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Contre les frontières et leurs prisons

[Italie] Rénovations dans les CIE

4 juillet 2014. 2013 a été une année caractérisée par de nombreuses révoltes et protestations à l’intérieur des CIE de toute l’Italie qui ont menacé et impacté la machine à expulser. Faisons une brève chronologie : en mars et novembre ont été fermés, formellement par le ministère de l’intérieur, les centres de Bologne et de Modène, et en août c’est au tour de celui de Crotone ; tandis qu’à la fin de l’année le feu mis par les retenus a fait fermer les portes des CIE de Milan et de Gradisca di Isonzo. Sans compter les nombreuses chambres et bâtiments détruits, totalement ou en partie, dans les quelques centres, cinq, qui fonctionnent toujours.

Les politiciens de tout bord, pour satisfaire l’opinion publique, ont fait de nombreuses déclarations lors desquelles ils soutenaient l’illégitimité des CIE et dénonçaient les abus qui se perpétuent en leur sein. C’était tous en cœur qu’ils appelaient à la fermeture définitive des centres.

Comme nous avions déjà eu l’occasion de l’analyser, une crise du dispositif répressif est suivit d’une restructuration, il en est donc ainsi.

Les centres ne vont pas fermer, ils vont rouvrir et ce sera pire qu’avant selon toute vraisemblance. D’une part, nous avons les nouvelles qui nous arrivent de ceux encore ouvert, où, après une période où il semblait qu’il n’y avait pas de sous ou de volonté de restructurer les parties détruites par les incendies, maintenant les travaux ont commencé. À Turin par exemple, après des mois passés avec seulement deux ou trois parties encore ouvertes sur les six, des travaux de rénovation ont commencé pour restaurer entièrement le centre. D’autre part, les CIE qui ont été fermés ont déjà presque tous été reconstruits. Bologne il y a déjà quelques mois, Milan et Gradisca plus récemment. Avec des nouveautés inquiétantes.

À Milan, le centre sera géré par une société française, Gespa, assistée de la coopérative sicilienne Acuarinto. Bien que la coopérative s’occupera de la gestion des retenus, la Gespa, forte de son expérience en France (la société gère certaines sections des prisons françaises), aura la tâche d’assurer la sécurité à l’intérieur du centre. Cela signifie en termes pratiques que se formera une escouade de para-geôliers, comme nous le verrons dans les prochains mois et comme le verrons surtout les « hôtes » de cette structure, pour le moment fermée et vide, mais, avec l’achèvement des travaux, sans doute en phase de réouverture.

Il y a quelques jours un quotidien local a donné la nouvelle que des travaux de rénovation ont également commencé au CIE de Gradisca di Isonzo. Malgré les paroles prononcées il y a quelques mois par Alfano (ministre de l’intérieur), le centre pourrait rouvrir ses portes d’ici l’année prochaine. Connecting People, qui gérait le centre avant sa fermeture et qui gère toujours celui de Bari, pourrait bien reprendre le contrôle de la structure et le revenu qui en découle. Même si quelques voix donnent comme probables aussi l’arrivée de Gepsa.

Maintenant que le ministre de l’intérieur a déclaré que la fermeture des centres était impensable, il pense à la façon dont il pourrait en changer la gestion pour éviter les révoltes et les évasions, suivant les indications données dans un rapport fait il y a quelques temps qui préconise un entrepreneur unique pour gérer les centres de tout le pays. On se demande qui, de la Croix-rouge qui gère les centres de Turin et Trapani et gérait celui de Milan, de la coopérative Auxilium qui gère ceux de Rome et de Caltanissetta et du consortium Connecting People aura l’occasion de remporter cette offre millionnaire.

Traduit approximativement de Macerie

[Gradisca] « Nous avons rompu l’acier pour voir le ciel »

12 mai 2014. Après 9 mois de coma artificiel, un des deux retenu qui était tombé du toit du CIE de Gradisca le 28 août dernier est mort ce 30 avril. Il s’appelait Mejid, il avait 35 ans et arrivait du Maroc. Entre-temps, le CIE de Gradisca a fermé ses portes depuis novembre, après l’énième vague de révolte et d’incendie. Macerie a interviewé au téléphone un compagnon de rétention et de lutte de Mejid, pour se souvenir de lui et de tous les autres, de leurs révoltes contre les brimades et les coups de la police, pour la liberté. Et pour se rappeler que les responsables du consortium  Connfuocoaicieecting People (qui gérait le CIE de Gradisca, ndlt) sont toujours là, un peu fatigués, mais toujours sur la bonne voie dans la gestion des affaires de l’emprisonnement et des expulsions.

Pour écouter l’interview (en italien) : ici.

Des CIE et des prisons, qu’il n’en reste que des ruines !

Traduit depuis Macerie

 

[Italie] Milan rouvre, GEPSA gagne l’appel d’offre.

15 avril 2014. Après trois mois et demi de restructuration, suite aux incendies et révoltes de novembre dernier, le CIE de milan devrait rouvrir. Le préfet a en effet accepté la proposition de GEPSA, entreprise française filiale de GDF-Suez pour gérer la structure, les cellules et la cour et l’association culturelle d’Agrigento Acuarinto pour « gérer » les détenus. Ces deux gestionnaires recevront 40€ par jour et par détenus, sachant que 140 places seront disponible en théorie cet été. GEPSA est connue en France pour sa gestion des prisons, et cela fait des années qu’elle essaie, avec plus ou moins de réussite, de rentrer dans le bizness de « l’accueil des étrangers » en Italie. GEPSA désire en effet gèrer le CARA de Castelnuovo di Porto (à Rome) ainsi que le CIE de Gradisca où ils reprendraient leurs fonctions après une année de gestion par Connecting People.

[Trapani] Grande évasion et nouvelles arrivées – 30 novembre 2013

Nouvelle grande évasion à Trapani Milo, rebaptisé depuis longtemps le CIE des évasions : de ce que racontent certains retenus il semble qu’ils aient  été beaucoup à essayer dans la nuit de vendredi à samedi, au final une cinquantaine d’entre eux se sont fait la belle. Comme souvent les policiers et les militaires de garde ont été pris de cours et se sont lancés à la recherche des évadés tardivement, ne parvenant à capturer que peu de personnes. Tous les autres, beaucoup de ceux transférés après la révolte de Gradisca d’il y a quelques semaines,  ont finalement réussi à reconquérir la liberté. Malheureusement, vu que la machine à expulser n’est pas encore entièrement détruite, les places laissées vides par les évadés ont été immédiatement comblées.

Hier toujours, dans la nuit sur les côtes Trapanaise ont débarqué 80 sans papiers qui on été transférés immédiatement au Centre de Trapani Milo. Les nouveaux arrivés ne vont pas bien et il semble que parmi eux des mineurs, quasi enfants soient présents. La presse locale et nationale ne relaie aucune nouvelle de l’évasion et préfère en revanche laisser un peu d’espace à la nouvelle des débarqués « sauvés » par les garde côtes.

 macerie @ Novembre 30, 2013

[Italie] Effondrements – 20 novembre 2013

Il y a deux semaines a été détruit le centre de Gradisca. C’est le septième à fermer en Italie. Cela peut sembler évident mais il est préférable de le préciser avant que quelques politiciens plus ou moins sinistres*  ne pensent à s’attribuer le mérite de ce qu’ils n’ont pas fait : ces centres ont été  formellement  fermés parce qu’un fonctionnaire ministériel en a ordonné l’évacuation, mais factuellement ils ont été détruits par le feu des révoltes des retenus. Sept centres sur treize sont fermés, et on ne peut pas dire que ceux qui restent se portent à merveille. Considérant la vitesse à laquelle ils tombent en morceaux, on pourrait affirmer que la machine à expulser est proche de l’écroulement  En voulant être sincères, si l’on doit parler d’écroulement, il y aurait besoin de dire quelque chose aussi de l’écroulement qui semble avoir touché les divers mouvements qui, ces dernières années, ont soutenu les luttes des retenus. Alors que l’on est dans un des moments les plus forts et les plus incisifs en terme de lutte à l’intérieur, à l’extérieur rien ne bouge. Il serait important de tenter quelques raisonnement propositifs, mais nous laissons ces pensées temporairement de côté. *( jeu de mot avec sinistra (gôche), NdT)

La machine à expulser est clairement en crise, et il n’y a pas besoin d’être spécialiste en philosophie politique pour comprendre que derrière chaque soit-disante crise se cache la possibilité d’une restructuration. Il pourrait sembler qu’au ministère de l’intérieur on se tourne les pouces mais il est quasiment certain qu’ils pensent et préparent quelque chose. Les nouvelles officielles à ce propos sont peu nombreuses, mais nous savons par exemple que les centres de Modène et de Bologne pourraient rouvrir l’année prochaine. En plus, il y a toujours en jeu la construction de deux nouveaux centre à Santa Maria Capua Vetere (Casert) et à Palazzo San Gervasio (Potenza). Ouverts en toute hâte il y a deux ans et demi durant le plan « urgence afrique du nord » (suite aux révolutions arabes, NdT) et restés en fonction seulement quelques mois, ils devaient rouvrir avant la fin de l’année, mais depuis que le gouvernement a lancé les appels d’offre et la collecte de fonds pour la restructuration on n’en a plus entendu parler.

Comme chaque restructuration qui se respecte, celle des CIE n’est pas seulement une question de contrats pour savoir qui construira les murs, les grillages et les barreaux. Chaque dispositif répressif a aussi besoin d’idées et de théories sur lesquelles se baser et se renouveler et sur ce front les choses sont en train de bouger. En mars 2013 a été publiée une proposition de réforme des CIE écrite par Connecting People et la Fondation Xenagos. Fatigués de recevoir de continuelles «  attaques sur plusieurs fronts, les qualifiant notamment de tortionnaires redoutables » Maurino et cie ont mis noir sur blanc leurs idées pour une « réforme copernicienne » de la machine à expulser. Parmi les propositions les plus inquiétantes il y a celle d’obliger les retenus à travailler, une nouvelle qui transformerait les CIE en réels camps de travail, au profit de ceux qui les gèrent. De son côté, après une campagne désormais décennale, la croix rouge est obligée d’abandonner pour l’instant les jeux de mots autour de sa prétendue impartialité et à finalement découvrir la différence entre les concepts d’ « accueil » et d’ « expulsion ». Il y a six mois a aussi été publié un document programmatique sur les CIE, un long travail d’analyse sur la condition des centres rédigé par une commission de bureaucrates du ministère de l’intérieur. Obsédés par la rationalisation de la machine à expulser, jugée coûteuse et inefficace mais surtout mise à rude épreuve par les « épisodes, actuels ou potentiels d’insurrection ou de dégradations graves », les fonctionnaires ont mis au point des propositions. Pour garder sous contrôle une situation leur ayant déjà échappé des mains trop souvent, le ministère étudie « la création d’un corps de professionnels, à qui confier la gestion des activités impliquant un contact direct avec les hôtes du centre ». Des équipes de para-matons privés. Pour le comprendre il suffit de lire comment le ministère s’imagine ce nouveau corps  : « opérateurs spécialisés, préparés à l’aide de formations spécifiques et d’entraînements, organisés avec la contribution de l’administration pénitentiaire, qui seront aux côtés des forces de l’ordre ». Dans le projet des bureaucrates l’intégration de la machine à expulser à l’intérieur du circuit carcéral ne se limiterait pas seulement à l’entraînement de gardiens, mais inclurait également « la création d’une structure mixte (à l’intérieur des prisons), composée par du personnel de l’administration pénitentiaire et de la police d’état » afin d’identifier les détenus sans-papiers. Un projet qui est aussi soutenu, depuis quelques temps, par des partisans de la fermeture des centres. L’une d’entre eux est Serena Pellegrino, écologiste et libérale de gauche qui, dans la foulé des révoltes de Gradisca a demandé des modifications législatives qui permettront « l’identification des très nombreux détenus sans-papiers, durant la période d’incarcération ».

En attendant de savoir ce qui adviendra dans les prochaines semaines à l’intérieur, hors et autour des CIE voyons où en sont les six restés ouverts.

Milan. Restructuré il y a moins de trois mois, après une série de travaux qui auraient dû améliorer les niveaux de sécurité et empêcher les révoltes, le centre est de nouveau pratiquement détruit et il n’y reste que vingt-huit places. Après la dernière révolte et en vue du renouvellement de l’appel d’offre de gestion, la croix rouge a décidé de pleurer misère et de hausser le ton : évidemment la gestion d’un CIE est devenue une affaire toujours moins intéressante en terme d’image et de rentabilité.

Turin. Le centre est à moitié détruit : une section entière est fermée, les cinq autres sont toutes plus ou moins sérieusement endommagées et il ne reste donc dans la structure que 98 places. Les dégradations les plus conséquentes datent de juillet dernier, lorsque a été détruite et incendiée la section blanche, fraîchement pensée et restructurée comme section anti-émeutes. Comme à Milan, à Turin aussi la gestion est depuis longtemps confiée à la croix rouge et l’appel d’offre tombera au printemps prochain.

Rome. On n’a plus de nouvelles du centre de Rome depuis la grande révolte de février dernier, quand le feu détruisit une grande partie du centre et des grilles d’enceinte les rendant pratiquement inutilisables pour plusieurs jours. L’absence de nouvelles est un signe évident que la gestion par la coopérative Auxillium porte ses fruits en réduisant au silence à grand renfort de sédatif les protestations des retenus. Une gestion plébiscitée un peu partout : parmi ceux qui estiment la coopérative nous trouvons beaucoup de fonctionnaires du ministère, même ceux qui sont connus comme fabulateurs de gauche.

Bari. Les dernières protestations significatives remontent à deux ans, mais l’œuvre de destruction du centre par les retenus a sûrement continué sans relâche bien que l’on n’ait pas de nouvelles. Le CIE est à moitié détruit et un groupe d’avocats a lancé une class action pour contraindre le préfet à acter qu’il ne reste que 112 places dans le centre. Depuis six mois la gestion du centre est confiée à Connecting People, les collègues de ceux qui géraient jusqu’à il y a deux semaines, le centre de Gradisca.

Caltanissetta. Après un été bouillant de révoltes et d’évasions, un des trois pavillons du centre a été définitivement fermé en septembre. Il n’y reste donc plus que 70 places. Depuis octobre la gestion a été confiée à la coopérative Auxillium, la même qui gère le centre de Rome. Malgré les compliments récents de l’évêque monseigneur Russotto et d’un groupe de parlementaires grillini (adeptes de Bepe Grillo, mouvement 5 étoiles, NdT) il est suffisamment évident que les nouveaux gestionnaires n’ont pas la situation sous contrôle : il y a eu au moins trois tentatives d’évasion accompagnées d’affrontements avec la police le mois dernier.

Trapani Milo. Immergé dans la campagne trapannaise, éloigné des centres résidentiels, il est renommé pour être le CIE des évasions. Même si la police a tout essayé, allant même jusqu’à couper les lacets de chaussures aux retenus, la moitié des retenus qui passent par là arrivent à s’en échapper. Dans la tentative de mettre fin à cette situation le ministère a récemment débloqué plus de 600 000 euros pour sécuriser le centre et le préfet a révoqué la gestion à la coopérative Oasi, lançant un nouvel appel d’offre. Pourtant, en masse comme en petit groupe, on continue toujours à s’enfuir du centre de Trapani.

 source : macerie

 

[Gradisca] Le centre va fermer, sûrement – 5 & 6 novembre 2013

Depuis ce matin l’évacuation du CIE de Gradisca est en cours, complètement détruit par les révoltes des retenus de ces derniers jours. Durant le weekend déjà, ils avaient commencé les premières manœuvres : quelques retenus ont été libérés avec une obligation de quitter le territoire, d’autres ont été transférés dans d’autres centres ( Milan et Turin), et enfin certains ont été expulsés. Ce matin une trentaine de retenus ont été envoyés vers la Sicile, destination Trapani Milo et dans un premier temps il semblait que ce transfert de masse signifiait la fermeture du Centre. En fait, quelques heures plus tard la préfecture a fait savoir aux journalistes que le Centre ne fermera pas parce que quelques en-cravatés auraient estimé que 18 places sont encore disponibles, dans des conditions qu’on ignore. Reste le fait que d’après nos informations, il ne reste que 8 prisonniers dans le centre.

6 novembre

12 heures – Le centre de Gradisca est completement vide, mais pas encore officiellement fermé. Deux des huit retenus ont été transférés dans un CARA (centre de demandeurs d’asile, ndt) sicilien, les autres auraient été déportés, plus ou moins volontairement, en Algérie. Toujours à propos des transferts et des expulsions, nous signalons une vidéo apparue hier sur internet, qui reprend les dernières scènes du transfert Gradisca-Trapani d’une trentaine de retenus. Un détail, qui n’échappe pas à un regard attentif, est le nom de la compagnie aérienne qui s’occupe du voyage : encore une fois c’est la Mistral Air, société du groupe de la Poste Italiane.

21 heures – Transférés en masse à Trapani, les retenus de Gradisca démontrent que la volonté de lutter n’est pas perdue.  Dans l’attente de plus d’informations, nous reproduisons un article d’un site d’information local qui raconte quelques protestations advenues dans le Centre sicilien il y a quelques heures.

 » CIE de Milo, manifestation des migrants

Même pas le temps d’arriver et de s’installer dans les locaux du CIE de Milo. Dans l’après midi aujourd’hui à éclaté une énième révolte, dont les protagonistes sont en grande partie une trentaine de migrants à peine arrivés de Gradisca. La manifestations vivace, avec des gens montés sur les toits hurlant leur mal-être, s’est arrêté lors de l’arrivée de la police. Une chance, considérant que d’un moment à l’autre se serait déroulé un affrontement entre migrants et agents. Mais l’urgence continue et d’ultérieurs petits feux comme celui d’aujourd’hui rend le problème des « migrants » toujours plus pressant »

 

macerie @ Novembre 5, 2013

[Italie] Haute tension à Turin et Gradisca – 3 novembre 2013

Dans la nuit d’hier un jeune égyptien retenu dans le CIE de Turin a été emmené à l’infirmerie, probablement pour avoir été soigné à base de calmants. Durant le transfert commence une embrouille avec les flics de garde, qui commencent à le taper. Isolé des autres, il demande de l’aide en criant, tandis qu’un petit groupe de gendarmes se défoule sur lui à plusieurs reprises. La réponse des autres retenus du centre ne se fait pas attendre et dans au moins trois sections commencent de fortes protestations : cris, percussions sur clôtures et quelques petits incendies se propagent à l’extérieur des chambres. Pour garder sous contrôle la situation, l’inspecteur en chef calme ses hommes et fait sortir rapidement le jeune égyptien du centre. Tandis qu’arrive la confirmation que le retenu a été arrêté avec l’accusation classique de violence sur agent de la force publique, un groupe d’une quinzaine de solidaires se retrouve devant les murs du centre pour un bref salut bruyant. Dix minutes de bordel au son de pétards, pierres contre les lampadaires et feux d’artifice, pour faire comprendre aux retenus qu’ils ne sont pas seuls. Dans le même temps à Gradisca aussi la tension reste forte. Dans le centre, quasi complètement détruit après les deux jours de révolte relatés précédemment , la police a énormément de difficultés à gérer la situation. Dans l’attente des ordres du ministère et de renforts de CRS de Padoue, les fonctionnaires de police s’arrangent comme ils peuvent. Pour alléger la pression,  les premières libérations et les premiers transferts ont commencé, mais ceux qui restent à Gradisca doivent composer avec la poigne de fer de la police. Dans la nuit d’hier militaires, gendarmes et policier s sont entrés dans les salles où sont amassés les retenus. Non pour réprimer une protestation mais pour intimider : ils voulaient les noms des responsables des derniers incendies. Comme personne n’a collaboré, ils ont fait tâter un peu de leurs coups de pieds.

Pour un récit plus détaillé, écoute l’interview  de retenus de Gradisca en italien sur radio blackout.

Traduit de macerie

[Italie] Gradisca brûle encore – 1er novembre 2013

Les protestations des retenus du CIE de Gradisca ne s’arrêtent pas, et dans la soirée du 1er novembre de nouvelles protestations sont survenues. Pour le moment la situation est confuse, mais il semble que les retenus aient décidé de compléter l’œuvre de destruction commencée il y a deux jours. Dans l’attente de nouvelles, nous pouvons vous raconter quelques détails de la révolte d’il y a deux jours, grâce au récit que quelques retenus ont fait à l’un des bandits Turinois en vadrouille vers Gradisca :

Télecharge ici le témoignage audio en italien

Dans la nuit du 30 octobre trois retenus essaient de s’évader du CIE de Gradisca mais ils sont malheureusement bloqués par les flics présents à l’intérieur du centre, qui montrant leur courage habituel, commencent à les taper. Dès que les autres retenus se rendent compte de ce qu’il se passe ils commencent à crier et à jeter des objets contre les grilles. Peu de temps après les cris se transforment en feu et l’incendie se propage à cinq des huit chambres du centre. Vitres cassées, matelas et draps en flammes et surtout la rage des retenus empêchent les flics d’intervenir dans les sections. La colère s’apaise seulement vers cinq heures et demi, après l’intervention d’un canon à eau, les retenus sont parqués dans les couloirs et laissés là, trempés et au froid jusqu’à 10 heures du matin.

Mis à jour 22h30  – Les premières dépêches de presse à propos de la révolte de ce soir arrivent. Il semble qu’au CIE de Gradisca il ne reste même pas une chambre utilisable et il n’est pas clair où les 70 retenus dormiront cette nuit.

Mis à jour 2 novembre 12heures  –  Les voix qui sortent de Gradisca confirment que l’œuvre de destruction du centre est quasiment terminée et toutes les sections sont pour le moment inutilisables.  Les retenus, dont certains de ceux qui sont en grève de la faim depuis quelques jours, ont été divisés en deux groupes. Certains sont enfermés dans les cellules d’isolement qui se trouvent à l’entrée du centre. Les autres ont été amassés dans deux petites pièces complètement vides, sans meubles ni matelas.

traduit de macerie @ Novembre 1, 2013

[Gradisca] Nuit enflammée – 31 octobre 2013

Durant la nuit des détenus ont mis le feu à des matelas, brisé des vitres et arraché des grillages pour, d’après les médias, protester contre les conditions de détention. Les pompiers sont intervenus et ont déclaré cinq chambres sur huit inhabitables. A noter également sur place la présence d’une ambulance et d’une équipe médicale mais aucun blessé n’a été signalé.

reformulé de la presse via macerie

[Italie] Encore un effort, l’été au CIE – 22 septembre 2013

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Nous publions ici un article tiré du numéro de septembre du mensuel anarchiste italien Invece, accompagné d’un schéma qui représente la situation des CIE en Italie. Le nombre de places effectivement disponibles dans les centres endommagés par les révoltes -mais encore en fonctionnement- change de jour en jour, et pourrait donc être d’une précision relative. Dans tous les cas sur treize centres, six sont fermés et quasiment tous ceux qui sont restés ouverts sont plus ou moins sévèrement endommagés. Si vous voulez le comparer au schéma original, qui date d’il y a deux ans, vous pouvez le trouver sur le site du Ministère de l’intérieur

Encore un effort, l’été au CIE 

Après les révoltes survenues l’hiver et le printemps derniers – ayant réduit la capacité ou provoqué directement la fermeture de plusieurs Centre d’Identification et d’Expulsion -, la rage des retenus contre ces camps a continué à se propager cet été.

Le 18 juin à Crotone quelques retenus s’affrontent avec les forces de l’ordre avec des barres de fer et des pierres trouvées sur place pour protester contre les conditions de détention. Cinq flics et quatre militaires sont blessés. Dans l’après-midi du 19 juin dans deux blocs du CIE de Modena le mobilier est défoncé et les panneaux de plexiglas cassés, dans la cour intérieure plusieurs matelas sont brûlés. A minuit, lorsque les retenus apprennent qu’il n’y aura pas assez de matelas pour tous, la révolte explose à nouveau : 13 retenus montent sur le toit utilisant comme échelle les trous faits dans les panneaux de plexiglas et commencent à lancer des tuiles, tenant en respect jusqu’à quatre heures du matin les policiers, les gendarmes, les militaires et les agents municipaux accourus à toute hâte. 70000 euros de dommages ont été infligés à la structure, et alors que la révolte était en cours, des inconnus ont profité des rues relativement vides pour dévaliser un magasin à quelques centaines de mètres de là: 40 000 euros de facture. Le syndicat de police Siulp, le préfet et le commissaire se lamentent et demandent bruyamment la fermeture du centre, ils obtiendront satisfaction à la mi-août, quand le CIE se verra vidé et fermé pour restructuration. Quelques jours plus tard, la nuit du dimanche 21 au lundi 22 juillet, dans le CIE de Corso Brunelleschi à Turin, les retenus de la section blanche, la plus neuve, celle justement pensée pour résister aux désordres, donnent vie à une énième révolte. Les mesures anti-révolte (lits vissés au sol et tables en ciment) n’empêchent pas les retenus d’endommager sérieusement le bâtiment. Peu de temps après des feux sont allumés dans les sections jaune, rouge et bleue. Durant l’émeute certains retenus tentent de s’évader: certains seront repris immédiatement dont un blessé, emmené à l’hôpital après une chute, un autre semble, en revanche, avoir réussi à se faire la belle. Il n’y a pas eu d’arrestations. Et jusqu’au mardi matin suivant les retenus des diverses sections ont dormi dans les cours à cause des dommages infligés à la structure.

Dans le centre de Gradisca, le 8 août au soir, les retenus refusent de rentrer dans les chambres et la police décide de les convaincre avec matraques et lacrymogènes : pour ne pas étouffer ils cassent plusieurs panneaux de plexiglas qui entourent la cour de la section. Trois jours plus tard nouvelles révoltes et nouveaux lancers de lacrymogènes : plusieurs retenus montent sur les toits, tentant peut-être de s’échapper mais deux personnes tombent. L’une d’elles se blesse gravement. Cherchant à ramener le calme, le préfet est contraint de céder à certaines demandes : les téléphones qui étaient interdits depuis des mois dans le centre de Gradisca sont restitués et la salle à manger commune, fermée voilà longtemps pour éviter de dangereux rassemblements, est réouverte. Samedi 17, tandis que 200 personnes se rassemblent dehors en solidarité avec les retenus en lutte, ces derniers détruisent de nouveau des panneaux de plexiglas et montent sur les toits y restant jusque tard dans la nuit. La nuit du lundi au mardi 20, pour finir, profitant du mauvais temps et de l’absence de réparation des panneaux de plexiglas, plusieurs retenus profitent de la relève pour escalader le mur d’enceinte. Les militaires de garde, malgré une intervention tardive, ont réussi à arrêter plusieurs fugitifs. Il semble, cependant, que six, au moins, ont réussi à s’évader. Dans la nuit du 10 août , à Crotone, un retenu de 31 ans meurt – de maladie d’après les communiqués successifs de la police et de la Misericordia  (gestionnaire du centre). Une étincelle qui allume l’incendie : les retenus du centre, une cinquantaine en tout, donnent vie à une révolte et  détruisent en quelques heures les murs et la vidéosurveillance puis incendient les chambres et le mobilier. Ainsi, la prison étant ingérable et inutilisable, la préfecture décide de fermer les portes et de transférer les retenus dans d’autres centres.

Comme on le disait plus haut, les retenus des CIE continuent donc, coup sur coup, morceau après morceau, à démanteler la machine à expulser. Des quelques deux milles places d’internement prévues pour les sans-papiers, il en reste aujourd’hui moins de la moitié de disponible. A Rome, les responsables des CIE de tout le pays continuent à tenir des réunions d’urgence pour faire le point sur la situation. Avec leur rage, leur obstination et leur aspiration à la liberté les retenus montrent comment « feux aux prisons » ne saurait être qu’un slogan ou un tag sur les murs. Alors que les CIE connaissent l’un des plus forts moments de conflictualité, l’initiative des ennemis des expulsions n’est pas à la hauteur de ce que la situation demanderait. Tout en renvoyant à d’autres moment une discussion sur le pourquoi de ces dificultés, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de souligner à quel point il est urgent de reprendre les hostilités « dehors » aussi. Saisir l’occasion. Parce que ces parenthèses favorables dans lesquelles l’ennemi est en grande difficulté ne durent généralement pas longtemps. Et aujourd’hui nous, « dehors », nous pouvons et nous devons renvoyer la balle pour faire en sorte que ces camps pour sans papiers n’existent plus.

Traduit de macerie