Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

[Salto n°2 Retour sur la lutte contre la construction du centre fermé à Steenokkerzeel] Extraits de tracts autour de la lutte.

 Pourquoi lancer une lutte spécifique ?

Et même s’il est probable que nous ne parvenions pas à empêcher la construction de ce nouveau centre ; la valeur de cette lutte ne dépend pas uniquement de cet éventuel résultat pratique. Il s’agit de prendre la lutte contre le nouveau centre fermé comme un point de départ, un angle d’attaque, en faire une possibilité de diffusion de nos idées et critiques antiautoritaires – et donc faire des expériences, nouer des complicités, apprendre de nos erreurs, faire l’expérience de formes plus intenses de coordination et d’organisation…

Cet angle d’attaque pourrait permettre d’ouvrir une brèche, d’attaquer la machine à déporter et, par là, la société qui en a besoin. Un rapide coup d’œil sur cette société nous donne aussi une idée de pourquoi cette lutte peut avoir son impact – et cela aussi à plus long terme. Dans le paysage social actuel, une grande partie de la ‘rage sociale’ est d’une part récupérée par des idéologies pourries telles que la religion, le nationalisme ou le citoyennisme et d’autre part marquée par la concurrence effrénée propre au système, avec comme résultat de plus en plus concret une guerre des pauvres entre eux. En ce sens, aucune tentative qui tente de replacer au centre la perspective de la guerre sociale n’est vaine. De telles tentatives, outre les éventuels résultats quantitatifs ou les victoires concrètes, ont le mérite d’offrir minimalement un point de référence pour ceux qui (même s’ils sont peu nombreux) ne laissent pas embrigader leur dégoût de ce monde par les idéologies réactionnaires ni par le cynisme de la guerre de tous contre tous.

Extrait de « Invitation à une lutte », été 2009

Au-delà du point de départ

Entamer, aujourd’hui, une lutte contre la construction du nouveau centre fermé offre l’occasion de dépasser concrètement les figures du « sans-papiers » et du « Belge » en se liant directement avec des personnes à partir d’un contenu et non plus à partir de catégories. Et cela d’autant plus à un moment où les régularisations massives viennent remplir les attentes d’une partie des sans-papiers organisés. En effet, si d’un côté les occupations ont pu créer une dynamique de lutte qui parfois a pu déborder du revendicatif (en tout cas à Bruxelles), leur reflux suite à la nouvelle directive pourrait aussi permettre d’élaborer une lutte sur des bases propres qui ne soient ni dépendantes de l’urgence des situations personnelles ni d’une logique de soutien.

Reposer la question des camps de l’Etat dans le domaine public, empêcher si possible que celui-ci se munisse d’un nouvel outil de répression. Poser la question des centres ne se limite pas à leurs seuls territoires mais à toute la mécanique sociale qui les fait exister. Il y a dans cette mécanique des techniciens qui porte plus de responsabilité que d’autres : qui décide? L’Office des étrangers, les partis… Qui construit ? BESIX, Jacques Delens,… Qui rafle ? La police, la STIB, la SNCB, …

Mais la question de ce qui fait exister les rafles, les centres et les expulsions est plus large. Elle touche à cette une odeur malsaine qui émane du tréfonds des rapports sociaux. Une odeur de racisme, une odeur de commerce, une odeur de normes et d’évidences assassines, d’exploitation à tous les niveaux… que recouvre l’odeur insipide du démocratisme. Les centres, comme toute domination, existent parce que des personnes au sein des institutions et des structures marchandes en décident ainsi, mais aussi parce qu’il existe un assentiment diffus, une acceptation largement répandue au sein de la population. Ils existent aussi parce que, avec ou sans-papiers, il y a toujours des personnes pour tirer profit des autres en jouant sur des appartenances et sur des catégories. Développer une lutte autour de cette question, c’est donc développer une lutte contre tous ces mécanismes qui font exister le vieux monde : patriarcat, exploitation, morale (religieuse, nationaliste, militante,…)… Seulement alors, on sort des luttes partielles pour attaquer la totalité des rapports qui nous oppressent. Alors on peut faire exister le conflit avec l’existant au sein des luttes elles-mêmes. Se lier sur un contenu, pour nous, cela signifie pouvoir remettre en avant des bases révolutionnaires et anti-autoritaires. En pratique cela signifie des relations sans médiations, le refus des hiérarchies, l’attaque directe, … Cela signifie aussi de toujours tenter d’élargir une lutte spécifique à l’attaque de l’existant dans sa totalité. Cela signifie, enfin, se méfier des alliances douteuses. Ne pas oublier la force du citoyennisme, de l’attrait de l’idéologie dominante qui peut à tout moment séparer les « bons » des « méchants », les « innocents » des « coupables » ; tout en retenant aussi que les personnes changent, et que si certaines sont définitivement ancrées dans la défense de la société, ils sont beaucoup aussi à en quitter ses chemins trop droits. Et dans les chemins obscurs et tortueux des bois, il y a des rencontres à faire. Quelques brigands ont d’ailleurs déjà fait quelques sorties dans les clairières fliquées de la société pour attaquer la machine à expulser. Ci et là, on les retrouve empêchant un contrôle d’identité dans un bus ou dans la rue ; attaquant des compagnies qui se font du blé sur l’enfermement ; diffusant des appels à la révolte sur les murs ; ou encore boutant le feu à leur cellule…

Alors rejoignons, nous aussi, les bois obscurs, pour y préparer l’attaque de la domination.

Extrait de Tout doit partir, pour la liquidation de tout ce qui nous détruit

Comment lutter ?

La lutte contre la construction de ce nouveau centre fermé ne tombe donc pas du ciel. Mais alors, une autre question importante surgit, une question qui n’est pas séparée de nos propres désirs, rêves et idées, une question à laquelle les réponses ne peuvent être des suggestions et des indications : comment ? Que faire pour empêcher la construction de ce nouveau centre fermé et mettre des bâtons dans les roues de la machine à expulser ? Le comment, la méthode que nous estimons la plus adéquate, refuse toutes les formes de politique et de représentation. Elle est basée sur le choix individuel de chacun et de chacune de s’engager dans la lutte et pas sur l’adhésion à un groupe ou programme politique quelconque. En d’autres mots, notre proposition c’est l’auto-organisation de la lutte. Ne pas laissez dépendre la lutte de politiciens ou de leaders, de leurs manières à arriver à des négociations avec l’Etat (comme voter « différemment » aux élections, des pétitions pour supplier les puissants, d’entamer un dialogue avec les responsables de la construction du centre), mais de la prendre en mains nous-mêmes. Ceci est une manière pour arrêter et empêcher la construction du nouveau centre nous-mêmes et d’une manière directe. Seulement ainsi, nous pouvons lutter pour un empêchement effectif de la construction de ce nouveau centre et éviter de tomber le piège d’un dialogue avec l’Etat à propos d’une éventuelle adaptation plus humaine des plans de construction.

Cette auto-organisation ne signifie pas forcément qu’il faut former un quelconque comité ou collectif, mais plutôt de rendre possible des moments de rencontre, créer des discussions, échanger des idées. Comme par exemple lors de rassemblements, de petites manifestations, de soirées de soutien à la lutte,… Mais le but n’est pas juste de parler tous un peu plus de ce nouveau centre fermé, de le critiquer pour ensuite aller se coucher avec la conscience apaisée. Non, l’auto-organisation est orientée vers l’agir, vers l’action.

Pour rendre possible l’action, il faut considérer l’ennemi dans toute sa concrétisation. Qu’il ne s’agit pas d’une entreprise qui construit le nouveau centre fermé, mais bien les entreprises Besix, Valens, Michiels etc. Que le centre fermé n’est pas juste un tas de barreaux, mais qu’il fonctionne grâce aux matons qui ont des noms et des adresses, grâce aux entreprises de nettoyage et de restauration comme ISS Cleaning et Sodexo, grâce aux médecins qui anesthésient et taisent ce qui s’est passé quand des prisonniers ont été tabassés par des matons. Que les gérants, l’Office des Etrangers, tous les partis et institutions politiques, les organismes européens de gardes-frontières comme Frontex, ne sont pas des abstractions, mais qu’ils consistent en des personnes concrètes qui portent toutes une responsabilité dans l’organisation de cette machine à expulser. Ces informations doivent circulent largement, doivent être accessibles à tous et toutes. La diffusion de ce genre d’informations est et restera toujours un élément fondamental de toutes les luttes. Un élément fondamental, mais ce n’est pas tout…

Car des idées pareilles se traduisent en mouvements de nos mains et de nos pieds ; notre volonté d’engager la lutte cherche des points de repère dans le monde physique. Il y a beaucoup de possibilités intéressantes… Une d’entre elles, ce sont des attaques modestes, simples et reproductibles contre toutes les structures et les hommes responsables de la construction de ce nouveau centre fermé et contre les rouages de la machine à expulser. Cette méthode permet à chacun et chacune, de la manière qu’il ou elle estime la plus adéquate, de prendre part à la lutte en première personne. Et ces attaques ne parlent pas seulement de la lutte contre le centre fermé. Elles parlent d’une manière qui refuse tout dialogue avec l’ennemi et qui ne perçoit pas la lutte sociale comme un spectacle politique, comme une affaire de partis et de syndicats, mais justement comme un conflit direct avec ceux qui endiguent nos vies. Au fur et à mesure que ce genre d’actes (la résistance lors des contrôles d’identité, le rejet de la bureaucratie qui, à travers tout genre de document, met nos vies sur ses rails, la casse des fausses catégories d’autochtones et d’allochtones, de nationalités et d’ethnies, le sabotage du mécanisme d’exploitation de sans-papiers et de toute le monde) s’élargissent, se diffusent et incitent d’autres, les grains de sables commencent à ronger la machine à expulser. Faisons alors en sorte qu’il n’y ai plus de pièces de rechange disponible.

Le plus bel aspect de chaque lutte qui ne se laisse pas embrigader par la politique, est sans doute qu’elle bouleverse les rôles sociaux. Dans un monde qui nous compartimente tous, qui nous enferme la plupart de la journée au boulot, dans les embouteillages ou derrière le fourneau, seule la lutte fait éclater cette routine macabre. Le plus beau du combat, c’est que tu apprends à mieux te connaître, que tu peux croître en idées, en rêves et en pratiques, que tu peux forger des liens avec d’autres, des liens complètement différents de tout la nausée que cette société nous offre. Voilà pourquoi cette lutte n’est pas un combat d’arrière-garde, mais une expression enragée de joie. Voilà pourquoi cette lutte vaut la peine d’être pratiquée.

Extrait de Hors Service, journal anarchiste, « Qu’est-ce qu’on attend ? »

 Le 18 février 2010, des centaines d’exemplaires de ce texte ont été distribués dans les boîtes aux lettres de Sint-Denijs-Westrem. C’est là qu’habite (dans une grande villa bien sûr) un des architectes (Dirk Bontinck) qui a dessiné les plans du nouveau centre fermé de Steenokkerzeel.

 Salut, votre voisin dessine des cages pour sans-papiers.

 Ce courrier purement informatif concerne le sieur Dirk Bontinck (résidant Pleispark 3, à Sint-Denijs-Westrem) et son frère John Bontinck. Mine de rien, ces deux architectes ont choisi de dessiner les plans de construction du nouveau centre fermé pour sans-papiers de Steenokkerzeel. Et vu que ce centre fermé nous pose problème, comme d’ailleurs toutes les autres prisons, ce choix qui leur procure en plus un beau paquet de fric nous pose également problème.

 Nommez “calomnie” ce qui suit si vous le voulez, mais en sachant au moins pourquoi ! Car ce sont bel et bien des salauds…

Avec cette maudite arrogance quand ils décident de vies humaines du haut de leur bureau. Avec ce calme glacial quand ils étudient, engoncés dans leurs fauteuils de cuir de leur bureau bien chauffé, comment la prison devra se montrer la plus efficace possible. Comment, d’un point de vue technique, des gens pourront être isolés de la meilleure manière, comment ils pourront être piégés, comment ils pourront être brisés.

 Tout près de l’aéroport de Zaventem poussent actuellement les structures en béton de ce qui devrait bientôt devenir un nouveau centre fermé. Une fois que la dernière pierre sera posée, le bâtiment se distinguera difficilement d’une prison. Des cellules individuelles, des barreaux et des barbelés pour enfermer et isoler des sans-papiers, ceux qui sont en instance de déportation et osent résister avec obstination. Ou plus simplement pour briser ceux qui résistent au quotidien en se révoltant, posant ainsi problème au bon fonctionnement de l’enfermement et des déportations.

 Comme pour les autres centres ouverts et fermés, le gouvernement aurait besoin de ce nouveau lieu pour continuer sa politique d’immigration ? Mais vous savez quoi ? Ce n’est pas cette politique d’immigration qui constitue le problème. Ou du moins, pas en soi. Car il est logique qu’une société qui poursuit sans cesse le rêve capitaliste jette dehors les indésirables. Comme il est logique que dans une société où notre avenir n’est pensable qu’à l’intérieur des grillages forcés du travail, de la carrière, de la famille et de tout le bazar, les prisons poussent comme des champignons. Contre tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas avancer au rythme de cette normalité, même en traînant les pieds.

Le problème, c’est donc cette société. Et nous, nous posons problème à cette société.

Situation périlleuse.

 Oui, nos rêves vont dans une toute autre direction. Oui, nous voulons volontiers abandonner une grande partie du vieux monde derrière nous pour être enfin capables de parler de liberté. Et nous ne sommes pas en train de parler de cette “liberté” que vous promettent les publicités pour pousser à la vente de canettes de soda ou de portables. Non, nous parlons d’un saut dans l’inconnu, un saut où le contrôle sur nos vies ne dépendra que de nous-mêmes. Un saut qui, sur le fond, vise à éliminer toute forme d’oppression.

 Alors oui, vous pouvez nous traiter de rêveurs idéalistes, de bons à rien naïfs ou de flatteurs flous. La vérité, c’est que nos rêves nous font directement entrer en conflit avec une société où on pense que c’est bien que des gens soient exploités et enfermés ; en conflit aussi avec tous ceux qui choisissent d’apporter leur pierre à l’édifice.

Et nous sommes prêts pour ce conflit.

 Cela nous ramène finalement au prétexte initial de ce tract. Cela nous ramène au nouveau centre fermé. Car devinez qui a dessiné les plans de cette prison ? Oui oui ! C’est votre voisin Dirk et son frère John Bontinck.

 Mais qu’est-ce que nous voulons dire en précisant cela ? Que nous devrions tous les exécuter publiquement, sous les huées et le plus vite possible, en place publique ? En vrai, faites surtout ce dont vous avez envie ! Car là n’est pas l’objet de ce tract. La question, c’est que rien de ce que observons autour de nous ne tombe du ciel. Que des gens font des choix. Comme par exemple celui de construire des prisons, celui de mener des gens à la baguette, au boulot comme à la maison, ou encore celui de ne pas faire de choix du tout, et de se cacher derrière ce refus pour ne pas avoir à penser, pour ne pas agir à contre-courant. Les frères Bontinck ont fait le choix d’aider à ce que ces nouvelles geôles existent là-bas, à Zaventem. Voilà pourquoi ce sont des salauds. Car ça, c’est un choix qui en dit long : il confirme qu’ils se foutent de la misère des gens et que oui, c’est possible bordel !, ils veulent en plus se faire du fric avec cette misère. De notre côté, nous faisons par exemple le choix de leur en vouloir tout particulièrement.

 Nous souhaitons qu’à l’avenir, les frères Bontinck dorment aussi tranquillement que les gens qui sont enfermés dans leurs bâtiments…

Dirk Bontinck: chef d’entreprise
Pleispark 3, 9051 Sint-Denijs-Westrem
Tel: 09/222 01 03
dirk.bontinck@cytec.com

John Bontinck: chef d’entreprise
john@bontinck.biz
Bontinck cbva
Chaussée de Courtrai 1092
B-9051 Sint-Denijs-Westrem
Tel: 09/225 01 74
Fax: 09/225 64 14

Se révolter c’est comme respirer.

 Respirer dans le courage que tu rassembles au rythme des battements de ton cœur, de ton cœur, où la douleur que ce monde t’a donnée forme un cocktail mélangé à l’amour pour tous les yeux qui t’ont vraiment regardé, un cocktail explosif, prêt à exploser.

Se révolter est comme respirer. Respirer dans le courage, je compte un-deux-trois, inspire longuement, redresse mes épaules –c’est le moment- et puis…expire les flammes de tout ce que tu es, tout ce que tu voudrais être et n’est pas permis par ce monde. Ta respiration, comme un marteau brisant une vitre, comme une scie à métaux défiant les barreaux d’une prison, un poing rendant les coups à la face de ce monde.

Tu respires, tu inspires et expires longuement. Tu te révoltes. Tu te fais battre et tu tombes. Mais tu n’arrêtes pas de respirer et plus tard tu seras de nouveau sur pied. La respiration des autres t’aide à te lever, comme la respiration d’un ami aimant, d’un enfant, d’un camarade proche de toi réchauffe ton cœur avec de la force. Comme la respiration des prisonniers qui ont brûlé une aile entière du centre fermé de Steeenokerzeel pendant l’été 2008. Comme la respiration des prisonniers qui se sont révolté à Merksplas en essayant d’empêcher la déportation d’un ami, comme celle des prisonniers qui ont conquis leur liberté. Comme celle de ceux qui ont envahi le mois dernier le bureau de Besix (l’entreprise qui construit le nouveau camp de déportation) et qui l’ont détruit, comme celle de quelques anarchistes qui ont mis le feu aux containers sur le chantier de construction d’un nouveau centre fermé à Rotterdam. Comme la respiration des gens qui ont bloqué le centre de déportation de Brugge et celle des prisonniers à l’intérieur qui se sont révolté en même temps et ont commencé à exploser leur prison. Comme chaque respiration qui a détruit un morceau de l’infrastructure de la prison ces dernières années, comme chaque respiration qui a combattu les contrôleurs et les flics, qui s’est joué des juges et de leurs avocats, qui a mis les patrons hors jeu, donné du courage à des femmes de quitter leur mari violent, qui a donné la force à des enfants de refuser la volonté que leur parents essayent de leur imposer, les parents qui leur demandaient de se sacrifier. Respirer comme tous les petits actes de résistance qui se nichent dans les pores de notre corps. Résistance contre ce monde qui prend place non-stop, à chaque moment de la journée, toujours.

 Nous pouvons arrêter de sentir, s’enfuir dans les temples de la consommation, de la télévision, du sport, de la drogue. Fuir, essayer d’oublier, oublier que tu souffres, que tu vis. On peut se taire, regarder de l’autre côté, laisser ceux qui nous utilisent continuer et un jour on finira sur la pile de déchets des corps compressés. Ou on peut respirer. Calmement, rapidement. Doucement, intensément, chaudement, battant de plaisir.

Respirer comme discuter avec d’autres, discuter de ce qu’on peut faire, de ce qu’on veut faire et pourquoi. Finissons-en une bonne fois pour toutes avec le désespoir, soyons nos propres maîtres sans dieux. Détruisons le vieux monde avec le désir d’un nouveau. Pour respirer librement ! Adieu à ce monde où on se réprime les uns les autres ! Adieu à ce monde où nous allons nous coucher avec des angoisses, où nous nous réveillons avec des angoisses. C’est le refus de se résigner à la vie que cette société essaye de nous imposer, le refus d’abandonner nos rêves et de descendre dans le puit d’une existence malheureuse.

 Pleurnicher, se plaindre, pleurer et jurer peut nous soulager le cœur pour un moment. Mais rien ne change.

C’est respirer qui fait battre notre cœur et circuler notre sang.

Si tu ne respires pas, tu meurs.

 [Ce tract a été lancé en haut des murs de quatre centres fermés et distribué dans plusieurs villes belges, fin octobre 2009]

Notre lutte contre les camps de déportation est une lutte révolutionnaire, une lutte qui ne vise pas seulement la destruction de ces camps, mais le bouleversement de la société dans son ensemble. C’est une lutte qui ne demandera jamais quoi que ce soit aux politiciens ou à d’autres représentants du pouvoir, simplement parce qu’ils sont les responsables de nos soucis quotidiens et de nos problèmes. C’est une lutte contre ces puissants et leurs structures, contre toutes les prisons, contre la terreur de l’esclavage salarial, contre les propriétaires, les huissiers, les juges et les flics. C’est une lutte contre une société qui est fondée sur la hiérarchie et le pouvoir.

C’est aussi une lutte pour quelque chose d’autre. Une lutte pour un bouleversement social total, pour la révolution sociale, pour l’épanouissement vigoureux et passionné de chacun. Une lutte pour la solidarité, pour la joie de la vie, pour la liberté. C’est une lutte que tout le monde peut engager, qui commence quand quelqu’un décide que ça suffi t et qu’il va dépasser ses propres limites pour rendre possible ce qui semblait impossible. C’est une lutte qui rêve d’un monde libéré des positions et des rôles, et qui réalise déjà ce rêve au sein de la lutte. Une lutte où nous pouvons se redécouvrir avec le coeur brûlant et l’amour des compagnons, une lutte pour l’anarchie. Et tout ce que nous portons au fond de notre coeur ne peut croître que par la lutte, pour ne jamais dépérir…

Extrait de L’ouragan, Parution à numéro unique contre les centres fermés, contre toutes les prisons, avec ou sans murs, printemps 2010.

Après le premier octobre 2010…

Disons-le clairement : l’Etat n’a pas peur d’une poignée d’anarchistes, mais craint une possible contagion sociale à laquelle les révolutionnaires œuvrent de jour en jour. Depuis longtemps, Bruxelles semble être une poudrière sociale où on cherche à mater les tensions sociales à coups de plus de police et plus de blessés ou de morts du côté de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, engagent la confrontation. Néanmoins, les tensions sociales continuent à s’exprimer de manière radicale : des émeutes récurrentes dans les quartiers aux mutineries dans les centres fermés et les prisons, des attaques ciblées contre les structures de l’Etat et du Capital jusqu’à une hostilité qui continue à se répandre contre tout ce qui porte l’uniforme de la répression. Probablement, la manifestation annoncée du 1 octobre était une des possibilités de rencontre entre les différentes rébellions et les idées antiautoritaires – et cette rencontre a été écrasée.

Malgré la pacification militarisée des derniers jours, nous continuons à diriger notre attention ardente vers cette poudrière sociale, en sachant que chaque occasion peut être la bonne pour mettre le feu à la mèche. Et là où la proposition d’une manifestation s’est heurtée à des obstacles difficilement franchissables, d’autres pratiques et activités sauront se frayer un chemin.

Malgré les murs policiers qui cherchent à nous tenir séparés, nous continuons à penser que la rencontre entre les différentes rébellions reste possible, souhaitable et nécessaire. Aucun racket répressif de la part de l’Etat ne nous fera renier cet enthousiasme.

Malgré le fait que l’initiative a été arrachée de nos mains ces derniers jours, nous sommes déterminés, avec le cœur et la tête, à reprendre l’initiative dans nos propres mains. Malgré tout, nous continuons. Rien n’est finie… les possibilités sont toujours là, prêtes à être saisies.

Extrait de Malgré tout, aux rebelles d’ici et d’ailleurs, 5 octobre 2010.

salto@riseup.net

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