Sans Papiers Ni Frontières

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Contre les frontières et leurs prisons

Un texte à (re)lire : L’incendie

En ce moment où la flamme de la révolte se ravive en Tunisie comme en Égypte, un texte à (re)lire publié dans la revue anarchiste Subversions. 

L’incendie

ça commence par une énième étincelle et soudain elle met le feu aux poudres. ça s’enflamme en Tunisie puis en Egypte, puis au Maroc, en Algérie, en Libye et en Syrie… et l’immense feu de joie qui embrase toute la région imprime dans les cœurs des révoltés, partout dans le monde, cette affirmation : rien n’est impossible.

Les dirigeants des démocraties occidentales, eux, auraient bien aimé que rien ne soit possible. Ou, en tout cas, limiter le champ des possibles. Après avoir hésité, attendant les mots d’ordres de leurs maîtres, les médias ont tous adopté la même ligne. Face à l’élan insurrectionnel qui leur font craindre un vent révolutionnaire risquant de passer la Méditerranée, ils tentent de récupérer les événements en leur faveur, imposant leur grille de lecture : ce qui se jouerait au Maghreb et au Moyen Orient serait une révolution pour la transition démocratique (bourgeoise libérale).

Il est vrai que les dirigeants européens ne sont pas très rassurés. Jusqu’ici ils s’accommodaient bien de cet arc de pays autoritaires qui formait la frontière sud de l’Union. Ils avaient noué des accords stratégiques comprenant des dimensions économiques, politiques et militaires avec la plupart d’entre eux. Accords où la question de la démocratie à la sauce droit-de-l’hommiste n’était que pure rhétorique. C’est pourtant cette bannière que dirigeants européens et nord-américains agitent en toute occasion pour justifier leur entrée en guerre ou leurs interventions militaires et civiles dans des situations de «crise».

Quand l’Europe parle d’humains, ce sont par exemple cinq milliards d’euros versés chaque année à la Libye en contrepartie desquels Kadhafi s’engageait à arrêter le flux de migrants venu d’Afrique. Concrètement, cela donnait des réfugiés arrêtés en pleine mer par les patrouilles italiennes qui, quand celles-ci ne les coulaient pas, les redirigaient vers la Libye où ils étaient enfermés dans trois camps de mille places en plein désert. Concrètement, c’est aussi actuellement ne pas bombarder la marine militaire de Kadhafi parce que celle-ci servira au futur pouvoir pour continuer la même sale besogne. Le CNT, Conseil national de transition, a d’ailleurs signé le 17 juin à Naples la poursuite de cet accord avec l’Italie s’il parvenait à s’emparer du pouvoir. La construction d’un nouveau camp est d’ores et déjà prévue à Benghazi.

Quand l’Europe parle de démocratie, cela consiste aussi à injecter de l’argent au Maroc pour qu’il fortifie les colonies espagnoles de Ceuta et Melilla sur le continent africain, à coup de barbelés, de miradors et de balles. La démocratie, ce sont des drones survolants les frontières européennes pour faire la chasse aux «clandestins» ; ce sont des appareils qui détectent les battements de cœur pour repérer les migrants qui se cachent dans des camions ou des trains pour pénétrer dans ce modèle de moralité et de civilisation que prétend être l’Europe.

La moralité en Europe, c’est d’appliquer dans la démocratie italienne un permis de séjour à points pour les individus en attente de papiers (selon leur degré de soumission), avec lequel elles intègrent le pays en tant qu’esclaves salariés qui risquent de perdre à tout moment la possibilité d’y rester. La moralité d’une démocratie à la française, c’est de proposer le retrait de la nationalité d’une personne d’origine étrangère quand elle est vaguement reconnue coupable d’avoir attentée à un dépositaire de l’ordre public. La justice à la belge, c’est de couvrir les gendarmes qui ont assassiné Semira Adamu, une femme courageuse et combattante, lors de sa sixième tentative d’expulsion.

La démocratie en Europe, ce sont des dizaines de camps d’enfermement (jusqu’à 18 mois) pour les sans-papiers répartis dans tous les pays. Des camps avec des matons qui frappent et des médecins qui endorment les ardeurs à coups de calmants. La démocratie c’est, selon les préfets, la liberté de manifester devant un centre de rétention, mais toujours à bonne distance des grilles. C’est prétendre que quand les retenus se révoltent, ce n’est pas à cause de leur enfermement, mais parce que des personnes solidaires, de l’autre côté des murs, crient Liberté !

La démocratie en Europe c’est, du jour au lendemain, renvoyer des réfugiés dans un pays considéré la veille comme la pire des dictatures, mais devenu depuis un allié, bien que les conditions réelles n’aient en rien changé pour les pauvres. C’est considérer les immigrés sous l’angle de la rentabilité, et renvoyer ceux qui ne peuvent pas faire valoir une compétence que le capitalisme d’ici juge pressurable à merci.

Il paraîtrait même que la barbarie serait la spécificité des régimes dictatoriaux, quand, ici comme partout, les États enferment les révoltés par dizaines de milliers, mutilent et tuent au besoin ceux qui sont trop récalcitrants ou inutiles (par le suicide en prison, l’esclavage salarié et ses «accidents», ou encore la gestion de la pacification sociale à travers les stupéfiants dans les quartiers pauvres).

Alors, c’est donc ça le modèle démocratique dont les dirigeants se vantent, celui qu’ils voudraient exporter ailleurs pour préserver leur pouvoir ? Eh oui ! Et puisque c’est bien ça, alors débarrassons-nous en au plus vite.

Au début, les révoltes qui grondent de l’autre côté de la Méditerranée étaient présentées comme l’œuvre de casseurs, de désœuvrés ou de terroristes, avant de devenir en quelques jours de louables aspirations à une transition démocratique. Cela permettait, dans le même temps qu’une reprise de contrôle de la situation, de se présenter une fois de plus comme le modèle à atteindre. Et au passage, cela voudrait balayer la perspective d’une contamination des révoltes vers le continent européen. Comment en effet imaginer se révolter ici, quand on nous serine partout que des gens sont prêts à se faire tuer là-bas pour avoir notre chance ?

Là où la dictature ne laisse aucune place à sa remise en cause, la démocratie non plus, mais de manière plus fine. Toute sa force réside dans la place qu’elle laisse à l’expression du mécontentement, de la marge, à partir du moment que c’est elle qui définit les limites et les formes acceptables. En effet, tant que les contestations n’en viennent pas à le cibler en tant que tel, tant qu’elles acceptent les règles du jeu qu’il leur fixe, l’autorité et le pouvoir de l’État ne s’en voient que renforcés et légitimés. L’art de tout pouvoir démocrate réside dans sa capacité à s’assurer de l’inoffensivité des contestations en les intégrant avec l’aide de ses médiations (syndicats, religieux, élus, associations, grands frères).

C’est quand la mascarade ne prend définitivement pas, quand la protestation se mue en une révolte qui pousse le bouchon un peu plus loin (la grève devient sauvage, une loi n’est plus à modifier mais à retirer, une nuisance n’est pas à expertiser mais doit disparaître d’un territoire donné), que les États démocratiques usent de l’art subtil de la récompense comme de la coercition, de la carotte comme du bâton. Et tout revient alors souvent dans l’ordre, au prix de quelques sacrifices d’un côté, d’os brisés et d’années de prison de l’autre.

Restent alors ceux qui dépassent les bornes (en posant un pourquoi subversif et plus seulement un comment), ceux qui refusent le dialogue, ou encore tous ces indésirables qu’il n’est pas souhaitable de faire participer au paradis marchand et progressiste de la démocratie. Ceux-là sont regroupés dans des figures isolées socialement (le délinquant forcément violent, le terroriste forcément sanguinaire, le parasite forcément chômeur…), présentées comme responsables des imperfections du fonctionnement de la société. Le terrain étant prêt, une répression ciblée peut ensuite s’abattre sur ces catégories de la population créées puis alimentées par le pouvoir. Cela permet de justifier le développement d’outils de contrôle d’abord contre ces figures-là, avant de les généraliser à l’ensemble de la population (papiers d’identité, empreintes digitales et génétiques, biométrie,…).

Plus généralement à tous les niveaux, lorsque l’individu refuse de se plier, de se résigner à accepter les lois étatiques et autres morales sociales qui ne lui conviennent pas et ne reprend pas le droit chemin démocrate, la menace de l’enfermement reste une arme de choix. Les hôpitaux psychiatriques pour ceux qui ne rentrent pas dans les normes. Les prisons pour mineurs et les taules pour ceux qui remettent en question le règne de la propriété privée, pour ceux qui sont trop rétifs à l’autorité.

Mais qu’est-ce que ce monde qui parle de liberté sous la menace de l’enfermement ?

Aucun parti politique ne mettra jamais fin aux camps pour migrants tant qu’il existera un intérêt économique et social à les maintenir en place (l’abaissement général du coût du travail par le chantage à l’expulsion de la main d’œuvre étrangère d’un côté, l’existence des frontières de l’autre). Parce qu’au-delà de la forme plus ou moins autoritaire de la domination (dictature d’un seul, d’un petit nombre ou d’une majorité), le capitalisme n’a pas de visage humain.Tant que nous croirons à la fable de la démocratie et des droits de l’homme, tant que nous déléguerons notre capacité de décision et d’action aux politiciens (élus ou récupérateurs issus des luttes), nous nous réduirons nous-mêmes à une vie de soumis, vide et absurde.

Ces derniers mois pourtant de l’autre côté de la Méditerranée, l’exemple nous a été donné que rien n’est impossible. Dans des zones où la répression policière du pouvoir guettait à chaque coin de rue et parfois jusqu’au sein de chaque famille (sur le modèle du capitalisme d’Etat de l’Est), une partie de la population a repris la rue, les effigies des dirigeants ont jonché le sol, des commissariats ont brûlé, des prisons et des villas de riches ont été attaquées, des entrepôts ont été pillés…

Sur le sol même du continent européen, en un mois, ce sont également trois camps pour migrants qui ont presqu’entièrement brûlé. À Gradisca, en Italie, depuis des semaines les sans-papiers sabotaient, incendiaient et détruisaient leur cage. C’est alors que sont arrivés une cinquantaine de Tunisiens que l’Italie s’est empressée d’enfermer. Il s’en est suivi une escalade d’incendies, au point qu’il ne reste plus qu’une cellule valide dans le camp. En Belgique, ceux du centre 127bis ont brûlé les cellules, alors que de l’autre côté des grillages des manifestants criaient «Liberté !». Et tandis qu’ils étaient repoussés dans la cour, l’un d’entre eux a réussi à s’évader. Si les manifestants de l’autre côté des grilles avaient suivi les valeurs de la démocratie, ils auraient sinon repoussé l’évadé dans l’antre de la prison, au moins attendu passivement l’intervention de la police. Mais ils ont fait ce que commande l’élan du cœur, et pas celui du réalisme politique  : ils ont aidé l’évadé à disparaître dans la nature. Dans la nuit, une autre aile du camp a brûlé, ce qui fait deux ailes rendues inopérantes pour des mois. Début mars, c’est aussi le centre de rétention de Marseille que des retenus ont cramé.

Ces gestes de révolte et de solidarité -des deux côtés de la Méditerranée- nous donnent la force de continuer à lutter contre les bavardages et les chausse-trappe de tous ceux qui tirent profit de l’ordre des choses. De la Tunisie à ici, personne ne pourra prétendre enfermer nos rêves d’une liberté démesurée, pour toutes et tous.

Quelques étincelles, 20 avril 2011

[Publié dans SubversionS n°1, septembre 2012, Paris, pp. 30-31]

Tunisie : Deux articles sur le camp de choucha

Tunisie: les réfugiés toujours dans l’attente

Près de 3.000 personnes vivent encore au camp de Choucha, situé dans le sud de la Tunisie. Candidats à l’immigration clandestine.

Abdulrezak déjeune avec trois autres Somaliens derrière le comptoir d’une petite échoppe qui vend des shampoings, des tubes de dentifrice et autres produits. Ce jeune homme de 27 ans est le leader de sa communauté dans le camp de réfugiés de Choucha, situé dans le sud de la Tunisie, à la frontière libyenne.

«Les invisibles du camp de Choucha», un reportage du photographe Eric Bouvet, à regarder ici.

Ouvert peu après le début de la guerre en Libye (de février à octobre 2011), ce camp du Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies (UNHCR) accueille toujours près de 3.000 personnes, sur les 17.000 présentes au début. Depuis, la vie s’est organisée. Le Danish Refugee Council«apporte de la bonne humeur», note Abdulrezak arrivé à Choucha le 3 mars 2011, des petits magasins ont ouverts, «il y a même un restaurant dans le secteur soudanais».

«Ce camp est unique dans le monde. Il est comme une petite ville. Normalement, un camps de réfugiés ne comprend qu’une ethnie, qu’une nationalité, ici, il y en a 22»,

s’enthousiasme Ursula Schulze Aboubacar, la représentante de l’UNHCR à Tunis.

Le rêve américain

De larges allées de sable séparent les tentes blanche siglées UNHCR. Un écriteau vert sur lequel des listes de noms sont affichées, informe les réfugiés des dates et heures des entretiens en vue de leur réinstallation.

Le 4 mai, 2.579 réfugiés étaient en cours de procédure, selon les statistiques du HCR. «Environ 10% ont le statut de réfugié mais n’ont été acceptés dans aucun pays. On devrait les intégrer localement (en Tunisie, ndlr). Mais il y a des départs presque toutes les semaines et cela m’encourage», se réjouit Ursula Schulze Aboubacar. En mars, 99 réfugiés ont quitté le camp pour l’Australie, la Norvège ou encore les États-Unis.

De retour dans sa tente au décors très sommaire, Abdulrezak pointe du doigt le costume marron suspendu au-dessus de lui, celui qu’il a enfilé à chaque entretien pendant un an, durée de la procédure pour être accepté aux États-Unis. Il a décroché, début mai 2012, son certificat de «culture américaine». Dernière étape avant d’obtenir son billet d’avion.

«Sponsorisé» par la Croix Rouge

L’ancien chanteur de Mogadiscio ne sait pas s’il va vivre à Chicago, New York ou Miami. Il se prend à rêver de Miami, lorsqu’une femme entre dans la tente pour demander un conseil. Son téléphone sonne sans arrêt. Il n’a pas le temps de goûter son plaisir. Depuis qu’il est leader de sa communauté, il reçoit les plaintes et informe les quelque 1.000 Somaliens présents à Choucha – dont une centaine n’a pas le statut de réfugié et ne sait pas de quoi son avenir sera fait. Au total, ils sont 283 dans le camp à vivre cette situation, à l’image de Bright.

Malgré l’air lourd et moite qui emplit cette habitation de fortune, ce Nigérian fume clope sur clope. «Il n’y a que ça à faire ici», lâche-t-il, tout en gardant son large sourire. Pantalon de jogging noir, pull coloré, il est «sponsorisé» par la Croix Rouge. Dépouillé de son argent et de ses papiers par les autorités libyennes, selon ses dires, il est arrivé le 28 février 2011 et a depuis été débouté.

Le jeune de 28 ans, qui laisse pousser les ongles de sa main gauche par coquetterie, n’a pas eu plus de chance en appel. Sans statut officiel, il reste ici, ne sachant où aller.  

«Je ne peux pas rentrer au Nigeria car je risque ma vie, je ne veux pas retourner en Libye et je n’ai jamais demandé à être en Tunisie»,

lance cet ancien «activiste» de la région du Delta du Niger.

Vide juridique

«Ces personnes ne sont pas de notre ressort. Elles sont suffisamment débrouillardes pour trouver une solution. L’Organisation Internationale aux Migrations va offrir des billets à ceux qui veulent rentrer dans leur pays, se défend Ursula Schulze Aboubacar. En restant ici, elles prennent le risque d’être en situation illégale tant qu’elles ne mettent pas à jour leur titre de séjour. Seules les autorités tunisiennes peuvent faire quelque chose. Pour le moment, elles ne le font pas et je les respecte pour ça. Ces personnes sont tolérées à Choucha mais de façon in-officielles.»

En 2011, le budget alloué au camp de Choucha s’est élevé à 21 millions de dollars. Il n’est plus que de 12 millions pour l’année 2012. Avec cette somme, l’organisation des Nations Unies finance, notamment, la nourriture et les salaires des employés des Nations Unies et des travailleurs journaliers, dont le nombre a été revu à la baisse au début de l’année 2012.

Selon Ursula Schulze Aboubacar, «107 personnes ont été licenciées, il reste une centaine d’employés pour assurer les repas». Ces remerciements n’ont pas été sans conséquence. Durant plus de deux mois, les employés des différentes organisations internationales qui  officient à Choucha n’ont pu s’y rendre en raison d’un blocage organisé par d’anciens travailleurs journaliers. «Ce n’est qu’une trentaine de personnes. Les autorités tunisiennes n’ont pas voulu utiliser la force. Du coup, les négociations ont été un peu longues», explique la représentante du HCR qui avait alors décidé de réorganiser le camps et d’impliquer les réfugiés.

«Le HCR nous avait demandé de nettoyer le secteur somalien, raconte Abdulrezak. Mais un villageois a menacé de me tuer et de brûler ma tente si on continuait. Depuis, c’est sale !»,

lâche-t-il en levant les mains comme s’il était en état d’arrestation.

«Entré à Choucha en bonne santé, maintenant je suis handicapé»

Peur ? «Évidemment qu’on a peur ! Le HCR nous dit qu’on est protégés mais les habitants nous menacent tout le temps. Par exemple, des personnes ont coupé l’eau en mars. Le HCR m’a appelé pour aller la rebrancher. Haha ! Non, ils y vont eux», rigole-t-il. A ses côtés Bright surenchérit:  

«On nous dit que l’armée nous protège, mais elle nous a tiré dessus.»

Soulevant son tee-shirt, Jamel, montre les tâches brunes représentant les impacts de balles qu’il a reçues le 6 mai 2011 alors qu’il se trouvait dans le camp. Une large cicatrice parcourt son ventre de haut en bas.

Ce Nigérian entré à Choucha le 16 mars avait voulu un compatriote qui se faisait «frapper par des soldats tunisiens » après avoir «compté ses sous» en public.  

«J’étais sous la protection des Nations Unies. Je suis entré à Choucha en bonne santé et maintenant je suis handicapé, dit-il en montrant les radios de sa jambe droite disloquée. C’est au HCR de me trouver une solution».

Lui a également été débouté et assure ne pas pouvoir rentrer dans son pays. Alors que la Tunisie a signé la Convention de Genève, «il n’y a pas de législation pour les demandeurs d’asile», souligne Ursula Schulze Aboubacar. L’organisation des Nations Unies travaille en collaboration avec le ministère de la Justice afin de mettre en place une loi. «Mais il faut compter environ une année », note cette Allemande.

 

Dans sa tente lumineuse et nouvellement installée, Samia (son prénom a été changé à sa demande) ne cache pas son inquiétude. Cette Somalienne est arrivée dans le camp mi-mars avec 73 autres compatriotes. Alors qu’elle était partie de Libye en bateau, direction Lampedusa, elle a été récupérée en mer par l’armée tunisienne qui l’a rapatriée à Sfax et emmenée directement à Choucha.

Alors que le programme de réinstallation des réfugiés a été clôturé en décembre, elle vit au rythme des rumeurs du camp. «Certains disent qu’on va rester en Tunisie. D’autres racontent que des gens sont morts ici, que des tentes ont été brûlées. J’ai peur, je ne sais pas ce que je fais ici», raconte cette jeune femme de 18 ans qui a fui son pays après avoir été séquestrée par des shebabs, les islamistes radicaux en Somalie.

Le 22 mai 2011, une vingtaine de tentes sont en effet parties en fumée. Bilan: quatre Erythréens sont décédés. Même si rien ne prouve que ce feu était d’origine criminelle, un groupe de réfugiés avaient alors bloqué les routes accusant des Tunisiens de Ben Guerdane, la ville la plus proche du camps, d’être à l’origine de l’incendie, ce qui provoquent de nombreux incidents. Tentes brûlées, pillages, décès, ce mois de mai 2011 est dans toutes les têtes à Choucha.

Et la crainte que cela ne recommence est toujours prégnante.  

«Nous avons demandé à déplacer le camp et l’éloigner de la frontière et de Ben Guerdane, mais les autorités n’ont pas voulu. Elles craignaient que le camp devienne pérenne et ne soit plus un camp de transit»,

regrette Ursula Schulze Aboubacar, tout en assurant que ce n’est pas au HCR d’assurer la sécurité, mais «aux autorités locales».

Alors que le camp devrait être fermé en juin 2013, selon le HCR, l’organisation internationale est en train de réfléchir à créer une entrée principale et rehausser les dunes autour pour contrôler un peu plus l’accès.

source : http://www.slateafrique.com/87325/tunisie-refugies-camps-libye-choucha

Détresse au camp de Choucha: Les refugiés se sentent trahis
(Le Temps (Tn) 15/05/2012)

298 réfugiés dont 28 ivoiriens, se sont manifestés hier matin, au camp de Choucha pour lancer un appel à la communauté internationale et surtout au Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) afin de réexaminer leurs dossiers de demande d’asile et surtout d’avoir la protection l’ONU.

Cette action a été menée par plusieurs réfugiés de différentes nationalités à savoir : Ivoiriens, Tchadiens, Libériens, Sierra Léonais, Soudanais de Darfour, Nigériens et d’autres communautés minoritaires qui ont vu leurs demandes rejetées.

Les demandes de « la plupart des Ivoiriens et aussi des Africains de l’Ouest ont été rejetées sans qu’une étude adéquate de leur cas ait été faite », d’après Frédéric Tiade, porte-parole de la communauté ivoirienne du camp de Choucha. Mais « la plupart de ces cas rejetés concernent des personnes qui fuient des problèmes et des conflits politiques et religieux », tenait à préciser le porte-parole.
Plus d’un an s’est écoulé, alors que le camp de Choucha continue d’accueillir des réfugiés ayant fui la guerre en Libye. Ces derniers qui se comptent en centaines, attendent toujours et avec impatience de bénéficier d’un placement dans l’un des pays Européens ou en Amérique du Nord. Mais vainement. Et si quelques uns ont pu -entre temps- obtenir ce statut, d’autres à l’instar des Ivoiriens, voient leurs demandes rejetées par le HCR. Ils se sentent même, trahis. « On était en 2011 quand le bureau du HCR nous disait d’attendre dans l’intention de nous aider », signale Frédéric tout en ajoutant dans un communiqué, que « des jours et des mois passèrent quand le bureau nous affirme ceci : votre pays est tranquille, il est économiquement stable », laisse entendre le communiqué. A cet effet, le porte-parole des réfugiés considère que les conditions et les critères d’acquisition du statut de refugié que l’HCR a même communiqués ne contenaient pas le volet économique, « du coup, nous nous sommes sentis trahis », toujours d’après lui.

Harcèlement

Il précise par ailleurs, qu’ils sont « constamment harcelés par certains agents de l’UNHCR », qui nous « disent de retourner en Libye si possible ». Le porte- parole des refugiés critique les conditions de vie dans le camp.

« Les conditions de vie dans le désert de Choucha sont très pénibles pour nous… Les conditions météorologiques, climatiques y sont horribles », proteste Frédéric qui compare la vie dans le camp à « un enfer ». Le réfugié ajoute que : « la distribution des kits d’hygiène se fait encore plus rare qu’auparavant et que la dernière distribution date de quatre mois».

Toujours dans le même cadre, le réfugié n’hésite pas à critiquer les procédures adoptées par le HCR pour traiter leurs dossiers. Il considère que les interviews déterminant l’acquisition du statut de réfugié n’ont pas été du tout bien traitées.

« La plupart des demandes des Ivoiriens et aussi des Africains de l’Ouest ont été rejetées sans qu’une étude adéquate de leur cas ait été faite », réitère la même source, tout rappelant les propositions présentées par le UNHCR après avoir rejeté définitivement leurs demandes.

En fait, le Haut Commissariat des Réfugiés recommande aux demandeurs d’asile soit d’aller en Libye de leur propre gré, soit de rester en Tunisie, ou de retourner dans leur pays d’origine par un vol de l’OIM.

Face à cette situation, les réfugiés ne savent pas quoi faire, ni où aller. « Nous sommes en train de voir dans tous les sens et de solliciter les ONG pour qu’elles nous viennent en aide », signale Frédéric tout en manifestant sa crainte d’être rapatrié obligatoirement vers son pays d’origine.

source http://www.africatime.com/tunisie/nouvelle.asp?no_nouvelle=670773&no_categorie=