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Contre les frontières et leurs prisons

[Salto n°2 Retour sur la lutte contre la construction du centre fermé à Steenokkerzeel] Les contours d’une lutte

Ce texte a été publié dans la revue Salto, subversion et anarchie, n°2, novembre 2012, Bruxelles

Les contours d’une lutte

 Ce panorama de la lutte contre la construction du nouveau centre fermé à Steenokkerzeel ne prétend pas être exhaustif, ni neutralement objectif. Son but est simplement d’offrir un cadre qui permettrait à chacun de construire et de formuler des critiques, des réflexions théoriques et des approfondissements méthodologiques à propos d’un projet de lutte spécifique. Un panorama sommaire implique forcément une schématisation qui ne coïncide pas exactement avec la réalité, et encore beaucoup moins avec l’intensité de ceux qui vivaient, pensaient, sentaient et agissaient dans cette réalité.

 Le choix d’un projet autonome de lutte spécifique

 En été 2009, des premières discussions entre compagnons commencent à avoir lieu autour de la possibilité d’une lutte spécifique contre la construction d’un nouveau centre fermé à Steenokkerzeel. Ce choix provenait d’une certaine analyse des conditions sociales et économiques et de l’évolution (ou plutôt, l’extinction) de la lutte pour une régularisation générale ; et de l’autre côté des expériences d’agitation dans la rue et de la solidarité offensive avec les nombreuses révoltes et mutineries dans les prisons et les centres fermés. Ce choix permit de développer un projet de lutte autonome, en d’autres mots, une lutte qui n’est pas à la remorque de facteurs externes, qui puise assez de force en soi-même pour ne pas devoir courir derrière les faits, qui se donne les moyens qu’on juge adéquats, qui sait déterminer sa propre temporalité. Le choix d’un parcours autonome de lutte devait permettre aussi de rencontrer d’autres gens qui veulent lutter sur une base radicale, qui se rebellent, sur un terrain non-contaminé par la politique, la représentation, l’attente ou la logique purement quantitative.

Une invitation à la lutte commença à circuler parmi différents groupes de compagnons et dans différentes villes. Cette invitation sera ensuite la base pour une sorte d’espace informel entre des individualités et des groupes affinitaires de différents coins du pays ; un espace de discussion où l’on pouvait approfondir les perspectives de la lutte, sans pour autant former un seul grand groupe qui déciderait ensemble de tout ou qui devrait être d’accord sur tout.

Briser le silence

A partir de septembre 2009, les premiers pas sont faits pour diffuser l’information de la construction du nouveau centre fermé et pour briser le silence (relatif) autour de ce projet d’Etat. Des dizaines d’initiatives de distribution de tracts ont lieu dans la rue, dans les métros, dans les gares, dans différents quartiers qualifiés de « sensibles » (surtout à Bruxelles, mais pas seulement). Des affiches sont faites non seulement pour briser le silence et pour faire connaître le thème, mais aussi pour expliquer nos raisons de lutter contre la construction de ce nouveau centre et de lier cette lutte à une critique plus générale de ce monde d’exploitation et d’oppression. Cette agitation s’adressait à tous ceux qui voulaient lutter et non pas spécifiquement à certaines catégories (par exemple, « les sans-papiers »). Dès le début, le choix a été affirmé de ne pas collaborer avec quelque force politique que ce soit, un choix qui ne sera jamais remis en doute au long de la lutte, mais de s’adresser directement à ceux qui veulent lutter et se révolter sur une base directe, auto-organisée et anti-institutionnelle.

De modestes actions de sabotage ont lieu pour trancher de manière plus insistante avec la routine quotidienne pour poser le problème de la construction du nouveau centre fermé, comme par exemple le sabotage de dizaines de machines de vente de la STIB à Bruxelles, des bureaux centraux de De Lijn à Louvain, des incendies contre des distributeurs de billets à Gand ou une petite incursion sur le chantier du centre fermé à Steenokkerzeel. De plus, en octobre 2009, quelques dizaines de personnes cagoulées pénètrent pendant les heures d’ouverture dans les bureaux de Besix, constructeur principal du centre fermé, et en dévastent l’intérieur. Cette attaque connaîtra de nombreux échos dans la presse, qui semble sursauter en constatant l’existence d’opposants radicaux à la construction du nouveau centre, habituée comme elle est à parler de manière compatissante des luttes, comme par exemple des sans-papiers qui occupent des bâtiments ou des mutineries dans les centres. Le ton était quelque peu donné…

L’identification de l’ennemi et l’attaque diffuse

Généralement, et dans la mesure où une telle appréciation est considérée comme intéressante, on peut dire que les compagnons ont rencontré dans la rue beaucoup de « sympathie » pour cette lutte, une lutte radicale. Les compagnons ne se heurtaient pas à un mur d’indifférence et de résignation, comme ça peut aussi se passer. Plus encore, la « spécificité » de l’aspect du pouvoir que l’on critiquait (le centre fermé et la machine à expulser) était vite dépassée et se trouvait liée à une critique générale de la prison et de l’enfermement, une critique rudimentaire de l’exploitation et de l’Etat, etc. Différents tracts et un numéro unique avançaient des analyses partant de cette lutte spécifique, qui reliaient cet aspect aux idées anarchistes et antiautoritaires, ainsi qu’aux autres aspects de la domination.

Mais il ne fallait pas uniquement des idées, des perspectives et des analyses, mais aussi des amorces concrètes pour attaquer l’ennemi, des suggestions claires et nettes pour l’action directe. Il fallait réfléchir à comment saboter concrètement la construction du nouveau centre fermé, comment attaquer la machine à expulser dans une perspective destructrice (et non pas de réforme, d’amélioration, d’adaptation, etc.). Une des propositions, qui a été portée tout au long de la lutte et qui lui a donné beaucoup de force, était celle de l’attaque diffuse. Des attaques modestes, faciles et diffuses contre le monstre. Mais il fallait identifier le monstre : ses tentacules, ses intestins, ses excréments, ses cerveaux… se trouvent à portée de main pour tous. La construction du centre a été disséquée : quelles entreprises de construction, quels architectes, quelles institutions, quels fournisseurs y collaborent ; la machine à expulser a été disséquée : quelles entreprises, organisations, services publics la font tourner ; les liens sous-jacents entre le monde des déportations et les autres aspects répressifs de la domination : les structures policières, les institutions répressives, les prisons, les écoles, les centres psychiatriques, le travail,… « La gestion de l’immigration » ne peut pas être attaquée, ce qui est attaquable, ce sont les incarnations concrètes, les structures et les hommes qui rendent possible la gestion de l’immigration.

Nombre de ces aspects, structures et hommes, ont été attaqués au cours de la lutte, avec des moyens divers, mais toujours dans une optique d’action directe, autonome, non-médiée. Si l’on en croit les rapports du sénat belge1, seulement dans la période de l’été 2009 à décembre 2009, plus de cent actions d’attaque ont eu lieu contre les institutions, les entreprises, les organisations et les structures impliquées dans le domaine carcéral ; actions allant du peinturlurage, au sabotage, au vandalisme ou à l’incendie. Certaines de ces attaques ont été communiquées ou revendiquées via des canaux du « mouvement », la grande majorité a eu lieu dans l’anonymat. Bien que la « connaissance publique » de certains faits d’attaque puisse certes se révéler importante pour pouvoir donner des idées, de l’enthousiasme et du courage à d’autres rebelles, il est incontestable que ce n’est que quand une action est anonyme,qu’elle peut effectivement appartenir à tous. Une lutte spécifique peut certes partir d’un noyau modeste de compagnons, mais l’intention, dans une perspective insurrectionnelle, ne peut jamais être de transformer ce noyau modeste en une sorte d’ « élite armée ». Il s’agit tout simplement de créer les conditions pour une hostilité diffuse et une intensification de la conflictualité ; et ceci n’a aucunement besoin de traductions politiques.

Celui qui croît que la conflictualité sociale peut être réduite à la somme des faits d’attaques (qui ne sont rapportés que très rarement ou sous forme mutilée dans les médias, les journaleux, laquais du pouvoir, n’ont pas pour but de nourrir les mauvaises intentions de qui que ce soit) a une vision quantitative et politique. Il n’existe pas d’échelles ou de statistiques pour mesurer les tensions et pratiques subversives. Ce qui n’enlève pas que l’on peut carrément dire que la lutte spécifique contre la construction du centre fermé ne s’est pas limitée à un groupe de compagnons ; plus encore, on peut affirmer que cette lutte a contribué à l’intensification des hostilités diffuses, à l’intérieur du champ de la lutte mais aussi sur d’autres fronts.

 Au confluent des situations

 En novembre 2009, une manifestation a lieu à Bruxelles contre la construction du nouveau centre fermé, manifestation annoncée bien à l’avance. La veille de la manifestation, des émeutes éclatent dans la commune bruxelloise d’Anderlecht : un groupe important incendie le commissariat de police après que des nouvelles soient sorties par rapport aux tortures que la police de cette même zone a fait subir à plusieurs prisonniers dans la prison de Forest lors d’une grève des gardiens (la police reprenant alors le contrôle de l’établissement). Ailleurs en Belgique, comme à Andenne, des mutineries éclatent dans les prisons. Le climat était tendu, les tensions dans certains quartiers bruxellois devenaient explosives et la lutte contre le nouveau centre fermé se trouvait « en vitesse de croisière ».

Une fois de plus, il était clair qu’il n’existe pas de raisons fondées pour « attendre ». Que quand on est mentalement et pratiquement préparé à de soudaines intensifications de la conflictualité sociale, par exemple parce que l’on est en train d’élaborer un projet, on peut rentrer en dialogue avec ce qui se passe autour de soi. Il est vrai que la conflictualité sociale connaît des moments plus intenses et des moments plus mous, mais au final, et sous d’innombrables formes, elle est toujours présente de manière latente. Il ne s’agit pas d’y coller une vision de la poule ou l’œuf, mais la lutte spécifique menée contre la construction du centre fermé à Steenokkerzeel dialoguait avec et avait sa place dans une conflictualité sociale plus large. Elle n’a pas seulement permis de proposer de manière concrète la révolte et des attaques directes contre l’autorité, mais aussi de diffuser des idées anarchistes et antiautoritaires au sein de cette conflictualité. Dès que l’on commence à lutter soi-même et que l’on élabore un projet de lutte, il n’est plus question de se trouver à « l’intérieur » ou à « l’extérieur » de la conflictutalité. On en fait partie, on en est une partie, avec ses propres pratiques et désirs, qui peut influencer, contaminer, provoquer ou non le reste de la conflictualité.

 Dans les contrées bruxelloises naissait vers la fin 2009 une sorte de coordination antiautoritaire qui permettait d’aborder plus profondément certaines discussions par rapport à la lutte en cours. La présence dans les quartiers bruxellois, les tentatives de jeter des ponts entre la lutte contre la construction du centre fermé à Steenokkerzeel et d’autres révoltes et conflits, la « rencontre » entre un projet de lutte antiautoritaire et la conflictualité sociale dans son ensemble,… voilà les questions alors à l’ordre du jour.

 Aller plus loin

 Quelles propositions de lutte, quelle projectualité élaborer dans un climat aussi favorable ? Comment continuer à approfondir les idées et les analyses ? Questions auxquelles il n’était pas facile de répondre. Comme on disait, une proposition concrète était celle de l’attaque diffuse. Mais était-elle suffisante ?

 En plus des formes plus « habituelles » de propagande comme des distributions de tracts, des collages d’affiches, des graffitis, des expositions dans la rue, on commençait à expérimenter d’autres formes. Ainsi se sont succédées des dizaines de « ballades », petites manifestations qui ne visaient pas le recensement quantitatif des participants, mais à secouer la routine quotidienne, la distribution de matériaux de propagande et d’idées, la désignation de possibilités d’attaque contre les structures concrètes de l’ennemi,… et qui devaient permettre également une éventuelle « participation spontanée ». D’autres actions anonymes se sont déroulées pour inciter d’avantage à la lutte. Quelques jours avant Noël, par exemple, le petit Jésus a été enlevé de sa crèche dans les environs de Steenokkerzeel pour exiger la fermeture de toutes les prisons. Ou encore à Bruxelles, où un groupe d’inconnus a perturbé le repas de midi à la cantine Sodexo de l’université bruxelloise en expropriant une partie de la nourriture et en rendant le reste aussi indigeste que la responsabilité de cette entreprise dans les camps de déportation.

 Des discussions ont été entamées par rapport à d’éventuelles propositions organisationnelles vers d’autres personnes qui voulaient lutter, propositions pour fournir un peu de sol stable à travers l’attaque et l’auto-organisation, à la lutte contre le nouveau centre fermé. Des petites structures organisationnelles ou des lieux dans les quartiers bruxellois qui pouvaient servir de points de rencontre et de points de référence pour la lutte. Ces points de référence pouvaient être par exemple l’occupation combative d’un bâtiment vide ; une occupation qui n’entend pas se perpétuer, mais créer temporairement un point de rencontre radical. La création de comités de quartiers, auto-organisés et orientés vers l’attaque, a aussi été discutée. Mais, malheureusement, tout cela resta au stade de « réflexions »…

Ce qui a bel et bien été réalisé fut une assemblée de lutte permanente, un espace de discussion accessible à tous ceux qui veulent lutter. Cette assemblée a certes permis d’approfondir quelques questions ; elle a sans doute servi de point de rencontre hors des cercles antiautoritaires spécifiques (en tout cas, un point de rencontre qui était accessible à d’autres). Mais elle ne peut pas être considérée comme une réponse adéquate et réussie aux questions en suspens. Au lieu de décentraliser la lutte vers des petits groupes autonomes et des structures de lutte auto-organisées ancrées dans la conflictualité sociale, cette assemblée tendait plutôt à re-centraliser la lutte diffuse dans un moment de réunion, dans un espace. Au lieu que des initiatives autonomes et disparates donnent la mosaïque colorée d’une dynamique de lutte, une chose comme une assemblée tendait à imposer ses temps et ses rythmes à la lutte.

A la recherche d’un saut qualitatif

Vers la fin du printemps 2010, des questions difficiles étaient abordées. Comment continuer la lutte ? Comment faire quelque chose de tout ce travail fait, avec les hostilités diffuses, comment arriver à un moment de rupture (en ce sens, et avec un peu de bonne volonté, on pourrait l’appeler insurrectionnel) dans les rapports sociaux existants, à un moment social partagé d’hostilité et d’attaque ? De nombreux chemins étaient ouverts, de nombreuses possibilités sont restées inexplorées, d’autres possibilités se sont révélées quelque part trop « ambitieuses » (ou au moins, il n’y avait pas de sol suffisamment stable pour les mener à bien). Cette recherche d’un projet d’attaque plus ambitieux démontrait une fois de plus que la présence de groupes affinitaires autonomes et la coordination informelle entre eux dans le cadre d’un projet sont une condition indispensable. D’autres instruments, comme des assemblées, ont montré clairement leurs limites à ce propos. Enfin, il faut aussi prendre en compte les premiers signes d’épuisement et de fatigue, et peut-être aussi une certaine « peur » des éventuelles conséquences, qui commençaient à ronger la lutte. On pourrait peut-être imputer l’épuisement et la fatigue à une « temporalisation » négligente de la projectualité, peut-être aussi à d’autres facteurs, comme par exemple un certain manque de détermination et de hardiesse.

Quoi qu’il en soit, un de ces sauts qualitatifs à été imaginé sous forme d’une manifestation combative à Bruxelles, dans les quartiers où l’on avait développé la plupart de nos activités, qui aurait dû avoir lieu le 1er octobre 2010. Il ne s’agissait pas d’une manifestation comme tant d’autres, mais d’un moment où les différentes rébellions pourraient se rencontrer et dépasser le cadre restreint d’une manifestation. Pour donner la fameuse étincelle à la conflictualité. Beaucoup de travail préparatoire a été fait pour cette manifestation, aussi bien sur le plan organisationnel que sur le plan de la diffusion de propagande. Il ne serait pas exagéré d’affirmer que la date du 1er octobre figurait partout dans les rues bruxelloises (et dans une autre mesure, aussi dans d’autres villes, bien évidemment). Ce jour-là, Bruxelles a été militarisée. Une quantité énorme de policiers était prête au combat. Les prisons bruxelloises (à l’intérieur de la ville) étaient entourées de chevaux de frise, d’autopompes et d’importants escadrons de police anti-émeute par crainte d’attaques depuis l’extérieur ou de mutineries à l’intérieur. De nombreuses stations de métro étaient bouclées. A Anderlecht, des flics cagoulés patrouillaient mitraillettes en main. Les forces de l’ordre étaient préparées au pire. Mais l’échec de la manifestation n’est certes pas uniquement imputable à cette présence répressive (en fin de compte, une telle présence avait été pensée et prévue). Il était possible de commencer cette manifestation. Certes, cela aurait été un combat dur voire féroce, mais un combat qui aurait pu mettre le feu à la poudrière. Pour commencer cette manifestation, il fallait cette conscience-là. Finalement, la manifestation n’a jamais commencé, environ deux cents personnes ont été arrêtées dans les environs du rendez-vous, des dizaines de personnes ont subi des brutalités de toutes sortes dans les casernes, de façon systématique, de manière terroriste. Plus tard dans la soirée, quelques dizaines de personnes ont attaqué un commissariat bruxellois : vitres cassées, véhicules de police et véhicules privés de policiers endommagés, deux agents blessés. Quatre compagnons ont été arrêtés dans les environs du commissariat attaqué et ont passé un mois derrière les barreaux. Une semaine après l’attaque, le syndicat de la police a organisé une manifestation au centre-ville de Bruxelles pour dénoncer la violence.

La gueule de bois dans les semaines après le premier octobre était lourde, même si la lutte n’était pas encore prête à s’éteindre. De nombreuses actions d’attaques ont eu lieu comme par exemple une attaque incendiaire contre le Security-Expo à Liège, des incendies volontaires contre Besix et le bureau d’architecte Bontinck à Gand, des jets de cocktails molotov contre les bureaux de la Police Fédérale à Bruxelles. A noter aussi que, dans les jours suivant le premier octobre, des mutineries ont eu lieu dans plusieurs prisons et, début novembre, une manifestation « blitz » a encore parcouru les rues d’Anderlecht.

Comment se termine une lutte ? Qui peut dire si une lutte touche à sa fin ? On peut cependant dire que la lutte spécifique contre la construction du nouveau centre fermé ne récupérera pas vraiment du premier octobre et n’a pas su trouver ou explorer de nouveaux chemins pour continuer. Comme souvent lors de tels moments, la combativité et la détermination de chacun ont été mises à l’épreuve. Des polémiques n’ont pas manqué de surgir qui, après l’expérience d’un « échec », remettent soudainement en question l’ensemble du projet de lutte et pointent d’autres d’un doigt accusateur. Celui qui ne crée pas d’espace pour la critique et qui ne cherche pas, en permanence, à tâter le pouls de ses propres activités et perspectives, finit inéluctablement dans une impasse. Mais si on jette ses propres expériences à la poubelle, quelles qu’en soient les raisons ; si au fond, on n’a pas cessé d’aspirer à des résultats quantitatifs et mesurables ; si on recule devant les engagements qu’exige de toute façon n’importe quel projet de lutte, on risque de faire dégénérer la critique qui permet d’affiner, d’approfondir, d’ajuster, de mieux frapper l’ennemi et qui demande donc une certaine distance aux choses, en plaidoirie pour baisser les épaules et prendre distance tout court. Comme toujours, à chacun ses conclusions.

Finalement, le nouveau centre fermé n’a été ouvert que début 2012. Sa construction a subi plus d’un an et demi de retard, selon l’Office des Etrangers, entre autres imputable aux « actions civiles ». La manifestation prévue à Steenokkerzeel à l’occasion de l’ouverture prochaine du centre s’est heurtée à une zone militarisée. Quelques heures plus tard, des dizaines de personnes cagoulées ont attaqué, ce dimanche après-midi ensoleillé à Bruxelles, les bureaux de l’Office des Etrangers.

1 Suite à ces débats au Parlement et au Sénat, l’Etat (via les services de police et de renseignements) a augmenté sa vigilance. Par exemple, l’introduction du « Early Warning System » qui devait avertir les entreprises visées de possibles menaces et qui offrait aux entreprises une plate-forme pour notifier des « agissements suspects ». L’Organe pour l’Analyse de la Menace, dont les analyses régulières influent sur l’octroi de moyens aux services d’ordre, a commencé à qualifier « l’anarchisme » comme la menace principale pour la sécurité intérieure. La Sûreté d’Etat a cherché, via des fuites organisées vers quelques-uns des ses amis journalistiques, à attiser les choses en faisant publier des articles « retentissants » et « révélateurs » sur le mouvement anarchiste en Belgique. Enfin, une « surveillance permanente » a été instaurée autour de certaines structures comme les centres fermés et ouverts, leur personnel a été briefé, certaines personnalités officielles ont reçu une protection privée ; tout cela dans une tentative d’éviter d’éventuels raids et attaques.

salto@riseup.net

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