Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

Marseille : Témoignages audio du CRA du Canet – 8 septembre 2012

Propos recueillis le soir du rassemblement devant le CRA du Canet à Marseille, le 8 septembre

audio1 :

Tu étais dans le centre pendant le rassemblement ?

Oui, dedans, on a commencé à crier, taper sur les portes, on a arraché les chaises, on a tout fait on a arraché les chaises, elles sont fixées par terre avec des boulons.
La commandante est descendu pour nous calmer, elle a dit : « ils se servent de vous dehors, vous êtes ici pour 45 jours maximum, ne vous suicidez pas… pour 45 jours vos familles ont besoin de vous », elle a commencé à nous calmer.

Qu’est-ce que vous en pensez que des gens viennent faire du bruit devant le centre ?

Ça nous fait du bien, on se sent bien, il y a des gens qui pensent à nous dehors, il y a des êtres humains qui pensent encore aux autres, ça fait plaisir, on était très contents.

audio1b :

Ça fait trois jours qu’on n’a pas mangé, parce qu’il y a un collègue qui a été frappé hier par la police.
Il a été frappé à coups de poing, à coups de pied, par terre. Le mec, il était à poil.
Y’a un policier qui lui a manqué de respect, il lui a dit : « je t’encule », après les policiers lui sont tombés dessus à coups de pieds, à coups de poings, à coups de matraque, les autres retenus ont jeté la nourriture, ils ont fait la bagarre, ont fait tombé la porte. Ça, c’était hier soir (le vendredi 7 septembre) à 18h. Depuis on refuse de manger, ça fait trois jours, c’est la grève de la faim. Il y a que deux mecs qui mangent, un malade du diabète et un vieux, mais nous tous on fait la grève de la faim, ni on mange, ni on boit. C’est que dans le bloc où il y a l’embrouille, aujourd’hui, tout le centre n’a pas mangé. On veut faire la grève de la faim jusqu’au bout. Y’a l’avocate de Achour qui est venu aujourd’hui, il a déclaré la grève de la faim au docteur, à l’avocate, devant la commandante.

audio2 :

Comment ça c’est passé pour vous là, pendant le rassemblement ?

Ils se sont calmés parce que vous êtes dehors, ils vont attendre que vous partiez, comme ça ils reviennent et ils nous frappent. Il y a un policier noir, il est costaud, il nous frappe, il nous pousse. Mon collègue il a une trace sur le ventre. Ils ont fait de la merde là. Tous les jours ils changent les équipes, toutes les équipes, elles nous frappent, elles nous insultent. On mange comme les chiens.
Tous les jours, là, ça fait trois jours, ils nous font la misère tous les jours. Tous les soirs ils font la merde.

Pour les blessures, il faut que tous les gens blessés aillent voir le médecin pour les faire constater.

On l’a fait aujourd’hui, quand on a demandé le docteur pour faire des certificats médicaux, ils ont dit non, ils ont peur. On fait la grève de la faim.
Hier, ils ont frappé pour de bon. La vie de ma mère, y’a pas de caméra.
C’est grave.
Ils ont frappé beaucoup de gens, moi et deux collègues, et l’autre, ils l’ont mis à poil et ils l’ont traîné jusqu’en bas (à l’isolement) en lui donnant des coups de pieds dans le visage.

 

Témoignages du Canet – 7 septembre 2012

La vie dans le centre

« Ils nous frappent beaucoup, et ils nous menacent Ils nous traitent comme de la merde, en ce moment, tous les jours ils fouillent nos cellules, ils nous frappent et foutent tout en l’air, ils ouvrent les cellules à 6h du matin et les ferment à 23h, c’est une cage à poules. Pendant le ramadan, ils ne voulaient pas donner aux gens leurs médicaments, ils donnent peu de bouffe et même pas hallal, le médecin vient seulement une heure par semaine. Si quelqu’un proteste, ils lui donnent des cachets et l’isolent dans une pièce. »

les expulsions

« Ils ont expulsé François et un autre mec en même temps. Ils les ont entourés de scotch, et ils les ont expulsés un matin. »

les coups de pression

« Les gens voudraient s’évader, mais là c’est difficile. Ils ont ajouté des flics en renfort, il y a beaucoup de surveillance en ce moment, si tu voyais à quel point c’est surveillé, t’aurais le vertige, y a plein de flics. »

« Le matin ils m’ont emmené au tribunal, à 8h30, on était trois, ils nous ont menottés les uns aux autres, j’ai protesté, ils m’ont dit « toi tu parles beaucoup alors que les autres se taisent » et ils m’ont fait entrer seul dans un bureau, ils m’ont dit « écoute, attention on connaît tout sur toi et on connaît tes amis qui sont dehors, on sait tout sur eux, et bientôt on pourra t’envoyer au Baumettes. »

l’incendie et ses suites

« Samedi, à 21h, après le dîner, un feu a été allumé au deuxième étage, et le bloc du deuxième étage a brûlé en entier, ils ont mis tous les retenus de ce bloc dans les deux blocs du bas. Du coup, ils ont mis 3, 4, 5 retenus dans chaque cellule et on dort tous par terre. Ils ont arrêté un algérien, ils l’ont envoyé aux Baumettes, et il y a des gens qui ont été mis à l’isolement. Ils sont en train de faire une enquête, à chaque fois ils mettent quelqu’un à l’isolement et l’interrogent en lui parlant des images des caméras. Ils les menacent de les envoyer aux Baumettes à cause de l’incendie. On ne sait pas ce qu’il veulent en faire de ces gens qu’ils ont mis à l’isolement. Hier, ils sont venus chercher quelqu’un dans notre bloc en l’accusant d’avoir fait passer un briquet avec une ficelle du deuxième étage. On a dit qu’on avait vu aucun briquet passer dans notre bloc. (…) Ils nous menacent à longueur de temps, nous fouillent et fouillent nos cellules. Ils cherchent des briquets. Ils nous disent que si on fait entrer un briquet, on sera expulsés à coup sûr. Jusque-là on attend, on ne comprend rien à ce qui se passe. (…) Ils ont mis en renfort un nombre hallucinant de flics. C’est une nouvelle équipe, ils ne se comportent pas bien. Toutes les deux secondes ils interrogent quelqu’un et lui demandent s’il a briquet ou s’il sait qui a un briquet, et jusque-là on ne comprend rien. »

reçu de luttedecras@riseup.net, le 7/09/2012

Témoignages depuis la prison pour étrangers de Vincennes, janvier-avril 2012

Témoignages du 18/01/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Vincennes – Centre 1 

1ère personne

« Moi j’ai été ramené ici directement après ma peine de prison à Fresnes. C’est dégueu, la police elle parle mal, on peut rien faire, faut pas parler. Les briquets c’est interdit, on n’a pas le droit de fumer dans les chambres. La bouffe est pas bien. Les médecins ils nous parlent comme à des chiens. Tu vas les voir, et ils te donnent pas les bons trucs, tu leur dis qu’il te faut ça, et ils te donnent autrechose, pour le manque d’alcool ou je sais pas quoi…  »

2e personne

« Y’a eu des bagarres à propos de la nourriture, un détenu s’est accroché avec un poulet. Il a fait une garde-à-vue de 48h. a été déferré, il est sorti. Ils ont toujours la même bouffe, la nourriture elle est pas adaptée aux musulmans et aux végétariens, sinon c’est que des haricots et des patates. Personne ne peut prendre de douche parce que l’eau elle est trop froide, y’a pas d’eau chaude.

Y’a pas mal d’expulsions en ce moment. Y’a eu un cas marquant, un mec de 42 ans, il était en France depuis 22 ans. ils l’ont expulsé en Egypte. On s’est organisé collectivement contre son expulsion en s’enfermant avec lui dans la chambre. On a réussi a empêcher une expulsion mais après ils sont venus tôt le matin, personne n’a rien vu, ils l’ont « scotché » et l’ont expulsé.

Je sais qu’il y a trois centres mais on peut pas communiquer avec les autres. Les cours doivent pas donner du même côté. Y’a pas de vis-à-vis, y’a des grilles, y’a pas de filet. Par contre y’a des détecteurs de mouvement et des caméras partout. Mais ils peuvent pas fermer les chambres même pendant la manifestation qu’on a entendu samedi.

Sur 30 détenus y’en a 25 qui sont cachetonnés. En fait même si on essaient de discuter avec les nouveaux arrivants pour qu’ils refusent de prendre certains médicaments, les médecins incitent la plupart des gens à en prendre. Ils leur donnent du valium, du semesta et des substituts de drogues. Certains veulent arrêter les médicaments, les médecins les laissent tranquilles un jour, puis leur redonne un rendez-vous le lendemain pour leur refaire prendre des médicaments. Y’a rien à faire à part dialoguer entre nous.

Moi ça fait 18 jours que je suis là, j’ai été transféré de la prison au cra. Je sais pas ce qui va se passer… »

Vincennes – Centre 3

1ère personne

« C’est l’enfer ici, il fait froid, la nourriture est dégueulasse, immangeable, elle a une odeur bizarre, on dirait qu’elle est périmée. J’ai été arrêté hier, ils m’ont pris mon téléphone parce il a un appareil photos. Je comprend pas, j’ai deux enfants, ils m’ont attrapé à la préfecture. Je suis malade, j’ai vu le médecin, il m’a dit d’attendre, j’attends depuis ce matin. »

2e personne

« Ici y’a que des bagarres, les flics ils nous cherchent la merde  ! On a entendu une manifestation pour les retenus samedi dernier. On a entendu et on a beaucoup crié pour eux, on a tapé, on a crié, on a fait du bordel, mais depuis ça c’est calmé. La police elle nous a dit : ’’ Restez tranquille et vous allez sortir. ’’ Mais ici ils continuent à expulser et moi je sais que j’ai beaucoup d’amis qui sont au bled. Est-ce qu’il y a une manifestation ce soir ou demain ? Sinon ici y’a des playstation s, y’a des télés »

Témoignages du 29/01/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Vincennes – Centre 3

« On mange pas bien, y’a pas de quoi manger. Des fois si tu te lèves trop tard ils te donnent même pas à manger. On dort pas, c’est le stress ici. Y’a des gens qui se coupent avec des lames, c’est la galère.

Moi je suis là depuis vingt jours, y’en a trop qui sont expulsés, deux ou trois chaque jour, les policiers sont pas violents mais l’autre fois ils ont coupé l’eau chaude et le chauffage, on est resté dans le froid pendant douze heures. Le médecin tu le vois qu’une seule fois, et après tu vois que des infirmières, c’est dur de revoir un médecin. Moi par exemple j’ai une grippe, je tousse très fort. J’ai demandé des médicaments, ils m’en ont pas donné, ils disent qu’y’en a pas, qu’il faut se les faire amener de dehors. Par contre si tu veux des drogues et des somnifères, là y’a pas de problème ils te les donnent très facilement, tout comme les calmants. En fait y’a pas de doliprane, aspirine, fervex, tout ça pour soigner un rhume, mais y’a des trucs pour te calmer, pour que tu t’énerves pas, quand tu prends ça t’es sur une autre planète.

Ici y’a des caméras partout, tout le monde reste tranquille, on s’est révolté, on a fait une grève de la faim pendant 3 jours, enfin pas tout le monde, mais ça a rien changé.

Avant y’avait de la place, mais ils ont ramené des détenus et y’avait plus assez de place, du coup y’en a qui sont trois par chambre et le dernier dort parterre parce qu’il y a que deux lits par chambre.

Moi j’ai été arrêté suite à un contrôle dans la gare de Lyon. J’suis en France depuis un an et demi, ma femme a été hospitalisée ici puis elle est morte, donc je suis resté là. Y’a des détenus qui sont en France depuis douze ans, dix ans, huit ans.

Hier soir y’a un mec qui avait déjà refusé le premier vol, ils sont venus le rechercher pour l’expulser avec un deuxième vol, il s’est ouvert l’estomac avec une lame. Les policiers quand ils sont arrivés ils ont eu peur à cause du sang, donc ils ont appelé les infirmières qui ont appelé les pompiers. Ils l’ont emmené à l’hôpital pour le recoudre et ils l’ont déjà ramené ici. A mon avis il va avoir un vol ce soir, si c’est le cas, il va s’égorger lui-même.

En fait, ici ça dépend des situations, par rapport aux ambassades, aux avocats. Ceux qui ont de l’argent, un avocat, ils sortent, sinon tu sors pas. Moi, ils m’ont prolongé de vingt jours, alors que ça fait déjà vingt jours que je suis là. Normalement ils peuvent te garder que quarante-cinq jours. Ici personne ne peut savoir si il sera expulsé ou pas, tu sais rien, t’attend le papier qui est affiché le soir pour les vols, le juge, les rendez-vous avec l’ambassadeur.

Ca se vide jamais, ils expulsent et arrêtent tout le temps. Si quelqu’un part, quelqu’un rentre. Par exemple s’ils en expulsent deux, il y aura deux nouveaux détenus. On est tous dans la même galère. La première journée c’est dur, si y’a un nouveau on lui explique ses droits, comment ça se passe, où il est, on s’intègre doucement… »

Vincennes – Centre 1

« Je suis là depuis jeudi soir. Jusque là y’a pas de problème avec les policiers. 
 On ne mange pas vraiment, si y’a dix détenus, y’en a deux qui vont finir leur plat, le reste est jeté. On jette une grande partie de la nourriture. Jusqu’à présent ça se passe bien avec les médecins. Ici on est une vingtaine en ce moment, y’a pas de soucis avec les autres détenus.

Aujourd’hui j’ai vu affiché le règlement intérieur du centre, y’avait écrit « le détenu peut entrer de l’extérieur avec un maximum de 80 euros ». Mais les policiers m’ont dit « seulement 40 euros », ils ont mis le reste à la consigne pour que je le récupère à la sortie.

Chacun a son lit, y’a des chambres de deux ou quatre lits. A mon arrivée, j’ai eu une couette trop petite, j’ai gueulé, on me l’a changée, par contre faut attendre 7 jours pour que la serviette soit changée. La laverie est ouverte tous les jours, sauf le week-end.

Moi je suis dans une situation surprenante. Je suis passé devant le juge hier, avec un avocat commis d’office, l’avocat a dit que c’était pas un souci. Mais tous les gens qui étaient jugés ont été relâchés, sauf moi.

Je suis arrivé en 2005 avec un visa, je suis pacsé depuis 2008 avec une Française, et en couple déclaré depuis 2007. Je n’ai eu que des récépissés qui ne m’autorisaient pas à travailler, j’ai eu 4 récépissés, au 5ème j’ai fait un scandale à la préfecture. La meuf m’a dit de m’asseoir, je ne voulais pas. Finalement on m’a donné un récépissé qui m’autorisait à travailler. J’ai des qualifications, je suis électricien. J’ai eu deux CDI depuis. Avant je travaillais au black. Mon titre de séjour a expiré, j’ai encore eu un récépissé pendant un an avec autorisation de travail, puis après un an j’ai appelé pour prendre un rendez-vous, le mec m’a dit « on ne peut plus vous renouveler car on vous a envoyé une notification de quitter le territoire. » Mais j’ai pas reçu le courrier, il m’a dit d’envoyer une lettre à la préfecture. J’ai écrit deux fois là-bas et j’ai jamais eu de réponse.

Mon arrestation, c’était en pleine circulation. J’étais au volant dans le véhicule d’un ami avec son permis, au boulevard de Clichy. Derrière moi je vois un fourgon de police qui allume son gyrophare, alors je me rabats, ils me disent qu’ils me contrôlent parce que je roule sans phare. Je réponds « impossible, mon tableau de bord est allumé » Je vérifie que les phares fonctionnent et ils fonctionnent. Ils demandent les papiers de la voiture et le permis, ils appellent le central et me disent que le permis n’est pas répertorié sur le territoire. C’est parce que mon ami a un visa touriste. Du coup ils veulent m’emmener au poste pour vérifier, je leur dis qu’en fait ce n’est pas mon permis, je donne mon identité, ils vérifient et voient que j’ai une obligation de quitter le territoire. Je leur dis que je ne l’ai jamais reçue et que j’ai pas pu faire les démarches pour un recours. On m’emmène en garde à vue, puis au centre de rétention où on me dit qu’on fera le recours.

J’ai fourni tous les justificatifs de 2006 à 2012 : EDF, loyers, contrats de travail. Je suis passé devant le juge hier. Tout le monde a été libéré sauf moi car ils m’ont dit que j’avais fourni des justificatifs avec différentes adresses. Pourtant il y avait à chaque fois nos deux noms sur les papiers. Ils se sont même pas dit qu’on avait pu changer d’adresse. Ma femme elle peut pas venir me voir, elle est invalide à 80% et elle est trop loin, dans un autre département.

Ici y’a pas de révolte, beaucoup ont des documents italiens, des permesso, on leur dit qu’ils vont être expulsés vers l’Italie, mais on ne sait pas… »

 

Témoignages du 4/02/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Vincennes – Centre 2

« Moi je suis dans le centre de rétention, depuis le 14 Janvier je suis là, j’suis inexpulsable et ils veulent rien faire le consul m’a pas donné de laisser-passer, j’suis en France depuis 74. J’me suis fait arrêter suite à un contrôle en moto, j’avais le permis et j’ai ma carte jusqu’à 2013, c’est le préfet qui veut m’expulser.

C’est la merde, c’est dégueulasse, tout est dégueulasse , les toilettes, il fait froid, y’a des outrages, y’a des détenus qui s’font taper. Ici ils tapent les gens et après ils nous disent de porter plainte à la Cimade, et ça sert à rien, après les RG ils viennent ici mais ils font rien. Nous quand on tape un policier tout de suite on est mis en garde-à-vue et ils nous font la misère. Tout le monde porte plainte. Les RG ils viennent, ils prennent la plainte et ils repartent. Ils s’en battent les couilles. Y’a des mecs qui se coupent à mort, c’est un truc de fou, j’ai jamais vu ça, tu vois l’Haïde ? C’est comme ça ici. C’est un truc de fou, j’ai jamais vu ça de ma vie. Ils te font de la filouterie, ça veut dire que quand ils veulent ramener quelqu’un au bled, ils font genre ils vous rassemblent parce que y’a quelqu’un qui se sauve, qui s’est évadé, et après ils viennent attraper le mec, il l’attrapent ils le tapent ils le scotchent. Et après c’est pour ça que y’a des mecs y veulent se couper pour pas partir au bled, tu comprends ? C’est comme ça.

La bouffe c’est dégueulasse, tout est dégueulasse. Toujours la même chose, et pas hallal. Ils nous ramènent que des trucs où y’a de la gélatine, où y’a de la viande pas hallal. Les douches c’est dégueulasse, les toilettes c’est dégueulasse, les chambres laisse tomber. Ils te ferment la télé à 1h, on dirait que t’es en prison. On est privés de liberté et on est privés du visuel. Est-ce que c’est normal ? Non. Moi je vais pas voir le médecin, moi j’ai pas besoin de cachets, moi j’ai besoin de liberté, j’ai besoin de voir ma fille dehors. Moi ils veulent me priver de liberté, j’suis là, ils veulent me laisser 45j parce qu’y peuvent pas m’expulser, le consul y veut pas donner de laisser-passer.

On est 48 dans le CRA 2 là, on a des contacts avec les autres CRA, on a voulu faire la grève de la faim, mais c’est pas des mecs qui tiennent le coup, ça sert à rien une grève de la faim, ça aboutit à rien. Y’en a qui sont à 3 dans des chambres à deux personnes, y dorment parterre, c’est pas normal. Les flics ils parlent mal, ils insultent les gens, ils les insultent de « sales arabes »… »

Vincennes – Centre 1

« Ca se passe bien, le mauvais truc c’est chez le juge, ils renvoient les gens dans un pays comme ça. Ce sont des gens qui sont arrivés depuis même pas une semaine, huit jours au CRA et on les renvoie direct, les Roumains, les Algériens…Moi je suis Roumain. Avant j’étais incarcéré à la maison d’arrêt de la Santé, j’ai fais 18 mois là-bas, de là-bas ils m’ont ramené ici, et c’est mon huitième jour, demain ils me renvoient en Roumanie. Dans ma chambre on est quatre, tout le monde a un lit, ça se passe bien entre détenus. Par rapport à l’hygiène ou aux policiers aussi. J’ai vu le médecin, il m’a donné des médicaments, je suis pas malade, mais il m’a donné des trucs pour être tranquille. Je m’excuse mais j’suis appelé à la la visite là. »

Vincennes – Centre 3

« On est traité ici comme des animaux d’élevage. On est réveillé le matin, on mange, mais pas tout le monde parce que y’a des musulmans ici qui mangent pas le cochon. Donc une grande partie du repas est jetée, parce que c’est de la viande et que certains ne la mangent pas. On tourne en rond ici parce que c’est comme une prison. On est enfermé toute la journée, et les seules sorties sont pour aller voir le juge. On est transporté comme des malfaiteurs, tu vois, menottes aux poings dans le panier à salade, on est enfermé dans des cages là qui sont à l’intérieur du camion. On est vraiment traités comme des malfaiteurs, ce qui n’est pas le cas.

Actuellement y’a un grand nombre de suicides, tous les jours y’a une tentative de suicide, y’a 5 minutes y’en a un qu’a essayé de se pendre sur une grille. Lorsqu’il y a une tentative de suicide comme ça, la police, les agents de la police ils viennent en masse, ils sont arrivés à le décrocher. Il va s’en tirer. Y’en a qui avalent des lames. Ils demandent des rasoirs pour se raser, ils cassent les lames, ils les avalent. Moi je suis arrivé y’a une semaine, j’ai déjà vu deux personnes se mutiler, se couper les veines. Du point de vue des conditions s’est exactement comme… Je sais pas si vous avez vu le film Le couloir de la mort… Les gens ne dorment pas, y’en a qu’on vient chercher de force la nuit pour les expulser. Vous entendez ? Y’en a qui tapent sur les portes là. Ils passent la nuit éveillés parce qu’ils sont angoissés, du fait qu’on puisse les expulser. Dans la journée on est là, on tourne en rond. Y’a rien à faire. Ils ont installé des jeux à manettes Nintendo, ils arrêtent ça à 22h. Et ils arrêtent à minuit la télé, donc pour les gens qui sont éveillés ils n’ont rien à faire. Donc y’a des bagarres, y’a des tentatives de suicide. Y’en a tous les jours, au moins une tentative par jour, sinon plus. Les flics honnêtement ils me font pitié parce qu’ils peuvent rien faire, on n’est considéré comme des gens … On n’est pas en prison quoi. Ce qu’ils peuvent faire c’est obliger quelqu’un à aller à l’aéroport, ou descendre quelqu’un qui essaye de se pendre, ou évacuer quelqu’un qu’a avalé des lames, qui s’est mutilé. C’est tout ce qu’ils font, hein.

On fait des choses pour empêcher les expulsions, mais c’est plutôt par groupes quoi. Par exemple, y’a un grand nombre de maghrébins, surtout des Tunisiens, qui sont venus après les événements en Tunisie. Ils sont là, ils sont solidaires quoi, parce que chaque jour y’en a plein plein plein qui ont leurs noms sur les vols. La rétention ça dure 45 jours. Y’en a un c’était son 43e jour de rétention, c’est là qu’ils sont venus le chercher pour l’amener à l’aéroport. Il s’est coupé les veines, donc ils ont dû l’évacuer à l’hôpital et le temps qu’il revienne les 45 jours étaient passés. Donc y’a ça, eux ils sont très solidaires quand quelqu’un veut se suicider ils essayent de le raisonner. Mais on sait pas ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui veut se suicider. Les gens se révoltent contre le matériel, ils cassent tout ce qu’ils peuvent casser, les machines, … Mais c’est tout sinon. La plupart des flics qui travaillent ici, si vous voyiez leurs gueules… Vous verriez que c’est des gens qui n’ont vraiment pas envie d’être ici. Les agents de police qu’on met ici c’est pour les punir. Y’en a qu’en ont rien à foutre, y’en qui font leur travail, ils te disent de pas fumer dans la chambre. Ce qui est très important c’est que la majorité est d’origine étrangère, des noirs ou des arabes. Ils souffrent plus, parce qu’on leur ressemble.
Ils osent même pas nous regarder dans les yeux.

On voit le médecin à l’arrivée pour voir si on n’a pas de problèmes avec des substances illicites, ou d’alcoolisme. Le soir les infirmières passent distribuer des somnifères, l’infirmerie c’est essentiellement ça. Moi j’ai vu une infirmière mais pas de médecin. Ceux qui tentent de se suicider sérieusement on les conduit, je crois, à l’Hôtel Dieu voir un psychiatre. C’est l’infirmière qui évalue la gravité. Ici y’a trois centres complètement distincts. Ici y’a 59 chambres de deux personnes, donc avec 3 blocs, vous imaginez un peu le nombre de personnes qu’il y a. C’est plein à peu près à 80%. On se parle entre les blocs 2 et 3 à travers le grillage. On est séparé par une cour de sécurité d’à peu près 50 mètres, mais en parlant fort on peut s’entendre. Mais du 2 et du 3 on ne voit pas du tout le 1. Quand on va récupérer des affaires on passe par le centre 2, du coup on croise d’autres gens. Mais les conditions sont les mêmes partout. Les douches et les toilettes sont lavées deux fois par jour, c’est relativement propre. Elles sont ouvertes la journée et la nuit. Le vrai problème c’est la nourriture, par rapport aux religions. La majorité des gens ici sont de confession musulmane, ils ne mangent pas la viande. En une semaine, y’a eu qu’une fois du poisson, le reste du temps c’est de la viande. Dans les pots de dessert y’a une sorte de gélatine. Ils disent que ça vient du porc, du coup ils n’en mangent pas non plus. Ils se sont plaints mais ça change rien. Tout ça concourt à créer des conditions d’incarcération qui ne sont pas dites. On est enfermés, à leur merci, vous êtes en prison mais on vous dit que vous n’êtes pas en prison. Moi j’ai été arrêté sur un simple contrôle, j’avais une obligation de quitter le territoire. J’ai pas pu renouveler ma carte de séjour, car l’ambassade n’a pas fourni un papier à temps. Du coup je me suis retrouvé avec une OQTF. C’est au moment où je faisais les démarches que j’ai été contrôlé. J’ai pas d’argent, je suis passé devant le juge avec un avocat commis d’office. Tu le vois 5 minutes avant, ça c’est une parodie de justice, les dés sont jetés quoi, le tribunal administratif aussi, je suis même pas passé 3 minutes devant le juge.

Je suis entré légalement en France, j’ai vécu et travaillé ici pendant 26 ans. Y’a eu des retards dans le renouvellement de mon passeport par mon ambassade, ils me mettent là et ils veulent m’embarquer, moi je n’irai pas, s’il le faut j’irai jusqu’au bout, s’il le faut je me tue. J’ai tout en France, qu’est-ce que j’irai faire là-bas après 26 ans. C’est difficile de s’organiser, on a rien en commun à part d’être enfermés. Y’en a qui sont là parce qu’ils sont venus y’a pas longtemps, ils viennent de pays où ça va pas, d’autres qui sont là suite à des délits, les cas sont vraiment différents. Y’en a qui sont arrivés en France mineurs, aujourd’hui qui sont majeurs mais ont toujours pas de papiers, donc on veut les renvoyer, ce qui fait que pour que les gens se mettent ensemble il faut qu’ils aient les mêmes problèmes. Par exemple les Tunisiens, ils sont venus en bateau, ils ont traversé l’Italie, eux ils sont vraiment ensemble, ils sont solidaires, ils vivent les mêmes problèmes. Mais par exemple, y’a des Sri Lankais qui sont déboutés du droit d’asile, y’en a qui sont sortis de prison, y’en a qu’on arrêtent mais qu’ont aucun papier. On les met là le temps d’enquêter sur leur pays d’origine. En général ils baladent les flics, s’ils sont originaires d’un pays A ils disent qu’ils sont d’un pays B, on les amène à l’ambassade pour qu’elle établisse un sauf-conduit, l’ambassadeur dit au flics qu’il n’est pas de ce pays là et en général on les ramène au centre, ils sortent après les 45 jours. Ces derniers temps, y’a beaucoup beaucoup d’expulsions de Tunisiens, y’a eu comme un deal avec l’ambassade de Tunisie. Elle délivre des sauf-conduits, du coup on les oblige à partir. Ici quand vous devez partir, on affiche d’abord l’heure du vol le soir, avec le nom, le prénom. Généralement les gars n’opposent pas de résistance quand on vient les chercher, après une deuxième équipe de police les prend en charge et les amène à l’aéroport. Arrivés à l’aéroport, la première fois vous pouvez refuser le vol en demandant à voir le commandant de bord. Vous lui dites que vous ne souhaitez pas prendre le vol. Mais quand ça se répète, au bout de la deuxième ou troisième fois ils vous attachent avec du scotch. Y’en a qui réussissent à refuser plusieurs fois, ils sont jugés au pénal et vont en prison, entre 3 et 6 mois en général pour refus d’embarquement. Ils font un détour en prison puis ils reviennent ici au centre pour être expulsés…Selon les programmations des vols, y’en a qui passent 45 jours et puis après qui sont libérés, soit parce que ils sont pas arrivés à déterminer de quelle nationalité est la personne et donc elle a pas de sauf-conduit, soit parce que la personne se mutile, donc on l’amène à l’hôpital et ensuite on la ramène ici et on lui trouve un autre vol, et ça se répète comme ça jusqu’à ce que les 45 jours soient terminés… »

Témoignage du 10/02/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Vincennes – Centre 1

« L’hygiène ça va, le manger c’est pas trop bien, c’est comme la gamelle en prison. Y’en a qui se coupent les bras, y’a la bagarre, c’est pas trop… c’est le bordel, voilà, c’est pas trop bien. Ils viennent… y’a toujours la police. On peut pas fumer, on a rien, ils t’aident pas, y’a rien. On peut rien avoir, on peut pas avoir d’argent pour aide, y’a pas d’aide, y’a rien. Moi là j’suis arrivé, j’suis sorti de prison avant hier, ils m’ont ramené directement ici, j’ai tapé 5 mois à Fresnes, et après ils m’ont ramené ici. Ils m’ont dit que j’allais sortir et ils m’ont embarqué pour me ramener.

Par rapport aux chambres ça va, on est deux par chambre ou quatre par chambre, ça va ça se passe bien, à part au niveau accueil pas trop, y’a la police, y’a toujours la police qui tourne, y’en a marre. Mais avec eux franchement ça se passe bien.

En ce moment niveau expulsion j’saurais pas vous dire, y’en a pas beaucoup, y’en a beaucoup qui sont libérés aussi. La solidarité ça dépend des CRA. Par exemple le CRA 1 était moyen, y’a des petits et des moyens. Ca se passe bien, mais par exemple au CRA 2 et au CRA 3 y’a des grosses têtes et c’est un peu la guerre entre eux. Dans le CRA 1 ça va y’a ceux qui viennent de banlieue, y’a des jeunes-jeunes et tout, y’a pas des grosses têtes, mais y’a des CRA ou y’a des grosses têtes et tout. Des fois … ça dépend, ça dépend. Moi c’est la 3ème fois que je suis en CRA.

Vous pouvez pas m’aider ? Parce que y’a pas d’aide, y’a rien du tout à manger. Y’a l’ASSFAM ici à place de la Cimade, ils font des recours pour les juges et tout ça, ils t’aident pour le dossier pour le juge, mais ils font pas grand chose, à part ça c’est tout.

Moi deux fois j’ai été libéré par le médecin pour cause médicale, j’ai une broche au pied. Ca arrive souvent qu’il libère des gens sur avis médical. Moi ça fait 21 ans que j’suis arrivé en France.

Franchement y’en a trop marre y’a des caméras partout, et on est surveillé de partout, c’est trop surveillé. Sinon ici c’est calme. Ca se passe entre nous.

J’avais une carte de 10 ans, elle a expiré et puis ils m’ont arrêté pour contrôle de papiers, puis vu que j’avais pas de carte… j’étais en prison, j’étais emprisonné, j’ai demandé à la faire renouveler, ils ont pas voulu me la faire renouveler, comme t’as pas d’accès au droit et tout ça, ils ont pas voulu me donner de permission…  »

Vincennes – Centre 2

 » J’suis retenu ça fait longtemps que je suis là, vraiment, si tu rentres à l’intérieur tu vas voir des trucs bizarres, et c’est insupportable, y’a des trucs que tu peux pas imaginer, ici y’a des gens qui se coupent, y’a des gens qui se suicident et qui font des tentatives de suicides, y’a plein de trucs. D’ailleurs ils te donnent à manger… comme le petit déjeuner c’est des trucs périmés, c’est comme la douche c’est de l’eau froide. On souffre ici franchement. C’est très dur au niveau de l’hygiène.

Chaque jour y’a des tentatives de suicide. C’est des trucs réels, c’est des trucs véridiques, c’est pas comme ça… c’est des gens sérieux qui veulent se suicider. Y’a des gens qui prennent des lames et ils se coupent. Ils se coupent leurs mains, même ils se coupent les veines, de leurs mains, de leurs jambes avec les lames. Le couloir où il y a les chambres, y’a plein de sang dans le couloir, on dirait que c’est du béton, tu peux pas marcher dans le sang. En plus comme les flics y font ici…Quand quelqu’un est expulsé ils utilisent le scotch, normalement c’est interdit dans la loi, c’est interdit. Ils attachent les gens avec du scotch, c’est un grand rouleau de scotch. C’est des trucs que tu peux pas savoir avec tes yeux, c’est insupportable.

Hier on a vu un mec qui s’est cassé la jambe à cause d’un vol. Il a cassé la jambe avec la porte. T’imagines la cheville ? Il a cassé sa cheville avec la porte à cause d’un vol. Mais les flics ici ils sont fous. On dirait on est dans un coin perdu. Y’a toujours des violences avec la police. Les flics à chaque fois ils frappent des retenus normalement c’est interdit ça. Même chez nous on a pas ça. Comment ça tu frappes quelqu’un, tu frappes un retenu ? C’est pas évident, d’ailleurs tu trouves des taches. Ici les policiers ils sont solidaires ensemble, a chaque fois ils font des trucs contre…voilà ils sont solidaires ensemble.

Moi je me suis fais arrêter, contrôle de papiers. Ca fait longtemps que j’suis en France et pour la première fois ils m’ont saisi les empreintes, j’ai fait aucune connerie, pour la première fois ils m’ont fait les empreintes, et ils me ramènent directement ici en centre de rétention. C’est bizarre pourtant j’ai rien fait. Aucune connerie, j’suis quelqu’un de sérieux. Les gens qui étaient avec moi en garde à vue avant qu’ils me ramènent ici, ceux qui faisaient des vols qui se sont fait attraper avec des iphone et tout, ils sont libérés et moi ils me ramènent ici. J’ai été jugé devant le tribunal administratif mais j’ai pas été libéré, j’ai un avocat mais il m’a dit c’est les ordres qui viennent de là haut.Y’a des gens…On est tous dans le même cas, mais y’en a qui sont libérés et d’autres non. On est tous le même cas, c’est un contrôle de papiers, c’est un problème de papiers. C’est pas question chacun son cas, on est tous en centre de rétention. Comment ça moi j’y suis depuis 26 jours, y’a quelqu’un moi j’suis rentré avant lui et il est sorti avant moi. Pourtant tous on est le même cas. C’est pas grand chose les gens expulsés, parce qu’ici quand quelqu’un il voit son vol, il doit se couper et…Donc voilà ils le ramènent forcément avec du scotch, à 5h du matin quand il est endormi, et hop ils le ramènent avec le scotch et tout, donc forcément comme ça c’est bizarre. On dirait qu’y a pas de droits, on dirait que liberté, égalité, fraternité, c’est juste un décor, voilà, c’est juste un tableau, sinon y’a rien y’a rien y’a rien…

J’ai vu le médecin car moi j’ai une maladie, j’ai une hépatite B. Normalement il faut que je me soigne dehors, parce que j’ai mon docteur dehors, mais non ils veulent pas me libérer, c’est comme ça. En plus j’ai un régime alimentaire, parce que cette maladie elle attaque le foie, il me faut un régime alimentaire mais ils en ont rien à foutre de moi, ils me laissent ici crever, voilà. J’ai les preuves, j’ai les ordonnances, les prises de sang, j’ai toutes les preuves. Ils me donnent pas les médicaments, ils m’ont dit « on a pas ton traitement ». Alors Je lui ai dis « tu peux me libérer pour que je me soigne, pourquoi je reste ici ? » il m’a rien répondu. Ici y’a que des cachets, que des calmants, c’est tout. Si t’as besoin de calmants, de drogues, des anti-stress et tout, d’accord, si t’as besoin de ça, sinon à part ça y’a rien. C’est fait exprès. Beaucoup de gens qui n’ont jamais mangé de calmants avant, ici ils les mangent. Y’a des bagarres, c’est le stress, tout le monde il stresse ici c’est normal, tout le monde est énervé, c’est normal, tant qu’on est dans un coin limité. Ils en ont rien à foutre de ça, ils voient des bagarres comme ça mais ils regardent comme ça de l’extérieur et c’est tout. Dans mon cas, j’ai une maladie vraiment très grave, c’est bizarre j’ai toutes les preuves, j’ai tout, j’ai mon docteur dehors qui me suit, il faut qu’il me soigne, il me faut un traitement, il me faut ça, il me faut ça, mais ils me laissent ici, ils veulent pas me libérer, c’est comme ça.

Hier y’a eu une tentative de suicide ici, les policiers ils regardent, normalement ils l’engueulent les policiers, ils le laissent pas faire sa tentative de suicide. Heureusement y’a quelqu’un, c’était un retenu, il l’a descendu il a pu le sauver. Lui même il est tombé parterre, il s’est cassé le pied, ils l’ont amené à l’hôpital, il est revenu ici avec le plâtre il est là.

Pour résister aux expulsions, faut perdre le demi de ton corps, faut se couper, faut faire ça avec une lame. Tout simplement, vraiment, j’ai pas imaginé que je trouve ça dans ce pays. J’ai pas imaginé ça du tout. J’ai été en Italie, j’ai été un peu partout, j’ai pas vu ça. Ici c’est bizarre. On est pas en temps de guerre, mais ici c’est la guerre, c’est des trucs qui se passent à l’intérieur dans des coins perdus, fermés. C’est pas l’Irak, en Irak c’est la guerre, c’est normal, y’a des blessés, y’a des morts mais ici c’est pas la guerre, mais c’est en silence. J’ai été en centre de rétention en Italie, on était vraiment super. Au contraire, quand on sort, les flics italiens ils sont généreux. On dirait que je suis chez moi, je suis pas en centre. Si je sors je dois quitter la France une fois pour toutes. Pour la première fois j’ai vu des cas que j’ai jamais vu dans ma vie, pourtant je voyage beaucoup, j’ai beaucoup aventuré, ici c’est une autre façon, c’est avec un autre système. On est là, pays des droits de l’homme et tout, voilà la réalité. C’est insupportable, insupportable. »

Témoignage du 17/02/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Vincennes – Centre 3

 » J’parle ici de Vincennes, ça fait 5-6 jours les douches, les toilettes, le soir bah y’a pas de lumière… Tout le monde il se coupe les veines tout ça… La bouffe, j’parle même pas, c’est dégueulasse, c’est immangeable, et ils pensent même pas à la viande hallal tout ça, parce que nous on mange que du hallal. Et y’a une panne d’électricité le soir, l’aile gauche du CRA 3 toutes les chambres y’a pas de lumière.

Le plus dur c’est les policiers, c’est le comportement des policiers. Les policiers ils viennent le matin à 4h du mat’ et ils rentrent sans taper à la porte et tout, ils demandent les cartes, tout le monde il dort, ils passent tard un soir… tout le monde il se coupe les veines, y’a des tentatives de suicides. Y’a un mec qui s’est coupé, il a six points de sutures le mec ils l’ont ramené à l’aéroport, il lui restait un jour et ils l’ont ramené au bled. Il est blessé, ils lui ont mis un pansement ils l’ont ramené en Tunisie.

Voilà on parle avec tout le monde, l’ASSFAM tout ça, j’ai fait un courrier pour qu’on parle avec le commandant du centre, et jusqu’à maintenant on n’a pas de résultats. Aujourd’hui, là tout de suite, ils ont mis un papier comme quoi l’eau elle va couper vers 18h jusqu’à demain matin à 10h. Et nous on fait la prière, ça veut dire on sait pas comment faire les ablutions, les douches tout ça, c’est inadmissible. On sait pas trop comment faire. Je vais parler avec les gens pour faire une grève de la faim…

J’vous dis, les policiers c’est des cow-boys. Le soir les gens ils rentrent, hier, ils sont rentrés dans une chambre, y’a un mec il a demandé le feu pendant une heure, qu’est-ce qu’il a fait, il a pris du papier et il l’a collé sur les caméras. Trois policiers ils rentrent le soir dans une chambre, ils appellent le mec… dans la chambre, dans la chambre hein, ils ont fermé la chambre ils ont mis un policier dehors, ils sont rentrés, ils ont dit quoi ?! « Maintenant c’est qui qui vient faire un combat avec nous ? » C’est comme ça hein ! C’est comme ça. Le mec il a dit « Maintenant parce que je suis pas un policier, viens dans la chambre tout seul, on va faire un combat, c’est qui qui va gagner…  » Imaginez-vous comment ça se passe le soir…

Les distributeurs normalement ils ouvrent à 15h, à 15h30 on demande quelqu’un, y’a personne. L’allume-cigare, y’a une semaine, chaque jour j’parle avec eux, y’a personne. Monsieur s’il vous plaît réglez votre problème, parce que moi j’suis en rétention, j’suis pas un détenu j’suis un retenu. J’ai pas commis un délit ni une effraction. Mais voilà chaque jour c’est comme ça, c’est la même chose, on parle avec tout le monde, même l’ASSFAM… ils ont fait le maximum, même pour eux c’est galère. La femme de l’ASSFAM elle m’a dit « j’rentre aux toilettes, et les policiers ils viennent aux toilettes, au lieu de taper la porte ils rentrent directement.  » C’est la femme de l’ASSFAM. Imaginez-vous nous, les gens qu’ont pas de papiers. Voilà, c’est le bordel.

Avec le médecin ça va, c’est tous les gens qui travaillent, ce sont pas les policiers, ça va. Le problème c’est les policiers, et chaque jour c’est que des paroles. On parle de pannes de l’eau et de l’électricité, mais il me dit « on est en train de faire un devis » Mais le devis il reste pas une semaine !

Moi j’suis là pour rien, juste j’ai pas de papiers. Ca veut dire j’ai besoin de manger, de fumer quand je veux. J’suis libre, mais en rétention. Et le matin… j’vous dis pour le distributeur c’est à chaque fois 15h30, normalement ils ouvrent à 15h. Il faut que monsieur le policier il vient, à chaque fois on dit « ils sont où les policiers ? » Dernièrement là, avant hier, à 15h30 y’a pas de policier pour ouvrir le distributeur. Dès que j’ai commencé à faire le bordel, jeter des poubelles et tout ça, y’a 16 policiers qui sont là. J’ai dit « pourquoi vous faites ça ? Depuis tout-à-l’heure j’ai demandé un policier pour ouvrir le distributeur, y’a personne. Dès que j’ai commencé à faire le bordel tout le monde ils sont là.  » Ca veut dire quoi, ça veut dire ils sont en train de provoquer les gens pour faire des problèmes.

Moi j’viens de prison. Ca fait 13 mois j’suis en prison là j’suis au centre. J’suis rentré ici le 8 Février. Y’a des gens qui parlent pas Français mais aujourd’hui j’ai fait une pétition, on est au centre 49 personnes, j’ai fais une pétition : 34 personnes, et les autres y’a des gens qui dorment, y’a des gens qui sont au tribunal, tout ça…Jusqu’à maintenant y’a rien qui change ! Mais j’vous dis hein , quelqu’un il se coupe les veines ici, ils le ramènent quand même à l’aéroport…Normalement quelqu’un il est blessé, ils ont pas l’droit, le mec il a 6 points de suture ils le ramènent à l’avion ! Le sang est partout, j’vous dis chaque soir y’a quelqu’un qui se coupe les veines, chaque soir. Y’a personne qui parle de ça à la télé, y’a rien du tout à la télé, que les élections ! Tous les jours y’a quelqu’un qui se coupe les veines, après eux ils notent que les chiffres d’une personne, ça veut dire ils nous prennent pour des chiffres, pas des êtres humains qui ont des problèmes chez eux…

J’dors pas, ça fait une semaine j’dors pas, ni le soir ni le matin, parce que les gens pour demander à allumer une cigarette il faut qu’ils tapent à la porte, y’a personne à l’accueil le matin. A 1h du mat’ y’a des gens qui dorment pas parce que le lendemain ils ont un vol. Ils demandent d’allumer une cigarette, ils vont à l’accueil y’a personne. Ca veut dire on est laissé tous seuls, avec des policiers enragés, à chaque soir chacun rentre avec son pote, à 2-3, il rentre dans la chambre, il fait son film et il repart. Y’a personne qui parle. Moi j’étais là avant, j’ai fais une bagarre avec un policier il m’a frappé, j’suis parti au commissariat du 12ème déposer une plainte : ils vont croire à qui ? Un ancien taulard ou un policier ? A cause de ça j’ai pris un mois de prison ferme. Ca veut dire on parle, on va en prison, on parle pas on est des esclaves, exactement on est des esclaves. Ils font qu’est-ce qu’ils veulent parce qu’on n’a pas de papiers, on n’a pas de droits. J’veux quoi, j’veux tout le monde y sache c’est quoi l’enfer ici , parce qu’on est dans un couloir de la mort. , J’vous jure, chaque jour y’a quelqu’un qui se coupe les veines. Hier y’a un Africain, un Gabonais, aujourd’hui même y’a quelqu’un ils l’ont pris en vol en Tunisie, toute sa famille ils sont là, y’a personne au bled, pour lui y’a personne. Son père il est là, lui il est là, son frère il est là, et lui tout seul ils vont le renvoyer en Tunisie, il connaît personne, ça fait 15 ans qu’il est là en France, à chaque fois il veut faire un regroupement familial ils lui donnent pas le papier. Il a pas de casier judiciaire, rien du tout, maintenant là tout de suite ils l’ont pris, le mec il va refuser la première fois il m’a dit, parce que maintenant ils préparent, ils doivent mettre pour le premier vol, donc maintenant ils préparent le deuxième parce qu’ils savent que tout le monde peut refuser le premier. Le premier ça se passe bien, il demande au pilote, nanani nanana, le pilote lui demande si il veut monter, lui il dit non, il le laisse partir. Il revient ici, le soir même il a un vol il sait pas parce qu’ils ont pas mis sur la liste, ils mettent pas le vol la deuxième fois, la deuxième fois ils le mettent pas sur la liste. Quand tu refuses le premier, le deuxième ils le mettent pas. Ils viennent directement à 4h du mat’, 2-3-4 personnes policiers, ils viennent ils rentrent dans la chambre : « Monsieur prépare toi. » Le mec qu’est-ce qui fait ? Il a déjà préparé une lame, et il va faire couper ce soir, ce soir même il y a une victime, il y a encore une victime.

Y’a personne qui parle, ni radio… je regarde la télé du matin jusqu’au soir, y’a rien, y’a rien qui parle du centre de Vincennes. Ils attendent quoi, qu’ils crament le centre ? Après tout le monde ils vont parler, ils vont dire l’immigration c’est des mauvais, c’est des méchants.

Moi j’vous assure, si vous passez juste une soirée ici, franchement c’est incroyable, incroyable ! Incroyable… J’sais pas comment ça se passe après, parce qu’à chaque fois j’parle avec l’ASSFAM… tout le monde il me parle mais l’action y’a pas. Moi j’aimerais voir l’action parce que les paroles c’est… c’est gratuit mais l’action c’est cher. C’est trop c’est trop c’est trop. Imaginez vous, chaque soir y’a quelqu’un qui se coupe, du sang… comment les gens ils vont dormir ici ? Y’a personne qui dort… Y’a personne qui dort.  »

Témoignage du 16/04/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Centre 1

‘’ C’est la merde, ça pue. Y’a rien c’est la merde. Les toilettes elles puent, les policiers ils nous respectent pas, c’est la merde quoi. Même ce matin ils ont frappé quelqu’un, un petit. Je sais pas pourquoi. Il a fait une plainte là il va passer demain, j’sais pas là il va aller à l’hôpital. Il est là, il a vu l’infirmière, elle a fait une feuille et tout, bah ils l’ont faxé au tribunal, après le procureur il a dit « faudrait l’amener à l’hôpital. » Ils l’amènent demain, demain matin.

La nourriture c’est la merde, ça pue, par exemple moi ça fait 5 jours j’ai pas mangé. Je peux pas, si je la mange je la vomis. Les toilettes elles sont bouchées, ça pue, les douches elles sont sales.

Dans le centre, ils ramènent, ils renvoient, des fois ils libèrent mais toujours il est plein.

Ce matin ils en ont expulsé un qui a les papiers espagnols, ils l’ont ramené à Perpignan, il a une résidence espagnole ils l’ont expulsé quoi, il avait un petit problème, je sais pas… Ce matin à 5h j’ai assisté ils lui ont dit « on va te ramener à Perpignan », il a un vol à Perpignan. Y’a deux roumains aussi là ils ont le vol mercredi.

Y’a 4 jours là ils ont expulsé un Algérien, il a avalé des lames ils l’ont emmené, je sais pas ils ont dû l’expulser parce qu’il est pas revenu. Les mecs ils ont dû l’expulser avec les lames dans le ventre. Il avait avalé des lames, bah il souffre quoi, moi je l’ai vu, il tremble et tout, mais quand même ils l’ont emmené à 4h du matin. Même pas il est allé à l’hôpital avant, j’étais là, je l’ai vu, il était en train de trembler et tout, après moi je veux pas voir ça je suis parti, mais après ils m’ont dit comme quoi ils l’ont expulsé. C’est un truc qui est incroyable mais vrai, là ils ramènent des gens, on souffre, on est là on voit des choses incroyables, mais vraies.

Les toilettes ça pue, tu peux pas rentrer, les mecs ils chient là ils tirent même pas la chasse…C’est incroyable le matin. Ils nettoient que l’après-midi, vers 17 ou 18h, le soir quoi. Ils nettoient ils partent et après le lendemain tu te réveilles tu trouves tout sale.

Le médecin il arrive, il appelle deux fois trois fois et il part, il dit comme quoi il y a trop de monde. Comme moi, ça fait deux jours que j’réclame. Comme ce matin, j’me suis inscris hier, ils m’ont dit « il t’a appelé, t’étais pas là et après il est parti, y’a trop de monde ». L’infirmière… bah franchement les infirmières elles donnent des cachetons, les mecs ils sont comme des fous. Tout le monde réclame des cachetons, ils prennent des cachetons pour dormir, pour ça, pour ça, pour ça…Ils sont fous ils sont accros à des…On dirait on est à la Colombie ou j’sais pas. Tous les jours les mecs ils avalent n’importe quoi, des cachetons rouge, des cachetons bleus, des cachetons jaunes… J’sais pas.

Moi ils m’ont arrêté dans la rue, contrôle voilà, moi je comprends pas. Par exemple le procureur il m’a libéré, mais le commissariat il voulait pas me libérer et ils m’ont ramené ici. J’suis passé en jugement, l’avocat il a dit « voilà normalement lui il était libéré » mais la police ils m’ont ramené au commissariat, ils voulaient pas me libérer… ‘’

Témoignage du 17/04/12 depuis la prison pour étrangers de Vincennes

Centre 2

« Ca va pas du tout. Les douches y’a pas de porte, l’eau chaude y’en a pas, ça fait deux jours. Voilà. Au niveau de la nourriture, on est beaucoup de musulmans ici, la plupart du temps on mange pas assez parce que c’est de la viande, on mange pas. En plus y’a des yogourts avec de la gélatine dedans. Quand y’a du poisson on mange, quand y’en a pas y’en a pas, on mange pas. On mange que les desserts et le pain. Comme musulmans ici on est presque 40 personnes, on mange pas la viande. Au dessert aussi ça dépend, quand y’a du yogourt on regarde dedans, si y’a de la gélatine on mange pas. Moi même j’ai fait avec l’ASSFAM une lettre, j’ai donné en main direct, le commandant il me connaît très bien aussi, j’ai parlé avec lui aussi. Ca a rien donné, aucune réponse, il s’en fout. Ca fait maintenant plus que 10 jours.

Ici y’a de la solidarité, heureusement, surtout entre nous les Arabes… des Algériens, des Tunisiens, des Marocains, des Egyptiens, même y’a des Hindous on s’entend bien avec eux. Tous, on est dans le merde, pourquoi on fait de… Y’a pas de problème.

Avant hier y’en a un avec le rasoir qui a déchiré son corps, je pense un Marocain ou un Algérien, je sais pas… Y’a des gens qui le font…

Déjà on a fait une grève, ça fait dix jours, on est sorti tous dehors, devant le… On réclame que pour les quarante jours c’est beaucoup, la nourriture on mange pas assez, les douches… bon ils ont réparé une douche, une seule, mais y’en a dix y’en a que quatre qui marchent des douches, l’autre côté il est fermé définitif, j’sais pas pourquoi. Ils s’en foutent, on est resté mais on a décidé on fait pas de problèmes, on touche personne, on est resté dehors toute la nuit, voilà, on est rentré vers 6 heures du matin. Voilà. Ils s’en foutent, on est ici de toute façon ils s’en foutent de nous, y’a pas de gens qui nous suivent ici qui viennent, regardent… J’sais pas, on est tous seuls ici. En plus on entend « droits de l’homme, machin, machin », j’sais pas ils sont où les droits de l’homme, y’a plein de trucs en dessous. Tac tac, même sans passeport ils font rentrer les gens.

Ici y’a deux infirmiers ils sont franchement racistes. Ce sont des racistes. Tous ici, des blacks, des hindous, des arabes, ils se plaignent d’eux. Ils s’en foutent, « si tu n’es pas content, dégage chez toi » elle m’a dit, moi personnellement. Y’a un black pareil elle lui a dit « vous faites quoi ici ? ». Moi je lui dis « excusez-moi madame si vous dites ça, vous vous restez chez moi, comme je suis Tunisien, vous restez chez moi 89 ans, même vous êtes venus avec des chars armés, des avions de chasse, en plus vous étiez plus que 300 000 personnes, et là maintenant tu me dis qu’est-ce que je fais ici ? Je viens ici, j’suis pas voleur, j’suis pas machin, je viens ici pour travailler ». Ils parlent très très très mal, franchement. On les sent agressif, grave. Ils donnent des médicaments, mais il manque. Il manque du sirop, y’a des gens qui toussent. En plus y’a des portes qui ferment pas, des grandes portes qui font des courants d’air. On est tout le temps grippé ici, tout le temps. J’ai dit ça au commandant. Y’a cinq ou six personnes qui prennent des calmants. Parce qu’ils sont pas biens, déjà depuis dehors ils sont pas biens eux. Y’en a un il était bien, là maintenant comme un drogué, c’est eux qui font ça exprès. Ils donnent les médicaments, boire ça, pour calmer les…

J’me suis fait arrêté après un contrôle. Il m’a ramené moi comme quoi y’a quelqu’un qui me poursuit. Il m’a ramené au commissariat. J’suis resté là-bas, il m’a dit « t’inquiète tu vas sortir » parce que c’est pas moi dans l’histoire, je suis pas le monsieur qu’il cherche. Il m’a dit « ok, toi t’as rien, on vous enferme là mais vous avez pas de papiers, obligé qu’on te ramène au centre. » J’suis passé devant le juge, en plus je suis malade, j’ai un dossier ici, voilà… Il m’a donné 96h pour que je regarde le médecin ici, là j’attends jusqu’à aujourd’hui, depuis le 31. J’avais un avocat gratuit là.

Y’a toujours des expulsions ici. Mais y’en a trois aussi aujourd’hui ils sont libérés. Chaque soir y’a une douzaine ou quatorze vols. ’’

Liberté pour tous et toutes !

Pour appeler aux CRA de Vincennes :

Vincennes 1

01 45 18 59 70 – 01 45 18 12 40 – 01 45 18 02 50

Vincennes 2

01 48 93 69 47 – 01 48 93 69 62 – 01 48 93 90 42

Vincennes 3

01 48 93 99 80 – 01 43 76 50 87 – 01 48 93 91 12

Récit d’un parloir au CRA de Vincennes, avril 2012

Une aprem à Vincennes

On arrive en début d’aprem au RER de Joinville le Pont. Aujourd’hui pas de manif’, on vient pour parler avec Karim. On l’a eu au téléphone une semaine plus tôt, en appelant sur une cabine publique du CRA 3 de Vincennes pour recueillir des témoignages de retenus. Après 5 minutes de marche, on arrive face à l’école de police. « Ca c’est l’école de police, par où on rentre dans le CRA ? » On commence à faire le tour, par le mauvais côté, revenons sur nos pas, puis finissons par demander à deux policiers en tenues qui longent le centre. L’entrée est bien à l’école de police, pourtant il n’y a aucune indication. Une guérite de contrôle, un tourniquet pour les piétons, une barrière pour les voitures. Les vitres de la guérite sont opaques, on s’approche du mauvais côté et le garde cogne à la vitre pour signaler l’endroit par lequel on est sensé s’adresser à lui. A oui, pardon, il y a en effet un petit hublot au travers duquel on peut voir sa face maussade. Il s’adresse à nous dans le micro : « _ Oui ?
_ Euh, on veut aller au centre de rétention.
_ C’est pourquoi ?
_ Pour un parloir.
_ Y’a pas de parloir ici, c’est pas une prison ! Ici c’est des entretiens. Vous venez voir qui ?
_ Karim *****
_ Il est de quelle nationalité ?
_ … Je sais pas, peu importe, il est dans le centre 3 !
_ Ah, j’ai un Karim *****
_ Ben c’est lui.
_ D’accord, attendez dans l’abri derrière vous, on va vous appeler. »

On se retourne. Effectivement il y a un petit abribus en bois de l’autre côté du chemin, dans lequel deux personnes sont déjà assises. Une femme et un homme. On s’approche. Sur le mur de l’abri, une petite pancarte rouge annonce sinistrement « Visites pour le centre de rétention ». On entame le dialogue avec les deux autres visiteurs. La femme est particulièrement loquace, il apparaît rapidement qu’elle est membre d’une association et qu’elle vient régulièrement faire des parloirs. Elle semble avoir envie de partager son expérience. « _ Surtout ne dites jamais que vous venez pour une association, il faut dire que vous venez à titre individuel. La dernière fois ils ont interdit à une personne d’Emmaüs de rentrer.
_ De toute façon on n’est pas avec une association.
_ […] Des fois on peut attendre très longtemps. C’est les nouvelles mesures, ils ne permettent plus que deux visites en même temps, pour qu’il y ait moins de bruit. En tout cas c’est ce qu’ils disent. La dernière fois on a attendu de 14h à 19h ! Une visite dure une demi-heure maximum […] Ca fait plusieurs fois que je vois des avocats qui font leurs entretiens dans la même salle que nous, sans aucune confidentialité, avec le bruit… Peut-être qu’ils ont des problèmes de salles en ce moment, mais ce n’est vraiment pas normal. […] Ne prenez pas trop de notes, les policiers n’aiment pas ça, la dernière fois ils m’ont menacée d’annuler la visite. […] » Une troisième personne arrive, un homme. Il vient voir son fils. Des élèves-flics entrent et sortent en permanence en tenue de sport, en discutant, en riant, en s’interpellant. Sympa le spot pour aller en cours…

Les personnes de la fournée précédente de visites sortent enfin, escortées par deux policiers en tenues. Un des policiers vient à nous. On a de la chance, ils vont prendre trois visites. On propose à l’homme venu pour son fils de passer avant nous. Finalement un des retenus n’est pas disponible, celui que l’homme arrivé avant nous est venu voir, il est encore avec le consul. On y va donc avec la femme de l’asso’ et le père. On n’a pas même passé le tourniquet que l’on nous demande nos pièces d’identité. Elles seront conservées jusqu’à la fin de la visite. Les deux policiers, une devant, un derrière, nous escortent jusqu’à une salle dans laquelle nous rentrons deux par deux pour être passés consciencieusement au détecteur de métaux. On vide nos poches. Par contre nos sacs ne sont pas fouillés, de toute façon on ne les aura pas avec nous pendant la visite. Puis direction la salle d’entretien. Le stress monte, comme si je n’étais pas là par ma propre volonté, comme si on m’emmenait en garde-à-vue et non en « entretien ». On aperçoit le bâtiment lugubre, les rouleaux de barbelés en haut des murs. A part ça, bien sûr, ce n’est pas une prison.

Arrivés dans la salle des visites, un policier attend assis à un bureau. Rebelote, on vide nos poches dans les petits bacs prévus à cette effet, puis on pose nos sacs sur un banc. La salle contient environ 6 tables, vaguement séparées par des cloisons plus symboliques qu’autre chose. Deux retenus sont assis aux tables les plus proches du bureau du flic. La femme et l’homme vont chacun s’asseoir en face de l’un d’entre deux. On en conclut que Karim n’est pas encore là, il faut dire qu’on ne sait pas du tout à quoi il ressemble. Le flic nous dit de prendre une table, on s’assoit et on attend. Quelques minutes après, le flic du bureau nous appelle. « _ Il ne veut pas venir, il dit qu’il n’attend personne, qu’il ne connaît personne.
_ On l’a eu au téléphone il y a une semaine, on lui a dit qu’on viendrait.
_ D’accord on va lui dire. » A nouveau quelques minutes d’attente, puis Karim finit par rentrer dans la salle et s’asseoir en face de nous. Grand, la peau claire et les yeux bleus, il est d’une origine indéfinissable ce qui lui a valu de sortir indemne de ses allers-retours en CRA. Ca, et son Français impeccable. « _ Tu te souviens de nous ? On a discuté au téléphone.
_ Oui bien sûr, mais vous m’avez fait peur, des fois ils te disent ’’viens à la visite’’ et paf ils te mettent les menottes pour t’emmener. »

La discussion commence, la vie au centre, les mutilations, les expulsions, la bouffe, les flics. Puis la vie en générale, la politique, Sarko, la Françafrique, … Il y a un brouhaha dans la salle, on peine à s’entendre car on ne veut pas parler trop fort pour ne pas être entendus par les flics, maintenant cinq dans la salle. Ceci dit, eux même sont en grande discussion et contribuent à saturer l’environnement sonore. 30 minutes s’écoulent : « Les visites sont maintenant terminées. » On se lève tous les trois, on se serre la main. Karim remarque le retenu qui était avec la femme de l’asso : « Regardez, c’est lui qui s’est coupé l’oreille, vas-y montre leur tes points de suture ! » Il nous sourit d’un air gêné. Les flics commencent à les rabattre vers la sortie, avec le troisième retenu, le fils qui doit avoir à peine 20 ans. Avant que le contact visuel soit coupé celui-ci fait signe de se taillader le bras en me regardant : « Ils font tous ça ici ! » On récupère nos affaires, puis regagnons la sortie, toujours escortés des deux flics. On récupère nos papiers juste avant de passer le tourniquet en sens inverse. Une fois sortis on discute avec le père. Son fils a voulu se faire passer pour Libyen mais il a été reconnu par le consul tunisien, sa vrai nationalité. On ne sait pas quoi lui dire pour le conseiller. On sait ce qui arrive à ceux qui n’arrivent pas à cacher leur nationalité, mais on se tait. De toute façon il a bien l’air de s’en douter aussi. Dernière discussion avec la femme de l’asso : « Vous avez pu prendre des notes ? L’équipe de police était sympa aujourd’hui. […] Une fois avec moi il y avait une jeune femme venue visiter son mari. A un moment ils ont voulu se mettre à côté l’un de l’autre plutôt que face à face, le policier s’est mis à leur hurler dessus. Et le portable de la femme s’est mis à sonner , ils ont cru qu’elle avait passé un téléphone à son mari, le policier s’est mis à crier ’’A la fouille, à la fouille !’’ C’était l’horreur. »

On finit par prendre congé après avoir discuté avec les nouveaux visiteurs. Ils sont une petite dizaine maintenant à attendre sur le bord du chemin. Certains étaient eux-même sans papiers et ont fait de la rétention auparavant…

Témoignage d’un ancien retenu de la prison pour étrangers de Palaiseau – 28 mars 2012

Depuis plusieurs semaines les sans-papiers prisonniers au centre de rétention de Palaiseau multiplient les mouvements de protestation et de révolte que ce soit sous la forme de départs de feu, d’auto mutilations ou d’affrontements avec la police.
Après avoir été ballotté de Palaiseau à Vincennes suite à un incendie survenu le jeudi 15 mars, puis retransféré à Palaiseau, un retenu raconte le dernier mouvement de révolte qui a eu lieu dans ce centre et pour lequel il a été transféré vers un autre centre, celui de Plaisir.
Liberté pour toutes et tous !

 »La première fois, j’étais au centre là, et y’a beaucoup de gens qui souffrent là-bas. 45 jours pour les gens c’est dur, ils souffrent. Nous on sait pas, on fait ça juste pour voir la liberté tu vois… Et la police là-bas c’est dur avec eux, dès que tu parles avec les matons…

Les repas pour manger ils sont amenés le jour où ils périment puis tu les manges.

L’autre jour y’a un mec là-bas il a brûlé sa chambre et tout. On a tous été transféré au centre de rétention de Vincennes.
Celui qui paye un avocat il sort. Je sais pas si c’est dans la loi que quand tu payes un avocat tu sors, mais quand t’en payes pas tu sors pas. Tu fais les 45 jours. Y’a un gars ils ont trouvé son passeport et tout, mais ils l’ont pas renvoyé, il a payé un avocat, il l’a payé 1700 euros, il est sorti. Mais les autres là ils ont même pas de carte d’identité, y’a même pas un papier qui dit, et ils partent au bled, au minimum ils restent 45 jours.

[Il est retransféré entre temps au centre de Palaiseau]

Y’a des gars ils ont crié pour la liberté dans le centre, pour les papiers et tout, on a crié pour la liberté. Et ils sont venus les policiers à… je sais pas genre 24, je sais pas. Ils ont montré une chienne sur nous direct. Là j’parle de moi, mais j’ai même pas touché un policier avec la main. On a crié pour la liberté et tout, et là ils ont ramené les chiens du centre. Après ils ont montré des retenus direct, ils ont dit « viens-toi, viens-toi ! », direct ils ont menotté les retenus. Moi j’étais dans ce groupe là. Après ils ont emmené au commissariat en face du centre, on a attendu là-bas, et moi j’ai raconté tout ça, les faits et tout. Après ils nous ont mis dans une salle, ils ont mis à poil et ils ont dit « y’a pas de caméras ici ». Après ils sont venus des civils de la police et je leur ai dit « je vais où ? », ils m’ont dit « tu es transféré ». Après il m’a poussé comme ça, après il m’a poussé très fort, je lui ai dit « doucement », j’étais menotté. Moi et mes potes, menottés. Après il m’a accroché les pieds, il m’a fait tombé par terre, après il m’a écrasé la tête avec son pied, après il m’a donné deux coups de pied dans les côtes là, après il m’a tapé sur mon épaule. Comme ça. Après ils ont amené une voiture, je sais pas ce qui est arrivé aux autres, moi j’ai été transféré. Le chef il a mis en garde-à-vue, après je sais pas peut-être il a été jugé. Normalement c’est ça, les autres ils ont été en garde à vue. Moi j’ai été transféré, je sais pas ce qui se passe là-bas.
Moi j’ai demandé depuis que je suis venu ici : « médecin, médecin, médecin ». Y’a personne qui fait rien. Après j’ai parlé avec l’infirmière ici l’après-midi et elle m’a dit « demain tu passes devant le médecin », et ça fait 24h déjà et il est pas venu. Y’a personne qui veut m’entendre ici. Même ils ont pas de certificat pour le jugement que j’ai la semaine prochaine, c’est comme ça.

Depuis que le centre a brûlé la dernière fois, c’était le 15, ils ont libéré un qu’était là-bas, l’autre ils l’ont transféré à… je sais pas, Roissy. Et moi j’ai été transféré ici pour pas dire aux journalistes qu’est-ce qui se passe et tout. Moi je suis là. Ils ont laissé personne là-bas pour pas qu’ils puissent raconter.

Je souffre à mon épaule, mais personne qui s’en soucie. J’ai parlé avec les chefs ici : « Vous êtes là, t’es transféré, c’est pas mon problème… Attendez le médecin, qu’il passe demain, parce que y’a pas de médecin tous les jours ici au centre. » Y’a que l’infirmière et elle fait rien.

Moi j’ai été transféré hier dans le 78. Normalement on est 15, 16. Là-bas à Palaiseau j’crois on était 12 ou 13. Moi j’suis au centre de rétention de Plaisir. Ca fait 18 jours au total que je suis retenu. J’ai fait le recours, mais j’ai pas un avocat bien, c’est pour ça, j’ai un avocat d’office.

J’ai vu l’association France Terre d’Asile, ben normal ils m’aident pas beaucoup. Y’a la police ici, ils travaillent ensemble, il aident pas les gens, ils travaillent avec les policiers. Tu parles avec eux, tu racontes ton histoire et ils te disent « Ramenez votre passeport ou votre carte d’identité ». Ca c’est pourquoi ? Pour t’aider ? Pour mettre un laisser-passer ? Tu vas où là, dans quel pays ?  »

Centre de rétention de Vincennes, 9 décembre 2011

Centre de rétention de Vincennes 9 décembre 2011

Dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 décembre 2012, une vingtaine de retenus du centre de rétention ont empêché l’expulsion de deux de leurs camarades. Suite à cela, ils ont été mis en garde à vue dans deux commissariats, puis remis en rétention après avoir subi une grosse pression des policiers, les menaçant de les envoyer en prison. Les deux Algériens qui devaient être expulsés sont passés en comparution immédiate. Ils ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis et 3 ans d’interdiction du territoire français avec « exécution provisoire »… autrement dit : retour en rétention pour 45 jours. L’un des deux a déjà été expulsé depuis. Pour l’autre, qui témoigne ici, il est passé devant le juge des libertés et de la détention mardi 12 décembre et a été libéré.

Vendredi 9 décembre 2011, centre de rétention de Vincennes

Centre de rétention 2

« Je suis déjà allé au centre de rétention, je suis sorti le 5 août, j’ai passé 32 jours, je suis sorti même pas un mois. Dehors ils m’ont encore attrapé pour un contrôle de papier, ils m’ont ramené au centre pour 45 jours. Au bout de 45 jours t’es libéré. Moi j’ai fait 44 jours. Le dernier jour, ils m’ont mis un vol pour m’expulser en Algérie. Moi je voulais pas rentrer. Les policiers, chaque soir vers 22 heures, mettent une liste pour dire pour le lendemain les gens qui vont partir au juge et les gens qui ont un vol. Quand ils ont mis la liste, j’ai vu mon nom et celui d’un pote à moi, un Algérien aussi. On avait un vol pour Alger.

On a décidé. On était 23 personnes. Il y avait des Pakistanais, des renois, des Roumains. On est rentré dans une chambre. Le vol était à 8 heures. Normalement les policiers viennent te prendre vers 4 heures et demi. Nous, on était dans une petite chambre, les 23 personnes. Chaque personne avait ramené sa chaise, on a bloqué la porte avec les matelas et les chaises. On est resté presque 5 heures dans la chambre, on a appelé des avocats, des associations, personne n’a répondu, ni n’est venu. Les flics avaient des gazeuses et des lacrymogènes. Il y a quand même un avocat qui est venu devant le centre, il nous a appelés avec un portable quand il était devant mais ils ont pas voulu le laisser rentrer.

Vers 4 heures et demi les policiers sont venus, on voulait pas sortir. Alors ils ont appelé les casques bleus, les crs de l’extérieur. Ils ont cassé la porte et sont rentrés. Moi j’ai coupé tout mon ventre avec une lame, et j’ai mangé 3 lames. Je peux même pas bouger .

On est parti à l’hopital. On est resté même pas une heure et de l’hopital on est parti direct en garde à vue. On y est resté presque 4 heures et après, mon pote et moi, on est allé au palais de justice de Cité. Le juge a dit « 45 jours » pour moi et mon pote. C’était pas le JLD. C’était le juge pour la porte cassée. Quand on est parti en garde à vue on est parti tous, les 23 personnes. Les policiers ont dit : « c’est toi et ton pote qui avez décidé de rentrer dans la chambre ». On aurait dit aux gens « viens on va faire une soirée », soi-disant, les gens seraient rentrés dans la chambre et on aurait bloqué les portes pour que personne ne sorte. Mais ils sont tous plus grands que moi, moi je suis petit. En plus quand les policiers ont voulu ouvrir la porte, c’est tout le monde qui tenait la porte pour que les policiers ne rentrent pas. Le juge a dit « c’est toi qui a bloqué la porte et t’as dit aux gens de pas sortir ». Comme si je les avais pris en otage, comme si moi tout seul je pouvais bloquer 23 personnes alors que les policiers n’arivaient même pas à ouvrir la porte.

Quand je suis rentré au centre, j’ai fait une corde avec le drap pour me suicider. Ma gorge est toute rouge, ils m’ont emmené à l’hopital, puis ils m’ont ramené ici. Après j’ai mangé deux lames, maintenant dans mon ventre il y a quatre lames, et je suis toujours là. Hier soir vers 23h, ils ont appelé mon pote pour lui dire qu’il fallait qu’il signe des papiers. Ils l’ont pris, ils l’ont emmené et là il est en Algérie. Il a trois lames dans son ventre, et il a aussi déchiré son ventre avec une lame. Moi je sais pas quoi faire. Sur les 23 personnes, ils en ont libéré deux et les autres ils sont là. Ils sont dans le même centre que moi, mais il y a 3 CRA. Moi j’étais dans le 3, là ils m’ont mis dans le 2. Mais je suis juste à côté, je parle avec eux tout le temps parce qu’il y a juste un grillage. Les flics leur ont demandé de témoigner contre moi. Les flics m’ont dit qu’ils avaient témoigné contre moi mais les autres m’ont juré que c’était pas vrai, qu’en garde à vue ils ont dit qu’ils voulaient pas que leurs potes partent et que c’est pour ça qu’ils ont bloqué la porte. Tout le monde a dit ça. Normalement dans 5 jours je passe chez le juge. Le mardi à 16h je devais être libéré, et en fait le mardi j’ai recommencé la rétention. Le 12 je devrais passer en jugement.

Moi je veux juste sortir, je veux quitter la France, je veux pas aller en Algérie mais je veux sortir de là. L’Espagne, la Belgique mais pas l’Algérie. Toute ma famille est ici. Je vis chez ma tante, j’ai tout, je déclare les impôts, j’ai ma carte bleue… Je veux pas aller là-bas, c’est trop difficile pour revenir ici. J’ai personne là-bas, je veux pas être SDF là-bas. Là ,je fais une grêve de la faim. Depuis le jour du vol, j’ai rien mangé, juste de l’eau et du sucre. Il en ont rien à foutre. Ici je sors pas de ma chambre, je ne parle avec personne. »

Centre de rétention 3

« La moitié des gens sont foncedés avec du Valium et du Rivotril. Mal à la tête : valium. Mal à l’estomac : Rivotril. Que des médicaments de ouf. Je dors 15 heures, j’me lève j’suis fatigué, j’suis mort. Ça me fait tourner la tête. T. (l’un des 2 algériens qui devaient être expulsés), ils l’ont sorti du CRA N°1 , ils l’ont emmené direct. Les policiers l’ont appelé à la gestion, ils lui ont dit : « viens on s’est trompé dans le coffre ». Au moment où il est sorti, ils l’ont scotché. Ils l’ont laissé à l’aéroport avec son short et une seule claquette. Et le pied gauche nu. Ils l’ont expulsé ce matin. Là tout le centre est en trac. L’autre algérien, M., il a des points de suture, c’est pour ça qu’il a manqué son vol. Y en a d’autres qui avaient des vols. Tout le monde est en trac, personne ne trouve la réponse. Tout le monde est en état de choc. Mohamed, il a perdu toutes ses affaires, je lui ai prêté des vêtements. Ils lui ont rajouté 45 jours. À chaque fois le médecin l’appellent pour lui donner des médicaments. Chaque fois que je l’appelle il dort. L’Assfam, elle, est vraiment débordée, toujours avec des nouveaux, elle a pas trop le temps. Dans le centre on est tous calmes, on est en surdose. On nous donne des médicaments. Après la garde à vue de mardi, ils ont calmé tout le monde. Pour les médicaments, c’est le médecin ou l’infirmière qui nous appellent un par un, comme pour une visite. La plupart d’entre nous parle pas français. Ils demandent ce que tu as, comment tu te sens et après ils donnent à tout le monde des médicaments. Ils nous donnent pas les médicaments dans les emballages. J’ai demandé « C’est quoi c’est du valium ? » et elle m’a dit « Non c’est juste pour te détendre ça va t’aider à dormir ». Elle m’a donné du Lexomil. Y en a à qui ils donnent du Subutex.

Ici tout le monde attend la liste des vols et personne réclame parce qu’à chaque fois ils menacent. Les policiers sont pas cools avec nous en ce moment. On sort avec la fouille, on rentre avec la fouille. Personne nous respecte, moi je m’embrouille 15 000 fois avec eux par rapport au manque de respect. Depuis lundi c’est comme ça parce qu’il y a le directeur. Le directeur avant on le voyait pas, on le voyait jamais, et depuis lundi il commence à monter dans les CRA, à regarder. Eux, quand ils voient leur chef, ils commencent à nous mettre la pression. Lui il met la pression aux policiers et les policiers nous mettent la pression à nous. »

fermeturetention(at)yahoo.fr

Numéros des cabines centre de rétention de Vincennes :

centre de rétention 2 : 01 48 93 69 47 – 01 48 93 69 62 – O1 48 93 90 42

centre de rétention 3 : 01 48 93 99 80 – 01 43 76 50 87 – 01 48 93 91 12