approché a nouveau de la section des femmes où a eu lieu une énième mise en scène des forces de l’ordre. Cette fois ce sont des militaires qui avec une jeep ont tenté de mettre la pression aux solidaires en fonçant sur le rassemblement. Les personnes rassemblées n’ont pour autant pas bougé et on riposté à cette provocation en tapant sur le capot et les vitres. L’arrivée des anti-emeutes et de la digos a mis fin à la provocation des militaires, rappelant à l’ordre les braves soldats qui ont désobéit.

Cet épisode a poussé les solidaires a rester plus longtemps sous les murs du centre, motivé-es également par l’arrivée d’une nouvelle de l’intérieur : un détenu, arrivé à la fin de sa période d’emprisonnement, risquait d’être expulsé immédiatement. Au final, le gars a été libéré avec une ordonnance d’expulsion et les solidaires ont pu le saluer.

Ce rassemblement était particulièrement important car il avait lieu après plusieurs jours de manifestations collectives et individuelles à l’intérieur du centre : un jeune est resté perché à un poteau pendant deux jours pour résister à l’expulsion. Pour empêcher les manifestations et tenter d’étouffer la solidarité que les autres détenus exprimaient, les flics ont distribué des coups, brisant les dents et les bras de certains.

Feu aux CIE

Quelques ennemi-es des frontières

Source

Lampedusa (Italie). Le 4 octobre au matin, 150 migrant-es détenu-es dans le camp hotspot de Lampedusa ont manifesté contre leur détention. Cette manifestation n’est pas la première et les migrant-es enfermé-es dans cette prison européenne demandent leur transfert sur le continent sans être identifié-es (empreintes, identité et photo) et leur liberté. “We don’t want Lampedusa!”, “We don’t want prison!”. (video) Le 7 octobre c’était aux cris de « freedom », « no finger prints » et « al jazeera contact us » qu’une nouvelle manifestation s’improvisait sur l’île.

Depuis le 21 septembre, ce centre dit « d’accueil » (CPSA) a été transformé en hotspot. Le nom change mais la fonction reste la même : trier les migrant-es qui arrivent à Lampedusa puis les transférer vers d’autres camps en fonction de leur situation. Ce centre est géré par l’association catholique Misericordia qui a fait de l’enfermement des migrant-es et sans papiers une de ses principale source de revenus. Outre les opérateurs de la Misericordia sont présent dans le centre des flics italiens, des flics de la police scientifique, des agents du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale des migrations (OIM) et de l’agence Frontex. Depuis plusieurs années que ce centre existe et que des migrant-es s’y retrouve enfermé-es après leur arrivée sur l’île italienne, il a été a plusieurs reprise totalement détruit par les révoltes qui y ont éclatées.

Les camps d’enfermement appelés hotspots (terme qui induit implicitement que l’on est dans une situation d’urgence) sont un nouvel outil mis en place par l’Union européenne à ses frontières extérieures pour mener sa politique répressive de « gestion des flux migratoires ». Coorganisés par les agences européennes Frontex (surveillance et blocage des frontières), Europol (coordination des polices européennes), Eurojust (coordination judiciaire européennes) et EASO (coordination de la politique d’asile), ils vont servir de lieux de tri entre les « bon réfugié-es » qui auront le droit à l’asile et les « mauvais migrant-es » qui seront expulsé-es vers leur pays d’origine ou des pays tiers. Toutes les procédures d’identification et de gestion des migrant-es vont y être menées : prises d’empreintes, fichage dans les bases de données européennes (EURODAC), enquêtes sur les réseaux de passeurs, expulsions collectives. La photographie et la prise d’empreinte digitale sont fondamentales dans ce système dont l’objectif est de ficher et de trier. Il est prévu que les migrant-es refusant de s’y soumettre fassent l’objet de mesures coercitives. L’application de ces mesures est encore en discussion au niveau européen et actuellement consiste à promettre un transfert rapide à celles et ceux qui acceptent l’identification et à maintenir dans les camps les personnes s’y refusant.

À travers la mise en place de ces camps l’UE veut contenir les migrant-es aux portes de l’Europe, les empêcher de continuer leur voyage vers d’autres pays et faciliter les expulsions.

C’est également à partir de ces camps que va s’effectuer la répartition de l’accueil des réfugié-es entre les différents pays européens, ainsi que les expulsions de masse prévues par l’Union européenne. À terme, l’UE voudrait ouvrir des hotspots dans les pays frontaliers, dits « tampons », comme la Libye ou la Turquie.

Pour l’instant des camps de ce type ont été ouverts en Italie (Lampedusa, Porto Empedocle, Pozzallo, Trapani) pour une capacité de 6000 places et d’autres sont prévus en Grèce.

En parallèle, pour faciliter le travail de division, amorcé dans toute l’UE, entre réfugié-es et migrant-es économiques, le gouvernement italien ré-ouvre le CIE de Restinco à Brindisi, fermé depuis quelques temps grâce aux nombreuses révoltes qui y avait éclatées. La remise en service du CIE, dont la gestion a été confiée à la coopérative Auxilium, a été inaugurée avec l’enfermement de quinze migrant-es transférés de Lampedusa.

Le 10 octobre, les manifestations continuent dans les rues de la ville, au cris des slogans réclamant la liberté et contre l’obligation de donner ses empreintes digitales.

Sur la journée du 4 octobre, on peut écouter ce témoignage audio, en italien et un article sur le blog Macerie.

Trapani (Italie). Fin septembre, une évasion massive a eu lieu au CIE de Trapani-Milo. Une centaine de personnes auraient réussi à s’évader, laissant le centre quasi vide avec seulement une quinzaine de retenus.

Paris & banlieue (France). Depuis le 26 septembre, les migrant-es du centre d’hébergement Aurore de la Place de Clichy menaient une grève de la faim revendiquant l’amélioration de leur situation, le droit de résider, la liberté de circulation et dénonçant le mépris et l’attitude raciste de certains travailleurs sociaux du centre. Plus d’infos sur Paris luttes info.

Après une premier rassemblement d’une centaine de personnes devant le centre le 28 septembre, un second se tient le 1er octobre. Les grévistes de la faim annoncent qu’ils ont obtenu satisfaction sur un bon nombre de leurs revendications et qu’ils ont décidé d’arrêter leur mouvement.

Les expulsions de campements continuent puisque le 2 octobre, un campement de migrant-es syriens à été expulsé à la Porte de Saint-Ouen. Quelques jours auparavant, le 28 septembre, 200 lycéen-es de Saint-Ouen ont bloqué leur lycée en solidarité avec les migrant-es. Des poubelles ont été brûlées et des voitures retournées. Le groupe s’est ensuite rendu en métro dans la commune voisine pour débrayer d’autres lycées mais ils en ont été empêchés par les flics qui ont arrêtés 7 d’entre-eux.

Toujours dans les lycées, le 6 septembre le lycée Claude Monet dans le 13ème arrondissement a lui aussi été bloqué. Une barricade a été érigée devant la porte d’entrée par les lycéen-es qui réclament l’accueil des migrant-es mineur-es dans les écoles.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté de la place de la Bastille à la place de la République le 4 octobre en solidarité avec les migrant-es et pour la liberté de circulation. Les migrant-es du lycée occupé et des centres d’hébergements ont pris la tête du cortège derrière les banderoles : « liberté, freedom », « solidarité avec les réfugiés », « asile, papiers, logement », « les frontières tuent – liberté de circulation – solidarité entre exploités » et d’une banderole en solidarité avec les expulsés de Vintimille.

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Le 9 octobre s’est tenu le procès de quatre personnes accusées de « séquestration » suite à un mouvement de grève de la faim et de blocage dans un centre d’hébergement (LIEN VOIR ICI). Six salariés d’Emmaüs (puis cinq puisque l’un a retiré sa plainte au début du procès), soutenus par leur entreprise, se sont portés partie civile. Le verdict sera rendu le 6 novembre, la procureur a demandé plusieurs mois de prison avec sursis et des dommages et intérêts, tandis que les avocats des inculpés ont plaidé pour la relaxe. Plusieurs rassemblements en solidarité se sont tenus, un devant le siège d’Emmaüs le 7 octobre, rassemblant une centaine de personnes, et un second le jour de l’audience, devant le tribunal.

Calais (France) / Frontière Angleterre :

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, un nouvel assaut collectif et auto-organisé de la frontière à eu lieu à Calais. Plusieurs centaines de migrant-es ont ouvert une brèche de 30 mètres dans les barbelés qui entourent la zone d’accès au tunnel sous la Manche pour tenter de pénétrer à l’intérieur et ainsi espérer atteindre l’Angleterre. Ces actions collectives sont menées régulièrement contre cette frontière mortifère où 19 personnes ont été tuées, écrasées percutées, noyées ou électrocutées depuis début juin 2015Les dernières mesures de « sécurisation » de l’accès au port et à l’eurotunnel, décidées conjointement par la France et la Grande Bretagne, comme le renforcement des barrières barbelées (surmontées de lames de rasoir), les gadgets électroniques de surveillance, l’embauche de vigiles et l’envoi à Calais de nombreux flics, ne viendront jamais à bout de la détermination de celles et ceux qui veulent passer les frontières et n’ont pas les bons papiers, comme le montre cette nuit du 2 octobre.

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Les 7 et 13 octobre de nouveau des groupes sont entrés sur la rocade portuaire pour provoquer des ralentissements et tenter de monter dans les camions. Les flics sont intervenus et se sont reçu des caillasses. (voir plus bas l’article « Encore des tirs de gaz lacrymogènes dans la jungle »)

De nombreuses personnes passent cette frontière chaque semaine et donne du courage à leurs camarades qui attendent leur heure à Calais. Ce 2 octobre, certain-es ont réussi à parcourir 16 kilomètres dans le tunnel sur les 50 totaux avant d’être arrêté-es par les flics. Mais deux d’entre-eux sont parvenus jusqu’à la sortie. À leur arrivée ils ont été arrêtés par les flics anglais et placé en détention. Nous n’avons pas encore plus de nouvelles. C’est la seconde fois que des personnes parviennent à traverser à pied le tunnel sous la Manche : il y a deux mois, le 4 août, Adbul Rahman Haroun a lui aussi prouvé que la forteresse de l’euro-tunnel n’est pas si bien gardée et à réussi à traverser l’entièreté du tunnel à pied, déjouant tout les systèmes de sécurité existant. Arrêté à la sortie, il est incarcéré et inculpé « d’obstruction au chemin de fer ». Il passera en procès le 7 novembre, l’occasion de lui exprimer notre solidarité. (voir plus bas le texte « Deux marcheurs sous la Manche emprisonnés en plus, le patron d’Eurotunnel jubile »)

À Calais, il n’y a pas qu’autour du port que la répression contre les migrant-es sévi. Depuis l’expulsion des derniers lieux de vie des migrant-es du centre ville le 21 septembre dernier, l’apartheid est bel et bien roi sur la ville : tout le monde est prié de rester enfermé dans le bidonville d’État, appelé new jungle par les migrant-es qui y vivent, loin du centre-ville. Les patrouilles de flics à l’intérieur de la new jungle annoncées récemment par le ministre de l’intérieur auront pour but d’y veiller. Le pouvoir n’a sans doute pas apprécié les dernières manifestations de plusieurs centaines de migrant-es vers le centre-ville, les blocages d’autoroute de cet été et les quasi-quotidiens départ nocturnes pour prendre d’assaut le tunnel et les camions qui partent chargés de marchandises vers l’Angleterre. (Sur les patrouilles de police et l’avenir de la jungle, voir plus bas la traduction « Que prévoient-ils pour la jungle de Calais ? »).

Les violences de plus en plus nombreuses et organisées de la part de groupes fascistes participent également à cet enfermement dans le bidonville et à la politique d’apartheid mise en place par la mairie et l’État. Plusieurs migrant-es racontent avoir été enlevés, tabassés et laissés à l’abandon par des groupes circulant en voiture dans les alentours de Calais.

Avec la mise en place des patrouilles de flics ont peut également craindre une augmentation des rafles de sans papiers aux abords du bidonville. Actuellement, la France et l’Europe mettent sur pied une politique d’expulsion massive de celles et ceux qu’elles considèrent comme indésirables dans leur logique de tri entre « bon réfugié et mauvais migrant ». Récemment, plusieurs personnes arrêtées à Calais ont été expulsées vers l’Afghanistan et le Soudan. Des solidarités ont été difficiles à mettre en place au-delà de l’aspect juridique puisque après leurs arrestations elles ont été éparpillés dans les centres de rétention à travers tout le territoire.

Mais à Calais, et ce depuis des années, les migrant-es sont debout et déterminé-es.

Voici le récit de cette nuit du 2 octobre par Calais Migrant Solidarity :

La prise d’assaut du tunnel la nuit dernière

Hier soir (2 octobre 2015), après minuit plus de 200 personnes sans papiers ont franchi les barrières de barbelés aux lames de rasoir vicieuses et ont envahi le tunnel sous la Manche, en essayant de se rendre à l’Angleterre. Selon les autorités, certains ont parcouru 16 km (10 miles) en avant d’être arrêtés. Peut-être aussi que certains, à l’insu des autorités, ont réussi à traverser.

Le tunnel a été fermé toute la nuit, ce qui a eu comme conséquence la déviation du trafic du fret vers le port, provoquant un énorme embouteillage, ce qui a permis a d’autres de monter à l’intérieur des camions. À environ 8h30 ce matin (3 octobre), il y a eu un autre embouteillage car des personnes sans papiers ont érigé des barricades à travers la quatre voies au-dessus de la jungle, arrêtant les camions pour monter à l’intérieur. Étrangement, seulement deux camionnettes de gendarmes étaient présentes, conduisant frénétiquement dans les deux sens, gazant les gens et essayant de les écraser, mais impuissant à les arrêter.

Malheureusement, ces actions audacieuses ont eu un lourd prix. Plus de 100 personnes ont été arrêtées dans le tunnel la nuit dernière et 7 ont été blessées par les flics, certaines très sérieusement. Ce soir (3 octobre), plus de 20 personnes étaient toujours détenues. Nous ne savons pas encore si elles seront libérées, envoyées dans des centres de rétention en vue d’être expulsées, ou inculpés pour des infractions pénales. Dans chacun de ces deux derniers cas, nous devrons leur apporter notre solidarité active.

Voilà ce qui se passe dans le monde réel. Pendant ce temps, dans un monde imaginaire, les syndicats de police ont une fois de plus fait des déclarations, reprises avec empressement par la presse des deux côtés de la Manche, accusant les « anarchistes » d’avoir « coordonné » l’offensive sur le tunnel. Nous pouvons dire la chose suivante à ce sujet :

Les actions collectives de la nuit dernière et ce matin, comme d’autres offensives au cours des dernières semaines, ont été auto-organisés par des personnes sans papiers. Les gens de l’Afrique et l’Asie n’ont pas besoins des anarchistes européens pour les inciter ou les organiser. Ce sont des gens qui ont mené des révolutions, vécu des guerres, entrepris un voyage périlleux, et tout cela signifie faire preuve non seulement de courage, d’initiative et de résistance individuel, mais aussi de solidarité collective et d’auto-organisation. La ligne « anarchiste britannique » des flics et des journalistes est insultant et profondément raciste. Nous les « No Borders », les anarchistes et les autres, sommes fiers d’exprimer notre solidarité avec nos amis sans papiers. Mais ces actions sont les leurs, ils n’ont pas besoin de nous pour les mener ou pour leur montrer comment se battre.

Voir également notre déclaration antérieure sur des allégations semblables il y a quelques semaines.

P.S. Toutes les personnes arrêtées ont été relâchées sans poursuites.

Source

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Le 5 septembre, 10 migrants ont été arrêtés dans les eaux du port de Calais alors qu’ils s’apprêtaient à tenter la traversée à la nage.

Deux marcheurs sous la Manche emprisonnés en plus, le patron d’Eurotunnel jubile

Deux hommes iraniens ont été arrêtés à Folkestone samedi 3 octobre après avoir réussi à marcher les long des 50 km du tunnel sous la Manche. Ils sont emprisonnés et inculpés sous la même juridiction du XIXème siècle utilisée contre Abdul Rahman Haroun qui a lui aussi traversé le tunnel à pied il y a un mois et est depuis détenu en attente de son procès.

Samedi également, pendant que ces hommes étaient traqués, le patron de l’Eurotunnel Jacques Gounon faisait un discours, rapporté dans la presse française, célébrant l’emprisonnement d’Abdul Haroun et se plaignant de des récentes difficultés qu’il rencontre dans son travail. Le président de la société et directeur général, qui reçoit un salaire annuel d’un million d’euros, a déclaré : « Un seul clandestin a fini son voyage, à Folkestone, où il sera emprisonné 2 ans ». (NB : Abdul Haroun n’a pas encore été jugé, et encore moins condamné, et Gounon fait la supposition qu’il sera condamné de la peine maximale).

Il a continué à appeler au renforcement de la militarisation de la zone. « Soyons clairs : l’autre nuit, nous étions très loin du pauvre malheureux qui cherche refuge en Angleterre et qui a droit à une approche humanitaire. Nous étions face à de véritables commandos, bien encadrés, qui ne s’en prennent pas qu’à nous : ils ont aussi massivement attaqué le Port et caillassé les camions sur la rocade d’accès au Port. Leur but : faire de la politique et déstabiliser les pouvoirs publics. »

Au moins 11 personnes ont été tuées à l’intérieur ou près de l’Eurotunnel depuis juin. Le décès le plus récent remonte au 30 septembre, un érythréen de 20 ans. Beaucoup d’autres ont été blessés par les clôtures surmontées de lames de rasoir, la police, les gardes de sécurité privée et les chiens. Maintenant, trois personnes risquent jusqu’à deux ans de prison.

Gounon et le reste de la direction d’Eurotunnel n’ont rien déclaré a propos des morts ou montré une once de compassion ou de compréhension. Pour eux, ceux qui risquent leurs vies aux barrières ne sont pas des personnes. Ils sont de « dangereux commandos ». Ou même pas, juste des « incidents » reportés sur le compte twitter de l’Eurotunnel, avec des excuses aux passagers pour la gêne occasionnée.

Le samedi 24 octobre à 18 heures, il y aura une manifestation contre Eurotunnel et son alliée la société Eurostar, à la gare de St Pancras à Londres.

Nous appelons les groupes dans d’autres villes à organiser également des manifestations contre Eurotunnel, en même temps ou autrement.

Calais Migrant Solidarity, 7 octobre 2015

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Que prévoient-ils pour la jungle de Calais ?

La jungle de Calais n’est encore là que pour quelques mois. Alors quoi ?

Retour le 31 août ; le premier ministre français Valls visite Calais et annonce son nouveau plan. Pour la première fois depuis la fermeture du camp de Sangatte en 2003, sous la pression du gouvernement britannique après un blitz médiatique, il y aura à nouveau un camp de réfugié officiel à Calais, prévu pour 1500 personnes. Deux organisations se disputaient le marché : la Croix-rouge qui dirigeait le camp de Sangatte, et La vie active qui dirige l’actuel centre d’accueil de jour Jules Ferry.

La presse locale vient de publier les dernières nouvelles : La vie active est la gagnante. Ils construiront le nouveau camp de 125 containers. Ce sera à 200 mètres du centre de jour Jules Ferry, le long du « Chemin des Dunes ». Ce n’est pas à 100 % clair, mais cela semble signifier qu’il sera construit sur le site actuellement occupé par la jungle. Les premiers containers sont supposés être installés en décembre, si bien que le camp n’a plus que quelques semaines ou quelques mois d’existence.

Il y a à priori plus de 4000 personnes vivant actuellement dans la jungle. Et le nombre continue de croître. Il est clair que 1500 places ne seront pas suffisantes. L’actuelle rumeur, non confirmée, est que les places ne seront offertes qu’à ceux qui acceptent de demander l’asile en France et arrêtent de tenter de passer en Angleterre. Mais que va-t-il arriver aux milliers d’autres personnes ?

Si le plan était les expulsions de masse, il semble avoir déjà échoué : tous ceux arrêtés récemment et menacés d’expulsion au Soudan ont été libérés car cela entrait en contradiction avec des jugements de la Cours européennes des droits de l’Homme. Une partie de la jungle sera autorisée à rester à côté du camp officiel ? Ou allons-nous revenir à la situation précédente, avec les attaques constantes, les harcèlements, les expulsions, ou les gens sont constamment chassés d’un squat ou d’un camp de fortune à l’autre ?

Une autre grande question est : comment les autorités vont « persuader » les personnes vivant actuellement dans la jungle de partir pour qu’ils puissent construire leur nouveau camp officiel ? Ce sera loin d’être la première expulsion de masse dans l’histoire récente de Calais. Mais elle pourrait être sur une toute autre échelle et d’une toute autre intensité que ce que l’on a connu précédemment.

Peut-être que le premier pas dans le plan d’expulsion a déjà été franchit. La semaine dernière, pour la première fois, les flics ont commencé à patrouiller dans la jungle. Depuis, ils entrent à peu près tous les jours, par groupes de 10 à 20, fortement armés.Au début, ils sont venus officiellement pour escorter les bureaucrates de l’Office de l’immigration (OFFI) qui donnent des informations sur les demandes d’asile. Plus récemment ils sont venus seul, avec pas moins de trois incursions mardi (6 octobre). Leur but semble être de fouiner, de faire sentir leur présence et de commencer à se préparer pour des opérations plus importantes.

Calais Migrant Solidarity, 7 octobre 2015

calais flics dans la jungle

Encore des tirs de gaz lacrymogènes dans la jungle

Hier (7 octobre), en début de soirée, comme il y avait un embouteillage sur l’autoroute, des gaz lacrymogènes ont été tirés dans la jungle.

Pour empêcher les gens de monter dans les camions, des policiers en tenue anti-émeute se sont postés sur la bretelle d’accès de l’autoroute. Tout autour, il y avait une foule de gens cherchant à traverser l’autoroute et à se rendre au Royaume-Uni.

L’atmosphère a changé lorsque les premières salves de lacrymogènes ont été tirées et que la foule s’est dispersée. Les gens se sont rassemblés de nouveau et ont résisté en lançant des pierres. Beaucoup de mineurs étaient présents. Alors que la foule grandissait une seconde salve de lacrymogène a été lancée par les flics, la foule s’est encore dispersée et s’est ensuite de nouveau regroupée. Ça a continué comme ça pendant plus d’une heure.

À un moment donné il y avait de la musique et les gens dansaient au fur et à mesure que la foule grossissait et que plus de gaz lacrymogène était tiré. Au mois 8 ou 9 salves de lacrymogènes ont été lancées, chaque fois plus loin dans la jungle. Les tirs ont été délibérément orientés en direction des maisons, vers la zone érythréenne. […]

Cela montre une nouvelle fois les violences policières fréquentes et graves, mais aussi, que ceux qui n’ont pas de papiers sont ceux qui défient vraiment le régime européen des frontières.

Calais Migrant Solidarity, 8 octobre 2015

7octobre2015

Marseille (France). Une centaine de personnes a manifesté sous la pluie le samedi 3 octobre avec banderoles et slogans contre les frontières, mais aussi en solidarité avec le Presidio No Border, expulsé quelques jours plus tôt par les flics de l’autre côté de la frontière italienne à Vintimille.

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Voici l’appel à la manifestation :

De l’exil à la liberté

Ces derniers mois, en Europe, tout près d’ici à Vintimille, entre la France et l’Italie, les frontières se ferment aux migrants, tandis que le nombre de exilés ne cesse d’augmenter. Malgré les nombreuses arrestations, les reconduites aux frontières, les contrôles au faciès et le racisme, des migrants passent à travers les mailles du filet au péril de leur vie et transitent par Marseille.

Notre solidarité est urgente et précieuse ! Par des actions concrètes, migrants, marseillais et italiens parviennent à affaiblir le blocage dans une volonté commune d’ouverture des frontières et de liberté de circulation. Nous refusons la distinction entre migrants politiques et économiques et pointons du doigt la responsabilité des États de l’UE dans la dégradation des conditions de vie dans les pays que fuient les migrants.

Le Collectif Soutien Migrants Treize s’est mis en place pour s’organiser au quotidien en collaboration avec les migrants. La construction d’un vivre ensemble, ici, est la seule solution face à une Europe qui se referme sur elle-même.

Ouverture des frontières

Liberté de circulation

Solidarité internationale

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Genève (Suisse). Le mouvement des migrant-es et solidaires contre le parcage des migrant-es dans des bunkers continue en Suisse. Le 10 octobre était organisé à Genève une manifestation « Stop bunkers, stop Dublin, stop renvois » qui a réunie plus de 500 personnes. Voir plus d’infos ici.

Frontière Ceuta et Melilla (Espagne / Maroc). Depuis des années, les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc sont un point de passage important pour les migrant-es qui veulent rejoindre l’Europe. Depuis des années, la guerre aux migrant-es y fait rage.

Plusieurs lignes de grillages et de barbelés, surmontées de lames de rasoir, ont été élevées et les polices espagnoles et marocaines travaillent main dans la main pour empêcher les migrant-es de passer, parfois en ouvrant le feu. Les accords de coopération entre l’Union européenne et l’Espagne d’une part et le Maroc d’autre part, font de lui le gendarme de l’Europe dans la région.

Les flics marocains mènes régulièrement des opérations aux abords des enclaves, incendient les campements des migrant-es, raflent dans les quartiers où vivent les migrant-es des villes alentours, expulsent les migrant-es en plein désert à la frontière algérienne, etc.

Que ce soit à la frontière ou dans les quartiers, de nombreux/ses migrant-es sont mort-es, tué-es par les flics et les gardes frontières.

Mais, depuis des années, les migrant-es continuent de s’organiser pour prendre d’assaut les murs de barbelés qui s’érigent face à eux/elles.

Le 3 octobre, un assaut de la frontière a eu lieu à Ceuta, côté mer par 200 personnes. 87 d’entre-eux ont réussis à grimper les grillages et à atteindre Ceuta à la nage. La répression a été féroce et 13 migrant-es ont été blessé-es par la police et amené-es à l’hôpital.

Six jours plus tard, après une nouvelle tentative de passage, deux hommes ont été mortellement tabassés par la marine marocaine à côté de Ceuta après leur interpellation. Une vingtaine d’autre, tabassés également, passent 12 heures enfermés dans des fourgonnettes des flics avant d’être transférés à la gendarmerie.

Suite à ces nouvelles tentatives de passages, la police marocaine a effectué des arrestations massives dans les forêts autour de Ceuta et de Boukhalef ainsi qu’à Nador et Tanger. Les tentes ont été brûlées, plusieurs personnes tabassées et certain-es ont été déporté-es en bus vers le sud du pays. Apparemment des habitant-es de la zone auraient également pris part à ces violences.

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Tous les articles publiés sur la Lutte des migrant-es de La Chapelle

Tous les articles publiés sur Calais

Tous les articles publiés sur Vintimille

Quelques liens : Paris Luttes infos // Marseille Infos Autonomes // Calais Migrant Solidarity//Presidio No Border Vintimille // Hurriya (Italie) // Clandestina (Grèce)

Category: Brèves des frontières

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