Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

[Paris] Traque sans répit des réfugié-es dans le 18ème

Tract distribué dans le quartier de la chapelle au lendemain de l’expulsion de la halle Pajol le 8 juin 2015

TRAQUE SANS RÉPIT DES RÉFUGIÉES DANS LE 18ÈME

Hier, lundi 08 juin 2015, en début d’après midi, les réfugié-es expulsé-es de la chapelle, ont à nouveau été délogé-es, violemment, du campement provisoire installé rue Pajol, devant la bibliothèque Vaclav Havel. À 13h40, ils étaient une centaine quand les CRS ont débarqué pour les chasser. Seules quelques personnes solidaires étaient sur place à ce moment là.

Une distribution de nourriture venait de commencer. Les CRS ont rapidement encerclé les réfugiées et commencé à les embarquer dans un car qui est parti dans la foulée. Les divers réseaux d’alerte ont été activés et des militantes, voisines etc ont accourus sur les lieux. La résistance a été très forte. Des chaînes humaines se sont mises en place. La résistance des réfugiées et personnes solidaires a considérablement ralenti le travail des flics. Plusieurs réfugié-es ont réussi à s’échapper de la nasse.

Vers 17h, le deuxième car est parti avec difficultés, plusieurs dizaines de personnes ayant tenté de bloquer son départ en se mettant sur la chaussée. Les CRS quittent les lieux sous les huées du quartier. Les 80 réfugiés arrêtés ont été envoyés au commissariat de l’évangile dans le 18e, 30 d’entre eux ont atterri en centre de rétention (14 à Vincennes, 16 au Mesnil Amelot). 17 réfugiés ont fini la soirée aux urgences de l’hôpital Lariboisière : un réfugié a le pied fracturé, un autre a un testicule explosé…

Le soir même, les réfugié-es étaient à nouveau nombreux à se regrouper devant la halle Pajol. Les personnes solidaires sont là aussi. On ne lâche rien. La nourriture commence à arriver. Immédiatement, un nouveau débarquement policier a eu lieu. Les CRS empêchent les gens de récupérer les matelas et diverses affaires. Les renforts policiers affluent. Pas de relâche pour la chasse!! Les réfugié-es ne pourront pas encore souffler ce soir. À nouveau, la solidarité se met en place. Plusieurs personnes du voisinage accueilleront pour la nuit des réfugiés. Un autre groupe trouvera refuge à l’ENS. Et la majorité est accueillie au Bois dormant (un jardin partagé) situé à deux pas de la Halle Pajol.

La solidarité ne faiblit pas. Envers et contre tout. Contre les discours mensongers de la mairie et de la préfecture qui prétendent outrageusement que l’évacuation s’est fait avec humanité, qui prétendent que les réfugié-es ont refusé de demander l’asile, qu’ils et elles ont tous eu un hébergement… Voisins, militantes, personnes solidaires ne s’en laissent pas compter. La solidarité s’accroît et s’élargit, la résistance aussi. C’est tout le quartier de la Chapelle, et bien sûr au delà, qui est désormais mobilisé et qui résiste contre cette politique de traque aux réfugié-es.

Réfugié-es, voisin-es, personnes solidaires, nous ne lâcherons rien !

Des papiers pour tous et toutes !

Des logements pour tous et toutes !

Refugees welcome / Solidarité avec les réfugié-es !

Pour retrouver toutes les publications sur la lutte des migrant-es de La Chapelle : Lutte des migrant-es de La Chapelle et sur Paris Luttes Infos : refugie-es-de-la-chapelle

[Paris] L’épidémie c’est… le capitalisme, ses flics, ses guerres, ses frontières

Texte diffusé dans le quartier de La Chapelle le soir du 2 juin et collé sur les murs.

L’épidémie c’est… le capitalisme, ses flics, ses guerres, ses frontières

Ce matin, mardi 2 juin 2015, 400 migrant-e-s qui vivaient depuis plusieurs mois sous le métro aérien entre la Chapelle et Barbès ont été expulsé-e-s. Sous prétexte d’une menace d’épidémie, préfecture et mairie espèrent ainsi nettoyer le quartier en pleine rénovation urbaine et disperser les migrant-e-s. Et cela avec la collaboration des associations Emmaüs et France Terre d’Asile, cautions humanitaires à la répression des migrant-e-s, qui participent à trier, contrôler des individues selon une origine qu’ils n’ont pas choisie. Associatifs et flics travaillent côte à côte, pour déloger les migrant-e-s en échange de quelques nuits d’hébergement pour les mieux loti-e-s, la rue pour les autres. De l’autre côté des barrières des manifestant-e-s se sont regroupé-e-s avec banderoles, tracts et guirlandes d’affiches pour exprimer leur solidarité aux expulsé-e-s, mais ne parviennent pas à bloquer les cars de la compagnie Savac qui les emmènent. À peine l’opération terminée, sans laisser à certain-e-s la possibilité de récupérer leurs affaires, le ménage est fait, pour offrir à Vinci l’usage du terrain. Quelques heures plus tard, une centaine de migrant-e-s manifestent vers la mairie du 18ème pour exiger une solution de logement.

L’ expulsion de ce campement participe à la volonté de l’État d’isoler, d’humilier, d’empêcher toute organisation des migrant-e-s pour survivre ici ou tenter d’aller vers d’autres pays. Nombre d’entre elles et eux souhaitent en effet rejoindre l’Angleterre en passant par Calais, où deux squats de migrant-e-s ont été expulsés aujourd’hui même. Là-bas comme ici, l’État et ses larbins, détruisent les espaces que s’approprient les migrant-e-s, parlant d’évacuation sanitaire alors même qu’ils sont responsables de leurs conditions de vie précaires par le harcèlement qu’ils leur font subir.

Laissons parler notre rage contre ses flics qui aujourd’hui expulsent, et qui tous les jours font leur sale boulot de contrôle, d’arrestation, d’emprisonnement en centre de rétention de celles et ceux qui n’ont pas les bon papiers.

Solidarité avec les migrant-e-s

À bas toutes les frontières

Liberté pour tou-te-s

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02juin-paris-banderole-expulsion-campement-la-chapelle

English version

The epidemic it’s… capitalism, its cops, its wars, its borders

This morning, tuesday June 2nd, 400 migrants who have been living for several months under the elevated railway between La Chapelle and Barbès were evicted. Under the pretext of a threat of an epidemic, prefecture and town council hope to « clean out » this area in complete urban renewal and disperse the migrants. And that with the colla­boration of the associations Emmaüs and France Terre d’Asile, humanitarian backings to the repression of migrants, which help sort out and control individuals according to an origin they haven’t chosen. Associations and cops work side by side to move out migrants in exchange for some nights ‘accomodation for the lucky ones, street for the others.

Behind the fences, some demonstrators has gathered with banner, tracts and posters to express their solidarity to evic­ted people, but they’re not able to block the bus from Savac compagy which take them away. The operation barely over, housework is made to offer the use of the site to Vinci, without letting the opportunity to some people to get their things back. Few hours later an hundred of migrants demonstrate among the town hall of 18th to demand to an accomodation solution.

The eviction of this camp takes part in the will of the state to isolate, humiliate, prevent any organization of migrants to survive here or try to get other countries. Indeed many of them want to reach England via Calais, where two mi­grants’ squats were evicted today. There, as here, the state and its stooges destroy spaces appropriate by migrants, spea­king of medical evacuations while they are responsible for their precarious living conditions through the harassment they inflict on them.

Let’s express our rage against these cops who evict today, and all the days make their ugly job of controlling, arresting, imprisonning in retention centers the ones who don’t have the good documents.

Solidarity with migrants !

No borders !

Freedom for everyone !

Libération d’A. arrêté et tabassé à Barbès : comptes rendus d’audiences devant le TA et le JLD

Le dimanche 8 mars A. intervenait pour aider un jeune homme qui sous le porche d’un immeuble subissait des violences de la part de policiers du 18e arrondissement. Alors que le jeune homme réussissait grâce à cette intervention à échapper aux coups de ses agresseurs, A. a ensuite subi l’acharnement et les coups des policiers et après plus de 40 heures de garde à vue et un passage par l’hôpital a été envoyé au centre de rétention de Vincennes.

Alertés/es par plusieurs de ses amis, nous avons pris contact avec lui et sommes allés/es le soutenir lors de son passage devant le juge administratif le jeudi 12 mars après-midi puis devant le juge des libertés et de la détention le dimanche 15 mars.

Lors de cette dernière audience il a été libéré car la procédure présentait plusieurs vices de procédure (notamment les flics avaient « oublié » de lui signifier le prolongement de la garde à vue après 24 heures).

(vous pouvez lire son témoignage sur le lien ici)

Pour des infos juridiques et pratiques sur la garde-à-vue, la rétention, les passages devant le juge et comment résister aux expulsions vous pouvez consulter le guide « Sans papiers : S’organiser contre l’expulsion – Que faire en cas d’arrestation ? »

***

Compte rendu de l’audience devant le tribunal administratif jeudi 12 mars :

A., n’était pas seul ce jeudi à être présenté à l’audience présidée par la juge Claudine Hnatkiw. Ils et elle étaient 13 à espérer grâce à cette audience pouvoir sortir du centre de rétention de Vincennes ou de la zone d’attente de Roissy. Les espoirs de ces 13 personnes auront été vains, puisque toutes leurs requêtes sans exception auront été rejetées. Dès le début de l’audience Mme Hnatkiw montre son hostilité aux personnes convoquées et à leurs avocats/es, et on comprend vite que les chances qu’une de leur requête soit entendue sont quasi nulles.

Je vais essayer de faire un compte-rendu de cette audience au cours de laquelle systématiquement la juge coupe la parole aux avocats de la défense, donne la dernière prise de parole aux avocates de la préfecture, pose des questions pièges aux personnes convoquées et leur parle de façon désobligeante et humiliante.

Le sort de chaque personne est réglé de façon rapide, d’ailleurs Mme la juge montre ostensiblement qu’elle s’impatiente dès que les avocats de la défense parlent plus de 3 minutes d’affilée. Le seul qui, à force de pugnacité, tiendra plus de dix minutes pour défendre son client sera maître Machado, l’avocat d’A..

L’audience commence avec une dame congolaise qui est retenue dans la zone d’attente de Roissy et à qui l’admission sur le territoire français a été refusée et sa demande d’asile jugée infondée. Son avocat commence à expliquer la situation au Congo, la juge le coupe sèchement : «On connaît bien la situation au Congo, il y a 13 inscrits ». L’avocat reprend alors sa plaidoirie, mais la juge le coupe de nouveau. En effet, elle a repéré dans la salle une dame qui donnait un petit biberon d’eau à son bébé. Elle ordonne à la dame de sortir. Cette dernière tente de maîtriser son émotion (elle est là car son compagnon est en rétention)et de ranger discrètement ses affaires tout en tenant son bébé, la juge s’énerve car elle ne sort pas assez vite. Le ton de l’audience est donné !

Après avoir expédié la dame congolaise, c’est au tour d’A. qui fait recours contre son placement en rétention et son interdiction de retour sur le territoire français. Il a une obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui date du 20 mars 2014. A. a donc été placé en garde à vue le dimanche 8 mars à Barbès au commissariat de la goutte d’or après avoir aidé un adolescent qui était violemment contrôlé par des policiers.

Maître Machado rappelle que ce commissariat de la goutte d’or est tristement célèbre. Le matin même il en avait d’ailleurs été question à la cour d’appel du juge des libertés et de la détention, un retenu s’y plaignant des violences qu’il y avait subies. Il fait remarquer que dans son dossier il n’a aucune plainte ni déclaration de la part du gardien de la paix Chute. Il est juste spécifié dans le PV d’interpellation que ce policier  aurait été visé par des violences et des menaces de la part d’A.. Ce PV d’interpellation prétend qu’A., après s’être opposé à un contrôle d’identité, se serait jeté sur le policier répondant au nom de Chute et il semblerait à sa lecture que les trois autres policiers seraient restés spectateurs. A. se serait ensuite cogné la tête dans la bataille, le choc entraînant une blessure ayant nécessité des points de suture derrière la tête.

De la seconde blessure et des agrafes sur le front et la tempe, il n’est en revanche point question. maître Machado montre à madame la juge la plainte déposée par A. dès son arrivée au centre de rétention. Celle-ci n’a alors qu’une chose à dire : « Quand l’intéressé va t-il se décider à partir étant donné qu’il a une OQTF ? »

Après un sympathique échange au cours duquel où nous aurons également le droit de la part de madame la représentante du peuple français à un «Préparez vous à partir au lieu de vendre des cigarettes de contrebande », l’avocate de la préfecture, Maître Balut, sort de son chapeau une plainte contre A. de la part du gardien de la paix Chute. Elle n’en avait pas fait état à son contradicteur avant l’audience comme il se doit normalement, pourtant il était là avant le début des audiences. Elle nous dit qu’au départ c’était une autre personne qui était contrôlée mais que du fait de l’attitude d’A. cette personne n’a pu être arrêtée. Elle remet en doute toutes les paroles d’A. concernant les violences qu’il a subies et dont il porte pourtant visiblement les traces.

Concernant les fondements juridiques qui ont permis de placer A. en rétention ou de lui interdire le retour sur le territoire français, elle ne semble pas tout maîtriser. Nous aurons le droit à un « Attendez le dossier est épais, attendez que je m’y retrouve » ou bien encore à un « Moi je m’y perds toujours dans les numéros » ou encore « A chaque fois je me perds dans l’article 511 tiret 1 » Heureusement pour elle la juge l’aide, outrepassant ainsi ses prérogatives. Mais qu’importe, dans cette audience il n’est même plus question de sauver les apparences.

A un moment madame la juge coupe l’avocat pour tancer A. qui pose une question à son traducteur : « Monsieur la discussion ici est dans un seul sens, votre interprète vous traduit, vous vous n’avez rien à dire. » Alors que maître Machado tente de nouveau de plaider, la juge le coupe pour mettre l’affaire en délibéré, visiblement cela n’a que trop duré.

Effectivement, pour les personnes suivantes nous assistons à un triste défilé où chaque affaire durera à peine 5 minutes. 5 minutes pendant lesquelles nous aurons toutefois le droit à un florilège de paroles désagréables destinées à déstabiliser les personnes jugées et leurs avocats.

Ainsi à une avocate défendant un monsieur expliquant qu’il a des difficultés avec l’une des formes de la langue arabe elle fait remarquer « Il dit qu’il ne parle pas arabe, comment fait il là-bas . Il est escorté d’un interprète ? Vous ne me ferez pas croire que vous ne parlez pas arabe. »

Alors que le monsieur explique qu’il comprend l’arabe mais s’exprime mal dans cette langue, elle en profite pour couper court à toute autre tentative d’argumentation de l’avocate en balançant un « De toute façon il vient de dire qu’il parlait moins bien arabe mais il le parle ».

Plusieurs très jeunes soudanais qui ont été arrêtés en même temps à gare du nord subissent ses foudres et sa suspicion. Elle les interroge sur le nombre d’années passées dans tel ou tel endroit au cours de leur parcours migratoire, sur la ville d’où il viennent pour mettre en doute que cela se situe au Darfour, assène des « Les conditions matérielles dans un pays ne sont pas jugées dans cette audience ». A chaque fois, pour ces jeunes Soudanais, comme pour un jeune Erythréen, l’avocate de la préfecture remet en cause le fait que les jeunes prévenus souhaitent demander l’asile et fuient des persécution en invoquant le fait que « cela ne ressort pas des PV d’interpellation ». Un avocat qui tente d’expliquer que les réfugiés craignent de parler de persécutions à des policiers qui viennent de les arrêter, est renvoyé dans ses cordes par la juge.

Systématiquement l’avocate de la préfecture a le dernier mot avant que la juge lance son « Mise en délibéré » en invoquant les 13 dossiers qu’elle a à juger cet après-midi. L’avocate de la préfecture joue sur du velours… « Vous avez devancé ma plaidoirie » dira t-elle à un moment à la juge qui démontre qu’un jeune soudanais ment sans doute car il s’est trompé de quelques mois dans le long périple qu’il a effectué avant d’arriver en France après avoir quitté le Darfour en 2009 (alors qu’il était vu son apparence physique actuelle sans doute un enfant à ce moment là).

Ce qui semble fatiguer Mme la juge c’est ce défilé incessant de gens qui invoquent toujours la même chose…. Par exemple ces Erythréens « Comme on l’entend à chaque fois ces personnes quitteraient leur pays pour fuir le service militaire» soupire-t-elle. L’avocate de la préfecture compatit complice : « Effectivement on nous invoque toujours l’article 3 de la CEDH (cour européenne des droits de l’homme) »

L’avant-dernière personne qui se présente à l’audience est un monsieur qui vient du centre de rétention et qui est seul, sans avocat et sans interprète alors qu’il en aurait visiblement besoin d’un. Personne ne lui demande s’il en veut. Il s’excuse de mal parler français (ce à quoi), Mme la juge lui dit sèchement « Parlez dans le micro s’il vous plaît »

Le monsieur tente d’expliquer qu’il a été arrêté alors qu’il venait en aide à une femme qui était importunée dans la rue. La juge le coupe en lui disant que les raisons de son interpellation n’ont pas à être évoquées ici. Elle lui demande pourquoi il n’est pas parti après l’oqtf qu’il a eu en septembre 2014. Il dit qu’il est en contrôle judiciaire. « De quel délit êtes vous présumé coupable ? » demande la juge s’asseyant au passage sur l’un des fondements du droit français, la présomption d’innocence pour la remplacer par ce qui semble être sa vision du monde : la présomption de culpabilité.

Quand il apparaît au vu des papiers qu’il montre que ce monsieur est sous contrôle judiciaire pour recel d’une bicyclette, l’avocate de la préfecture dira que ce petit délit ne peut justifier de ne pas respecter une décision d’éloignement.

Bref, on l’aura compris, dans cette audience l’étranger et l’étrangère ont toujours tort et sont systématiquement remis en cause et rabaissés. Au moins toutes ces personnes n’auront sans doute pas espéré quoi que ce soit de positif lors du court délibéré au terme duquel tous leurs recours auront été rejetés. On n’aura même pas essayé de leur faire croire qu’elle et ils étaient écouté/es, qu’elle et ils étaient une vraie personne. Pas d’illusion…

En tout cas, espérons qu’à la prochaine loterie judiciaire ils et elle tireront un autre numéro. Pour Ali ce sera dimanche devant le juge des libertés et de la détention du 35 bis à Cité. Nous serons un certain nombre à ne pas oublier que s’il se retrouve là c’est bien sûr parce qu’il n’est pas né au bon endroit et n’a pas les bons papiers, ni le bon statut social, mais aussi parce qu’il s’est opposé à ce que beaucoup d’entre nous dénonçons depuis des années : les contrôles d’identité racistes et la violence de la police.

***

Compte rendu de l’audience devant le juge des libertés et de la détention (JLD) dimanche 15 mars :

Un palais désert comme tous les dimanches et les gendarmes bien avertis a l’entrée qu’il n’y a que le 35 bis, soit la « justice » pour les étrangers qui ne fonctionne ce jour là…

15 personnes doivent passer devant le juge. On commence à l’heure. Le premier retenu est un Russe. Pour chaque dossier Mr le juge va irrémédiablement commencer par les mêmes questions : vous vous appelez machin ? Depuis combien de temps êtes vous en france ? quelle est votre adresse ? Avez vous un passeport (si la réponse est oui – il est où ce passeport ?) êtes vous d’accord pour repartir en, dans le cas présent, en Russie ?

Toutes les audiences vont aller très très vite, mis a part quelques délibérations ou « la salle » (3 personnes dans le public) doit sortir quelques minutes. Pour le retenu russe cela ira donc très vite aussi. Un avocat, on espère commis d’office, bafouille que Mr est venu 2 fois avec des visas. Le juge lui demande « Maître j’ai pas compris vous n’avez pas soulevé de nullité nan ? » Non je m’interrogeais juste »… « Bon je prolonge la rétention, Mr vous avez un vol demain pour la Russie. »

La jeunette qui représente la préfecture n’aura pas eu de travail sur ce dossier…

Personne suivante, un Soudanais, en France depuis une semaine, sans domicile, en route pour Calais, pas d’accord pour retourner au Soudan ! Une avocate, elle ne plaide que sur le fait que Mr vient de déposer une demande d’asile car il est très menacé dans son pays et que donc il doit être libéré. Le juge répond que la demande d’asile empêche juste la présentation de Mr à son consulat mais pas le maintien en rétention. Prolongé !

Des conditions d’interpellation, de la garde à vue, du placement en rétention il n’en sera pas question. Ah ces avocats qui ne savent même pas à quoi « ça sert » un JLD…

Personne suivante, un égyptien, c’est une deuxième prolongation, l’avocat plaide aussi qu’il a fait une demande d’asile. Le juge répond qu’il est pas compétent pour l’asile et rend sa décision de prolongation… Mais Mr veut s’expliquer, apparemment il n’a pas compris qu’il avait été jugé en moins d’une minute et veut donc raconter qu’il est menacé dans son pays. « Je comprend mais je suis pas compétent, de toutes façons je doute que les autorités égyptiennes vous reconnaissent et délivrent un laisser passer Mr, donc y’a toute les chances pour que vous sortiez » Oui bah pas maintenant, Mr va encore passer 20 jours a Vincennes.

Le quatrième dossier c’est A., on réussi à le saluer…Après les formalités d’usage avec Mr le Juge, on rentre dans le vif du sujet direct car son avocat a soulevé déjà par écrit de nombreuses nullités. Le juge lui fait à peine expliquer et demande direct à l’avocate de la pref où est le PV de prolongation de la garde à vue, ben…. y’en a pas ! (d’ailleurs cela ressort dans le témoignage que nous a fait A. depuis Vincennes, personne ne lui avait signifié la prolongation de la garde à vue) .

L’avocate de la pref annonce que nous avons toutes les infos dans le PV de fin de première garde à vue sous entendu pourquoi embarrasser. Le juge lui rétorque qu’il n’est pas d’accord et « sans qu’il soit besoin d’étudier les autres moyens de nullités je ne prolonge pas la rétention ». Première personne libérée donc.

Mr O, un algérien. Sans passeport. Cette fois ci cet élément est important parce que l’avocate qui a un nom de sandwich dit elle même a Mr le juge, et elle ne dira que ça, « j’avoue que dans ce dossier je n’ai pas d’élément pour vous demander une assignation a résidence « … et c’est tout ! Des conditions d’interpellation, de la garde à vue, du placement en rétention il n’en est toujours pas question . Prolongé.

Le déroulement du dossier suivant est assez étrange, le juge nous a un peu surpris là, il a peut être eu une minute d’attaque de culpabilité, peut être après la consternante non plaidoirie de l’avocate. Bref en tout cas c’est toujours mme qui a un nom de sandwich qui est censé le défendre. Mr Coulibaly n’est pas là, il est a l’hôpital (pourquoi? tout le monde s’en fout ! a espérer que cela n’ait rien à voir avec les compétences de Mr le juge…). « ça libère l’interprété ». Il y a un peu confusion sur son identité, la pref a saisi les autorités consulaires du Mali et de la côte d’ivoire. L’avocate dit que Mr a dit qu’il avait une compagne en france et un enfant, qu’il est ivoirien mais qu’on a rien qui confirme ses dires. Le juge demande qu’on change son nom sur son dossier, « Mr dit qu’il s’appelle comme ça il n’y a pas de raison de ne pas le croire » puis il s’énerve que lors de la procédure rien n’a été fait pour savoir quoi que ce soit sur ce Mr, que si ça se trouve un enfant va être séparé de son père » ! Il s’exaspère et dit « je ne suis pas une machine a prolonger la rétention ! » l’avocate de la pref lui dit que c’est du ressort du TA, il répond  » le respect de la liberté individuelle c’est le juge judiciaire, je ne suis pas une machine à prolonger » !!! deuxième libération… l’avocate est perplexe, faut dire elle a rien fait et son client est libéré…

Le suivant est une demande de deuxième prolongation de la rétention, pour un marcocain, personne n’a rien à dire, il est prolongé.

Puis vient le tour d’un autre Soudanais, du Darfour, avec un traducteur en arabe, là après les questions d’usage le juge va l’interroger sur son parcours de migration en signifiant à l’interprète qu’il a le temps de parler ! pourquoi lui mystère… Donc le Darfour, puis Khartoum, puis la Libye et la taule puis il a travaille a Benghazi puis il part pour Tripoli, l’Italie, la Fance, des années quoi…Mr a été contrôlé à gare du nord tôt le matin et l’avocate va plaider que rien ne motivait ce contrôle car Mr n’avait aucun comportement suspect. Sous entendu a part sa tête d’étranger donc… La pref va répondre que le contrôle n’a pas à être motivé dans les places transfrontalières comme les gares et pour répondre a l’argument sur sa tête d’étranger, elle va expliquer que les policiers ont d’abord interrogé le FPR (fichier des personnes recherchées) comme pour n’importe qui, avant d’interroger le fichier national des étrangers… Non non ce n’est pas un contrôle au faciès. Le juge va donner droit à l’avocate, rien ne justifiait le contrôle. Troisième et dernière libération…

Tous les dossiers suivant, les retenus retourneront en rétention, à noter 5 Chinois, dont 3 femmes, défendus par le même avocat, qui a soulevé les mêmes nullités dans les 5. Elles ne seront expliquées qu’ au premier dossier ainsi que pourquoi le juge les rejette, pour les autres retenus tant pis, le juge se contentera de dire « votre avocat a travaillé mais j’ai rejeté ses conclusions ». A tous les retenus le juge a demandé où était le passeport et il était à la maison. Pour une d’entre elles, le juge ira jusqu’à demander le nom de la personne qui l’héberge après avoir demandé l’adresse. Et tout cela est noté.

L’une d’entre elles est d’abord entendue comme victime dans une procédure de contrôle du travail dissimulé, c’est dans ce contexte qu’elle s’est fait arrêter, elle passera en procédure de retenu et attendra son vol pour la Chine. A noter un d’entre eux aussi pour lequel l’avocat a soulevé un moyen supplémentaire : le début de la garde à vue devrait prendre en compte le début de la contrainte (Mr est aux mains de vigiles). Le juge va rejeter…

Voilà trois heures d’audience pour 15 personnes, 3 libérations, si le parquet ne fait pas appel…

Au final, A. a été libéré, le parquet n’ayant pas fait appel.

[Barbès] « les flics m’ont rentré dans l’immeuble, ils m’ont mis une claque et m’ont frappé avec une matraque. Ils m’ont donné plusieurs coups sur la tête. Je perdais beaucoup de sang »

À Barbès la pression des flics est toujours quotidienne. La Mairie et les investisseurs locaux voudraient que ce quartier deviennent le nouveau « lieu branché » de Paris.

La ré-ouverture du cinéma Louxor et la nouvelle brasserie qui va bientôt ouvrir ses portes en sont de bons exemples.

Les chantiers de construction de nouveaux logements en accession à la propriété se multiplient pour accueillir de nouveaux habitants plus riches et plus bobos.

La police quadrille les rues pour tenter de virer celles et ceux qui ne correspondent pas aux projets de ceux qui nous gouvernent : pauvres, biffins, sans papiers , etc.

La violence de la police est quotidienne lors des ces contrôles qui mènent bien souvent, sous n’importe quel prétexte, à une garde-à-vue et pour ceux & celles qui n’ont pas les bons papiers, au centre de rétention.

Dimanche 7 mars 2015 lors d’une énième opération de contrôle les flics du quartier ont arrêté A. après l’avoir tabassé. Il est aujourd’hui enfermé au centre de rétention de Vincennes et raconte comment s’est déroulée son arrestation et la garde-à-vue :

« J’étais à Barbès vers 18h, j’étais au snack. Après manger je suis sorti et j’ai vu trois policiers qui arrêtaient quelqu’un : ils l’ont rentré dans un hall d’immeuble, ils lui ont mis une claque, ils l’ont frappé avec l’électricité (taser) et l’ont gazé. Je me suis arrêté pour aider le gars. Les flics m’ont rentré dans l’immeuble, ils m’ont mis une claque et m’ont frappé avec une matraque. Ils m’ont donné plusieurs coups sur la tête. Je perdais beaucoup de sang. Après on est sorti de l’immeuble et j’ai crié que je devais aller voir le médecin, qu’ils m’avaient frappé, que j’avais mal. Il y a un commerçant qui vend des portables qui est sorti et qui a filmé. Les gens dans la rue étaient choqués, ils ont crié.

Les flics m’ont ramené à pied au commissariat de la Goutte-d’Or parce qu’ils disaient que j’allais salir la voiture.

Au commissariat ils m’ont encore frappé, mis des coups de pieds. J’étais allongé par terre et un policier mettait son pied sur ma tête. Tous les policiers rigolaient sur moi. Ils disaient que j’allais avoir des cicatrices toute ma vie, ils criaient «mort ». Ça a duré 30 minutes.

Il y a un gradé qui est arrivé j’ai demandé d’aller à l’hôpital. Les pompiers sont arrivés, ils étaient choqués de voir ça. Un pompier m’a dit qu’ils allaient m’amener à l’hôpital. Je suis resté avec eux dix minutes au commissariat et ils m’ont mis dans le camion. J’avais perdu beaucoup de sang. Les policiers sont venus avec nous, on était dans le camion mais on a mis du temps a partir.

À l’hôpital j’étais mal, j’ai été soigné. J’ai attendu le médecin, il était choqué. Il m’a mis des agrafes, 8 sur le crane et 7 sur la tempe. Ils m’ont donné un certificat et une ordonnance mais les policiers les ont pris.

Après je suis retourné direct en garde-à-vue. J’avais perdu beaucoup de sang, j’avais très mal. Il était 20h30. J’ai demandé des médicaments mais ils m’ont dit « attend ». J’ai demandé un avocat, un interprète, un médecin, mais rien. Jusqu’à 2h du matin, j’ai attendu pour avoir des médicaments. Là ils m’ont amené a l’hôtel-Dieu, il m’a donné 4 dafalgans.

Là-bas une infirmière était choquée que j’étais en garde-à-vue dans cet état. Après ils m’ont ramené en garde-à-vue.

Le lendemain un policier m’a auditionné. Les policiers ont marqué dans le PV que j’avais frappé les policiers dans le gilet par balle. Mais moi je l’ai pas frappé. Moi j’ai reçu des coups de matraque et ils ont dit que j’étais tombé tout seul pour les cicatrices. Mais comment on tombe deux fois sur la tête ? Ils ont fait que mal me parler. J’ai signé aucun de leurs papiers.

Après je suis retourné dans la cellule. La garde à vue devait finir à 18h30. J’ai tapé dans la porte de la cellule pour dire que ma garde-à-vue elle était finie. Ils ont voulu que je signe une feuille qui disaient que j’avais fini la garde-à-vue mais j’étais pas sorti encore alors j’ai pas signé. Ils m’ont dit qu’ils attendaient le procureur. Je suis resté plusieurs heures comme ça, mais ils m’ont pas dit qu’ils avaient renouvelé la garde-à-vue, personne ne m’a rien dit ou n’a ramené de feuille, jusqu’au lendemain à 11h.

Là un policier m’a dit « tu vas aller a Vincennes » J’étais content car je sortait du commissariat, j’en pouvais plus de rester dans le commissariat.

J’avais rien signé dans le commissariat. Là le policier a ramené les feuilles pour Vincennes alors j’ai signé car c’était un cauchemar le commissariat. Ils m’ont mis dans le camion de la police pour m’emmener a Vincennes.

Le policier qui m’a frappé, il a frappé un mineur avant qui habite à l’hôtel.

Mes affaires sont toujours avec le sang. C’était comme un robinet comment je perdait du sang. Toutes mes affaires sont salies avec du sang, les baskets, mon tee shirt, mon pantalon. Je vais passer devant le juge comme ça.

Là j’ai mangé un peu, j’ai récupéré un peu mais j’ai toujours des douleurs dans le crâne.

J’ai même pas eu un scanner, des fois j’oublie des choses, car j’ai pris des coups de matraque sur la tête et j’ai mal, j’ai eu que du doliprane. J’ai perdu plein de sang et de kilo pendant la garde-à-vue.

J’ai un film dans ma tête, tout repasse dans ma tête, j’arrive pas à dormir. Les policiers m’ont fait beaucoup de mal. »

[Italie] Les CRA sont partout

Rome, vendredi 6 février. Dans le Centre de rétention la tension gronde contre la police et les gérants (GEPSA et l’association Acuarinto) qui ont des attitudes d’intimidation envers les personnes enfermées.

Plusieurs retenu décident donc de refuser le repas de midi, en signe de protestation. L’après-midi, un des prisonniers commence à se couper avec une lame de rasoir, à cause de son exaspération suite au retard avec lequel sont données les cartes téléphoniques. Nombre d’autres retenus commencent à foutre le bordel, notamment en mettant le feu à des matelas. La police arrive avec des lances à eau pour éteindre les incendies, puis elle commence a fouiller les chambres.
Entretemps, dehors, a lieu un rassemblement de solidarité (prévu depuis un moment).

Triste nouvelle, par contre, depuis le CRA de Bari (Pouilles) : un détenu de 26 ans est mort. Il s’agirait de « causes naturelles », selon la police.

Le matin du samedi 7 février, à Turin, une quinzaine d’ennemi.e.s des frontières se pointe à l’agence de voyages SCN 747, en plein centre-ville. Pendant que certains collent des affiches sur les vitrines, d’autres diffusent des tracts ou font des interventions au haut-parleur pour expliquer aux passants que cette agence achète les billets pour la préfecture, pour expulser les sans-papiers du CRA de Corso Brunelleschi. Une façon de rappeler que la machine à expulser est partout et qu’on peut s’en prendre à ses collabos de mille façons.

Voici le tract diffusé à Turin :

Le CRA est partout

Jour après jour, on voit police et militaires roder dans les rues à la recherche de sans-papiers, afin de les emmener au Centre de Rétention Administrative [CIE, Centro di Identificazione ed Espulsione, en italien ; NdT] du Corso Brunelleschi. Parfois, leur boulot est entravé par ceux qui n’acceptent plus, pour eux-mêmes et pour leurs proches, de vivre avec la menace constante d’êtres enfermés dans une cage ou d’êtres expulsés.

La police n’est que le visage le plus connu de la machine à expulser, mais pour marcher, les CRA ont besoin de la collaboration de plein d’autres acteurs : entreprises, associations et coopératives. Le CRA est partout dans la ville : de ceux qui tous les jours y emmènent la bouffe à ceux qui lavent le linge, de ceux qui participent aux expulsions à ceux qui répareent des parties du CRA détruites par les révoltes. Du coup, les CRA sont chaque entreprise, administration, association et personne qui collabore avec l’enfermement des sans-papiers et qui s’engraisse avec ces taules.

Depuis des années, les seules pratiques concrètes visant à la fermeture des Centres ont été menées par les prisonniers eux-mêmes, qui ont continué à s’évader des Centres, qui ont continué à détruire les prisons où ils étaient enfermés. Si aujourd’hui la machine à expulser se trouve dans de grosses difficultés, c’est grâce aux luttes et aux révoltes. Cependant, lutter contre les CRA ce n’est pas seulement aller devant ces murs pour hurler sa solidarité ; c’est aussi faire voir sa rage envers ces lieux en identifiant et en pointant du doigt aussi, parmi ces ennemis, la petite boutique du coin, si on sait qu’elle collabore avec les expulsions. Et aller frapper les CRA partout, devant leurs murs comme dans les quartiers.

L’agence de voyage SNC 747 collabore avec la Préfecture de Turin en achetant les billets pour la déportation des sans-papiers. Pendant les deux dernières années, cette activité leur a rapporté 20.000 euros.

SNC VIAGGI 747
Tél. (0039) 115214395
Via Milano 13/B
Torino

Traduit et adapté par non fides depuis macerie

 

 

[Calais] le centre Jules Ferry : un autre pas vers la ségrégation

Texte publié sur le blog Calais Migrant Solidarity qui livre une longue et très intéressante analyse sur l’ouverture du centre d’accueil de jour pour les migrant-e-s à Calais et des conséquences que cela va impliquer sur la vie des migrant-e-s à Calais, sur les solidarité existantes et sur les luttes.

Le 15 Janvier, le Centre Jules Ferry, un nouveau centre de jour pour Calais a été partiellement ouvert pour la première fois. Quand il sera fini, vers le début d’Avril, le centre de jour fournira prétendument des douches, un repas par jour, des lieux pour recharger les téléphones et un lieu de couchage pour les femmes et les enfants pour une capacité de 100 personnes.

Pour certaines personnes, cela est considéré comme une étape positive pour la situation à Calais. Après tout, l’État à finalement fournit quelque chose pour la population migrante de Calais et montre ainsi une certaine forme de responsabilité humanitaire. Mais nous devons être prudents-es et bien contextualiser l’arrivée de ce nouveau centre. Car il n ‘arrive pas grâce à un élan compassionnel de la part du gouvernement. Il est livré dans le cadre d’un nouveau programme de sécurité convenu avec le Royaume-Uni pour renforcer la frontière et ainsi rendre le passage vers le Royaume-Uni plus difficile. Le centre de jour fait partie de la même stratégie qui a vu le Royaume-Uni et la France mettre 15 millions € en financement supplémentaire pour la police, augmentant ainsi le niveau de violence et d’intimidation (venant de la police) contre les migrants-es, et la nouvelle barrière de sécurité. L’intention est de rendre la traversée de la frontière presque impossible, et en même temps de rendre la vie des migrants-es à Calais minutieusement gérée et contrôlée, ou bien insupportable. Le nouveau centre de jour est là pour faire face à l’échec cauchemardesque de cette politique et fournir un baume humanitaire pour les blessures racistes infligées par la frontière. Mais il est important de ne pas oublier que ce centre est d’abord et avant tout partie prenante d’un ensemble répressif conçu pour surveiller, contrôler et expulser la population migrante.

Le nouveau centre n’est pas axé sur la protection mais le maintien de l’ordre, non sur l’aide aux réfugiés-es, mais la ségrégation raciale. Situé à 6 km du centre de Calais, tous les services fournis par des associations dans ou à proximité de la ville devront maintenant se limiter à cet endroit reculé. Pour celles et ceux qui vivent de l’autre côté de Calais, au camp de « leader price »  ou au squat Galloo, le centre est pratiquement hors de portée. Alors que la mairesse, a indiqué que les camps seront tolérés dans l’étendue désertique entourant le centre (parsemée de bunkers de la seconde guerre mondiale, de chasseurs occasionnels et autres marécages), ils seront démolis de force ailleurs dans Calais, et tous les squats seront expulsés. Bouchart (la mairesse) a également déclaré que la fourniture de nourriture aux migrants-es n’importe où en dehors de ce centre sera désormais illégale. Les gens disent que les autorités commenceront avec une approche «d’expulsion en douceur», encourageant les gens à déménager avec la promesse de services et de sécurité contre le harcèlement de la police. Mais forcer les gens à déménager par l’utilisation de la famine et de menaces de violence policières semble tout sauf «doux».

Ce que nous voyons ici est la création d’un ghetto racial sous couvert d’un souci humanitario- libérale. Mais la logique de ségrégation en jeu est clair: vous serez libre et à l’abri de la persécution, muni d’équipements de base et des conseils juridiques, tant que vous restez dans le ghetto. Si vous vous écartez de cette prison à ciel ouvert, si vous suivez vos propres objectifs, vous serez traqués par la police et persécutés par les autorités. Même si nous acceptons que fournir une aide offerte par le centre soit une bonne chose, cela renforce encore l’idée que les migrants ne peuvent pas être aidés ici, ils et elles n’appartiennent pas a ici, qu’ils et elles doivent être maintenues à distance et «faire avec». Loin des yeux, loin du cœur. Tout le monde dans «sa propre » case. La puanteur du racisme est nauséabonde.

Pour nous cette stratégie n’est pas seulement une réponse cynique aux pleurs des racistes locaux mais aussi une tentative évidente de couper les liens et les rapports avec les gens de Calais qui se sont développés au fil des ans et d’isoler d´avantage les communautés de migrants-es. Depuis la fermeture de Sangatte en 2001, la vie à Calais pour les sans-papiers a été une lutte constante pour se faire une place, trouver des endroits chauds, secs et sûrs pour dormir, être capable de rester en public sans crainte de harcèlement de la police. Cela tout en renforçant de plus en plus les relations avec la communauté et les habitants de Calais. Nous avons vu quelques progrès ces dernières années, notamment en termes de participation publique avec le squat pour les familles a Victor Hugo et l’ouverture de Galloo, et les liens qui ont été crées continuent de grandir et se renforcer, en contact constant avec les camps plus fort que jamais. Grâce aux efforts soutenus au fil des ans afin d’informer et de sensibiliser la population sur les violence policières, ces connexions entre les communautés ont frustré l’État et ont nui à leur capacité de fliquer en toute impunité, et elles représentent un défi pour les autorités et politiques répressives. Le nouveau centre de jour va perturber ces connexions et liens intimes, cela en limitant (ou peut-être interdisant complètement) l’accès au site aux non-migrant-es. En brisant les liens que nous avons développés au fil des années, les autorités espèrent ainsi pourrir les graines de solidarité et de lutte qui prennent racines, poussent et ne cessent de croître et devenir plus en plus fort.

La mise en place du lieu Jules Ferry est arrivée sans aucune consultation avec les populations migrantes, sans leur demander quels soutiens ils ont besoin et comment ils aimeraient les voir se concrétiser. La participation des associations locales a été minime par rapport aux plans du début, idem pour d’autres œuvres de coopération, par exemple le projet de  « maisons des migrants-es», qui ont été oubliés. Au lieu de cela l’État apporte à une association externe, La Vie active, n’ayant aucune expérience des pratiques ou politiques de Calais ou connaissance des différentes communautés et tous les problèmes ou questions que cela pose pour gérer un tel centre. L’intention est claire: une nouvelle association peut plus facilement être la marionnette de l’État et de ses intérêts car il n’ aura pas l’expertise ou les connexions locales pour être en mesure d’en faire un défi efficace.

Briser la coopération inter-communautaire, mettant un terme au travail existant et projets en cours, et en détruisant toutes les jungles et squats, ce nouveau centre de jour est une tentative de modifier complètement les règles du jeu, de changer la situation concrète de manière qui neutralise tous les défis effectifs entre migrants-es et communautés locales permettant ainsi à l’État d’asseoir son contrôle. Ayant redessiné les cartes, l’État pourra ainsi se positionner comme le principal moteur des développements futurs à Calais.

Alors que certaines personnes envisagent de déménager volontairement au camp près du centre, la majorité des migrants-es refusent de bouger. Beaucoup des jungles ont été largement développées au cours de la dernière moitié de l’année 2014, et tandis que les conditions sont encore difficiles des gens ont pu se tailler un espace autonome et construire quelque chose s’approchant d’une maison pour eux-elles mêmes. Au moins ici, il y a une certaine quantité de liberté, par exemple, d’aller et venir comme et quand les personnes le souhaitent, pour autoriser ou refuser l’entrée à d’autres, marcher en ville, etc. Au centre de jour, la police peut facilement contrôler l’accès au long et étroit chemin d’accès. Et là-bas, loin des regards indiscrets du public, la police sera libre de mener leurs attaques avec encore plus d’enthousiasme. A des kilomètres de la boutique la plus proche, tout le monde sera forcé à une plus grande dépendance à la charité et au centre de jour lui-même pour leur propre survie.

Le centre de jour est une tentative d’isoler les gens dans un désert isolé en dehors de Calais et ainsi entraver leurs efforts pour traverser au Royaume-Uni, et de les garder groupés en un seul endroit, prêtes ainsi à toutes opérations de masse et possibles déportations au grès des changements d’agendas politiques. Jules Ferry sera une prison à ciel ouvert et l’aide fournie sera un maillon des chaînes qui lient les gens à lui.

Au lieu de cela:

Ce qui est nécessaire n’est pas la charité, mais la solidarité. Les communautés de migrants-es sont plus que capables de s’organiser et de s’occuper d’eux et d’elles-mêmes, ils-elles sont juste empêchés d’accéder à la plupart des choses de base de la vie par le racisme de la citoyenneté européenne et la violence de la frontière avec le Royaume-Uni. Ce dont nous avons besoin c´est de se tenir à côté des gens et de les soutenir autant ou aussi peu que dont ils ont besoin dans leurs efforts pour franchir la frontière ou pour réaliser leurs projets quels qu´ils soient ; pas d´un centre de jour destiné à contrôler. Nous devons soutenir ceux qui veulent résister à des expulsions et déplacements forcés et continuent à lutter pour la vie autonome au-delà du contrôle de l’État.

En fin de compte ce qui est nécessaire est un changement politique. Calais est juste un des lieux du projet européen raciste et son contrôle de la migration, tandis que les gens du monde entier continueront à se déplacer. Peu importe comment les conditions hostiles à Calais, peu importe à quelle hauteur ils construisent cette clôture, peu importe dans quels emplacement éloignées et désolés les gens sont forcés de vivre, les raisons qui poussent des personnes à se déplacer à travers le monde sont plus puissantes. Tôt ou tard, quelque chose doit donner. Les gens ne devraient pas être considérés comme un problème. Le problème est de savoir comment les autres réagissent à leur présence. La montée des idéologies racistes et nationalistes dans toute l’Europe n´est pas une question distincte de ce que nous rencontrons à Calais, et notre solidarité doit également impliquer une lutte contre le fascisme. L’État est en mesure de s´en tirer avec sa répression systématique des migrants à Calais et ailleurs grâce à l’appui implicite qu’ils reçoivent de l’électorat haineux et frustré qui de plus en plus se penche vers le fascisme.

Beaucoup de gens ont dit qu’ils n´iront pas au centre, et de nombreux autres qui arriveront à l’avenir ne vont certainement pas de se laisser tout simplement être parqués si loin. La répression policière va sans aucun doute augmenter autour de la ville ainsi que dans les parkings et les embouteillages, et toute tentative de créer un espace autonome de vie est susceptible de rencontrer abus et intimidation de la part des autorités. Nous continuerons à être solidaires avec les migrants à Calais et à résister à la violence de l’État, la police, et le régime de la frontière raciste. Mais nous devons faire plus que de réagir. Avec le nouveau centre de jour, les autorités ont pris l’initiative et vont essayer de prendre l’avantage. Maintenant, il faut de la créativité et de nouvelles idées dans la lutte contre la frontière.

[Espagne] Un an après l’assassinat de Ceuta

26 janvier 2015. Il y a un an, le 6 février 2014, 15 migrant-e-s sont mort-e-s à Ceuta, tué-e-s par la guardia civil espagnole.

Alors qu’ils/elles tentaient de rejoindre par la mer l’enclave espagnole de Ceuta au Maroc, les flics espagnols ont tiré des balles en caoutchouc et des billes en plastique pour crever les bouées auxquelles ils/elles s’étaient accrochés. 15 personnes sont mortes noyées.

En même temps, le gouvernement espagnol vient d’annoncer la construction de trois nouveaux CIE (centros de internamiento para extranjeros, centres de rétention espagnols), qui vont venir s’ajouter aux huit déjà existant : à Madrid, Málaga et Algeciras.

Aux abords de Ceuta et Melilla, la répression bat son plein contre les migrant-e-s qui tentent régulièrement de passer par dessus les rangées de grillages et de barbelés pour atteindre l’Europe. De l’autre côté, quand ce ne sont pas les balles, ce sont les rafles et l’enfermement dans les prisons pour étrangers qui les attend.

Plusieurs initiatives sont organisées en Espagne pour rappeler qu’il n’y a ni oubli ni pardon.

– à lire : Douze morts, par quelques anarchistes

– Un texte du collectif catalan, Te Kedas donde Kieras :

Le 6 février dernier, la garde civile a tué 14 personnes pour les empêcher de traverser la mer en directions des côtes ibériques. Il y a un an, 200 personnes ont tenté de passer la frontière à la nage, ce à quoi la garde civile a répondu avec des balles de caoutchouc, des gaz lacrymogènes et des coups pour couler les flotteurs. La violence a continué à coups de crosse de revolver pour empêcher que les migrant-e-s ne s’accrochent aux rochers de la jetée. 14 d’entre-eux sont morts, huit gravement blessés ou disparus et ceux qui réussiront à arriver seront expulsés illégalement au Maroc grâce aux « devoluciones en caliente » (pratique qui consiste à expulser immédiatement les migrant-e-s passé-e-s en Espagne au Maroc, par les portes des barrières de Ceuta et Melilla, sans aucune base légale, ndlt).

Dans les dix dernières années, plus de 27 000 personnes – et beaucoup plus qui n’ont laissé aucune trace – ont perdu la vie en cherchant à traverser une des nombreuses frontières que les états européens construisent et défendent pour protéger leurs privilèges. Privilèges qu’ils ont obtenus il y a des centaines d’années par le vol et l’assassinat, produits des politiques colonialistes. Aujourd’hui ils protègent avec brutalité ce qu’ils ont pris hier par la violence systémique.

Les routes de la Méditerranée ne seront jamais égales selon qui les emprunte. D’un côté, des navires de croisière chargés de hordes de touristes prêts à consommer les lieux et à détruire des communautés. De l’autre les migrant-e-s qui pour une raison ou une autre décident de se déplacer. Pour les premier-e-s toutes les portes sont bien ouvertes tant que leurs poches, leur classe et leur provenance parlent d’abord. Pour les seconds, les attend dans la majorité des cas un voyage sans fin. Et quelques fois la mort. Comme le 6 février dernier.

Colonialisme, frontières, tourisme, sont les nombreux visages d’un même modèle que nous ne voulons pas accepter. Parce que nous croyons dans la liberté de se déplacer et de décider de sa propre vie.

État espagnol : Douze morts

Repris de contra-info

Douze morts. Passés du statut de personnes à celui de corps sans vie en quelques minutes à peine. Nous savons qu’il meurt beaucoup plus de gens, et en moins de temps, au cours des guerres, à cause de bombes lancées depuis un avion, de gaz mortels, de mines antipersonnelles. Mais nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes dans une démocratie. Le monde libre rêvé. L’image de laquelle le monde entier est avide : la grande Europe, la civilisation exemplaire.

Douze morts, assassinés par des personnages qui eux, sont en guerre, qui eux, sont entraînés pour tuer.

Mais ne vous méprenez pas. Ce n’est pas l’image exploitée – dans tous les sens – de la mort de quelques dessinateurs et d’autres membres d’une revue satirique parisienne il y a quelques jours qui nous vient en tête, mais le souvenir des corps de ces 12 migrants subsahariens criblés de balles et noyés en quelques minutes par la Guardia Civil il y a presque un an, le 6 février 2014, lorsque cette police militaire les obligeait à repousser chemin vers la mer. Beaucoup plus ont alors été assassinés, mais seuls 12 corps ont été retrouvés. Le reste a été avalé par la mer.

Ils n’ont eu droit ni à de grandes marches ni à la répudiation, et personne n’a pensé à un slogan qui dirait « Nous sommes tous et toutes des migrants qui mourrons aux portes de l’Europe ». Bien sûr, ils n’étaient pas blancs et ne venaient pas de pays riches, mais ils ont été assassinés de façon cruelle et terrible. Non pas en défense d’une quelconque religion ou fondamentalisme, apparemment, mais bien en défense de la frontière sacrée et de l’État. Pour marquer une fois de plus, par le sang et par le feu, sa frontière.

Il n’y avait aucune intention de tuer les migrants qui osaient entrer en territoire espagnol, assure le ministre de l’Intérieur Jorge Fernández et sa Guardia Civil, il s’agissait seulement de « tracer une espèce de frontière aquatique avec les impacts de balle dans l’eau ». Et il ne s’agit en aucun cas d’une blague. Ils le disent sérieusement.

Rien que dans la Mer Méditerranée, la frontière maritime de l’Europe, cette année 2014 a battu son propre « record » (comme disent les médias), avec plus de 3200 migrants morts noyés en moins de douze moins alors qu’ils tentaient de rentrer sur le continent européen, sans compter tous les morts sur les différentes frontières, dans les déserts où ils sont abandonnés sans eau et sans vivres par les différents polices aux frontières ou entres les mains de mercenaires fascistes et d’autres forces de l’ordre, ni ces morts en Centre de Rétention une fois arrivés dans le paradis européen, ou dans les rues entre les mains de la police, puisqu’une fois à l’intérieur du territoire Européen, la bienvenue n’est pas très différente du traitement qu’ils reçoivent à sa porte d’entrée. L’acharnement policier contre des populations entières (principalement celles qui portent leur provenance sur la peau), la xénophobie croissante, le racisme fomenté par les médias de communication et les politiciens ou encore les campagnes contre tout ce qui n’est pas identifiable avec « l’européen ».

Charlie est européen, et pour cela, nous ne sommes pas tous Charlie. Il y a des valeurs, des coutumes, et même des blagues (dont certaines sont un tantinet lourdingues) qui sont très identifiables avec cette entité abstraite qui veut se faire nommer « l’européen ». Mais ce qui est sûr, c’est qu’énormément de gens, principalement ceux qui ne peuvent s’identifier avec les valeurs dominantes qui définissent ce qui « est » et ce qui « n’est pas » européen, qui ne peuvent s’identifier à Charlie ou à ses valeurs, et encore moins avec son sens de l’humour.

Ce « Je suis Charlie » est une tentative de définir une ligne très précise : qui n’est pas avec nous est contre nous. Des milliers de personnes ont défilé sous ce mot d’ordre à Paris. Rajoy n’a pas raté le rendez-vous, lui qui est l’un de ceux qui terrorisent les migrants sur les frontières et dans les cachots espagnols, entre beaucoup autres faits d’armes ; et Netanyahou non plus, lui qui à l’aide de son armée mitraille des centaines de Palestiniens sur sa Terræ Sanctæ et enferme chaque année ces israéliens qui refusent de participer à sa manière particulière de terroriser ; et comme il fallait s’y attendre, Erdogan non plus n’a pas manqué à l’appel, lui qui sème la terreur contre le peuple Kurde. Tout comme les chefs des principales puissances capitalistes. Tous les chefs d’État, gardiens de l’empire et de la civilisation, ont marché contre la barbarie. Avec eux, des milliers de fascistes du continent entier ont profité de cette impulsion de Charlie pour sortir semer leur merde sur un terrain plus que fertile, qui donnera bientôt des fruits des plus acides.

Et les rues de Paris et de Barcelone, parmi tant d’autres, se militarisent encore plus, en défense de ces valeurs. Avec des fusils et mitrailleuses, on peut voir les mercenaires de l’État préparés pour marquer à coups de balles, comme ils l’ont fait dans les eaux de Ceuta, une frontière : c’est avec des impacts de balle que se marqueront les limites qui séparent le dedans et le dehors, ce qui est et ce qui n’est pas Charlie.

Que dit Charlie de ce terrorisme ? Fait-il des dessins marrants et rigolos à son propos ? Parce que nous, le monde de merde dans lequel nous vivons ne nous fait pas beaucoup rire. Cela veut-il dire « soutenir » le fondamentalisme ? Non, en rien. Nous ne voulons qu’aucun fondamentalisme ne nous effraie ou ne nous opprime. Et peu nous importe que l’on puisse lire sur son épigraphe « État Islamique », « État Laïc », « État Charlie » ou « État » tout court.

Ils nous parleront de liberté d’expression, comme toujours. Mais pour celles et ceux qui, comme nous, connaissent la « liberté d’expression » de l’État, nous connaissons la relation que celui-ci entretient avec la terreur : son existence se base sur la peur. La liberté de laquelle parle l’État est l’expression du monopole de la violence.

C’est pour cela, une fois de plus, que ces événements nous démontrent que tout État est terroriste.

Quelques anarchistes
Barcelone, 14 janvier 2015

[MàJ][ParisBanlieue] Contre les Etats et les frontières, solidarité !

Mise à jour 27 décembre 2014
Brahim a été libéré aujourd’hui !

Contre les Etats et les frontières, solidarité !

Brahim est incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis depuis avril 2014.

C’est son quatrième séjour en taule depuis son arrivée en France. Des années d’enfermement, dont différents passages en prison pour étranger-e-s. Le 16 décembre 2012, il avait pris un an ferme pour avoir tenté de s’évader du centre de rétention de Palaiseau avec d’autres retenus. Quatre avaient réussi à se faire la belle mais lui était resté aux mains des flics qui avaient porté plainte pour violences. Une matonne s’était faite extorquer ses clefs et un autre maton avait été maintenu pour permettre la fuite.
Brahim avait été condamné pour cela vu qu’on ne peut pas être poursuivi-e pour « tentative d’évasion » lorsqu’on est en rétention.
Cette fois, et comme pour ses autres condamnations, c’est une baston avec les flics dans la rue lors d’un contrôle d’identité qui l’a conduit dedans. 28 jours d’ITT (Interruption Temporaire de Travail) pour un condé et une année de plus en prison pour « violence sur agent » pour Brahim dont la sortie est prévue en février 2015.
Brahim n’a pas de papiers. La révolte est sa réponse afin d’éviter l’expulsion vers un pays où il ne veut pas vivre. S’évader lorsqu’il est enfermé, se défendre lorsque les flics tentent de le contrôler.

Comme lui, de nombreuses personnes sans papiers résistent et se révoltent, individuellement et collectivement, contre l’État et ses flics qui leur mènent la guerre au quotidien. Le 22 juin 2008 le centre de rétention de Vincennes avait été entièrement brûlé par la rage des retenus. Depuis sa réouverture, il y a eu d’autres tentatives de le détruire de l’intérieur. La dernière connue est celle du 15 avril 2014, lors de laquelle des retenus ont entassé draps et matelas dans une chambre avant d’y mettre le feu, en réponse au tabassage de l’un d’eux par les flics.
Au centre d’Amygdaleza près d’Athènes, une coupure d’électricité avait déclenché des affrontements entre retenus et matons en août 2013. Une unité d’habitation était partie en fumée et une dizaine de personnes avait pu s’évader.
En Italie, les coups portés aux centres de rétention de part et d’autre des murs en ont fermés bon nombre.

Un peu partout les migrant-e-s s’auto-organisent pour passer les frontières.
A Calais, nombreux sont ceux et celles qui tentent de passer en Angleterre. En attendant illes occupent des bâtiments et des terrains et manifestent contre les uniformes et fachos en tout genre qui les jugent indésirables. Le 17 septembre dernier, 250 personnes ont tenté de rejoindre la zone de contrôle des camions dans le port. Les barrières en interdisant l’accès ont été ouvertes et les flics attaqués à coup de pierres. Depuis septembre, il y a une multiplication des tentatives de monter en force à nombreux et nombreuses dans les camions qui traversent la Manche.
A Melilla, l’enclave espagnole située sur le territoire marocain, les assauts collectifs de la frontière sont réguliers, malgré les dispositifs de sécurité toujours plus dissuasifs et la brutalité de la Guardia civil espagnole. En 2013, plusieurs milliers de migrant-e-s ont réussi à entrer à Ceuta et Melilla, d’autres y ont laissé leur peau, mais depuis des centaines d’individus continuent d’attaquer les barbelés et leurs chiens de garde.

Ici et ailleurs, des solidarités se créent pour la liberté avec ou sans papiers.
A Calais, des personnes soutiennent les migrant-e-s en participant à l’ouverture de squats et en organisant leurs propres manifestations. En Italie, les échos entre l’intérieur et l’extérieur des centres de rétention sont constants et permettent que les actes se répondent. En France, lorsque ça speed à l’intérieur des cra, la colère s’exprime régulièrement à l’extérieur, entre autres par des feux d’artifice. Et lorsque la répression frappe, la solidarité continue à attaquer, comme au moment du procès des retenus accusés de l’incendie de Vincennes : une occasion supplémentaire de saboter les rouages de la machine à expulser et d’étendre la révolte.

Les États sont prêts à tout pour maintenir chacun-e à sa place, en imposant les frontières et les taules.
Tenter l’évasion c’est donc aussi s’exposer à leur répression : tabassages par les flics, mort-e-s aux frontières comme en Méditerranée, emprisonnements…

ÊTRE SOLIDAIRES LES UN-E-S DES AUTRES FACE À L’OPPRESSION, C’EST AUSSI CONTINUER A LUTTER POUR SA DESTRUCTION. NOUS NE SERONS PAS LIBRES TANT QU’IL Y AURA DES FRONTIÈRES ET DES PRISONS.

La caisse Kaliméro de solidarité avec les prisonnier-e-s de la guerre sociale envoie des mandats à Brahim chaque mois.
Pour participer, envoyer de l’argent, demander des informations ou pour être tenu-e au courant des prochains rendez-vous et s’inscrire sur la mailing list de la caisse : kalimeroparis [a] riseup.net

Pour écrire à Brahim :
(Pour l’argent il faut passer par Kaliméro car, au-delà d’une certaine somme reçue dans le mois, les flics se servent pour les dommages et intérêts.)
Brahim Eloua
413615G
Bât D5
MAH
7 avenue des Peupliers
91705 Ste Geneviève des bois cedex

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Reçu par mail

 

Tracing movement : projection-débat sur les luttes migratoires, 17 décembre 2014

Tracing movement : projection-débat sur les luttes migratoires

Mercredi 17 décembre, soirée débat-projection sur les luttes migratoires eu Europe à la Bibliothèque associative autogérée de Malakoff (BAM), à 19h30. 14 Impasse Carnot à Malakoff – M° Etienne Dolet sur la ligne 13

Projection de plusieurs films courts suivis de débats avec une des réalisatrices et des activistes des réseaux No Border de lutte contre les frontières.

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TRACING MOVEMENTS est un projet collaboratif de recherche audio-visuelle, de documentation des luttes politiques contre une Europe qui tente inlassablement d’entraver, filtrer, sélectionner et contrôles les mouvements de personnes à travers et à l’intérieure de ses frontières.

Dans le contexte d’une crise capitaliste, d’une montée de l’extrême-droite, d’un discours politique anti-migratoire et d’une sécurisation violente des territoires européens, de nombreuses luttes de migrants auto-organisées et mouvements de solidarité ont émergé et se sont développés

En tant qu’activistes et preneurs d’image, nous ressentons la nécessité de faire des connections entre les différentes luttes existantes, de documenter comment opèrent les systèmes de contrôle et domination qui nous divisent, et comment ils sont vécus et combattus.

La façon dont nous nous organisons contre les frontières, la forme que prennent nos luttes, les objectifs qu’elles se donnent et les connections qu’elles créent, sont des questions essentielles pour tous ceux qui sont impliqués dans des organisations politiques autonomes.

TRACING MOVEMENTS est une volonté de créer une plate-forme visuelle qui contribue aux discussions à venir et aux échanges entre les groupes qui sont activement engagés contre les politiques, discours et valeurs que produit ce système de frontières et de contrôle migratoire en Europe.

Durant l’été 2011, nous avons voyagé à travers la Grèce, la Bulgarie, l’Italie avec un cinéma ambulant et des documentations concernant de nombreuses luttes et le contexte de leur émergence. Cette façon de se rencontrer et échanger des expériences à travers des films et débats a constitué la base du matériel audio-visuel que nous avons collecté.

- nous ne sommes pas des journalistes intéressé à brosser une histoire basée sur une démarche d’investigation, nous collectons simplement des histoires de luttes en même temps que nous partageons nos expériences militantes propres. Dans chaque lieu que nous visitons, nous demandons aux personnes de contribuer à leurs témoignages, d’organiser les projections d’autres films de lutte et d’échanger des ressources écrites et visuelles avec des groupes locaux.

- nous documentons des histoires de résistance contre les politiques d’immigration et le système de contrôles frontaliers européen, non pas pour mettre en scène des portraits héroïques de personnes ou de groupe, mais pour créer une ressource audio-visuelle qui peut être utilisée collectivement pour illustrer les façons de résister ou les difficultés rencontrées en le faisant

- beaucoup de documentaires sur le sujet des migrations utilisent les témoignages des sans-papiers pour véhiculer l’image d’un migrant victime d’une réalité immuable. Le sujet de nos films est la résistance collective, et non pas de donner la parole à des personnes dont les discours et réflexions sont entendues ou connues. Dans le respect de cette démarche, nous avons choisi d’inclure seulement des histoires personnelles si la personne interviewée ressent qu’il est pertinent de transmettre et d’entendre son témoignage dans un contexte d’une lutte particulière.

- nombre d’individus interviewés ont souhaité rester anonymes. C’est souvent par peur de menaces d’arrestation et d’expulsion pour ceux qui sont sans statut légal, mais également les répercussions de groupes néo-fascistes qui ciblent des individus qui luttent contre le racime, le nationalisme ou qui appartiennent à des groupes anarchistes ou d’extrême-gauche.

http://tracingmovements.tumblr.com/

repris de Paris Luttes Infos