Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

[Radio] Émission Sans Papiers Ni Frontières du 6 décembre 2013 en ligne

Émission Sans Papiers Ni Frontières du 6 décembre 2013

Au sommaire : *retour sur le procès les inculpés du Canet à Marseille*guide à l’usage des proches de détenus*point sur la situation d’Ibrahim El Louar*Italie*brèves

Téléchargez/écoutez l’émission ici

Émission tous les premiers vendredi du mois de 19h à 20h30 (rediffusion le mardi suivant à 8h)

sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM en région parisienne et sur internet partout ailleurs

Prochaine émission le 4 janvier 2014

[Caltanissetta] Évasion déjouée – 5 décembre 2013

 La nuit dernière, il semble qu’une tentative d’évasion ait été déjouée au centre de rétention de Pian del Lago, à Caltanissetta. Les journaux rapportent que les retenus du centre avaient préparé des matelas et différents objets pour y mettre le feu et profiter de la confusion pour s’échapper. Malheureusement, après quelques heures de tension, les flics auraient réussi à reprendre le dessus sur la situation. On leur souhaite une prochaine tentative plus réussie.

On apprend également que dans les jours précédents retenus et solidaires que les journaux qualifient « d’extra-communautaires » avaient protesté contre les conditions d’enfermement des deux côtés des murs du centre.

Repris de Macerie

[Italie] Bari brûle ! – 5 décembre 2013

Aujourd’hui en fin de matinée, un incendie s’est déclenché au Centre de rétention de Bari Palese. Il semble que l’étincelle qui a fait exploser les protestations ait été la non-libération d’un retenu, qui s’était lourdement tailladé hier soir. Après un bref passage à l’hôpital, il a été raccompagné dans le centre, où ses compagnons de réclusion ont tout de suite commencé à protester. Quand l’incendie s’est déclenché, la police à fait sortir les retenus des chambres, réussissant péniblement à éteindre les flammes. Dans la confusion un retenu a été pris les flics et séparé des autres, probablement pour être incarcéré. Pour le moment, l’étendue des dégâts n’est pas encore claire, mais il semble qu’un pavillon entier soit hors d’usage. En attendant des nouvelles, il vaut la peine de rappeler que le Centre de Bari Palese, géré par la coopératice Connecting People (ceux-là même qui géraient Gradisca jusqu’à sa totale destruction il y a un mois), était déjà fortement endommagé et il restait seulement une centaine de places sur les deux cents prévues.

Traduit de Macerie

 

[Trapani Milo] Nouvelle évasion – 1er décembre 2013

À moins de moins de vingt-quatre heures de la dernière, hier soir il y a eu une autre évasion au centre de rétention de Trapani Milo. Dans la nuit de samedi (30) à dimanche (1er), profitant d’une panne d’électricité qui a causé un blackout temporaire, beaucoup ont tenté de s’enfuir. Cette fois aussi quelques-uns ont été capturés tout de suite à l’extérieur du centre, mais il semble vraiment que beaucoup aient réussi. Dans le centre, pendant ce temps là, sont encore retenus les soixante dix sans papiers débarqués il y deux jours sur les côtes trapanaises, tous en cages […] contraints à rester dans des petits pièces sans chauffage avec des matelas jetés au sol.

Pour une description détaillée de ce qui se passe dans le centre sicilien, vous pouvez écouter les paroles d’un retenu (en italien) interviewé ce matin par radio Blackout. La nourriture immangeable, les visites inutiles des parlementaires et les nombreuses évasions : « chaque jour cinq ou six s’échappent, en se mettant d’accord pour essayer en masse : à l’heure préfixée tous sautent et qui réussit, c’est bien, qui ne réussit pas retourne en arrière« . Prêt à réessayer à la prochaine occasion.

Mise à jour le 2 décembre. La nouvelle de l’évasion a été reprise par des quotidiens locaux, qui ne manquent pas de donner un peu d’espace aux habituelles lamentations des syndicalistes en uniforme. Cette fois c’est au tour du syndicaliste de la CGIL Pietro Amodeo, évidemment préoccupé par « la sécurité des forces de l’ordre« .

Traduit depuis Macerie

[Italie] Les chiffres du ministère de l’intérieur – 26 novembre 2013

Après des semaines de silence, le ministere de l’intérieur a décider de lâcher les chiffres. Selon ce que rapportent les agences de presse et quelques journaux, ils se seraient mis à faire les comptes pour expliquer en détails de ce qui reste des treize centres éparpillés dans le pays. Rien de particulièrement nouveau : que la machine à expulser soit à moitié détruite et proche de l’effondrement on le sait depuis quelque temps, et n’y avait pas besoin d’attendre les chiffres d’un fonctionnaire ministériel.

Mais à bien y regarder, il y a une donnée significative concernant le Cie de Ponte Galeria à Rome, où il semble qu’il reste à peine plus de deux cent postes. Si les données contenues dans le rapport de mars 2013 (316 places) et celles sorties ces derniers jours (222 places) sont correctes, ce signifierait qu’en neuf mois, un tiers du centre soit parti en fumé. Sans faire la Une, dans un silence assourdissant, les retenus se sont révoltés, dans l’indifférence de tous les estimateurs de la gestion estampillée Auxilium.

À signaler aussi le retour sur la scène des syndicats de police. Nicola Tanzi, secretaire général du Syndicat Autonome de Police, qui se déclare « contraire au délit d’immigration clandestine » et arrive à définir « inconscients » ces politiciens qui ont décidé de rallonger le temps de rétention à dix-huit mois. Comme tout bon syndicaliste en uniforme, il avance aussi ses revendications, et en particulier les « règles d’engagement appropriées » pour tenir en respect les immigrants illégaux.

macerie @ Novembre 26, 2013

[Trapani] Grande évasion et nouvelles arrivées – 30 novembre 2013

Nouvelle grande évasion à Trapani Milo, rebaptisé depuis longtemps le CIE des évasions : de ce que racontent certains retenus il semble qu’ils aient  été beaucoup à essayer dans la nuit de vendredi à samedi, au final une cinquantaine d’entre eux se sont fait la belle. Comme souvent les policiers et les militaires de garde ont été pris de cours et se sont lancés à la recherche des évadés tardivement, ne parvenant à capturer que peu de personnes. Tous les autres, beaucoup de ceux transférés après la révolte de Gradisca d’il y a quelques semaines,  ont finalement réussi à reconquérir la liberté. Malheureusement, vu que la machine à expulser n’est pas encore entièrement détruite, les places laissées vides par les évadés ont été immédiatement comblées.

Hier toujours, dans la nuit sur les côtes Trapanaise ont débarqué 80 sans papiers qui on été transférés immédiatement au Centre de Trapani Milo. Les nouveaux arrivés ne vont pas bien et il semble que parmi eux des mineurs, quasi enfants soient présents. La presse locale et nationale ne relaie aucune nouvelle de l’évasion et préfère en revanche laisser un peu d’espace à la nouvelle des débarqués « sauvés » par les garde côtes.

 macerie @ Novembre 30, 2013

[Libye/UE] « Liaisons dangereuses » contre « les invasions barbares » : la mission EUBAM

Libye / Union européenne, « Liaisons dangereuses » contre « les invasions barbares » : la mission EUBAM

On pourrait croire qu’il s’agit du scénario du nouveau mauvais film en mode grosse production américaine à plusieurs milliers d’euros :

« Après la chute du dictateur, le pays est livré au chaos, des milliers de pauvres fuient vers les pays d’Europe, qui main dans la main avec le nouveau pouvoir en place érige une frontière de barbelés, d’uniformes et de technologies ».

Mais, en fait, ce document de 200 pages daté d’avril 2013, rendu public le 22 novembre par des journalistes, n’est pas un scénario de film d’anticipation : c’est un rapport confidentiel rédigé par le très institutionnel et très européen Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE) qui dresse un état des lieux de la situation en Libye en terme de lutte contre l’immigration, contre les groupes terroristes et contre les trafics (leur fameux triptyque sécuritaire), de sécurisation du territoire et détaille l’ensemble des actions engagées dans ce sens par l’Union européenne. Ce rapport est le résultat de plusieurs missions d’observation dans la suite de la guerre menée entre mars et octobre 2011 par l’Otan, l’Europe et l’Amérique du Nord.

lampedusaLe souhait des dirigeants européens c’est que, dans la continuité des accords passés avec l’ancien dictateur Kadhafi, le nouveau pouvoir en place coopère afin d’empêcher les migrants qui transitent par la Libye d’atteindre les côtes européennes. Au lendemain de la chute de Kadhafi, en août 2011, l’Italie re-signait avec le Conseil National de Transition tous les accords de coopération économique et en terme de lutte contre l’immigration passés avec l’ancien régime. Idem pour la France, qui avec l’Italie étaient les plus fervent défenseur de l’intervention militaire de 2011 (non content de n’avoir plus besoin de traiter avec Kadhafi, dur en affaires (sic)). C’est qu’il y a du fric à se faire : vente d’Airbus et autres merdes et exploitation par la multinationale italienne ENI (Enel) du pétrole libyen. En 2004, Kadhafi et Berlusconi alors président italien, avaient inauguré la mise en service de Greenstream, gazoduc alimentant l’Italie en pétrole libyen, et appartenant à Agip Gas BV, une coentreprise de l’italienne ENI et de la libyenne National Oil Corporation. L’accord diplomatique qui avait entériné cette coopération, prévoyaient également un renforcement de la lutte contre l’immigration, en Libye : surveillance accrue des frontières maritimes et terrestres, ouverture de centres de rétention financées par l’Ue ou l’Italie, etc. Kadhafi savait jouer sur la corde sensible de ses partenaires européens et menaçait régulièrement « d’ouvrir la vanne de l’immigration » afin de se faire satisfaire (en août 2010 il avait exigé 5 milliards d’euros à l’Europe faute de quoi il ne ferait plus barrage aux migrants). (écoutez sur le sujet de l’externalisation des politiques migratoire européenne l’émission Sans papiers ni frontières du 02 novembre 2012)

Jusqu’à aujourd’hui c’est le même processus qui est à l’œuvre. En septembre 2012, le gouvernement libyen a ouvert un nouveau centre de rétention à Tripoli, en lieu et place de l’ancien zoo municipal…Suite au naufrage au large de Lamedusa qui a coûté la vie à plus de 300 personnes, gouvernements italien et libyen se sont retrouvés pour lancer un programme de protection électronique des frontières libyennes et, on l’apprend dans le rapport, l’Italie a alloué au moins 280 millions d’euros à la Libye pour l’année 2012 (achat de matériel, formation à son utilisation, appuie aux gardes côtes, aide au « management » des migrants, etc.). Toujours en 2012, l’Union européenne lâche plus de 110 millions d’euros à la Libye pour sa politique migratoire. Cela s’ajoute aux 89 millions de l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex pour la même année et aux 244 millions entre 2014 et 2020 du nouveau système de surveillance électronique Eurosur.

Dans ce même document, le Service Européen pour l’Action Extérieure parle également de la mise en place une nouvelle mission, appelée EUBAM (European Union Border Assistance Mission) qui vient d’être finalisée par les dirigeants européens. Son objectif est toujours le même, renforcer les frontières libyennes. Avec ucaughtn budget de 30,3 millions d’euros annuels, cette mission « opérationnelle » comme ils disent, a pour objectif : identifier les besoins les plus pressants en matière de sécurité frontalière, conseiller aux autorités les équipements a acquérir et les former à leur utilisation et entretien, entraîner des bataillons de policiers, de militaires et de douaniers chargés de la surveillance des frontières, travailler en liaison avec les services de renseignements, améliorer le fonctionnement de la chaîne de commandement (sûrement pour éviter les bourdes qui font que personne ne va intervenir pour repêcher les survivants d’un bateau qui coule en pleine méditerranée car chacun se renvoi la balle), améliorer la coopération avec les pays voisins. Cette mission est basée à Tripoli et a commencé à fonctionner en mai 2013. Elle compte une quarantaine de membres, mais devrait bientôt en compter 111. Sur le territoire libyen elle forme des flics et des douaniers à l’aéroport de Tripoli, assiste les bureaucrates en charge des questions d’immigration, propose des séminaires sur la « gestion intégrée des frontières ». La France apporte sa contribution en formant à l’Institut français de Tripoli des agents des douanes, en formant des pilotes à l’École de l’air de Salon-en-Provence, des officier de marine à Toulon et des officiers à l’École de guerre à Paris. D’autres pays, hors Union européenne participent aussi à EUBAM, comme les États-Unis, la Turquie, la Jordanie, le Qatar et les Émirats arabes unis, en formant des flics et des militaires et en envoyant du matériel, avec en ligne de mire les possibles investissements qu’ils pourront réaliser dans la région.

Le seul hic pour l’EUBAM, c’est que ses membres ont trop peur pour se déplacer dans le pays et restent cantonnés dans la capitale à l’hôtel Corinthia, dans le quartier des affaires. Pour y remédier, la mission a lancé un appel d’offre a des entreprises privées de sécurité. Sont en lice pour l’instant : les britanniques G4S, Control Risks et Hart, les français Arcos, Geos, Amarante, le canadien Garda World ainsi que le chypriote Argus Security.

On aurait pu imaginer qu’avec le processus révolutionnaire en cour pendant l’année 2011, la Libye de l’après Kadhafi refuserait de jouer la coopération. Mais un nouveau pouvoir a été mis en place et comme tout pouvoir, il a besoin de défendre et surveiller son territoire, de développer son économie pour entrer dans le jeu du capitalisme, de gérer et contrôler sa population. La Libye reste une porte d’entrée vers l’Europe pour les migrants, qui depuis des années sont des milliers à mourir dans le cimetière méditerranéen. Heureusement quelques nouvelles parviennent jusqu’ici qui racontent des histoires de révolte et d’insoumission comme cette récente évasion massive du centre de rétention d’al-Hamra.

Les frontières ne disparaîtrons que quand nous serons enfin libre, dans un monde débarrassé de toute autorité, de tout bureaucrate, de tout flic pour nous dire où l’on peut aller et où l’on ne peut pas, qui peut circuler où il veut et qui doit crever là où il est. Ce n’est sans doute pas tout de suite que l’on détruira à coup de hache les barbelés, les caméras thermiques et les drones pour ne plus jamais les voir repousser ; mais dans nos luttes quotidiennes, s’opposer aux rafles, se solidariser avec les révoltés d’un centre de rétention, saboter la machine à expulser… c’est s’attaquer aux frontières, celles qui nous paraissent lointaines et difficiles à atteindre comme celles qui se dressent ici et entre nous, à chaque contrôle, à chaque moment de chacun pour soi.

Contre toutes les frontières, Contre tous les pouvoirs !

[UE] L’Europe nous observe, crevons-lui les yeux !

 L’Europe nous observe, crevons lui les yeux !

Depuis début octobre et les deux naufrages au large de Malte et de Lampedusa qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de personnes, l’Union européenne met en avant la nécessité de prendre des mesures pour éviter les naufrages et les noyades de migrant-e-s en Méditerranée. Alors qu’en 2011 au moins 2352 personnes sont mortes dans le silence en tentant la traversée, l’UE instrumentalise ces deux événements pour lancer son tout nouveau programme de surveillance des frontières maritimes, Eurosur, qui sera effectif le 2 décembre 2013.

Ce projet qu’on nous brandit aujourd’hui est en réalité dans les cartons depuis 2008. Il prévoit concrètement de mutualiser les moyens de surveillance des frontières maritimes déjà existants et d’en mettre d’autres à disposition (drones, radars, satellites, …). Les infos récoltées 24 heures sur 24 seront à la fois centralisées et diffusées de manière à ce que chaque pays puisse suivre une situation en temps réel et prendre les mesures qui s’imposent, c’est-à-dire intervenir afin de « réduire le nombre d’immigrants illégaux qui rentrent dans l’Union européenne sans être découverts. »

La Libye a demandé à l’UE un accès à son système satellitaire pour lui permettre de surveiller ses frontières maritimes et terrestres afin de renforcer le travail commun en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Même si le feu vert n’a pas encore été donné, il est clair qu’Eurosur s’inscrit dans une logique d’externalisation des frontières de l’Europe, par le biais d’accords renforcés entre les pays européens et les États dits « de départ » et « de transit ». Un processus entamé depuis longtemps, sous le régime de Kadhafi l’UE finançait déjà des centres de rétention en Libye. L’idée est de déléguer le contrôle migratoire à la source.

La militarisation des frontières européennes et la guerre aux migrant-e-s sont déjà en cours depuis les années 90 et se sont accélérées ces dix dernières années.

Ainsi depuis 2004 l’agence européenne Frontex (dirigée par un finlandais ancien garde-côte qui se vante de consacrer sa vie depuis plus de trente ans à la lutte contre l’immigration clandestine, et par un ex-flic espagnol) coordonne la sécurisation des frontières externes de l’espace schengen.

Pour citer un projet récent et complémentaire avec Eurosur, le 1er avril 2013 les eurocrates lançaient Closeye – Collaborative evaLuation Of border Surveillance Technologies in maritime Environment bY pre-operational validation of innovativE solutions -, des essais de surveillance aérienne de la Méditerranée et en particulier du détroit de Gibraltar. Il prévoit l’utilisation de technologies telles que des drones et des satellites dirigeables qui permettront à l’Italie, à l’Espagne et au Portugal d’observer les mouvements en mer 24 heures sur 24, et de réagir au plus vite pour intercepter celles et ceux qui tentent la traversée illégalement, avec la bénédiction du gouvernement marocain. Les essais vont durer plusieurs années, l’objectif : « augmenter la collaboration entre les entreprises privées et les États clients », « adapter l’offre à la demande. » On voit bien que la lutte contre l’immigration est un business florissant pour les sociétés d’armement et de technologies de surveillance qui ont toujours besoin d’une prétendue situation d’urgence avec un ennemi désigné pour pouvoir continuer à prospérer.

Finalement ces naufrages représentent une aubaine pour l’Europe car en plus d’envoyer un message effrayant à d’éventuels candidats de l’autre côté de la Méditerranée, ils permettent de faire passer comme une lettre à la poste des dispositifs ultra-sécuritaires et de propager le mythe de l’ « invasion » : des hordes de migrant-e-s qui envahiraient le territoire, s’insinuant par tous les pores de la frontière qu’il faudrait d’urgence combler. Une représentation propagée complaisamment par les médias de masse, qui nous donnent à voir régulièrement les radeaux pleins à craquer et prêts à couler. En revanche, ce qu’ils oublient volontiers de nous montrer, ce sont les gardes-côtes qui tirent dans les pneumatiques des embarcations de migrant-e-s, les bâtiments de l’otan qui passent à côté de barques en détresse sans leur porter secours, les gens obligés de prendre des chemins plus détournés et donc plus dangereux…. Lors d’un des naufrages médiatisés début octobre, les personnes présentes sur le bateau ont alerté les secours 4h avant de couler mais l’État italien et l’État maltais se sont renvoyés la balle, avec pour conséquence des dizaines de mort-e-s. Le 1er ministre italien a quant à lui proposé de donner la nationalité italienne… aux morte-s au large de Lampedusa. Leur hypocrisie ne suffit pas à masquer les critères requis pour être un « bon » immigré.

Ce qui reste aussi systématiquement dans l’ombre ce sont les files d’attente interminables d’étranger-e-s devant les consulats et les préfectures des États européens. C’est pourtant là que se construit le statut du « clandestin ». Par les listes de documents à présenter, jamais exhaustives. Par les heures passées à poireauter pour se faire recaler à l’accueil. Par les visas non accordés. Par les titres de séjour pas renouvelés. Par l’enfermement en centre de rétention et l’expulsion de celles et ceux qui n’ont pas passé l’épreuve avec succès. Car les « clandestins » ne sont pas une « menace » venue de l’extérieur, mais le résultat d’une volonté politique des États européens, qu’on appelle « politique migratoire », la conséquence d’un contrôle strict des États sur qui a le droit ou non à des papiers.

Parce que, les sans papiers, les États européens en ont bien besoin. Parce que, que ce soit en utilisant les sans papiers comme main d’œuvre corvéable ou en délocalisant les entreprises à l’étranger, la logique est toujours la même : exploiter plus pour gagner plus. Parce qu’avoir un bouc émissaire sur lequel rejeter toutes les merdes intrinsèques au fonctionnement d’un État capitaliste, ça permet aux puissants de se légitimer pendant que les galériens s’entretuent. Parce qu’en agitant les « clandestins » comme un épouvantail, l’Europe justifie des projets flippant de militarisation de ses frontières et de contrôle des personnes à l’intérieur de son territoire.

Plus insidieusement, ces dispositifs de surveillance entraînent concrètement l’augmentation du contrôle sur toutes et tous. Ils sont expérimentés ici en Méditerranée, mais il y a fort à parier qu’ils finiront par envahir non seulement les mers mais aussi les rues et nos vies dans la droite lignée des caméras de vidéo-surveillance ou du fichage adn.

Ni frontières, ni papiers, soyons incontrôlables !

 

Organismes participants à Eurosur

ITALIA CONSORZIO NAZIONALE INTERUNIVERSITARIO PER LE TELECOMUNICAZIONI
FRANCE SAGEM DEFENSE SECURITE
NEDERLAND NEDERLANDSE ORGANISATIE VOOR TOEGEPAST NATUURWETENSCHAPPELIJK ONDERZOEK - TNO
ESPAÑA INDRA ESPACIO SA
UNITED KINGDOM UNIVERSITY OF PORTSMOUTH HIGHER EDUCATION CORPORATION
ITALIA ALENIA AERONAUTICA SPA
ITALIA THALES ALENIA SPACE ITALIA SPA
PORTUGAL EDISOFT-EMPRESA DE SERVICOS E DESENVOLVIMENTO DE SOFTWARE SA
FRANCE MONDECA SA
ITALIA TELESPAZIO SPA
FRANCE THALES COMMUNICATIONS & SECURITY SA
ESPAÑA TTI NORTE, S.L.
BELGIQUE-BELGIË SPACE APPLICATIONS SERVICES NV
FRANCE THALES ALENIA SPACE FRANCE
UNITED KINGDOM UNIVERSITY COLLEGE LONDON
SVERIGE TOTALFORSVARETS FORSKNINGSINSTITUT
DEUTSCHLAND THALES DEFENCE DEUTSCHLAND GMBH
ESPAÑA EUROCOPTER ESPANA SA
ESPAÑA INDRA SISTEMAS S.A.
ISRAEL CORRELATION SYSTEMS LTD
FRANCE CASSIDIAN SAS
FRANCE THALES SYSTEMES AEROPORTES S.A.
BELGIQUE-BELGIË JRC -JOINT RESEARCH CENTRE- EUROPEAN COMMISSION
ESPAÑA UNIVERSIDAD DE MURCIA
UNITED KINGDOM BAE SYSTEMS (OPERATIONS) LTD
NEDERLAND HITT HOLLAND INSTITUTE OF TRAFFIC TECHNOLOGY BV

Organismes participants à Closeye

ESPAGNE Guardia civil
PORTUGAL Guardia Nacional Republicana
ESPAGNE Ingenieria de Sistemas para la Defensa de España
ITALIE Agencia Spaziale Italiana
UE European Union Satellite Centre
ITALIE Marina Militare Italiana
ITALIE Centro Italiano Ricerche Aerospaziali
UE Frontex (rôle consultatif)
AUTRICHE Schiebel
ETATS-UNIS General Atomics AeronauticalSystems

Reçu par mail

 

[Modène] Lettre des trois compagnons en procès suite au rassemblement devant le CIE – 22 novembre 2013

Trois compagnons ont été arrêtés en juin dernier, à Modène pour tentative d’incendie au terme d’un rassemblement devant le CIE. Libérés quelques jours plus tard, ils sont depuis 5 mois soumis à l’obligation de rester sur le territoire de leur commune de résidence ou de celle de leurs parents, et ont écrit une lettre que nous publions. Pendant que nous y sommes nous vous signalons que dimanche prochain à Modene se tiendra un rassemblement de solidarité avec eux.

« Le 16 juin dernier ils nous ont arrêtés à bord d’une auto appartenant à l’un d’entre nous rue Ciro Menotti, à Modène. ils nous ont perquisitionné sur le moment, relevant qu’il y avait des habits sombres dans nos sacs et deux paires de gants, un couteau à cran d’arrêt et un de cuisine dans la voiture. Emmenés à la préfecture, nous avons été accusés de « tentative d’incendie », après un rassemblement de solidarité aux détenus du CIE, défini par les enquêteurs comme un acte militaire réalisé devant la structure par une vingtaine d’encapuchonnés vêtus de noir. Parmi ces derniers, le chef (chef car il est habillé différemment des autres) aurait tiré avec un « pistolet lanceur de roquettes » (mortier, NdT) une dizaine de coups en direction des militaires, lesquels, pour « éviter le pire » auraient dû se cacher derrière une Jeep. Un de ces tirs aurait incendié la haie autour du poste de garde de la structure; éteint par les pompiers peu de temps après, ce feu aurait endommagé l’installation lumineuse externe de la structure.

En juillet le tribunal de rééxamen a modifié les quatre accusations, nous inculpant pour  » vandalisme pluri-aggravé en réunion » avec des inconnus. Les fait aggravants :  le fait que la structure soit publique, et la violence sur les personnes. Depuis le 16 juin le procès a été reporté deux fois et nos nombreuses requêtes de révocation des obligations de rester sur le territoire de la commune de résidence avec restrictions nocturnes imposées par la juge Manuella Cortelloni n’ont servi à rien.
Ceci est le cadre du procès monté par la préfecture et soutenu par le magistrat. Nous avons voulu en faire la description pour vous expliquer comment les flics peuvent transformer un rassemblement de solidarité en quelque chose qui leur sert à réprimer les parcours conflictuels et de soutien/solidarité réels  De cette manière les seuls parcours légitimes « contre » les Centres d’identification et d’expulsion sont ceux de l’indignation contre la violence policière sur les immigrés impuissants, pétitions au président de la chambre des députés, ou demande d’une quelconque réforme plus juste; Ceci dans le but d’éviter qu’une critique des CIE puisse être une aversion pour le système qui les génère et les remplis.

Les CIE de Modène, Bologne, Crotone, Brindisi, Catanzaro,Trapani sont à présent fermés grâce aux révoltes continues des migrants détenus, qui coup par coup ont rendu les structures inutilisables. Nous pensons que ceux qui se battent depuis des années contres ces camps de concentration ne peuvent pas s’attribuer le fait d’en avoir fermé certains; mais nous pouvons sûrement nous attribuer le mérite d’avoir donné force et espérance aux détenus, d’avoir cherché à rompre l’isolement entre ceux dedans et ceux dehors, faisant sortir leurs récits, ou faisant entrer notre soutien, d’avoir mis des bâtons dans les roues de ceux qui cherchent à se faire de l’argent et à gagner du pouvoir sur la peau des retenus : Miséricorde, Croix rouge, Coopératives sociales, police, armée … de ne pas être restés à regarder.

 Après les milliers de personnes mortes noyées dans la méditerranée, échouées sur les côtes de la Sicile ou prises dans les tempêtes, l’Etat nous fait voir son visage le plus hypocrite et dangereux, d’un côté il cherche à gagner le consensus à travers la propagande la plus vulgaire : funérailles d’état, direct TV, pitié mass-médiatique… de l’autre il renforce Frontex ( la police aux frontières européennes), restructure et surveille les CIE fermés, continue les expulsions, utilise des drones et des destroyers pour intercepter les barques en approche, construit des énormes radars pour surveiller en détail la côte sud-européenne (MUOS).

Ce sont des évidences qui nous mènent à penser que la lutte contre les camps, les expulsions et le monde qui utilise ces moyens pour s’enrichir et dominer, sera encore longue. En conséquence, une énergie toujours renouvelée doit être attribuée à l’attaque, pour continuer à frapper les ennemis de la liberté et de la justice là où ils sont le plus à découvert, où leurs contradictions les plus exacerbées peuvent devenir des foyers de révolte, individuelle ou non.

Nous pensons que la solidarité ( reçue en abondance et appréciée ces derniers mois de restrictions carcerales), en plus d’avoir une forte valeur humaine,  est pour les anarchistes une des meilleures voie pour redonner de la force aux parcours conflictuels, toujours avec un regard constructif et critique sur les parcours passés, pour trouver des méthodes toujours plus incisives.

Andrea, Gabriele, Sabbo»

macerie @ Novembre 22, 2013

[Italie] Effondrements – 20 novembre 2013

Il y a deux semaines a été détruit le centre de Gradisca. C’est le septième à fermer en Italie. Cela peut sembler évident mais il est préférable de le préciser avant que quelques politiciens plus ou moins sinistres*  ne pensent à s’attribuer le mérite de ce qu’ils n’ont pas fait : ces centres ont été  formellement  fermés parce qu’un fonctionnaire ministériel en a ordonné l’évacuation, mais factuellement ils ont été détruits par le feu des révoltes des retenus. Sept centres sur treize sont fermés, et on ne peut pas dire que ceux qui restent se portent à merveille. Considérant la vitesse à laquelle ils tombent en morceaux, on pourrait affirmer que la machine à expulser est proche de l’écroulement  En voulant être sincères, si l’on doit parler d’écroulement, il y aurait besoin de dire quelque chose aussi de l’écroulement qui semble avoir touché les divers mouvements qui, ces dernières années, ont soutenu les luttes des retenus. Alors que l’on est dans un des moments les plus forts et les plus incisifs en terme de lutte à l’intérieur, à l’extérieur rien ne bouge. Il serait important de tenter quelques raisonnement propositifs, mais nous laissons ces pensées temporairement de côté. *( jeu de mot avec sinistra (gôche), NdT)

La machine à expulser est clairement en crise, et il n’y a pas besoin d’être spécialiste en philosophie politique pour comprendre que derrière chaque soit-disante crise se cache la possibilité d’une restructuration. Il pourrait sembler qu’au ministère de l’intérieur on se tourne les pouces mais il est quasiment certain qu’ils pensent et préparent quelque chose. Les nouvelles officielles à ce propos sont peu nombreuses, mais nous savons par exemple que les centres de Modène et de Bologne pourraient rouvrir l’année prochaine. En plus, il y a toujours en jeu la construction de deux nouveaux centre à Santa Maria Capua Vetere (Casert) et à Palazzo San Gervasio (Potenza). Ouverts en toute hâte il y a deux ans et demi durant le plan « urgence afrique du nord » (suite aux révolutions arabes, NdT) et restés en fonction seulement quelques mois, ils devaient rouvrir avant la fin de l’année, mais depuis que le gouvernement a lancé les appels d’offre et la collecte de fonds pour la restructuration on n’en a plus entendu parler.

Comme chaque restructuration qui se respecte, celle des CIE n’est pas seulement une question de contrats pour savoir qui construira les murs, les grillages et les barreaux. Chaque dispositif répressif a aussi besoin d’idées et de théories sur lesquelles se baser et se renouveler et sur ce front les choses sont en train de bouger. En mars 2013 a été publiée une proposition de réforme des CIE écrite par Connecting People et la Fondation Xenagos. Fatigués de recevoir de continuelles «  attaques sur plusieurs fronts, les qualifiant notamment de tortionnaires redoutables » Maurino et cie ont mis noir sur blanc leurs idées pour une « réforme copernicienne » de la machine à expulser. Parmi les propositions les plus inquiétantes il y a celle d’obliger les retenus à travailler, une nouvelle qui transformerait les CIE en réels camps de travail, au profit de ceux qui les gèrent. De son côté, après une campagne désormais décennale, la croix rouge est obligée d’abandonner pour l’instant les jeux de mots autour de sa prétendue impartialité et à finalement découvrir la différence entre les concepts d’ « accueil » et d’ « expulsion ». Il y a six mois a aussi été publié un document programmatique sur les CIE, un long travail d’analyse sur la condition des centres rédigé par une commission de bureaucrates du ministère de l’intérieur. Obsédés par la rationalisation de la machine à expulser, jugée coûteuse et inefficace mais surtout mise à rude épreuve par les « épisodes, actuels ou potentiels d’insurrection ou de dégradations graves », les fonctionnaires ont mis au point des propositions. Pour garder sous contrôle une situation leur ayant déjà échappé des mains trop souvent, le ministère étudie « la création d’un corps de professionnels, à qui confier la gestion des activités impliquant un contact direct avec les hôtes du centre ». Des équipes de para-matons privés. Pour le comprendre il suffit de lire comment le ministère s’imagine ce nouveau corps  : « opérateurs spécialisés, préparés à l’aide de formations spécifiques et d’entraînements, organisés avec la contribution de l’administration pénitentiaire, qui seront aux côtés des forces de l’ordre ». Dans le projet des bureaucrates l’intégration de la machine à expulser à l’intérieur du circuit carcéral ne se limiterait pas seulement à l’entraînement de gardiens, mais inclurait également « la création d’une structure mixte (à l’intérieur des prisons), composée par du personnel de l’administration pénitentiaire et de la police d’état » afin d’identifier les détenus sans-papiers. Un projet qui est aussi soutenu, depuis quelques temps, par des partisans de la fermeture des centres. L’une d’entre eux est Serena Pellegrino, écologiste et libérale de gauche qui, dans la foulé des révoltes de Gradisca a demandé des modifications législatives qui permettront « l’identification des très nombreux détenus sans-papiers, durant la période d’incarcération ».

En attendant de savoir ce qui adviendra dans les prochaines semaines à l’intérieur, hors et autour des CIE voyons où en sont les six restés ouverts.

Milan. Restructuré il y a moins de trois mois, après une série de travaux qui auraient dû améliorer les niveaux de sécurité et empêcher les révoltes, le centre est de nouveau pratiquement détruit et il n’y reste que vingt-huit places. Après la dernière révolte et en vue du renouvellement de l’appel d’offre de gestion, la croix rouge a décidé de pleurer misère et de hausser le ton : évidemment la gestion d’un CIE est devenue une affaire toujours moins intéressante en terme d’image et de rentabilité.

Turin. Le centre est à moitié détruit : une section entière est fermée, les cinq autres sont toutes plus ou moins sérieusement endommagées et il ne reste donc dans la structure que 98 places. Les dégradations les plus conséquentes datent de juillet dernier, lorsque a été détruite et incendiée la section blanche, fraîchement pensée et restructurée comme section anti-émeutes. Comme à Milan, à Turin aussi la gestion est depuis longtemps confiée à la croix rouge et l’appel d’offre tombera au printemps prochain.

Rome. On n’a plus de nouvelles du centre de Rome depuis la grande révolte de février dernier, quand le feu détruisit une grande partie du centre et des grilles d’enceinte les rendant pratiquement inutilisables pour plusieurs jours. L’absence de nouvelles est un signe évident que la gestion par la coopérative Auxillium porte ses fruits en réduisant au silence à grand renfort de sédatif les protestations des retenus. Une gestion plébiscitée un peu partout : parmi ceux qui estiment la coopérative nous trouvons beaucoup de fonctionnaires du ministère, même ceux qui sont connus comme fabulateurs de gauche.

Bari. Les dernières protestations significatives remontent à deux ans, mais l’œuvre de destruction du centre par les retenus a sûrement continué sans relâche bien que l’on n’ait pas de nouvelles. Le CIE est à moitié détruit et un groupe d’avocats a lancé une class action pour contraindre le préfet à acter qu’il ne reste que 112 places dans le centre. Depuis six mois la gestion du centre est confiée à Connecting People, les collègues de ceux qui géraient jusqu’à il y a deux semaines, le centre de Gradisca.

Caltanissetta. Après un été bouillant de révoltes et d’évasions, un des trois pavillons du centre a été définitivement fermé en septembre. Il n’y reste donc plus que 70 places. Depuis octobre la gestion a été confiée à la coopérative Auxillium, la même qui gère le centre de Rome. Malgré les compliments récents de l’évêque monseigneur Russotto et d’un groupe de parlementaires grillini (adeptes de Bepe Grillo, mouvement 5 étoiles, NdT) il est suffisamment évident que les nouveaux gestionnaires n’ont pas la situation sous contrôle : il y a eu au moins trois tentatives d’évasion accompagnées d’affrontements avec la police le mois dernier.

Trapani Milo. Immergé dans la campagne trapannaise, éloigné des centres résidentiels, il est renommé pour être le CIE des évasions. Même si la police a tout essayé, allant même jusqu’à couper les lacets de chaussures aux retenus, la moitié des retenus qui passent par là arrivent à s’en échapper. Dans la tentative de mettre fin à cette situation le ministère a récemment débloqué plus de 600 000 euros pour sécuriser le centre et le préfet a révoqué la gestion à la coopérative Oasi, lançant un nouvel appel d’offre. Pourtant, en masse comme en petit groupe, on continue toujours à s’enfuir du centre de Trapani.

 source : macerie