Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

[Paris] Belleville sous occupation policière

Le 19 décembre dernier à Belleville, un dispositif spectaculaire quadrillait le quartier. Un dispositif qui passerait quasiment inaperçu aux yeux de ceux qui ne savent pas lever les yeux : des flics en civil postés un peu partout, à l’entrée des métros Belleville et Couronnes, à l’entrée des cités et un peu partout sur la rue de Belleville, contrôlant les papiers de tout ce qui de près où de loin ressemble à un/e asiatique. Ainsi, pendant que l’assemblée nationale votait la nouvelle loi pénalisant les clients des prostituées, une rafle dans la rafle visait particulièrement les femmes asiatiques identifiées comme putes par la flicaille. On entendra parler, ici ou là, de dizaines et de dizaines de marcheuses chinoises arrêtées en une semaine à Belleville, dont une trentaine cette fois-ci, probablement pour les expulser.

Les rafles au faciès de ce genre, si elles ont encore de quoi indigner les plus naïfs, n’ont en fait absolument rien de nouveau. En effet, en fin d’année, l’Etat doit remplir ses quotas d’expulsions de sans-papiers, se concentrant un jour sur les faciès maghrébins (comme régulièrement à Barbès), un autre sur les sri lankais (surtout à La Chapelle), profitant aussi de l’augmentation en 2013 des places en centre de rétention. Mais ces dispositifs de rafles ne concernent pas uniquement les sans-papiers, car lorsque l’Etat met en place ce type de dispositif dans les quartiers où nous vivons, l’occupation policière, telle que nous la connaissons déjà si bien dans le Nord-Est parisien, concerne tout le monde, car bien sûr cette militarisation du quotidien sert à réprimer tous les pauvres. Mais pour comprendre l’histoire de cette militarisation de Belleville, il nous faut revenir un peu en arrière.

Beaucoup s’en souviennent tant cette journée marqua un quotidien déjà semé des petites misères habituelles, et nos lecteurs aussi puisque ce journal est aussi né à ce moment-là, pour ne pas dire de ce moment-là. Le 20 juin 2010, avait lieu dans le quartier une manifestation pour la « sécurité », organisée par diverses associations censées représenter la dite « communauté asiatique » pour demander aux autorités le renforcement d’un arsenal répressif pourtant déjà bien présent (plus de flics, de caméras, de sanctions, facilitation des plaintes, prévention, etc.). Durant cette manifestation, de violentes échauffourées ont éclaté entre des centaines de manifestants et la police, harcelée physiquement pendant quelques heures car accusée de mal faire son travail, de ne pas protéger la communauté asiatique de Paris contre les agressions et la délinquance de misère (vols, braquage de recettes de restaurants, etc.) mais aussi des agressions racistes indéniables qui frappent malheureusement les personnes désignées comme asiatiques à Paris.
Face à la détermination des émeutiers, la police (qui commençait à essuyer de nombreux dégâts sur ses véhicules et des blessés plus ou moins touchés), par un tour de magie téléguidé par la préfecture, s’engagea dans une stratégie de repli programmé, lâchant un impressionnant nuage de gaz lacrymogènes qui lorsqu’il se dissipera laissera entrevoir le spectacle de sa disparition. La colère des émeutiers se redirigera donc, au bénéfice du pouvoir, contre d’autres pauvres, contre quelques gamins isolés et identifiés par la vindicte populaire comme des « voleurs » à punir, par des critères tels que la tenue vestimentaire et la couleur de peau. Comme si le problème c’était le vol, et pas les flics… Ces quelques gamins, qui étaient là au mauvais moment au mauvais endroit, et qui étaient venus eux aussi saisir l’occasion pour en découdre avec la police, seront lynchés par des meutes de racistes en transe, parce que noirs, parce qu’habillés en survêtement à capuche, sous les yeux médusés des quelques bobos qui n’avaient pas encore fui la zone de guerre (on vient à Belleville comme on va au zoo ou pour aller aux Follies, pas pour se faire gazer, dussent-ils se dire). Où quand une manifestation soi-disant opposée à un racisme spécifique, devient raciste tout court…

Mais pourquoi reparlons-nous de cet épisode inquiétant ? Parce que c’est suite à ce conflit de rue que des politiciens autoproclamés « représentants des asiatiques de Paris » ont obtenu, suite à de nombreuses négociations, le renforcement des dispositifs de flicage de Belleville (création de la BST, arrivée des Correspondants de Nuit, de nouvelles caméras, de nouvelles patrouilles offertes par Guéant « pour répondre au malaise de la communauté chinoise de Belleville », etc). Ce même flicage qui, pour en revenir au 19 décembre dernier, raflait au faciès tout ce qui ressemblait de loin à un/e asiatique pour l’expulser hors de France, hors de là où il vit son quotidien. Chacun peut donc se faire son idée sur ces pseudo-représentants de la dite « communauté asiatique », et sur les intérêts qu’ils servent réellement. Pour être encore plus clairs : en prétendant protéger la dite « communauté asiatique » : avec plus de flics, voici que le retour de bâton se présente violemment, au son des pleurs de celles et ceux qu’ils prétendaient protéger. Car ce sont les mêmes flics que l’on appelle pour régler ses conflits un jour, et qui demain nous raflent, nous enferment et nous tuent. Encore une bonne raison de prendre conscience du fait que les flics ne seront JAMAIS nos amis, mais toujours les bulldogs de la guerre aux pauvres.

Les dits représentants de la « communauté asiatique » se nomment par exemple « association des commerçants de Belleville » (créée suite à la manif) et chacun peut aller leur dire un mot (ou autre). Leur président, la balance Patrick Huang, dont nous vous avions déjà parlé dans notre n°6, est lui le patron du bar-tabac Le Celtic, vous pouvez prendre contact avec lui de la manière qui vous sied, car il vous accueillera avec plaisir au 20, Rue de Belleville. Mais n’oubliez pas que ce chevalier du bien a la plainte facile, probablement même avec ses amis.

La police, elle, compte environ une quarantaine de suicides par an, pas étonnant avec un boulot dégueulasse comme le leur, voila donc une bonne résolution pour une nouvelle année belle et rebelle.

Et sabotons la machine à expulser, encore et toujours.

Approfondir
Pour plus d’informations sur les émeutes sécuritaires et réactionnaires de 2010 à Belleville, voir le recueil de textes : « Retour sur la récente flambée sécuritaire, réactionnaire et raciste à Belleville – Témoignages, textes et analyses collectés, recueillis et diffusés par des anarchistes du quartier pour que ce genre de choses n’arrivent plus et pour que d’autres émergent », disponible sur le site du bulletin, rubrique « Retour à Belleville ».
Pour approfondir la question de l’occupation policière du quartier, nous vous conseillons la lecture de Lucioles n°4, un numéro spécial avec une « Contre-enquête sur les dessous de la militarisation de Belleville », mais aussi l’article « Belleville militarisé » dans le n°3. Tous les numéros du bulletin sont consultables sur le site luciolesdanslanuit.blogspot.fr.

repris  de Lucioles numéro 15

[Grenoble] Action contre le consulat Grec

6 février 2014

Meurtre de migrants aux frontières : action contre le Consulat grec

Dans la nuit du 5 au 6 février, à Grenoble, des affiches ont été collées à et des slogans ont été tagués sur la façade du consulat grec. On pouvait lire : « Farmakonisi, 12 morts », « Stop à la chasse aux migrants », « L’Etat grec et l’Europe assassinent ».

Cette action visait à dénoncer la guerre sans relâche que les polices de l’Europe-forteresse mènent contre les migrant.e.s. Cette guerre détruit des vies. Pas une semaine sans son lot de victimes. Hier, au moins 7 personnes sont mortes au large de Ceuta, l’enclave espagnole au Maroc. Quand ce n’est pas en mer Egée, c’est à Calais, à Lampedusa (366 morts en octobre dernier), ou à Melillia (5 morts la semaine dernière). En 20 ans, entre 18 000 et 72 000 personnes sont mortes aux frontières de l’Europe en voulant échapper à la misère et à la guerre (source : l’ONG United Against Racism qui documente les morts aux frontières).

Meurtre de migrants aux frontières de l’Europe

Le 20 janvier dernier, des gardes côtes grecs ont intercepté un bateau de réfugiés afghans et syriens qui tentait d’accoster sur l’île grecque de Farmakonisi. Plutôt que de venir en aide à ses passagers, les gardes côtes ont essayé de remorquer l’embarcation vers la Turquie. Mais le bateau a pris l’eau et les garde-cotes ont frappé ses occupants et laissé se noyer une partie d’entre eux.

12 personnes sont mortes, dont 8 enfants.

Ceci n’est pas un accident. C’est un crime d’Etat : des consignes claires sont données aux policiers de repousser par tous les moyens les migrant.e.s. Les morts aux frontières sont la conséquence directe des politiques migratoires européennes et de la militarisation des frontières.

Justice pour les réfugiés assassinés en tentant de sauver leur vie

Sabotons la machine à expulser

Liberté de circulation et d’installation

 

source : indy grenoble

[Turin] Expéditions forcées

10 février 2014. Matinée mouvementée pour certaines filiales de la Poste Italienne dans le quartier Borgo Vittoria. Quelques ennemis des frontières ont voulu montrer le rôle de la Poste dans les expulsions de sans papiers. Sur les vitrines de plusieurs bureaux ont été collées des affiches contre Mistral air. La compagnie aérienne, propriété de la poste, qui, en plus des lettres et colis, envoie hors d’Italie les immigrés retenus dans les CIE. Les personnes faisant la queue ont eu le temps d’approfondir en lisant les tracts laissés dans les salles.

traduit de Macerie

 

[Radio] Émission Sans Papiers Ni Frontières du 7 février 2014 en ligne

Émission Sans Papiers Ni Frontières du 7 février 2014

Au sommaire :

*brèves d’ici et d’ailleurs*Italie*Murs : Israël, Ceuta & Melilla, Grèce, Bulgarie, Turquie*Agenda

Téléchargez/écoutez l’émission ici

Émission tous les premiers vendredi du mois de 19h à 20h30 (rediffusion le mardi suivant à 8h)

sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM en région parisienne et sur internet partout ailleurs

Prochaine émission le 7 mars 2014

[Belgique] Expulsion avortée, descente de police à Merksplas et rassemblement au 127bis

Semaine du 27 janvier au 2 février 2014

Le 28 janvier, à 7h30 un nombre impressionnant de policiers accompagnés de chiens sont descendus dans les 3 ailes fonctionnelles du camp (une quatrième aile est en travaux suite à des évasions il y a 2 mois). Les détenus ont été amenés un par un et rassemblés après avoir été minutieusement fouillés. Toutes les pièces ont été inspectées jusqu’aux plafonds, les cellules, les poubelles ;…. Vraisemblablement cette descente aurait eu lieu suite à la découverte d’une cisaille.

Le 1er février, la police a tenté d’expulser Mme R. à bord d’un vol SN Airlines. Menottée, scotchée et encadrée par une escorte, elle a quand même réussi à attirer d’attention des passagers qui avaient déjà été prévenus lors de l’embarquement par des personnes solidaires. Une partie d’entre-eux a protesté et ont exigé qu’elle soit descendue de l’avion. Elle a été ré-enfermée au centre fermé de Steenokkerzeel où elle enfermée depuis juin 2013 suite à une dénonciation du CPAS d’Anvers où elle s’était rendue faire une demande d’aide médicale. Les CPAS sont des organismes chargés de l’aide sociale.

Le 2 février, une trentaine de personnes se sont rassemblées devant le centre fermé 127 bis. « Soyons encore plus nombreux.ses la prochaine fois, pour gueuler notre haine et notre dégoût de ce système puant et témoigner notre solidarité aux détenu-es qui en ont besoin »

D’après Getting the voice out

[Calais] Manifestations d’exilés

Semaine du 4 au 8 février 2014

Cette semaine, plusieurs manifestations d’exilés ont eut lieu à Calais : mardi 5 une vingtaine d’entre-eux ont tenté d’occuper la passerelle piétonne du port, mais on été repoussés par la police et la sécurité du port. Cette action voulait répondre a la mort de deux exilés en moins d’une semaine (l’un (17 ans) percuté sur l’autoroute par un camion la nuit du 30 janvier alors qu’il tentait avec deux autres personnes de fuir d’un camion dont le chauffeur les avait repérés ; l’autre tué par balle dans la nuit du 4 février).
Il s’agissait également de s’opposer une nouvelle fois a la pression et au harcèlement policier.

Samedi 8 février une nouvelle manifestation a rassemblé une quarantaine d’exilés qui ont parcouru la ville du lieu de distribution des repas au théâtre et retour, criant des slogans sur les conditions de vie, la liberté et l’union entre les exilés de toute origine.

[Italie] Oui, Feu aux CIE

Il y a quelques années, une petite partie du mouvement – varié et contradictoire – qui se battait contre ce que l’on appelait alors « Centre de permanence temporaire » proposa un slogan : « feu aux CPT« . À ce moment là, et les compagnons de l’époque s’en rappelleront, même dans les milieux plus radicaux nous utilisions un plus générique « fermeture des centres » ou « fermeture des lager« . Était-ce une question de détail, ou, pire encore un témoignage supplémentaire de ce langage plein d’emphase, fatiguant et dogmatique qui tant de fois prend racine dans les environnement de lutte ? Il nous semble que non, ce d’autant plus avec du recul.

Il était alors question de souligner que la fermeture des centres pour sans-papiers ne devrait pas s’obtenir par la demande – faite avec plus ou moins  de vigueur, peu importe -à ceux qui les avaient ouverts de revenir sur leurs pas : mais par une lutte essentiellement « destructrice ». Une lutte qui aurait pu voir lutter ensemble les prisonniers et les solidaires de dehors- et quand bien même pas toujours au même moment et quasiment toujours séparés par un mur. Vu que l’on « ferme » même par décret nous voulions éviter cette équivoque, et les expressions comme « feu à » ou « détruisons » faisaient notre affaire.

Telle presque toutes les luttes de type « destructeur », la lutte contre les CPT aurait évidemment du être informative et dénonciatrice à certains moments, elle aurait du produire de la documentation, des contacts, et tenter de s’associer à d’autres parties de l’immense ville des exclus. Mais au centre de l’attention et des efforts devait rester le moment destructeur. Non en vertu de recettes abstraites et toujours valables, mais parce qu’il était déjà possible de penser que les structures comme les CPT pouvaient être fermées, réellement et dans des temps non bibliques, avec la force des luttes qui se seraient déroulées à l’intérieur ou autour. On pensait notamment qu’appuyer sur la pédale de la destruction ne soit pas seulement juste d’un point de vue éthique (ce qui n’est pas peu), mais puisse même être efficace. Ces deux aspects ne vont pas toujours ensemble : même si les murs des prisons s’effritent, par exemple, il n’est pas possible de penser à la fermeture des prisons sinon avec pour moyen une révolution sociale. De plus il est beaucoup plus difficile de s’échapper ou d’organiser une émeute dans les prisons et donc si d’un coté il n’y a toujours pas de sens à demander la « fermeture des prisons » à ceux qui les ont construites, de l’autre il est assez normal que des luttes de détenus se déclinent principalement dans un sens revendicatif autour des conditions de vie à l’intérieur,  tandis que pour les sans-papiers le moment revendicatif, s’il existe, est davantage une bonne opportunité à saisir pour tenter de s’évader tout comme pour faire des émeutes.

Cette attention portée sur le moment destructeur était importante aussi parce qu’un bon morceau du mouvement qui se battait, alors, à  l’extérieur contre les centres posait la question à l’envers, attendant des « réponses » là d’où elles ne viendraient jamais. Rappelez vous quand Vendola, le néo-gouverneur des pouilles  disait « nous étions 30000, aujourd’hui nous sommes 13 Régions » à sa conférence citoyenne anti-CPT, liant pieds et mains au mouvement contre les centres (dans ce cas les  30000 personnes qui  défilaient à Turin en novembre 2002). Aujourd’hui cela peut sembler inouï mais à cette époque il y avait ceux qui avaient espoir en Mercedes Bresso ou, quelques temps après, en Paolo Ferrero – qui est entré dans  le gouvernement Prodi affirmant vouloir fermer les CPT et qui achèvera sa carrière de ministre doublant la capacité de Corso Brunelleschi. Peu, même de bonne foi, survivront à cette intoxication institutionnelle et l’essentiel du mouvement n’y échappera pas non plus, finissant en état d’hibernation durant toute la période peu propice des gouvernements plus ou moins amis. Juste pour ne pas rien apprendre du passé, maintenant il en y a qui font de l’œil à Kyenge (ministre pour l’Intégration du gouvernement Letta depuis 2013, ndt), même si elle a déjà déclaré qu’elle ne peut rien faire pour une loi pour la fermeture des CIE. (Le fait que sur un thème comme celui des centres, que désormais quasiment tous définissent lager, on joue à se montrer mutuellement du doigt à propos des compétences singulières des ministres est une chose obscène qui en dit long sur notre Cécile (Kyenge, sic, ndt). Mais ceci est une autre histoire).

(ndt :« je n’ai pas changé d’idée. Mes opinions sont connues (Kyenge s’est battue depuis longtemps pour la fermeture des CIE et pour une nouvelle loi sur l’immigration, ndlr) et mon parcours politique et militant aussi. Comme ministre j’ai cependant une marge d’action limitée et à l’intérieur de ces limites je peux agir et j’agis. Parmi ceux qui me demandent de forcer ces limites certains sont de bonne foi, mais ils ne connaissent pas les compétences de mon ministère et confondent Intégration avec Immigration. Les autres non, ils ne sont pas de bonne foi. » Propos de Cécile Kyenge rapportés par la presse)

la GTT (transports publics) complice des expulsions. Chaque jour dans les tram de la villes, les contrôleurs te filent une amende car tu n’as pas ton billet. Si tu es clandestin l’amende c’est pas assez : l’hospitalité d’un lager nommé centre de permanence temporaire, la prison, l’expulsion t’attendent. « Pour ne pas être complice fais un croche pied au controleur. » Solidarité avec les immigrés en lutte. Feu aux CPT

Si nous revenons à notre époque nous voyons bien à quel point ce slogan était adéquat ; il ne se passe pas une semaine sans que les centres en Italie ne soient ébranlés en grande partie grâce aux capacités destructrices des retenus qui ont fait sortir les « feux des révoltes » des métaphores un poil banales de nos tracts. Les CIE, dans leur complexité, sont ingouvernables, et c’est justement cette ingouvernabilité manifeste qui déclenche cette petite guerre intestine entre gouvernements, gestionnaires et appareils de propagande à laquelle nous avons assisté le mois dernier juste après la publication de la fameuse vidéo de Lampedusa. Dans l’histoire infâme des centres pour sans-papiers tous ont quelque chose à cacher, tous ont intérêt à décharger sur le voisin la responsabilité du désastre et tous cherchent, en revanche, à se  garantir leur part du futur gâteau (s’il y a, dans un futur proche, un gâteau à se répartir). Même Mauro Maurino, le grand chef d’un des groupes de coopératives d’affaires qui a le plus investit dans les CIE (connecting people, ndt) qui depuis des années a caché systématiquement les violences des policiers à Gradisca, qui a tant fait, proposé et élaboré pour que le système survive de quelque manière, qualifie  à présent partout et ouvertement les CIE « d’institutions carcérales » et parle « d’un echec de l’Etat »; et la Croix Rouge -retranchée depuis des années derrière une « impartialité » qui à l’intérieur des centres ne veut dire rien d’autre que complicité active avec les tortionnaires- feint aujourd’hui de se mobiliser face aux expulsions et désire de futurs « centres d’accueil ». Les journalistes plongés, quant à eux, dans le bordel du mois dernier se sont mis à décrire les conditions de vie dans les CIE ; et ce n’est pas qu’en décembre les conditions furent pires qu’avant, ou qu’avant on n’en savait rien, ni que les sources faisant autorité ou la documentation faisaient défaut. Seulement avant, la consigne était de rester muet, ou de mystifier ouvertement, ou de minimiser : et les journalistes, quelques rarissimes exceptions mises à part, sont de nature diligente et obséquieuse.

Mais l’histoire qui donne une meilleure idée de la façon dont les révoltes des retenus ont mis en crise tous ceux qui gravitent autour des CIE,  est la fameuse affaire de Sœur Lidia, dont on a tant parlé en ville. Mais comment se fait-il qu’une sœur qui depuis des années entre et sort du centre et qui en est toujours sortie muette, maintenant sort et invoque la fermeture du centre ? Elle recommandait la patience et la soumission et elle les recommande toujours ; les révoltes ne lui plaisaient pas, et lui plaisent encore moins maintenant, comme nous ne lui plaisons pas, nous qui sommes toujours là dehors à ajouter notre petit poids solidaire à la lutte de ceux à l’intérieur. Mais elle, elle a vu avec ses propres yeux et en direct ce que nous avons toujours seulement entendu raconter, au téléphone ou par des gens qui sortaient. Nous l’avons raconté aux quatre vents, elle, elle ne l’a jamais fait avant l’autre jour.  » j’ai déjà dénoncé, j’ai fait mon devoir »- a-t-elle répondu dans sa fameuse interview le mois passé quand le journaliste lui demandait si elle avait déjà assisté à des épisodes « graves » comme celui de la vidéo de Lampedusa. Qu’est ce que cela veut dire « j’ai déjà dénoncé » ? On ne parle pas de plaintes pénales, parce qu’en aurait découlé des procès et cela ce serait su, et même pas de dénonciation à « l’opinion publique ». « faire son devoir« , pour quelqu’un comme elle ne peut vouloir dire rien d’autre que signaler les épisodes les plus déplaisants aux hautes sphères (le chef du bureau de l’immigration, le préfet ou peut-être l’évêque, nous ne pouvons pas savoir) de manière à générer quelques réprimandes envers les flics et les soldats sans faire trop de boucan ; laver le linge sale en famille, comme on dit. Le même style, du reste, que celui avec lequel l’église a prétendu gérer durant des années le « scandale » des prêtres violeurs de mômes : dans le silence absolu pour ne pas perturber le bon fonctionnement de l’institution.

Qu’est ce qui a changé depuis ? Pourquoi même quelqu’un comme soeur Lidia se met maintenant à parler ? Ce qui a changé c’est que désormais il est clair pour tous que les révoltes des retenus ont ouvert des failles que l’État, ni maintenant ni jamais, ne réussi à réparer, et quand le bateau prend l’eau, les rats -qu’ils soient sœurs, gris fonctionnaires, humanitaires ou affairistes rampants du social-  quittent le navire.

Feu aux Cie, donc. Ce slogan qui a déjà fait l’objet d’une affaire judiciaire (en italien, ndt) par l’immanquable Paladino (procureur à Turin, ndt) il y a quelques années, est considéré aujourd’hui par certains comme la cause première de la décadence rapide de corso Brunelleschi et avec lui de tous les centres italiens. Dans une interview récente, le secrétaire du Syndicat Autonome de la Police, Massimo Montebove, a déclaré que « les  activistes de la mouvance anarchiste développent une propagande efficace avec le but d’inciter les hôtes à détruire les centres, sans attendre de réformes par une loi discutée depuis des années. Le  slogan « feu aux CIE », devient, voire est une réalité ». Trop aimable ! S’il suffisait de slogans bien pensés et de propagande pour faire se rebeller les gens, la révolution sociale serait belle et bien en marche, et les problèmes éliminés à coups de marketing ; de plus, ce n’est pas le but des anarchistes que de dire aux gens ce qu’ils doivent faire et quand, surtout quand ces gens sont enfermés dans des cages et encerclés d’hommes armés. Ce qui transforme nos slogans en réalité c’est en premier lieu l’énorme sentiment d’injustice provoqué par une détention que tous ressentent comme incompréhensible avant même d’être injuste, et ensuite les conditions de vie dans les centres et la conscience qu’il suffit d’escalader un mur pour être libre. Tellement que beaucoup des centres donnés systématiquement aux flammes ces dernières années, demeurent éloignés de la propagande de qui que ce soit.

Feu aux CIE. Liberté pour tous les harragas! Bruler les frontieres et qui les contrôlent

Attention. Même si depuis des années nous insistons pour écrire sur les murs notre « feu aux CIE », nous savons très bien que le jour où  finalement les CIE fermeront n’adviendra pas lorsque la dernière chambre du dernier CIE encore en fonctionnement fermera, brûlée par le feu de la dernière révolte, contraignant le gouvernement à admettre sa défaite. Ce serait beau, certainement, et clair surtou . Beaucoup plus prosaïquement les révoltes, les évasions, les dégâts ou même -nous  l’espérons-  la force pratique et la détermination du mouvement dehors contraindront le gouvernement à fermer les dernières structures encore sur pieds ; et surtout, ce futur Gouvernement-qui-fermera-les-cie ne le fera pas en admettant en bloc sa défaite assumant les responsabilités du passé : quelqu’un dira « moi j’y suis pour rien », d’autres « c’est ceux qui étaient là avant qui se sont trompés » ou « je le disais depuis des années qu’il fallait changer », d’autres encore parmi les ministres se garderont le mérite de la « fermeture des lager ». Sans parler de ce qui pourrait se dérouler au Parlement ou dans les journaux, avec des avis éclairés pour ou contre la fermeture des centres -comme si le gouvernement eut pu faire un choix et n’eut pas été mis, concrètement, au pied du mur de l’ingouvernabilité des centres. Il y aura sûrement des personnes qui se feront duper par ces saynètes, mais pour nous il restera clair que c’est le feu des révoltes -et pas dans le sens métaphorique- qui a lancé la déflagration. En conséquence nous ne nous laissons pas impressionner par les personnages plus ou moins présentables qui, ayant senti le vent tourner depuis leurs palais, se sont choisi un coté ou l’autre pour s’attribuer les mérites du changement qui arrive et transforme les conquêtes futures, si il y en a, en de gracieuses concessions. Et ce qu’il s’agisse de Grimaldi et des siens qui demain présenteront une motion anti-CIE au conseil de la ville à Turin, où de Luigi Nieri, le vice-maire de la capitale, ou encore de Khalik Chaouki, le député protagoniste du can-can médiatique du mois dernier. (il est allé dormir à Lampedusa, ndt)

Mais, émeute après émeute, incendie après incendie, la barque obscène des centres pour sans-papiers prend-elle vraiment l’eau ? Cette fois est-ce la bonne ? Probablement oui. Mais le risque qu’il y a, immédiat et caché au coin de la rue, est que, plutôt que s’en créent d’autres, (où le temps d’enfermement serait plus court, où les gestionnaires trop salis seraient évincés et où l’on éviterait le CIE à ceux qui pourraient finir en CARA – centres de demandeurs d’asile, ndt)  les CIE soient troqués, grâce à une transformation substancielle de ce qu’il en reste, contre de véritables petites prisons. Après les CPT et les CIE, simplement une nouvelle forme et un nouveau nom dans l’histoire infâme de la détention administrative en Italie, se développant de pair avec les dispositifs de contrôle eux-mêmes délégués aux gouvernements de l’autre rive de la méditerranée. C’est ce qu’il nous a semblé comprendre non seulement dans les déclarations de Noël de Letta (président du conseil italien, ndt), mais aussi de ce que nous savons des projets de restructuration de Trapani-Milo et des raisonnements faits à haute voix ces dernières semaines par les institutions gestionnaires, qui espèrent encore avoir leur part du gâteau futur ; et aussi de l’ambiguïté volontaire de toutes les parties qui se sont exprimées sur le sujet ce mois-ci, et qui ont continuellement confondu la fermeture des CIE, leur dépassement, et la révision complète du « système d’accueil ». Confusion intéressée vu que le problème est la détention administrative, et la détention administrative est ou n’est pas, ne peut être dépassée et n’a rien à voir avec aucune forme « d’accueil ».  Si l’on retient de devoir fermer les CIE parce que la détention administrative est le problème, l’alternative aux CIE est simplement… la  liberté, et tout discours plus détaillé doit nous paraître suspect.

En  somme, de toute leur histoire les centres n’ont probablement jamais été aussi proches de la fermeture qu’aujourd’hui. Mais il y a le risque que de leurs cendres naisse quelque chose de très similaire et nullement meilleur. Ce qui adviendra dépendra avant tout de la force que sauront maintenir dans les mois qui viennent ces luttes destructrices qui, sans attendre rien de personne, ont déterminé la crise des CIE et mis dans la confusion le monde d’affairistes gluants qui tournent autour d’eux. Encore une fois, alors, c’est l’occasion de dire: « feu aux CIE ».

Publié sur macerie le 26 janvier 2014, traduit par nos soins

[Calais] La police expulse et rafle. Protestation au port.

8 février 2014

Depuis la grande vague d’expulsion de l’automne 2013, la plupart des migrants sont forcés de dormir dans des tentes malgré les intempéries. Dimanche 2 Février, la police a fermé et saccagé un des derniers squats de Calais. Cinq personnes avaient trouvé refuge dans cette maison qui était vide depuis des mois. La police est arrivée dans l’après-midi, alors que certains des habitants étaient sortis. Sans le moindre avertissement, la police a défoncé la porte et est rentrée dans les lieux. Les habitants présents ont expliqué à la police qu’ils étaient malades et qu’ils ne pouvaient pas vivre dehors. Mais la police n’était pas intéressée par un dialogue et a obligé les habitants à quitter les lieux sur le champ sans leurs affaires.
Quand les expulsés sont repassés plus tard dans la journée pour récupérer leurs vêtements, couvertures et nourriture, ils ont vu que la police avait tout saccagé à l’intérieur, recouvrant de gaz lacrymogènes leurs vêtements et couvertures, jetant de l’huile de cuisine sur le sol. La police est aussi coupable de vol, les radiateurs éléctriques, le tabac et des sacs ayant disparus.

Adapté de https://calaismigrantsolidarity.wordpress.com/2014/02/06/police-close-and-destroy-syrian-squat/

Vague de protestations au port de Calais

Les décès successifs d’ un migrant iranien de 17 ans, tombé du camion dans lequel il se cachait pour tenter de rejoindre l’Angleterre le 30 janvier et d’ un migrant assassiné d’une balle dans le thorax le 2 fevrier provoquent une vague de protestation.

Le 4 février, une trentaine de migrants, en grande majoritee Syriens et Egyptiens ont marché en direction du port afin de faire un sitting pour demontrer leur colère face aux décès reguliers de migrants et face à des conditions de vie proprement inhumaines a Calais.

Quatre camions de Crs et quelques voitures de police n’ont pas tardé à arriver au bout du port et ont controlé un par un les migrants avec mepris et insultes. Les Crs ont filmés le controle, en faisant un zoom sur chaque migrant et activiste presents.

Les violences policières sont systématiques à Calais, la vidéo prise par nous hier est un infime témoignage du traitement des flics aux migrants: insultes, provocations, contrôles de papiers récurrents et mauvais traitements sont le lot quotidien ici.

La réalité est qu’aucune structure d’acceuil n’est prevue, les migrants s’agglutinent sur des terrains, glannant couvertures et baches pour se proteger du froid, du vent et de la pluie qui envahie les tentes. Les conditions de vie des migrants sont indignes, chaque jour de nouveaux migrants arrivent et chaque jour il est plus difficile de trouver des couvertures et des habits pour eux, les tentes se font de plus en plus rares et les quelques maisons occupées sont régulièrement expulsées illégalement et détruites ainsi que les tentes régulierement arrachées et cassées par les flics.

Adapté de https://calaismigrantsolidarity.wordpress.com/2014/02/04/vague-de-protestations-au-port-de-calais/

2014-02-07_Calais_rafle_du_matin_au_campement_rue_Lamy
Rafle du Matin (jeudi 6 Février)

Ce matin avant 9h, nouveau déploiement de policiers autour du campement rue Lamy, face au lieu de distribution des repas : une dizaine de fourgons de police, PAF et CRS, pour arrêter au final deux personnes. Harcèlement qui insécurise les habitants du campement, et mise en scène à grand spectacle qui les désigne à la population comme des criminels au moins potentiels.
Cette mise en scène se répète plusieurs fois par semaine, parfois plusieurs fois au cours de la même matinée. La compagnie de CRS installée à demeure de manière permanente par le ministre de l’intérieur a d’ailleurs cette fonction à longueur de temps : se montrer, quitte à donner à Calais l’aspect d’une ville sous occupation.

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Rafle du matin – Encore (vendredi 7 Février)

Nouvelle rafle policière ce matin au campement de la rue Lamy, face au lieu de distribution des repas. Huit fourgons et une fourgonnette de police, PAF (Police aux frontières) et CRS.
D’après les habitants du campement, la police vient maintenant chaque jour arrêter quelques personnes, y compris des demandeurs d’asile porteurs d’un document attestant de leur identité.
Les deux personnes arrêtées hier matin auraient été placées en rétention.

Publié sur https://passeursdhospitalites.wordpress.com/2014/02/06/rafle-du-matin/ et
https://passeursdhospitalites.wordpress.com/2014/02/07/rafle-du-matin-encore/

Repris quasi tel quel de squat.net

[Melilla] Nouvel assaut et citoyens poukave

15 janvier 2014

Suite à un nouvel assaut de la frontière de barbelés qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla, une vingtaine de migrants ont réussi à passer discrètement, sans être repérés par la guardia civil. Seulement, arrivés au centre ville de Melilla, au moment de se disperser, ils ont été balancés par des habitants à la police qui est venue les arrêter. Si certains ont réussi à se cacher, d’autres ont été arrêtés et quelques-uns blessés.

Les flics les ont embarqué et emmené directement dans le no man’s land au milieux des deux rangées de clôtures où les attendaient la police marocaine. Cette « initiative » des flics espagnols a provoqué un petit scandale dans la presse puisque cette opération « illégale » a été filmée et dénoncée par une ONG locale.

Note : pas besoin de préciser que l’on s’en fout que ces expulsions, comme les autres, soient légales ou illégales du point de vue de la loi et que cette précision est apportée uniquement en vue de la compréhension de la situation.

[Mayotte] Trois évasions du centre de rétention de Pamandzi

De l’air, de l’air ! – 5 février 2014

Trois sans papiers enfermés au centre de rétention de Pamandzi se sont évadés dans la nuit de mardi à mercredi en se faufilant dans les tuyaux d’aération. On leur souhaite bon vent !

En novembre 2010 22 personnes s’étaient déjà envolées du centre en déboulonnant une partie du toit, tandis que la ministre déléguée à l’Outre-mer était en visite sur l’île.

D’après la presse